CubeSat réalisé par le Centre spatial étudiant de l'École polytechnique.

David HENRI (13), prix Norbert SEGARD 2017 du meilleur “ jeune espoir ”

Dossier : ExpressionsMagazine N°727 Septembre 2017
Par David HENRI (13)

Le prix récom­pense le tra­vail de la société Exo­trail qui veut pro­pos­er bien­tôt un propulseur spa­tial à effet Hall minia­tur­isé et pour­ra le pro­duire en série avec une approche low-cost. Aujour­d’hui, il n’ex­iste pas de sys­tème de propul­sion adap­té à la taille des petits satel­lites que l’on veut lancer en con­stel­la­tion autour de la terre. 

Exotrail s’inscrit dans le New Space, un mou­ve­ment d’initiative privée qui agite le domaine du spa­tial : réu­til­i­sa­tion des lanceurs spa­ti­aux, com­posants sur étagère, envoi de con­stel­la­tions de satel­lites, pro­duc­tion en série et approche low-cost.

“ Il n’existe pas de système de propulsion adapté à la taille des petits satellites ! ”

Cela per­met d’envisager de nou­veaux ser­vices, notam­ment dans les télé­coms (fournir un accès Inter­net tout autour du globe, avec un débit plus per­for­mant et à moin­dre coût) et l’imagerie (très haute revis­ite temporelle). 

Mais aujourd’hui, ces con­stel­la­tions de petits satel­lites souf­frent d’un manque majeur : il n’existe pas de sys­tème de propul­sion adap­té à leur taille ! 

Leur durée de vie en orbite basse est du coup très lim­itée (moins de six mois en dessous de 400 km), ils ne peu­vent pas chang­er d’orbite en cours de mis­sion, et de manière générale leurs per­for­mances sont sous-optimales. 

D’où est venu ce projet ?

La propul­sion à effet Hall est la tech­nolo­gie employée sur les gros satel­lites depuis des dizaines d’années. Fiable, effi­cace, recon­nue dans le milieu spa­tial et util­isant un gaz neu­tre non pol­lu­ant pour le satel­lite ou les caméras optiques, cette tech­nolo­gie était réputée dif­fi­cile à miniaturiser. 


Cube­Sat réal­isé par le Cen­tre spa­tial étu­di­ant de l’É­cole polytechnique.

Cepen­dant entre 2002 et 2014, l’équipe de Mar­cel Guy­ot, chercheur au GEMaC (CNRS / Uni­ver­sité de Ver­sailles Saint-Quentin) a mené d’importants travaux de recherch­es en ce sens, et a réus­si en 2014 à allumer un pro­to­type de cham­bre de propul­sion à effet Hall con­som­mant 3 W pour une poussée de 0,1 mN. 

La puis­sance d’une LED pour le poids d’un tim­bre-poste, soit trois ordres de grandeur en dessous des propulseurs classiques ! 

Notre pro­jet d’entreprise Exo­trail est né en 2014–2015 suite au pro­jet d’étude de l’un de mes cama­rades de pro­mo­tion, Paul Las­combes, au sein du GEMaC sous la direc­tion de Mar­cel Guy­ot. Nous avons tous deux rapi­de­ment perçu l’opportunité entre­pre­neuri­ale apportée par l’innovation de Mar­cel Guyot. 

Nous avons alors dévelop­pé le pro­jet avec Jean-Luc Maria, respon­s­able de la Plate­forme d’intégration et de tests (PIT) à l’Observatoire de Ver­sailles St-Quentin-en- Yve­lines, et nous avons eu la chance de le voir sélec­tion­né par la Société d’accélération de trans­fert de tech­nolo­gies (SATT) de Paris-Saclay en novem­bre 2015. 

La SATT nous apporte ain­si un sou­tien tech­nique et financier impor­tant afin de pour­suiv­re le développe­ment de notre tech­nolo­gie, et par­venir d’ici le début de l’année 2018 à un pro­to­type de sys­tème opéra­tionnel com­plet (avec réser­voir de gaz, ali­men­ta­tion, réseaux, etc.), le tout ten­ant dans le for­mat imposé d’un « Cube­Sat » (10 x 10 x 10 cm). Nous sommes aujourd’hui au milieu de cette phase de mat­u­ra­tion tech­nologique qui se révèle extrême­ment prometteuse. 

En effet, là où cer­tains s’attendaient à ce que les moteurs à effet Hall per­dent en effi­cac­ité en étant minia­tur­isés, les sim­u­la­tions obtenues par un lab­o­ra­toire extérieur mon­trent que leurs per­for­mances sont au moins équiv­a­lentes à celles des propulseurs traditionnels. 

La suite de l’aventure ?

Nous mon­tons cet été notre struc­ture juridique, Exo­trail SAS, pour­suiv­ons le développe­ment du pro­duit avec le sou­tien de la SATT Paris-Saclay et con­tin­uons d’aller à la ren­con­tre de nos clients et plus large­ment, de notre écosystème. 

“ Le prix SÉGARD apporte une validation sérieuse de notre projet, gage de crédibilité ”

Nous prévoyons de démon­tr­er la valid­ité de notre tech­nolo­gie dans l’espace au sec­ond semes­tre 2018, pour amen­er sur le marché, d’ici 2019, le plus petit propulseur à effet Hall au monde. 

Pour men­er à bien ce pro­jet ambitieux, nous réalis­erons une lev­ée de fonds d’amorçage au cours du pre­mier semes­tre de l’année 2018. Le marché est en attente d’une solu­tion de propul­sion pour petits satel­lites fiable et effi­cace. Exo­trail a l’ambition d’y répon­dre dès 2019. 

Exo­trail a rem­porté plusieurs prix depuis 2016, dont celui de la Fon­da­tion Nor­bert Ségard dans la caté­gorie « Jeune Espoir » en mars dernier, par­mi une quar­an­taine de pro­jets can­di­dats. Très impor­tant, ce prix apporte une val­i­da­tion sérieuse de notre pro­jet, gage de crédi­bil­ité ; il nous per­met égale­ment de nous faire con­naître d’un vaste réseau, préal­able oblig­a­toire à la réus­site de toute entre­prise entrepreneuriale. 

Pour finir, le coup de pouce financier nous donne la pos­si­bil­ité de nous ren­dre à des con­férences en France et à l’étranger.

Prototype du micropropulseur à effet Hall
Pre­mier pro­to­type du micro­propulseur à effet Hall — allumage réal­isé en 2014. © GEMAC — CNRS — UVSQ

Propulseur à effet Hall de gamme 200 W
Propulseur à effet Hall de gamme 200 W — héritage de l’équipe d’Ex­o­trail.  © CNRS

Quel a été ton parcours ?

Orig­i­naire de Poitiers, pré­pa à Mon­taigne (Bor­deaux). J’ai fait beau­coup de mécanique à l’X, puis je me suis pro­gres­sive­ment dirigé vers la stratégie d’entreprise et l’innovation.

J’ai décou­vert l’univers de l’entrepreneuriat dans le secteur spa­tial lors de mon stage de troisième année chez Swiss Space Sys­tems, une start-up qui dévelop­pait une navette spa­tiale réutilisable. 

PROPULSION À EFFET HALL

Cette technologie de propulsion réputée pour sa fiabilité et son efficacité apporte une réelle agilité aux petits satellites, rendant possibles de nombreuses applications innovantes à destination du plus grand monde :
Internet partout dans le monde, agriculture de précision grâce aux images recueillies, suivi de bateaux de pêche illégaux ou d’avions en situation de détresse – et encore bien d’autres.

J’ai com­plété mon par­cours académique par un mas­ter en Stratégie, Inno­va­tion et Entre­pre­neuri­at en 3A à l’X, puis par un stage de six mois en ven­ture cap­i­tal. J’ai effec­tué ma qua­trième année en mas­ter II en « Indus­tri­al Sys­tems, Man­u­fac­tur­ing and Man­age­ment » à Cam­bridge (GB), avant de revenir en sep­tem­bre en France pour m’engager avec hâte dans Exo­trail à plein temps. 

Paul Las­combe (2013) a suivi un cur­sus proche du mien à l’X. Ayant tou­jours à cœur de dévelop­per ses con­nais­sances tech­niques, il effectue avec moi un stage à Swiss Space Sys­tems en 2A, puis à l’université Cal­tech en 3A pour finale­ment aller à Toulouse se for­mer spé­ci­fique­ment au spa­tial à Sup’Aéro (S2017).

Il est main­tenant en stage de fin d’études chez Air­bus DS dans le départe­ment Advanced Sys­tems, et représente Exo­trail dans l’important écosys­tème du spa­tial toulou­sain, tout en con­tin­u­ant à tra­vailler en par­al­lèle sur le pro­jet, dans ses aspects mis­sions et opéra­tions spatiales. 

Comment l’écosystème de l’X peut-il vous aider ?

Nous rejoignons l’incubateur X‑Tech du Drahi‑X Nova­tion Cen­ter en sep­tem­bre, car nous sommes con­va­in­cus que la con­fronta­tion de notre pro­jet entre­pre­neur­ial à un envi­ron­nement de qual­ité sera salu­taire à son développement. 

L’X nous a beau­coup apporté de par l’excellente for­ma­tion prodiguée et nous espérons inscrire notre aven­ture dans sa continuité. 

Par ailleurs, toute per­son­ne intéressée par le pro­jet et désireuse de nous accom­pa­g­n­er est la bienvenue ! 

Propos recueillis par Robert RANQUET (72)

Poster un commentaire