Crus bourgeois de Saint-Estèphe

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°579 Novembre 2002Rédacteur : Laurens DELPECH

Appela­tion com­mu­nale la plus septen­tri­onale du Médoc, Saint-Estèphe compte assez peu de crus classés en 1855 (peut-être à cause du relatif éloigne­ment de Bor­deaux). En revanche, les crus bour­geois y sont fort nom­breux : ils représen­tent 50% de l’appellation con­tre 20 % aux crus classés.

Le ter­roir de l’appellation est assez var­ié. À côté des tra­di­tion­nels sols de graves, on trou­ve de l’argile qui con­vient bien au mer­lot. Un cépage, qui donne des vins fruités et généreux. Les vins de Saint-Estèphe ont une répu­ta­tion de force et de puis­sance, ce sont des vins dens­es et séveux, à la struc­ture tan­nique affir­mée. Mais la présence du mer­lot et les pro­grès réal­isés dans la cul­ture de la vigne comme dans la vini­fi­ca­tion per­me­t­tent aujourd’hui de com­mencer à boire la plu­part de ces crus quelques années après la récolte.

À tout seigneur tout hon­neur, il faut com­mencer par le Château Phélan-Ségur. Avec ses 70 hectares de vignes et son château imposant, c’est un des plus beaux domaines du Médoc et un des plus beaux ter­roirs de Saint-Estèphe. Château Phélan-Ségur a été racheté en 1985 par Xavier Gar­dinier, qui le dirige aujourd’hui, avec son fils Thier­ry. Les Gar­dinier ont com­plète­ment rénové l’ensemble de la pro­priété et le vin de Phélan-Ségur est main­tenant tout à fait au som­met de l’appellation. Il a la puis­sance des meilleurs saint-estèphe avec en même temps des arômes sub­tils et une trame soyeuse et raffinée.

Le Château de Pez le talonne, depuis qu’il a été racheté par Jean-Claude Rouza­ud, du cham­pagne Roed­er­er. C’est un vin char­nu et élé­gant avec une jolie trame tan­nique, beau­coup de gras, un fruit bien mûr et un boisé bien fon­du dans une matière dense et riche.

On change de style avec le Château Haut-Mar­buzet : Hen­ri Duboscq veille à pro­duire un vin riche en mer­lot, issu de ven­dan­ges très mûres et élevé dans 100 % de bois neuf. Un vin plaisir “ à la jupe fendue ”, déli­cieux à boire jeune et qui vieil­lit admirablement.

Plus clas­sique, le Château de Mar­buzet se situe plutôt dans le reg­istre de l’élégance. La pro­priété appar­tient au sec­ond cru classé Château Cos d’Estournel, la struc­ture du vin est plus légère que celle de son aîné, mais l’air de famille est incon­testable. Un vin savoureux et fin.

Le Château Lil­ian-Ladouys a eu son heure de gloire au début des années qua­tre-vingt-dix, quand son prix a flam­bé. Il est revenu main­tenant à des niveaux plus raisonnables. Une des car­ac­téris­tiques de ce château est de pos­séder des par­celles dans tous les dif­férents ter­roirs de Saint-Estèphe. Il en résulte un vin com­plexe, char­nu et struc­turé, tail­lé pour la garde.

Il n’y a plus d’ormes au Château Les Ormes de Pez, mais le château est tou­jours là et pro­duit, sous la direc­tion de Jean-Michel Cazes (le pro­prié­taire de Château Lynch- Bages) un vin dense et tan­nique, au fruité bien mûr, où pré­domine le caber­net sauvignon.

Le Château Meyney, enfin, a tou­jours été une des grandes valeurs sûres de l’appellation. Il pos­sède un des vig­no­bles les plus proches de la Gironde, ce qui est un signe de qual­ité dans le Médoc et per­met d’échapper au gel : Meyney a été un des rares châteaux (avec Château Latour…) à ne pas gel­er en 1991. C’est un saint-estèphe de garde, majori­taire­ment com­posé de caber­net sauvi­gnon, avec une très belle puis­sance aro­ma­tique qui s’exprime mag­nifique­ment après quelques années de vieillissement.

On ne saurait con­clure cette évo­ca­tion des meilleurs crus bour­geois de Saint-Estèphe sans citer le Château Cap­bern-Gas­que­ton, enclavé au milieu des vignes de Calon-Ségur, un des plus grands crus classés de Saint- Estèphe, égale­ment pro­priété de la famille Cap­bern- Gas­que­ton. Élevés un an en bar­riques de chêne de trois ans provenant de Calon-Ségur, les vins de Cap­bern- Gas­que­ton ont beau­coup de finesse et de légèreté. Ils se gar­dent bien mais peu­vent être bus assez vite, qua­tre ou cinq ans après la vendange.

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