De la R&D à l’innovation : perspectives d’avenir pour la recherche

Dossier : Fiscalité : les nouvelles formulesMagazine N°687 Septembre 2013
Par Estelle JOAN
Par Valérie MARILLAT

Inno­va­tion et recherche & déve­lop­pe­ment, ces deux notions sou­vent assi­mi­lées doivent pour­tant être dis­tin­guées, notam­ment du point de vue de la fiscalité. 

REPÈRES
Le Cré­dit d’impôt recherche en France en quelques chiffres1 : entre 2008 et 2010, le nombre de décla­rants a aug­men­té de 80 % pour atteindre près de 18 000, géné­rant un cré­dit d’impôt de 5,05 mil­liards d’euros.

Des dispositifs pour l’innovation

Dès 1983, les pou­voirs publics fran­çais ont sou­hai­té inci­ter les entre­prises à inno­ver en les fai­sant béné­fi­cier d’un levier fis­cal : le Cré­dit d’impôt recherche. Ce dis­po­si­tif est des­ti­né à récom­pen­ser les entre­prises ayant des pro­jets de R&D répon­dant à des cri­tères légaux stricts. Au fil des années, cette volon­té de pro­mou­voir la R&D s’est accen­tuée et élar­gie au plan européen.

Un effort européen

Dans le pro­lon­ge­ment du Conseil euro­péen de Lis­bonne de mars 2000, qui s’était fixé pour objec­tif de faire de l’Union euro­péenne « l’économie de la connais­sance la plus dyna­mique et la plus com­pé­ti­tive du monde », les conclu­sions du Conseil euro­péen de Bar­ce­lone précisent :

Une stra­té­gie encore hésitante
À l’heure actuelle, la stra­té­gie en faveur de la R&D n’est pas encore pro­bante : de 2000 à 2005, la dépense publique est pas­sée de 1,84% à 1,87% du PIB pour l’Union euro­péenne à 15 et de 1,76% à 1,77% du PIB pour l’Union euro­péenne à 25.

« Si l’on veut réduire l’écart entre l’Union euro­péenne et ses prin­ci­paux concur­rents, l’effort glo­bal en matière de R&D et d’innovation dans l’Union euro­péenne doit être for­te­ment sti­mu­lé, et l’accent doit être mis plus par­ti­cu­liè­re­ment sur les tech­no­lo­gies d’avant-garde.
En consé­quence, le Conseil euro­péen consi­dère que l’ensemble des dépenses en matière de R&D et d’innovation dans l’Union doit aug­men­ter, pour appro­cher 3% du PIB d’ici 2010. Les deux tiers de ce nou­vel inves­tis­se­ment devraient pro­ve­nir du sec­teur privé. »

Une spécificité française en évolution

La France, de son côté, mise tou­jours sur son Cré­dit d’impôt recherche, dis­po­si­tif fis­cal phare envié par de nom­breux pays dans le monde, copié par cer­tains (Bré­sil, Espagne), et plé­bis­ci­té par les entre­prises fran­çaises. Ce dis­po­si­tif est en per­pé­tuelle évo­lu­tion légis­la­tive, juris­pru­den­tielle, admi­nis­tra­tive. Le der­nier texte impor­tant est la loi de finances pour 2013 adop­tée en décembre 2012.

Le Cré­dit d’impôt recherche, un dis­po­si­tif fis­cal phare envié par de nom­breux pays

Suite aux dif­fé­rentes décla­ra­tions du pré­sident de la Répu­blique, des membres du gou­ver­ne­ment, des par­le­men­taires réa­li­sées au cours de l’année der­nière, le conte­nu de cette loi était très atten­du, notam­ment dans le domaine de l’innovation. En effet, il a été très vite ques­tion de l’instauration d’un Cré­dit d’impôt inno­va­tion (CII) alors même qu’une res­tric­tion bud­gé­taire était annon­cée, ce qui parais­sait tout à fait antinomique.

Aménagements

Pré­ci­sé­ment, la loi de finances pour 2013 a pré­vu plu­sieurs amé­na­ge­ments concer­nant le Cré­dit d’impôt recherche, dont l’extension des dépenses éli­gibles au titre du CIR. Pour les PME au sens com­mu­nau­taire, les dépenses éli­gibles à l’avantage fis­cal sont éten­dues aux dépenses d’innovation.

Pour­ront être ain­si rete­nues cer­taines dépenses affec­tées direc­te­ment à la réa­li­sa­tion d’opérations de concep­tion de pro­to­types de nou­veaux pro­duits ou ins­tal­la­tions pilotes de même nature : dota­tions aux amor­tis­se­ments, dépenses de per­son­nel, dépenses de fonc­tion­ne­ment (déter­mi­nées de manière for­fai­taire), frais de prise, main­te­nance et défense des bre­vets et cer­ti­fi­cats d’obtention végé­tale, frais de dépôt et de défense des des­sins et modèles, dépenses de sous-traitance.

« Nou­veau produit »
La loi pré­cise qu’est consi­dé­ré comme un nou­veau pro­duit un bien (cor­po­rel ou incor­po­rel) qui n’est pas encore mis à dis­po­si­tion sur le mar­ché et se dis­tingue des pro­duits exis­tants ou pré­cé­dents par des per­for­mances supé­rieures sur le plan tech­nique, de l’éco-conception, de l’ergonomie ou de ses fonctionnalités.
Pla­fond de 80 000 euros
Le cal­cul du Cré­dit d’impôt inno­va­tion est d’ores et déjà connu. L’ensemble de ces dépenses ne pour­ra être pris en compte dans la base de cal­cul du Cré­dit d’impôt recherche que dans la limite glo­bale de 400 000€ par an et n’ouvrira droit au cré­dit d’impôt qu’au taux de 20%. Ce qui revient à dire que le Cré­dit d’impôt inno­va­tion est de fac­to pla­fon­né à 80 000 euros.
Ces dis­po­si­tions s’appliquent aux cré­dits d’impôt cal­cu­lés au titre des dépenses expo­sées à comp­ter du 1er jan­vier 2013 et des dota­tions aux amor­tis­se­ments des immo­bi­li­sa­tions acquises ou créées à comp­ter de cette date.

Une définition encore floue

On dis­cerne encore mal les dépenses qui seront consi­dé­rées comme rele­vant du CII

La défi­ni­tion de l’innovation demeure encore actuel­le­ment assez floue, et on dis­cerne encore dif­fi­ci­le­ment les dépenses qui seront consi­dé­rées comme entrant dans le champ d’application du CII. En effet, les contours sépa­rant R&D et inno­va­tion n’apparaissent pas encore clai­re­ment. Cepen­dant, une ins­truc­tion admi­nis­tra­tive est en cours de rédac­tion, qui appor­te­ra un éclai­rage impor­tant sur ce sujet et qui est donc très atten­due par les entreprises.

Financée par une autre mesure

Cette mesure, qui aurait un coût bud­gé­taire impor­tant (près de 200 mil­lions d’euros), serait pour par­tie finan­cée par une autre dis­po­si­tion qui figure éga­le­ment sous l’article 55. En effet, il serait ain­si pré­vu de sup­pri­mer les taux majo­rés de CIR accor­dés aux pri­mo-décla­rants2. Pour rap­pel, et selon les der­niers chiffres offi­ciels du MESR3, au titre du CIR 2010, il y a eu 2 431 nou­veaux décla­rants dont 2 100 étaient des PME, et 1 706 étaient des PME indé­pen­dantes4.

Désor­mais, toutes les entre­prises sans excep­tion se voient appli­quer le taux de droit com­mun, à savoir 30% jusqu’à 100 mil­lions d’euros de dépenses de recherche et 5 % au-delà.

Visibilité

Enfin, la loi de finances a appor­té une ultime modi­fi­ca­tion consis­tant à faci­li­ter l’utilisation du « res­crit fis­cal » spé­ci­fique au CIR. Cette mesure per­met désor­mais aux entre­prises d’interroger l’administration fis­cale sur l’éligibilité de leur pro­jet de R&D alors même que celui-ci a déjà débu­té. À ce stade elles dis­posent d’une meilleure visi­bi­li­té sur leur pro­jet qu’elles peuvent décrire avec plus de précision.

En effet, la loi pré­voit que cette demande de res­crit puisse être for­mu­lée jusqu’à six mois avant la date légale de dépôt de la décla­ra­tion spé­ciale de Cré­dit d’impôt recherche. Cette dis­po­si­tion s’applique aux demandes adres­sées à comp­ter du 1er jan­vier 2013.

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1. Source MESR – Le CIR en 2010, der­niers chiffres officiels.
2. À savoir les entre­prises qui n’ont pas béné­fi­cié de Cré­dit d’impôt recherche au titre des cinq années précédentes.
3. Minis­tère de l’Enseignement supé­rieur et de la Recherche.
4. Source : Base GECIR mai 2012 – MESR DGRI C1.

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