Biologie quantitative : les micropuces à ADN

Dossier : BiotechnologiesMagazine N°590 Décembre 2003
Par Alexandre Le VERT (99)
Par Andrew MURRAY

Principe

Le principe d’une puce à ADN repose sur la pro­priété qu’a l’ARN mes­sager ou ARNm2 à se lier spé­ci­fique­ment à la séquence com­plé­men­taire d’ADN.

En déter­mi­nant la con­cen­tra­tion en ARNm, on obtient indi­recte­ment la con­cen­tra­tion en protéines.

La pre­mière étape con­siste à fab­ri­quer la microp­uce (fig­ure 1) : chaque puits cor­re­spond à un gène du génome con­sid­éré. L’ADN de ce gène est ampli­fié par une méth­ode d’am­pli­fi­ca­tion très fiable nom­mée PCR3, puis déposé sur la sur­face précédem­ment recou­verte de poly-lysine. Lorsque la goutte con­cen­trée en ADN sèche, l’ADN adhère à la sur­face. Chaque puce peut con­tenir des mil­liers de puits.

Principe de la fabrication d'un puce à ADN

La sec­onde étape con­siste à pré­par­er le génome exprimé des deux cel­lules (A et B) à tester. Cha­cune des cel­lules à com­par­er est cul­tivée séparé­ment, leur mem­brane est cassée et l’ARNm présent est ampli­fié par PCR sous forme d’ADN (fig­ure 2). À cette étape, l’ADN de la pop­u­la­tion de cel­lules A et B est lié à un mar­queur flu­o­res­cent de couleur verte et rouge respectivement.

La troisième étape con­siste à com­par­er les niveaux d’ex­pres­sion de deux pop­u­la­tions de cel­lules (A et B) sur la puce. L’ADN ampli­fié et mar­qué des deux cel­lules est mélangé. Il est ensuite piégé dans les puits par l’ADN qui lui cor­re­spond. Après un rinçage de la sur­face, les résul­tats sont observ­ables (fig­ure 3). Il s’ag­it tou­jours de niveaux d’ex­pres­sion relat­ifs entre les pop­u­la­tions A et B. Les puits mar­qués en rouge cor­re­spon­dront aux gènes sur­ex­primés dans la pop­u­la­tion B par rap­port à A, ceux en verts aux gènes sous-exprimés. Les puits jaunes met­tent quant à eux en évi­dence les gènes dont le niveau d’ex­pres­sion est le même dans les deux populations.

Ain­si, une puce divisée en minus­cules puits sur cha­cun desquels serait col­lée la séquence codant pour chaque pro­téine per­met d’ob­serv­er le pro­fil d’ex­pres­sion de génomes entiers.

Applications

La tech­nique des microp­uces à ADN per­met de com­par­er les pro­fils d’ex­pres­sion de deux pop­u­la­tions de cel­lules. Trois caté­gories d’ap­pli­ca­tions reti­en­nent l’attention.

La com­para­i­son des pro­fils d’ex­pres­sion entre des cel­lules présen­tant des phéno­types4 dif­férents per­met de décou­vrir les bases molécu­laires de ces phéno­types. La com­para­i­son de tis­sus sains et malades per­met d’i­den­ti­fi­er les gènes dérégulés lors d’une mal­adie. Cette stratégie est large­ment util­isée par les lab­o­ra­toires phar­ma­ceu­tiques dans leur quête de nou­veaux médicaments.

La com­para­i­son des pro­fils d’ex­pres­sion au cours du temps est une source impor­tante d’in­for­ma­tion pour com­pren­dre des phénomènes comme la divi­sion cel­lu­laire (Chu et al, Sci­ence 282 699).

Une analyse des pro­fils d’ex­pres­sion et de leurs cor­réla­tions per­met aus­si de décou­vrir de nou­velles inter­ac­tions entre pro­téines. Ain­si, des gènes étant exprimés simul­tané­ment ou con­séc­u­tive­ment dans dif­férents con­textes cel­lu­laires ont une forte prob­a­bil­ité d’être fonc­tion­nelle­ment reliés et peu­vent être régulés par les mêmes élé­ments biologiques (clus­ter­ing de gènes).

Problèmes

Les prob­lèmes inhérents à cette tech­nolo­gie sont de trois ordres :

  • la con­cen­tra­tion d’ARNm n’est pas néces­saire­ment représen­ta­tive de l’ac­tiv­ité de la pro­téine correspondante,
  • la fab­ri­ca­tion d’une puce à ADN est un proces­sus cher et néces­site un matériel tech­nologique­ment avancé, donc très cher,
  • le génome entier de l’or­gan­isme étudié doit être com­plète­ment séquencé et la fonc­tion des gènes suff­isam­ment con­nue (homme, souris, drosophile).

Futur

Pour observ­er directe­ment et à grande échelle la présence de pro­téines et leur activ­ité, les chercheurs en pro­téomique cherchent à dévelop­per des puces à pro­téines ou même des puces à cellule.

Les puces à pro­téines cherchent à déter­min­er directe­ment et non par le biais de l’ARNm la con­cen­tra­tion en pro­téines et leur con­for­ma­tion spa­tiale (qui peut cor­re­spon­dre à leurs degrés d’ac­tiv­ité). Celles-ci exis­tent sous trois formes :

  • les pro­téines sont col­lées sur une sur­face, et seules les pro­téines inter­agis­sant physique­ment avec celles col­lées à la sur­face seront piégées dans le puits,
  • cer­taines pro­téines ont la pro­priété de se lier spé­ci­fique­ment avec des petites molécules en fonc­tion de leur con­for­ma­tion : les petites molécules fixées sur les puits piè­gent la pro­téine dont la con­cen­tra­tion est alors observable,
  • des anti­corps pro­duits pour recon­naître tout ou par­tie des pro­téines de la cel­lule sont fixés sur les puits et piè­gent la pro­téine dont la con­cen­tra­tion est alors observable.


Ain­si, il est théorique­ment pos­si­ble de com­par­er à grande échelle les con­cen­tra­tions de dif­férentes pro­téines, et de sépar­er les formes actives et inac­tives de ces pro­téines. Le prin­ci­pal obsta­cle de cette tech­nolo­gie se situe dans la décou­verte des petites molécules spé­ci­fiques ou dans la pro­duc­tion d’an­ti­corps dirigés con­tre chaque pro­téine de la cellule.

Dans le cas des microp­uces à cel­lule, on intro­duit une microp­uce à ADN dans un milieu con­tenant des cel­lules. Les cel­lules vont se mul­ti­pli­er dans chaque puits et vont “ingér­er” l’ADN con­tenu (trans­fec­tion). Cet ADN va induire la pro­duc­tion de la pro­téine cor­re­spon­dante et on pour­ra observ­er l’ef­fet de celui-ci sur les car­ac­téris­tiques et le devenir de cette cellule.

Une seule expéri­ence a été effec­tuée dans ce domaine (Ziaud­din, J & Saba­ti­ni DM (2001) Nature 411, 107).

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1.
Acide désoxyri­bonu­cléique : molécule de l’hérédité.
2. ARNm : molécule inter­mé­di­aire entre un gène codé par l’ADN et la pro­téine correspondante.
3. PCR ou poly­meri­sa­tion chain reac­tion : méth­ode d’am­pli­fi­ca­tion des molécules d’ADN.
4. Phéno­type : apparence de la cellule.

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