Une source inépuisable de croissance

Dossier : Le financement de l'innovationMagazine N°641 Janvier 2009
Par François DROUIN (71)

L’idée, encore admise à la fin du siè­cle dernier, selon laque­lle, pour préserv­er leur crois­sance, les pays dévelop­pés se con­cen­tr­eraient sur des activ­ités reposant sur l’é­conomie de la con­nais­sance, dotée d’une forte valeur ajoutée, tan­dis que les pays en développe­ment se spé­cialis­eraient dans la pro­duc­tion de masse avec une main-d’oeu­vre bon marché et peu qual­i­fiée, n’a pas longtemps résisté aux réal­ités. Vision trop con­fort­able de la divi­sion inter­na­tionale du tra­vail, rel­e­vant d’un opti­misme excessif.

Tirant un béné­fice max­i­mum de l’ac­céléra­tion du proces­sus de mon­di­al­i­sa­tion, les pays émer­gents con­nais­sent aujour­d’hui, et en dépit de la crise actuelle, des taux de crois­sance spec­tac­u­laires, sans com­mune mesure avec ceux de l’Eu­rope ou des États-Unis. Nous seri­ons, du reste, bien inspirés de les appel­er plutôt pays émergés.

Repères
La vraie nou­veauté vient des investisse­ments con­sid­érables réal­isés par les nou­velles économies des pays émer­gents en matière d’é­d­u­ca­tion, de recherche-développe­ment et d’in­no­va­tion. Et ces efforts por­tent leurs fruits. En d’autres ter­mes, nos ” vieux ” pays sont désor­mais con­cur­rencés frontale­ment sur le ter­rain du savoir dont ils s’é­taient imprudem­ment appro­prié l’ex­clu­siv­ité. Plus grave : ain­si que l’a indiqué la Com­mis­sion européenne, notre con­ti­nent a accu­mulé un cer­tain retard, mal­gré les objec­tifs ambitieux fixés par la stratégie de Lis­bonne en matière d’in­no­va­tion. Souhaitons que le proces­sus de Ljubl­jana ini­tié au début de cette année donne un nou­v­el élan à la con­struc­tion de l’E­space européen de la recherche d’i­ci à 2020. Le con­texte est favorable.

Un fort volontarisme

La France n’est pas la moins bonne élève, se situ­ant légère­ment au-dessus de la moyenne des autres pays de l’U­nion, mais le risque d’un recul est réel. Peut-elle éviter ce décrochage ? À l’év­i­dence oui, car elle ne manque pas d’atouts.

D’autres atouts
La France a la chance d’être un pays entre­pre­neur­ial où la créa­tion d’en­tre­pris­es n’a jamais atteint un niveau aus­si élevé, où la réus­site indi­vidu­elle est jugée beau­coup moins sus­pecte que par le passé. C’est un bon signe de vitalité.

Et, en pre­mier lieu, l’ex­pres­sion d’un fort volon­tarisme poli­tique, dans un con­texte de raré­fac­tion de la ressource budgé­taire. L’É­tat, via l’en­tre­prise publique Oseo, a mobil­isé des moyens financiers sans précé­dent en 2008 pour soutenir l’in­no­va­tion et la crois­sance des PME et faire émerg­er un plus grand nom­bre d’en­tre­pris­es moyennes. L’ef­fort con­sen­ti doit être péren­nisé dans la durée, car une dynamique a été enclenchée et rien ne serait plus dom­mage­able que de l’interrompre.

Enfin, ce qui n’est pas le moin­dre des avan­tages, plus per­son­ne ne met en doute le rôle de l’in­no­va­tion comme moteur de crois­sance et de pro­grès. Le sujet fait l’u­na­nim­ité dans la classe poli­tique et les élites économiques et intellectuelles.

Dès lors, com­ment expli­quer notre retard, sinon par la sub­sis­tance de freins psy­chologiques impor­tants dont la lev­ée néces­site une véri­ta­ble révo­lu­tion des esprits sur la manière dont nous percevons le monde d’au­jour­d’hui ? Le moment n’est-il pas venu de réalis­er que nous sommes dans la mon­di­al­i­sa­tion et non face à elle, qu’il est illu­soire et dan­gereux de vouloir lui résis­ter, que notre prospérité économique ne peut pass­er que par l’innovation ?

Des mil­liers d’emplois créés
L’in­no­va­tion est une source inépuis­able de crois­sance. Elle se mesure aus­si en dizaines de mil­liers d’emplois créés, dans des secteurs nou­veaux, dont on n’avait pas idée quelques années plus tôt, grâce à des entre­pris­es, en par­ti­c­uli­er, celles de taille inter­mé­di­aire, dont nous devons favoris­er l’émer­gence et l’im­plan­ta­tion durable sur notre ter­ri­toire, sans ris­quer qu’elles ne soient rachetées pré­co­ce­ment par des groupes étrangers.

Une nouvelle frontière

L’in­no­va­tion est notre nou­v­el hori­zon, notre nou­veau monde. Elle des­sine, façonne et mod­i­fie notre vie quo­ti­di­enne, ses appli­ca­tions ne con­nais­sent aucune lim­ite. C’est notre nou­velle fron­tière comme l’é­tait la sci­ence pour les États-Unis au lende­main de la Sec­onde Guerre mondiale.

Une mul­ti­tude d’acteurs
La capac­ité de R & D et d’in­no­va­tion débor­de de plus en plus large­ment le cadre strict de l’en­tre­prise. Les pro­jets col­lab­o­rat­ifs s’im­posent donc comme le mod­èle le plus effi­cace, qui asso­cie et qui con­necte une mul­ti­tude d’ac­teurs : uni­ver­sités, chercheurs, lab­o­ra­toires, incu­ba­teurs, start-ups, joint ven­tures, pôles de com­péti­tiv­ité, grands groupes.

Nous n’avons pas le choix et il n’est que temps d’in­té­gr­er ce change­ment rad­i­cal de per­spec­tive qui doit nous inciter à vivre l’in­no­va­tion, non comme une con­trainte subie, mais comme une superbe oppor­tu­nité à saisir.

C’est aujour­d’hui que tout se joue. Faute de quoi, notre pays se priverait de ses meilleurs cerveaux et de ses meilleurs tal­ents qu’il n’au­rait su ni retenir, ni attirer.

Sai­sis­sons avec ent­hou­si­asme la chance qui nous est offerte. Peu d’in­vestisse­ments comme ceux réal­isés dans la R & D ou l’in­no­va­tion sont aus­si por­teurs d’avenir et de richess­es. Ils sont d’ailleurs insé­para­bles bien que de nature dif­férente. La R & D trans­forme l’ar­gent pub­lic ou privé en con­nais­sance ou en idée ; tan­dis que l’in­no­va­tion con­ver­tit l’idée en argent. Mais elles vont toutes les deux dans le même sens, celui de la crois­sance économique et de la créa­tion d’emplois.

Il faut une véri­ta­ble révo­lu­tion des esprits sur la manière dont nous percevons le monde d’aujourd’hui

La France est entrée dans une économie ouverte où le mod­èle n’est plus la mul­ti­pli­ca­tion des pro­jets de R & D coû­teux pro­gres­sive­ment sélec­tion­nés au sein de la même entre­prise avant d’ar­riv­er sur le marché. Désor­mais, et c’est une chance, la fron­tière de l’en­tre­prise est dev­enue poreuse et les pro­jets sont choi­sis à la suite d’échanges extérieurs, entrants et sor­tants, avec pos­si­bil­ité d’ac­cès à de nou­veaux marchés.

Il reste que les freins sont nom­breux. Notre rôle est de con­tribuer à les lever pour soutenir les PME dans cette démarche de col­lab­o­ra­tion, en les aidant, par exem­ple, à con­naître et à accéder à de nou­veaux marchés, à maîtris­er les proces­sus d’in­tel­li­gence économique et de pro­priété intel­lectuelle et à iden­ti­fi­er les com­pé­tences com­plé­men­taires qui leur seraient utiles.

Nous n’avons d’ailleurs jamais autant soutenu l’in­no­va­tion que durant ces dix derniers mois. Jamais les attentes des entre­pris­es n’ont été aus­si fortes. La tour­mente finan­cière et économique ne doit pas servir de pré­texte à un ralen­tisse­ment du sou­tien de l’in­no­va­tion qui représente un vrai investisse­ment pour l’avenir.

Je sai­sis l’oc­ca­sion qui m’est don­née de m’ex­primer dans cette revue pour inviter mes cama­rades de l’X, et en par­ti­c­uli­er les plus jeunes d’en­tre eux, à se lancer dans l’aven­ture entre­pre­neuri­ale. Elle en vaut la peine.

OSEO
À tra­vers ses trois métiers com­plé­men­taires que sont le sou­tien de l’in­no­va­tion, la garantie des finance­ments ban­caires et des organ­ismes de fonds pro­pres et le cofi­nance­ment des investisse­ments aux côtés des ban­ques, Oseo favorise le déclenche­ment des ini­tia­tives en s’at­tachant à ce que ses inter­ven­tions pro­duisent le max­i­mum d’ef­fet d’en­traîne­ment. Il ne se sub­stitue pas au marché, il comble ses imper­fec­tions, notam­ment, en prenant une part du risque lié aux pro­jets inno­vants des entreprises.

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