De la création de valeur à la création d’emplois

Dossier : Le financement de l'innovationMagazine N°641 Janvier 2009
Par Françoise FABRE

Pour accom­pa­g­n­er la val­ori­sa­tion de ses recherch­es, le CEA s’est doté très tôt d’une struc­ture de val­ori­sa­tion, qui compte actuelle­ment une cen­taine de per­son­nes répar­ties dans les dif­férents cen­tres de recherche, per­me­t­tant, avec ses juristes, ingénieurs brevets et ingénieurs mar­ket­ing, d’ac­com­pa­g­n­er les pro­jets de trans­fert vers les industriels.

Il a égale­ment bâti un dis­posi­tif unique d’inci­ta­tion et d’ac­com­pa­g­ne­ment des por­teurs de pro­jets de créa­tion d’en­tre­pris­es qui a abouti à la créa­tion de plus de 100 entre­pris­es tech­nologiques depuis 1984, dont des lead­ers mon­di­aux (ST Micro­elec­tron­ics, Soitec, Sofradir-Ulis, etc.). On peut men­tion­ner aus­si le rôle unique du CEA dans la créa­tion du groupe majeur au niveau mon­di­al qu’est Areva.

REPÈRES
Acteur majeur de la recherche tech­nologique, le CEA a depuis tou­jours voca­tion à trans­fér­er les résul­tats de ses recherch­es et ses com­pé­tences vers le monde économique.
Il est aujourd’hui le pre­mier organ­isme de recherche français pour le dépôt de brevets et six­ième déposant français (425 brevets en 2007), juste der­rière de grands groupes comme Renault, Peu­geot ou L’Oréal.
Les chercheurs sont en effet forte­ment encour­agés à dépos­er des brevets, notam­ment par un dis­posi­tif de primes

Cette poli­tique volon­tariste a pour pre­mier objec­tif la créa­tion de valeur, mais le développe­ment de l’in­no­va­tion et la créa­tion d’emplois con­stituent égale­ment des enjeux pri­or­i­taires. Le dis­posi­tif d’ac­com­pa­g­ne­ment des pro­jets de start-ups s’est récem­ment ren­for­cé afin d’of­frir aux chercheurs un out­il excep­tion­nel et com­plet pour l’es­saim­age d’entreprises.

De l’idée à la création

Une entre­prise nou­velle s’adapte mieux à un marché nouveau

Le plus sou­vent, le trans­fert d’une tech­nolo­gie se fait vers une entre­prise exis­tante. Cepen­dant, si les recherch­es et les com­pé­tences dévelop­pées con­stituent une rup­ture tech­nologique et sont sus­cep­ti­bles d’ou­vrir un marché nou­veau, la créa­tion d’une nou­velle entre­prise est envis­agée ; l’en­tre­prise nou­velle est en effet plus réac­tive aux oppor­tu­nités de rupture.

Le dis­posi­tif d’inci­ta­tion et d’ac­com­pa­g­ne­ment des pro­jets cou­vre toutes les étapes de la créa­tion d’une entre­prise, de l’en­vie à l’idée et de l’idée à l’en­tre­prise ; mat­u­ra­tion, incu­ba­tion, créa­tion, préamorçage et accès au fonds d’amorçage font par­tie inté­grante de la créa­tion de valeur. Le proces­sus com­porte deux phas­es-clés : la mat­u­ra­tion du pro­jet et l’in­cu­ba­tion pro­pre­ment dite.

La maturation du projet

Au début du proces­sus, le por­teur d’idée imag­ine un nou­veau pro­duit sur la base d’une tech­nolo­gie issue de résul­tats de recherches.

La phase d’amorçage valide le pro­duit, inau­gure le dis­posi­tif de vente et pré­pare les lev­ées de fonds

Pour assur­er les chances du pro­jet, l’idée doit répon­dre à un réel besoin du marché. Cette étape de véri­fi­ca­tion de l’adéqua­tion entre besoin et pro­duit est d’au­tant plus impor­tante qu’elle demande tou­jours plus de temps et de moyens qu’on ne l’avait imag­iné au départ.

À l’is­sue de cette phase, le por­teur de pro­jet passe devant le ” comité à l’es­saim­age ” sur la base de trois critères : l’é­tat de la tech­nique (preuve du fonc­tion­nement de la tech­nique et de sa repro­ductibil­ité, com­para­i­son à des solu­tions tech­niques alter­na­tives, supéri­or­ité de la tech­nique) ; l’é­tat de la pro­priété indus­trielle (la tech­nique est pro­tégée par des brevets ou un secret de savoir-faire), ou l’ex­ploita­tion libre de la tech­nique est pos­si­ble ; l’é­tat du marché (besoins qui pour­raient cor­re­spon­dre à l’usage de la tech­nique, con­cor­dance entre les besoins et une demande a pri­ori solv­able du marché).

Incubation technologique et incubation tertiaire

Une fois le pro­jet validé, il entre en incu­ba­tion, phase ” offi­cielle ” pré­para­toire à la créa­tion de l’en­tre­prise. Celle-ci per­met de tra­vailler sur les deux points essen­tiels pour une créa­tion d’entreprise :

Les sou­tiens de l’incubateur
L’in­cu­ba­teur apporte un sou­tien sous forme de coach­ings per­son­nal­isés, pro­grammes de for­ma­tion, mis­es en rela­tion ciblées avec les acteurs de l’in­no­va­tion et de la créa­tion d’en­tre­pris­es (Oseo, investis­seurs, indus­triels, etc.) ; il assure égale­ment un sou­tien en ter­mes de logis­tique, finance­ment de presta­tions (dans les domaines du mar­ket­ing, de la pro­priété indus­trielle, des accords juridiques) et finale­ment d’héberge­ment. Le CEA est mem­bre fon­da­teur de plusieurs incu­ba­teurs (IncubAl­liance en Île-de-France, Grain à Greno­ble), aux côtés d’autres étab­lisse­ments de recherche, dont l’É­cole poly­tech­nique, et d’industriels.

la pré­pa­ra­tion du mod­èle d’en­tre­prise con­crétisé par son plan d’af­faires et la con­sti­tu­tion de l’équipe.

Le plan d’af­faires, doc­u­ment cen­tral, doit présen­ter d’une manière cohérente le pro­duit et son marché, ses avan­tages con­cur­ren­tiels, l’in­térêt économique de la future entre­prise et la qual­ité de l’équipe, pour con­va­in­cre les futurs investis­seurs de financer son projet.

L’in­cu­ba­tion donne lieu à deux volets simul­tanés : l’in­cu­ba­tion ” tech­nologique “, sou­vent effec­tuée au sein du lab­o­ra­toire (elle per­met au chercheur d’ac­céder aux équipements spé­ci­fiques et de rester en lien avec son équipe d’o­rig­ine). L’héberge­ment dans le lab­o­ra­toire peut dur­er six mois, renou­ve­lables deux fois ; l’in­cu­ba­tion ” ter­ti­aire “, dans un incu­ba­teur (voir encadré).

Une fois l’en­tre­prise créée, le pro­jet entre en phase d’amorçage : val­i­da­tion d’un pro­duit ou pro­to­type chez un client, con­sti­tu­tion d’un pre­mier dis­posi­tif de vente. Cette péri­ode déli­cate de la jeune entre­prise se passe d’au­tant mieux que le por­teur a été bien pré­paré et qu’il est prêt pour les pre­mières lev­ées de fonds.

Les capac­ités de l’entrepreneur
Le fac­teur humain est égale­ment pris en con­sid­éra­tion, le por­teur du pro­jet devant être suff­isam­ment sen­si­ble aux prob­lé­ma­tiques de marchés, de valeur économique, de pro­tec­tion du pat­ri­moine (brevets) et de finance­ment. Un bilan de com­pé­tences est effec­tué pour déter­min­er ses capac­ités d’en­tre­pre­neur et lui faire pren­dre con­science de la néces­sité de con­stituer une équipe com­plé­men­taire, le cas échéant.

Plus de cent créations
Sur la péri­ode 1984–2007, 102 entre­pris­es de tech­nolo­gie ont été créées, générant ain­si plus de 2 600 emplois directs. Elles présen­tent un chiffre d’af­faires cumulé de plus de 500 mil­lions d’eu­ros. Ces entre­pris­es se répar­tis­sent à parts égales entre les régions Île-de-France et Rhône-Alpes. Le taux de survie à cinq ans des entre­pris­es créées est d’en­v­i­ron 75 %.

Quatre mesures d’appui

Le dis­posi­tif pro­pose qua­tre mesures d’ap­pui selon le besoin de l’en­tre­prise : la prise en charge du salaire du créa­teur par son unité, pour une durée qui peut aller jusqu’à six mois renou­ve­lables deux fois pour les pro­jets tech­nologiques et inno­vants ; un prêt d’hon­neur (sans intérêts et sans pris­es de garanties) qui peut attein­dre 40 000 euros ; le con­gé pour créa­tion d’en­tre­prise avec un droit de retour allant de un à qua­tre ans ; l’ac­com­pa­g­ne­ment du créa­teur par la délé­ga­tion à l’es­saim­age, com­plété par un recours au ser­vice mar­ket­ing du CEA et des ser­vices extérieurs, notam­ment les incubateurs.

Une fil­iale au ser­vice des créa­teurs d’entreprises
Le CEA s’est doté dès 1999 d’un véri­ta­ble out­il de finance­ment de ses start-ups, afin de don­ner toutes leurs chances à ces dernières, sou­vent encore trop en amont pour répon­dre aux critères des fonds de cap­i­tal-risque classiques.
CEA Val­ori­sa­tion, fil­iale à 100 % du CEA et entre­prise de droit privé, est une hold­ing dis­posant à ce jour d’en­v­i­ron 40 mil­lions d’eu­ros de cap­i­taux pro­pres et d’un dis­posi­tif orig­i­nal et très com­plet de sou­tien aux start-ups tech­nologiques : investisse­ment en pre­mier tour de finance­ment (amorçage) dans les start-up ; créa­tion et finance­ment de coen­tre­pris­es avec des parte­naires indus­triels ; finance­ment d’émer­gence de pro­jets avant la créa­tion d’en­tre­prise. CEA Val­ori­sa­tion dis­pose égale­ment d’une offre d’au­dit et de con­seil, en stratégie de val­ori­sa­tion de la pro­priété intellectuelle.
En presque dix ans, CEA Val­ori­sa­tion a financé le démar­rage de plus de 25 start-up, dans tous les domaines d’ex­per­tise du CEA, notam­ment la microélec­tron­ique et les nan­otech­nolo­gies, les nou­velles tech­nolo­gies pour l’én­ergie, les nou­veaux matéri­aux, les biotech­nolo­gies et l’in­stru­men­ta­tion médi­cale ou encore les logi­ciels et systèmes.

Deux modes de participation

Sur le plan du finance­ment des pro­jets de créa­tion, le CEA dis­pose de deux modes de par­tic­i­pa­tion : directe, pen­dant la phase d’in­cu­ba­tion (voir précédem­ment), ou indi­recte, pen­dant les phas­es de créa­tion et d’amorçage par les out­ils financiers de CEA Valorisation.

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