un IRM

Un X dans l’industrie des dispositifs médicaux

Dossier : BiotechnologiesMagazine N°726 Juin/Juillet 2017
Par Guillaume CALMON (92)

Priv­ilé­giant la curiosité et la décou­verte de nou­veaux domaines, ce cama­rade s’est retrou­vé en suiv­ant son inspi­ra­tion à franchir les étapes dans le domaine de l’in­dus­trie des dis­posi­tifs médi­caux. Les matériels évolu­ent à un rythme soutenu et la preuve de l’ef­fi­cac­ité est établie beau­coup plus rapi­de­ment que dans le domaine des médicaments. 

Depuis vingt ans, je suis tombé dans un monde par­al­lèle : les dis­posi­tifs médicaux. 

À la suite d’un stage ingénieur à l’Inria, je n’ai cessé d’apprendre sur les tech­nolo­gies, les busi­ness mod­els et les pra­tiques com­mer­ciales de cet univers passionnant. 

REPÈRES

Un dispositif médical est un appareil, équipement, ou encore un logiciel destiné à être utilisé chez l’homme à des fins de diagnostic, de prévention, de contrôle, de traitement, d’atténuation d’une maladie ou d’une blessure ( définition 93/42/CEE).
En France, le secteur compte environ 1 100 entreprises, dont 95 % de PME, représentant 65 000 emplois directs. Le chiffre d’affaires global toutes activités confondues était en 2011 en France de 21 milliards d’euros (source : Pôle des technologies médicales).

DÉBUT DE CARRIÈRE : « VALIDER SON DIPLÔME D’INGÉNIEUR »

J’ai suivi, pen­dant ma for­ma­tion poly­tech­ni­ci­enne, une tra­jec­toire clas­sique : une expéri­ence d’infanterie brève mais intense, quelques binets, une pas­sion éphémère pour l’environnement et des amis que je con­serve aujourd’hui.

Mal­gré un pen­chant pour les télé­coms, j’ai été con­va­in­cu par un prof de robo­t­ique charis­ma­tique de rejoin­dre les Mines de Paris en tant qu’ingénieur civ­il. Un des sujets était la robo­t­ique médicale. 

“ J’ai rencontré des chercheurs passionnés ”

Au sein d’un lab­o­ra­toire de l’Inria, j’ai ren­con­tré des chercheurs pas­sion­nés et décou­vert le monde de l’imagerie médi­cale. Par la suite, j’ai émi­gré dans un labo anglais. 

Un rigoureux super­vi­sor m’a aidé à dévelop­per mes capac­ités d’analyse et de compte ren­du sci­en­tifique. Récom­pen­sé par la pub­li­ca­tion d’articles sci­en­tifiques, je ne me suis pas sen­ti accom­pli dans la recherche universitaire. 

Cepen­dant, cette expéri­ence m’a servi dans ma car­rière durant laque­lle j’ai eu de nom­breuses inter­ac­tions avec le monde académique. 

Mon pre­mier job chez un fab­ri­cant de dis­posi­tifs médi­caux m’a été offert par GE Health­care. À la fin de mes études, lors d’une de ces con­férences sur notre futur, le CEO d’une société tech­nologique nous avait van­té les mérites de « valid­er notre diplôme d’ingénieur » par une expéri­ence en R & D. Ain­si, respon­s­able d’une petite équipe soft­ware, j’ai appris les rudi­ments du développe­ment de pro­duits médicaux. 

Les logi­ciels d’imagerie médi­cale que j’ai dévelop­pés selon le fameux « cycle en V » m’ont per­mis d’acquérir des notions cen­trales dans toute indus­trie régulée. 

DÉVELOPPER ET EXPLIQUER LA TECHNOLOGIE

Au début de ma car­rière, en binôme avec un ancien de l’ENS, nous avons dévelop­pé des con­cepts tech­nologique­ment ardus de traite­ment d’image. J’appréciais tout autant présen­ter en ter­mes sim­ples ces con­cepts que les dévelop­per. Il y a une cer­taine élé­gance à pou­voir faire pass­er un mes­sage com­plexe simplement. 

Ce n’est pas la fibre que nous dévelop­pons le plus à l’X ! Une ren­con­tre et une oppor­tu­nité me per­mirent de pren­dre un rôle de ter­rain auprès des hôpi­taux et de m’y con­sacr­er. J’ai pu abor­der dans ce rôle la ques­tion de la com­mer­cial­i­sa­tion d’équipements lourds. 

Pour mon rôle suiv­ant, il me sem­bla logique d’évoluer vers une équipe mar­ket­ing : cela me per­mit de relever le chal­lenge de la mise au point de sup­ports com­mer­ci­aux qui pour con­va­in­cre com­bi­nent une présen­ta­tion de la tech­nolo­gie avec des preuves clin­iques d’efficacité.

ÉVOLUER VERS LE MARKETING

S’il est peu courant, quand on est X, de rejoin­dre le domaine des dis­posi­tifs médi­caux, le choix de se diriger ensuite vers le mar­ket­ing peut sur­pren­dre tout autant. Dif­férents rôles dans dif­férentes sociétés m’ont per­mis d’en explor­er les facettes. 

“ Une innovation ne réussit que lorsqu’elle rencontre un public disposé à investir ”

Tout d’abord, au tra­vers du mar­ket­ing, j’ai pu con­tribuer à dif­férentes tech­nolo­gies : imagerie médi­cale, dis­posi­tifs implanta­bles act­ifs (pace­mak­ers), dis­posi­tifs de thérapie intraveineuse et ges­tion médica­menteuse (mon poste actuel). 

En ter­mes de domaines de soins, j’ai pu ren­con­tr­er doc­teurs et per­son­nels soignants en chirurgie, radi­olo­gie, car­di­olo­gie, soins inten­sifs, anesthésie-réanimation. 

J’ai pu égale­ment explor­er le mar­ket­ing « clin­ique ». Il s’agit de faire la preuve par des don­nées clin­iques ou sci­en­tifiques de l’efficacité d’un appareil et/ou d’une inno­va­tion. Le mar­ke­teur doit ren­dre le mes­sage digeste afin que les équipes com­mer­ciales l’adoptent.

J’ai égale­ment encadré des pro­grammes pour dévelop­per ce qu’on appelle les Key Opin­ion Lead­ers (KOL). Ce sujet touche aux con­flits d’intérêts. En début de car­rière, je n’avais pas la notion, tout ingénieur que j’étais, d’ententes com­mer­ciales au-delà de dis­cus­sions tech­niques ou clin­iques avec les KOL. 


L’IRM (imagerie par réso­nance mag­né­tique) peut faire penser à un instru­ment de musique.

Cepen­dant, tout choix de développe­ment est dic­té par une logique com­mer­ciale long terme (est-ce que ce choix entre dans la stratégie de l’entreprise ?) ou court terme (est-ce que ce choix peut influ­encer favor­able­ment les affaires dont nous avons la vis­i­bil­ité aujourd’hui ?). La lég­is­la­tion a énor­mé­ment évolué dans la dernière décen­nie pour met­tre un frein à des pra­tiques qui pour­raient faire penser à de la corruption. 

HARMONIE DE L’IRM

L’IRM (imagerie par résonance magnétique) est un équipement remarquable qui peut faire penser à un instrument de musique. Il faut l’accorder, régler les harmoniques, éliminer les bruits parasites et former la personne qui va en jouer, le manipulateur de radiologie.

UNE VISION DE SYNTHÈSE

Mon expéri­ence mar­ket­ing cou­vre la majorité de ma car­rière dans le domaine des dis­posi­tifs médi­caux. Elle me per­met d’observer la con­ver­gence des dif­férentes spé­cial­ités tech­niques : exper­tise clin­ique, mod­éli­sa­tion finan­cière, R & D, com­mer­cial­i­sa­tion, accès au marché (rem­bourse­ment), preuve sci­en­tifique d’efficacité ; mais égale­ment humaines, encadrement d’équipes en direct ou par influ­ence, y com­pris d’équipes commerciales. 

Cer­taines tech­nolo­gies médi­cales peu­vent être mis­es sur le marché avant même d’être sci­en­tifique­ment établies telle­ment leur apport sem­ble évi­dent. À l’attention des entre­pre­neurs en herbe, il faut toute­fois garder en tête que toute inno­va­tion ne réus­sit que lorsqu’elle ren­con­tre un pub­lic dis­posé à inve­stir pour lui faire une place. 

UN MONDE EN ÉVOLUTION RAPIDE

Les technologies du monde du dispositif médical évoluent à un rythme soutenu. La preuve de l’efficacité par exemple, si difficile à établir dans les nouveaux médicaments, est parfois obtenue comparativement en très peu de temps.

Au risque de pass­er pour un « vieux chouf », ma réflex­ion per­son­nelle est la suiv­ante. La vie pro­fes­sion­nelle est l’intersection de choix et d’opportunités. Sou­vent, celles-ci sont provo­quées par ceux-là. Il est bon de se fix­er un objec­tif et de met­tre en œuvre les com­pé­tences, les ren­con­tres et les étapes pour y arriver. 

Entre le point de départ et l’objectif fixé, mon choix a été de priv­ilégi­er ma curiosité et la décou­verte de nou­veaux domaines. 

La curiosité est une qual­ité essen­tielle et il en est une autre que nous, poly­tech­ni­ciens, nous devons de met­tre en œuvre : savoir sor­tir de notre zone de con­fort et con­tin­uer d’apprendre tout au long de notre carrière.

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