Data centers, Les nouveaux défis de la construction

Dossier : Cloud, Data & IAMagazine N°773 Mars 2022
Par John BALTAY

Les énormes besoins à venir en trai­te­ment de don­nées et le déve­lop­pe­ment des appli­ca­tions à faible latence nous amènent vers la construc­tion de data cen­ters en grand nombre et avec des besoins spé­ci­fiques. John Bal­tay, CMO de GSE, nous explique les carac­té­ris­tiques de ce mar­ché et pour­quoi son entre­prise se positionne.

Qui est GSE et quel est aujourd’hui son volume d’activité ?

L’entreprise a été créée en France il y a qua­rante-cinq ans. GSE est un contrac­tant glo­bal construi­sant un mil­lion de mètres car­rés chaque année envi­ron, pour un chiffre d’affaires de 665 mil­lions d’euros en 2020. Nous construi­sons des bâti­ments logis­tiques, ter­tiaires, indus­triels, mais éga­le­ment des bureaux pour les petites et moyennes entre­prises. Notre acti­vi­té se défi­nit autour du desi­gn and build de bâti­ments. Nous opé­rons sur toute la chaîne, du mon­tage d’opérations – qui consiste à iden­ti­fier et trou­ver des ter­rains, jusqu’à l’élaboration du desi­gn, la construc­tion, la livrai­son du bâti­ment et l’accompagnement durant la période garantie.

Avez-vous une expérience dans la construction de data centers ?

Nous ne sommes pas encore dans ce mar­ché mais nous avons la volon­té d’y entrer. C’est donc encore nou­veau pour nous. Pour le moment, nous étu­dions des pro­jets avec nos par­te­naires qui eux sont spécialisés.

Pourquoi vous lancer sur ce marché, dans la conjoncture actuelle ?

Je pense que, en tant que contrac­tant glo­bal, nous avons des vrais atouts pour livrer des bâti­ments shell and core pour des data cen­ters : nous avons les pro­ces­sus requis pour livrer des bâti­ments rapi­de­ment, dans six mois s’il le faut, et c’est jus­te­ment le besoin de ce mar­ché, où la rapi­di­té d’exécution est déci­sive et notre pro­cess et savoir-faire est par­fai­te­ment adap­té pour cela.

Quelle est la spécificité de ce produit et de ce marché à vos yeux ?

Le pro­duit est un peu spé­ci­fique, en ceci que la majo­ri­té de la valeur du bâti­ment se trouve dans les racks, c’est-à-dire les ser­veurs ou sto­ckage des don­nées, et éga­le­ment dans les sys­tèmes de refroi­dis­se­ment qui se trouvent dans les data cen­ters eux-mêmes. Sinon, les besoins des clients sont assez stan­dards. Mais sur­tout, le mar­ché est assez nou­veau et en pleine crois­sance. En France il y aujourd’hui envi­ron 240 data cen­ters et envi­ron une cin­quan­taine sont en construc­tion depuis deux ans. 

Vous voyez donc de grandes perspectives de développement sur le marché des data centers ?

Il y a aujourd’hui une explo­sion du numé­rique, dans tous les sec­teurs, et dans les orga­ni­sa­tions de toute taille. Nous consi­dé­rons donc que le besoin de trai­te­ment de don­nées est crois­sant en Europe. Si l’on fait une com­pa­rai­son entre les besoins aux États-Unis et en Europe, il est évident que nous avons encore beau­coup de che­min à faire pour aug­men­ter notre capa­ci­té, sur­tout en pre­nant en consi­dé­ra­tion le déve­lop­pe­ment de l’IOT, l’internet des objets connec­tés. La conjonc­tion de ces élé­ments fait qu’il y aura besoin de construire ces bâti­ments à côté des villes, pour résoudre le pro­blème des latences de trai­te­ment de don­nées pour cer­taines applications.

“En tant que contractant global, nous avons des vrais atouts pour livrer des bâtiments shell and core.”

Pour sim­pli­fier, on peut dire qu’il y a deux types de bâti­ment : les hyper­scale et les edge. Les hyper­scale, ce sont de très grands centres de trai­te­ment de don­nées, pour gérer des appli­ca­tions cloud par exemple. Concer­nant les bâti­ments edge, on aura davan­tage besoin des trai­te­ments de don­nées pour des applis qui ont besoin de rapi­di­té (c’est-à-dire avec une faible latence, comme le strea­ming des films ou les jeux…). Lorsque vous télé­char­gez un film ou que vous jouez à un jeu, il faut une réponse assez rapide et donc les banques de don­nées doivent être proches des villes. Les acteurs de ce mar­ché font une tri­an­gu­la­tion avec des bâti­ments qui sont à 10 ou 15 km des villes. Ces bâti­ments peuvent être un peu plus standardisés.

Quels sont les avantages de GSE dans cette compétition et ces nouveaux besoins ?

La plu­part des acteurs du mar­ché apportent un seg­ment : le desi­gn ou la construc­tion par exemple. Nous sommes contrac­tants glo­bal, et nous pou­vons appor­ter le bâti­ment clé en mains. C’est un avan­tage indé­niable. Le deuxième point, c’est que nous appar­te­nons au groupe Gold­beck, socié­té alle­mande qui fait 4 mil­liards de chiffre d’affaires, et qui a déve­lop­pé l’industrialisation des bâti­ments. Leurs usines pré­cons­truisent des par­ties de bâti­ment, qu’ils pro­duisent et livrent. Aujourd’hui les acteurs sou­haitent avoir un bâti­ment en 12 mois : 6 mois pour la construc­tion et 6 mois pour rem­plir les bâti­ments avec les pro­cess, les sys­tèmes de refroi­dis­se­ment, etc. C’est donc un domaine avec peu de tolé­rance pour des délais supé­rieurs. Et par consé­quent, dans la mesure où nous appar­te­nons à un groupe qui a une approche indus­trielle de la construc­tion, et qui est plus rapide que ses concur­rents alle­mands, nous dis­po­sons d’un atout important.

Au niveau international, comment comptez-vous vous développer ? Est-ce que vous voyez en la France un pays prometteur pour les data centers ? 

C’est pour nous plus une ques­tion de villes qu’une ques­tion de pays. Le terme que l’on uti­lise dans le métier, c’est l’acronyme FLAP : Franc­fort, Londres, Amster­dam, Paris. Le mar­ché du data cen­ter, c’est sur­tout ces quatre villes, qui sont des centres finan­ciers, et qui ont donc de grands besoins en termes de trai­te­ment de don­nées. Notre approche sera donc plu­tôt une réflexion à par­tir de villes. Il y a aus­si un second mar­ché, le deuxième tiers, avec des villes comme Lyon, Mar­seille, Milan, et qui ont des besoins crois­sants de data cen­ter. C’est aus­si un sujet impor­tant pour nous. Au niveau de notre stra­té­gie, en pre­mier lieu, nous allons nous concen­trer sur la France puisque nous avons une forte implan­ta­tion dans ce pays.

Pensez-vous que l’action gouvernementale en matière de souveraineté des données dynamise le marché ? 

Quand les gou­ver­ne­ments se posi­tionnent sur ce sujet, c’est avant tout par rap­port aux États-Unis. Les pays euro­péens mani­festent la volon­té de ne plus avoir leurs don­nées sur des ser­veurs aux États-Unis, et c’est bien com­pré­hen­sible. Au-delà de l’aspect poli­tique, c’est une ques­tion de bon sens. C’est une bonne chose d’avoir nos don­nées dans nos pays res­pec­tifs. Et en un sens, cette volon­té ren­force le besoin d’avoir des data cen­ters en Europe.

Est-ce que cette ambition de multiplier les data centers dans le but de garder une souveraineté sur les données est réaliste de votre point de vue ?

C’est tout à fait réa­liste. Et c’est aus­si une néces­si­té, pour les ques­tions de latence que j’ai évo­quées pré­cé­dem­ment : il faut construire des data cen­ters à proxi­mi­té des villes. On a encore du che­min à faire : nous avons envi­ron 250 data cen­ters en France, en Alle­magne, c’est 340350. Et il faut éga­le­ment sou­li­gner que la France reste un pays attrac­tif pour les inves­tis­seurs dans les data cen­ters, du côté equi­ty ou du côté dette. Et elle est aus­si bien pla­cée concer­nant les cri­tères aux­quels répondre pour construire un data cen­ter (infra­struc­ture, élec­tri­ci­té, inves­tis­se­ments, réseau télé­pho­nique, etc.) Sur ce plan, la France figure dans le TOP 8 ou 9.

Quelles sont les contraintes spécifiques pour construire un data center ?

Au niveau de la construc­tion, c’est très simi­laire à un bâti­ment logis­tique clas­sique ou à étage : même dal­lage, même plan­cher, mêmes contraintes de poids et de for­mats. Mais le data cen­ter a une contrainte par­ti­cu­lière : pour qu’il puisse opé­rer, il lui faut une source d’énergie considérable. 

Les besoins en éner­gie sont géné­ra­le­ment de 10 MW par HA et il faut dif­fé­ren­cier l’énergie à court et à long terme : par exemple, 15–20 MW à court terme et 70–80 MW à long terme. L’énergie a un délai de 6 ans pour les inves­tis­seurs, avoir plus d’énergie au départ signi­fie une moné­ti­sa­tion plus rapide. Mais la prin­ci­pale dif­fi­cul­té, c’est sur­tout l’exigence en termes de délai de construc­tion et de qua­li­té. Or, ces deux pro­blé­ma­tiques cor­res­pondent jus­te­ment à notre cœur de métier. En matière de typo­lo­gie de bâti­ment, il n’y a pas de grandes dif­fé­rences. Il est donc évident que nous avons de grands atouts pour entrer dans ce marché.


En bref

  • Contrac­tant glo­bal en immo­bi­lier d’entreprises
  • 665 mil­lions de chiffre d’affaires
  • 14 implan­ta­tions en France
  • 460 col­la­bo­ra­teurs

Poster un commentaire