Croissance et environnement en Chine : un arbitrage difficile

Dossier : Croissance et environnementMagazine N°627 Septembre 2007
Par Jie HE


Ser­res maraîchères au sud-est de Séoul, Corée du Sud (37°33’ N – 126°58’ O).

Au XIVe siè­cle, la dynas­tie Cho­son choisît d’implanter à Séoul sa cap­i­tale au pied de mon­tagnes sur la berge nord du Fleuve Han, où sub­sis­tent quelques quartiers his­toriques, tel le palais Changdeok-gung, inscrit sur la Liste du pat­ri­moine mon­di­al de l’Unesco en 1997. Ce n’est qu’en 1949 que les enceintes de Séoul s’étendirent au sud du fleuve. Urban­isée à un rythme inten­sif ces trente dernières années, Séoul n’en reste pas moins une cap­i­tale ancrée à sa terre et à ses mon­tagnes. Les prairies, les espaces ouverts et les forêts occu­pent plus de 40 % de la ville et l’agriculture, encore près de 5 %. Les con­struc­tions respectent tant que pos­si­ble les principes de la géo­man­cie, art div­ina­toire attribuant des flux d’énergie pos­i­tive ou néga­tive selon le relief. C’est ain­si que récem­ment, le Musée Nation­al fut détru­it et le cours du TGV coréen dévié pour ne pas couper des veines géo­man­tiques favor­ables. Mais la pres­sion démo­graphique grig­note les espaces verts et repousse l’agriculture hors de la ville. Le développe­ment des cul­tures maraîchères sous serre, ain­si que celui de l’élevage, témoignent de la hausse du niveau de vie des Coréens, de plus en plus deman­deurs de fruits et légumes var­iés et de pro­duits animaux.

La difficile articulation entre l’environnement et la croissance

La République pop­u­laire de Chine a con­nu un change­ment rad­i­cal de poli­tique économique à par­tir de 1978. En effet, les réformes économiques intérieures de la Chine ont touché pro­gres­sive­ment le secteur agri­cole, urbain-indus­triel et ter­ti­aire à tra­vers la tran­si­tion d’une économie plan­i­fiée à une économie de marché. Ces réformes se sont traduites aus­si par une inté­gra­tion crois­sante dans l’é­conomie mon­di­ale, comme en témoignent l’ad­hé­sion à l’Or­gan­i­sa­tion mon­di­ale du com­merce (OMC) en décem­bre 2001 et le ren­force­ment des rela­tions avec les pays d’Asie du Sud-Est et les pays africains.

Après vingt ans de réformes les suc­cès économiques sont remar­quables : une crois­sance excep­tion­nelle tant par son ampleur que par sa durée (9 % par an avec des pointes à plus de 11 % dans plusieurs secteurs indus­triels), et une forte aug­men­ta­tion du com­merce inter­na­tion­al et du flux entrant des investisse­ments directs étrangers (IDE). En 2003, la somme des expor­ta­tions et des impor­ta­tions a atteint 60 % du PIB, et depuis 2004 la Chine est dev­enue le pays rece­vant le plus d’IDE au monde.

L’amélio­ra­tion des sit­u­a­tions économiques a fait forte­ment dimin­uer la pau­vreté et per­mis l’ac­croisse­ment général des revenus et de la com­péti­tiv­ité économique. La Chine est désor­mais l’une des plus grandes économies du monde. Encore à la six­ième place en 2005 elle est passée devant la France, le Roy­aume-Uni et devrait dépass­er l’Alle­magne en 2007 pour devenir la troisième puis­sance économique mon­di­ale der­rière les Etats-Unis et le Japon.
 

Néan­moins, bien que les poli­tiques économiques soient plus effi­caces, elles soulèvent de plus en plus d’in­quié­tudes sur le plan envi­ron­nemen­tal car la Chine est à la fois très peu­plée et pau­vre en matières pre­mières dans un écosys­tème frag­ile. Selon les sta­tis­tiques les plus récentes, 22 % de la pop­u­la­tion mon­di­ale se con­cen­trant dans ce pays pos­sède seule­ment 11 % des ter­res cul­tivables, 4 % des ressources forestières et 5 % de l’eau douce du monde. Or, les activ­ités économiques du pays, avant et après 1978, ont sou­vent été réal­isées au détri­ment de l’en­vi­ron­nement. Avec son effet de masse la crois­sance économique de ces cinquante dernières années s’est accom­pa­g­née d’une forte dégra­da­tion de l’en­vi­ron­nement, de la qual­ité de l’air et de l’eau.

La Chine est actuelle­ment le deux­ième émet­teur de gaz à effet de serre juste der­rière les États-Unis, et dans beau­coup de grandes villes, la pol­lu­tion dépasse large­ment les stan­dards inter­na­tionaux. Par­mi les 338 villes pos­sé­dant un sys­tème d’in­spec­tion de pol­lu­tion aéri­enne, deux tiers des villes ont un taux de pol­lu­tion con­sid­érable­ment élevé. Si 16 des 20 villes les plus pol­luées du monde sont chi­nois­es, on estime égale­ment que dans les 11 plus grandes villes chi­nois­es env­i­ron 50 000 décès pré­maturés chaque année sont dûs à la pol­lu­tion. Glob­ale­ment, la pol­lu­tion atmo­sphérique coûte à la Chine 2 % à 3 % de son PIB, car les pluies acides engen­drent des pertes supérieures à 110 mil­liards de yuan (13,3 mil­liards $) par an, selon des experts chinois.

En rai­son de l’in­dus­tri­al­i­sa­tion et de l’ur­ban­i­sa­tion rapi­de ain­si que de l’u­til­i­sa­tion d’en­grais et de pes­ti­cides pour l’a­gri­cul­ture, la Chine con­naît égale­ment une pénurie d’eau potable, de graves prob­lèmes d’éro­sion de la terre et de déser­ti­fi­ca­tion. Les pluies acides liées aux prob­lèmes de la pol­lu­tion de SO2 touchent un tiers du ter­ri­toire et le pays perd 740 000 hectares de forêts par année. Si aucune poli­tique volon­tariste n’est mise en œuvre, la pour­suite de la crois­sance et de l’ur­ban­i­sa­tion risque d’ag­graver une sit­u­a­tion déjà très préoccupante.

Mal­gré une crois­sance économique remar­quable, presque tous les indi­ca­teurs économiques per capi­ta en Chine sont encore très bas par rap­port à ceux des pays dévelop­pés (voir fig­ure 2a), et ce, en rai­son de la taille de la pop­u­la­tion. La fig­ure 2b sug­gère que la Chine est à l’é­tape prélim­i­naire de l’in­dus­tri­al­i­sa­tion, alors que le Japon, la France et les États-Unis sont des pays postin­dus­tri­al­isés. Ain­si, la Chine doit tou­jours tra­vers­er la « mon­tagne » de l’in­ten­sité indus­trielle, représen­tée ici par la Corée du Sud. Même si la solu­tion pour la Chine afin de con­tourn­er le som­met de cette « mon­tagne » demeure le pro­grès tech­nique, nous ne pou­vons pas anticiper une solu­tion totale du prob­lème de pollution.

La dis­cus­sion sur la rela­tion entre la crois­sance et l’en­vi­ron­nement depuis trente ans a abouti à une hypothèse très con­nue sou­vent appelée la courbe de Kuznets envi­ron­nemen­tale (CKE). Une inter­pré­ta­tion de cette hypothèse est que la pol­lu­tion aug­mente d’abord avec la crois­sance économique au début du développe­ment. Puis, lorsque le revenu atteint un cer­tain seuil cri­tique, cette pres­sion envi­ron­nemen­tale s’in­verse pour dimin­uer avec la crois­sance. Des analy­ses économiques prédis­ent le point de retourne­ment où l’aug­men­ta­tion de la pol­lu­tion se décou­ple de la crois­sance économique à 5 000 $-8 000 $ de PIB par tête (Stern, 2004 ; Gross­man et Kreuger, 1991, etc.). Puisque la Chine pos­sède actuelle­ment un niveau de PIB par tête de 1 200 $, cette hypothèse sig­ni­fie-t-elle que les Chi­nois doivent con­tin­uer à sup­port­er la détéri­o­ra­tion de l’en­vi­ron­nement pour s’en­richir ? En ten­ant compte du fait que la sit­u­a­tion est déjà très grave, existe-t-il un dan­ger que la capac­ité naturelle d’ab­sorp­tion de la pol­lu­tion soit déjà atteinte en Chine avant qu’elle ne s’ap­proche de ce point de retournement ?

L’apparition d’un découplage entre la dégradation de l’environnement et la croissance

Les faits mon­trent que le décou­plage entre la crois­sance économique et la détéri­o­ra­tion envi­ron­nemen­tale s’est déjà pro­duit en Chine à un seuil de PIB bien inférieur à celui prédit par l’hy­pothèse de CKE. Les graphiques de la fig­ure 3 illus­trent que les écarts entre la crois­sance économique et l’évo­lu­tion de la plu­part des indi­ca­teurs de pol­lu­tion devi­en­nent de plus en plus impor­tants dans le temps. Alors, si le dynamisme de la sit­u­a­tion envi­ron­nemen­tale en Chine mon­tre une amélio­ra­tion rel­a­tive­ment tôt, quelles sont les sources de cette amélioration ?

Une analyse de décom­po­si­tion sur l’émis­sion indus­trielle de SO2 (He, 2005a) sem­ble fournir quelques indices. Dans le graphique 4, les vari­a­tions de l’émis­sion de SO2 mon­trées par la ligne noire, sont décom­posées en con­tri­bu­tions de la crois­sance économique (effet d’échelle), des change­ments struc­turels (l’ef­fet de com­po­si­tion) et des pro­grès tech­niques (effet tech­nique). Il est évi­dent que les vari­a­tions rel­a­tive­ment lentes de l’émis­sion de SO2 par rap­port à la crois­sance économique sont dues à la réduc­tion de la pol­lu­tion issue des pro­grès tech­niques. Ces derniers annu­lent en grande par­tie l’aug­men­ta­tion de pol­lu­tion due à la crois­sance économique et à l’évo­lu­tion de l’industrialisation.

Les limites de la mise en place d’un corpus réglementaire et législatif

Indépen­dam­ment des pro­grès tech­niques, les efforts de l’É­tat dans les divers­es mesures de con­trôle de la pol­lu­tion ne doivent pas être ignorés. Plusieurs études de la Banque mon­di­ale ont déjà mon­tré que la per­for­mance du sys­tème de con­trôle de pol­lu­tion en Chine est net­te­ment plus effi­cace con­traire­ment à la croy­ance pop­u­laire. Effec­tive­ment, un rapi­de développe­ment d’un cor­pus régle­men­taire et lég­is­latif fut observé durant les trente dernières années.

La mon­tée d’une con­science envi­ron­nemen­tale en Chine peut être décelée au début des années soix­ante-dix lorsque l’Or­gan­i­sa­tion mon­di­ale de la san­té (OMS) a révélé pour la pre­mière fois les effets négat­ifs de la pol­lu­tion sur la san­té en Chine. En 1971, le pre­mier organ­isme s’oc­cu­pant de l’u­til­i­sa­tion et de la ges­tion des eaux usées a ain­si été créé. La pro­tec­tion de l’en­vi­ron­nement a été intro­duite dans l’a­gen­da de l’ad­min­is­tra­tion de l’É­tat en 1973. Ensuite, le gou­verne­ment a créé en 1974 une agence d’É­tat spé­cial­isée dans la pro­tec­tion de l’en­vi­ron­nement : la SEPA, soit en français, l’a­gence nationale pour la pro­tec­tion de l’en­vi­ron­nement. De 1973 à 1978, sous les efforts de la SEPA et du Con­seil des affaires de l’É­tat, une série de poli­tiques visant à pro­téger l’en­vi­ron­nement ont été établies, comme « le sys­tème des trois simul­tanés », « le sys­tème de l’élim­i­na­tion avant la date lim­ite », etc. En 1978, la Con­sti­tu­tion chi­noise était amendée par l’a­jout du fameux arti­cle 11 soulig­nant l’oblig­a­tion pour l’É­tat « de pro­téger et d’amélior­er l’en­vi­ron­nement, ain­si que de prévenir la pol­lu­tion et les autres formes de périls publics ».

La pro­mul­ga­tion de la loi sur l’en­vi­ron­nement lors de la 11e Assem­blée pop­u­laire nationale (APN) en 1979 est, dans cette optique, un jalon impor­tant dans la con­struc­tion d’un sys­tème légal de pro­tec­tion de l’en­vi­ron­nement. Au cours des cinq années suiv­antes, les lois sur la pro­tec­tion de l’en­vi­ron­nement marin, sur la préven­tion de la pol­lu­tion des eaux et sur la préven­tion de la pol­lu­tion atmo­sphérique ont été pro­mul­guées les unes après les autres. Par­al­lèle­ment, durant la même péri­ode, le Con­seil des affaires de l’É­tat et la SEPA n’ont cessé d’établir des règles visant à amélior­er la ges­tion de l’en­vi­ron­nement. Ces dernières ont con­cerné la ges­tion des paiements pour les déverse­ments, les études d’im­pact des nou­veaux pro­jets sur l’en­vi­ron­nement, le sys­tème d’alerte des acci­dents de pol­lu­tion, la ges­tion des com­porte­ments pol­lu­ants des petites entre­pris­es au niveau des can­tons et des vil­lages, etc.

Cepen­dant, bien que la pro­mul­ga­tion de ces dif­férentes lois témoigne de la mise en place d’un cadre poli­tique visant à pro­téger l’en­vi­ron­nement, elle ne sig­ni­fie pas pour autant l’ap­pli­ca­tion des lois et des règle­ments en réal­ité. Durant la péri­ode 1970–1990, la pro­tec­tion de l’en­vi­ron­nement était certes souhaitable, toute­fois la pri­or­ité du gou­verne­ment et de la pop­u­la­tion chi­noise demeu­rait la vigueur de la crois­sance économique et l’amélio­ra­tion des con­di­tions de vie.

Au cours des années 1990, la rela­tion entre l’en­vi­ron­nement et la crois­sance économique dans la stratégie du gou­verne­ment chi­nois s’est com­plex­i­fiée. D’une part, la crois­sance économique est passée d’une économie plan­i­fiée à une économie de marché qui offre à la Chine davan­tage de pos­si­bil­ités de crois­sance grâce au ren­force­ment de sa com­péti­tiv­ité sur le marché mon­di­al. D’autre part, l’ac­cen­tu­a­tion de la dégra­da­tion envi­ron­nemen­tale et la pres­sion exer­cée par la com­mu­nauté inter­na­tionale pour mieux con­trôler la pol­lu­tion ont con­duit la Chine à pren­dre des mesures plus con­crètes. Ain­si, l’évo­lu­tion du cadre poli­tique de con­trôle de la pol­lu­tion ne se traduit plus unique­ment par une diver­si­fi­ca­tion des lois de préven­tion et de pro­tec­tion et un ren­force­ment du pou­voir de la SEPA, mais aus­si par la mise en œuvre de con­trôles sur l’ap­pli­ca­tion des règle­ments et l’ap­pari­tion des instru­ments économiques de suivi de la pol­lu­tion. Au même moment, la Chine a com­mencé à assumer et même ren­forcer son rôle inter­na­tion­al dans le domaine de l’en­vi­ron­nement ce qui s’est man­i­festé, entre autres, par la sig­na­ture des con­ven­tions « envi­ron­nement et développe­ment » et de l’ac­cord de Kyoto pour la préven­tion des change­ments cli­ma­tiques et de la con­ven­tion de Stock­holm afin d’élim­in­er et lim­iter la pro­duc­tion, l’u­til­i­sa­tion et les rejets des pol­lu­ants organiques per­sis­tants (POP).

À la suite d’une ving­taine d’an­nées de développe­ment, le cor­pus des lois de con­trôle de la pol­lu­tion en Chine est presque com­plet. Bien que celui-ci ait déjà aidé la Chine à réalis­er, jusqu’à un cer­tain degré, un décou­plage entre l’aug­men­ta­tion de la pol­lu­tion et la crois­sance économique, il existe encore de nom­breux prob­lèmes d’ef­fi­cac­ité des mesures envi­ron­nemen­tales. Les prob­lèmes les plus fla­grants sont le manque d’ef­fi­cac­ité des mesures de con­trôle et le fait que la plu­part des méth­odes util­isées sont celles d’une économie plan­i­fiée à laque­lle il manque des inci­ta­tions économiques et des ini­tia­tives privées. De plus, la Chine éprou­ve sou­vent de la dif­fi­culté à sur­veiller et punir les petites entre­pris­es en faute. Égale­ment, la pénal­ité infligée aux grands pol­lueurs reste encore trop faible. En fait, les mécan­ismes de con­trôle n’ex­i­gent des pol­lueurs que de pay­er la par­tie dépas­sant la norme, et s’il existe dif­férents pol­lu­ants, ils ne paieront que pour le pol­lu­ant qui dépasse le plus la norme. Wang (2000) mon­tre ain­si que le taux de paiement actuelle­ment appliqué en Chine pour une unité de pol­lu­tion est seule­ment égal à la moitié du coût d’in­vestisse­ment dans les tech­nolo­gies de dépol­lu­tion et 1/10 du coût sur la san­té publique. Donc, pour un pro­duc­teur, pol­luer et pay­er les pénal­ités coûte moins cher que de se mod­erniser et réduire ses émissions.

Principaux problèmes du système de protection de l’environnement en Chine

Ce manque d’ef­fi­cac­ité pour­rait être expliqué par plusieurs raisons sociales, économiques et administratives.

En pre­mier lieu, le car­ac­tère stratégique de l’en­vi­ron­nement n’est pas vrai­ment pris en compte par le gou­verne­ment chi­nois qui con­sid­ère tou­jours que la crois­sance économique et l’en­richisse­ment matériel sont pri­or­i­taires. Cela explique le fait que la pro­mul­ga­tion des lois et des règle­ments n’en­traîne pas for­cé­ment leur appli­ca­tion et que la posi­tion admin­is­tra­tive actuelle de la SEPA, même si elle s’améliore, reste tou­jours mar­ginale par rap­port aux autres min­istères qui s’oc­cu­pent des affaires économiques.

Deux­ième­ment, la mise en appli­ca­tion de cer­taines poli­tiques de pro­tec­tion de l’en­vi­ron­nement repose aus­si sur un com­pro­mis entre l’en­vi­ron­nement et le béné­fice économique. Plutôt que d’ap­pli­quer de façon égale la lég­is­la­tion à toutes les entre­pris­es, le gou­verne­ment chi­nois a sou­vent ten­dance à pren­dre en compte la capac­ité d’une entre­prise à sup­port­er ces mesures lors de leur appli­ca­tion. La rigueur de la régu­la­tion envi­ron­nemen­tale sur une entre­prise est aus­si sou­vent assou­plie en fonc­tion du nom­bre d’employés. En out­re, cer­taines poli­tiques économiques vont à l’en­con­tre des principes de la pro­tec­tion de l’en­vi­ron­nement. Un bon exem­ple est que le prix de matières pre­mières tels que le char­bon et l’eau est tou­jours pla­fon­né, ce qui a pour but de pro­mou­voir cer­tains secteurs indus­triels lourds sou­vent con­sid­érés comme stratégiques dans le proces­sus de développe­ment et d’industrialisation.

Troisième­ment, la coopéra­tion entre les gou­verne­ments cen­traux et locaux est insuff­isante. Cela a pour effet que les gou­verne­ments locaux appliquent avec beau­coup de sou­p­lesse les mesures de pro­tec­tion de l’en­vi­ron­nement. Bien que l’im­por­tance de l’en­vi­ron­nement fut déjà sig­nalée par le gou­verne­ment cen­tral dès 1990, les critères ser­vant à éval­uer la capac­ité des chefs des gou­verne­ments locaux restent tou­jours forte­ment liés à l’é­conomie : la crois­sance de PIB, la créa­tion de l’emploi, les expor­ta­tions, l’en­trée des IDE, etc. Puisque la struc­ture admin­is­tra­tive en Chine est sim­i­laire à un sys­tème fédéral­iste, les dif­férentes provinces se sen­tent en com­péti­tion de sorte que les gou­verne­ments locaux ont sou­vent ten­dance à sac­ri­fi­er l’en­vi­ron­nement pour obtenir de meilleures sta­tis­tiques économiques. On note très sou­vent la nég­li­gence voire même la dis­sim­u­la­tion de la vérité sur les dégâts envi­ron­nemen­taux dans les rap­ports gou­verne­men­taux des provinces. Seule­ment quelques provinces déjà rel­a­tive­ment rich­es et aisées, comme Shang­hai, Jiang­su, Zhe­jiang, etc., com­men­cent à vrai­ment s’in­téress­er au prob­lème de l’environnement.

Par ailleurs, le non-achève­ment d’un sys­tème juridique indépen­dant en Chine nuit au bon fonc­tion­nement du sys­tème de con­trôle, car les déci­sions peu­vent être influ­encées par le pou­voir de négo­ci­a­tion des entre­pris­es, par les béné­fices com­mer­ci­aux, par les activ­ités de cor­rup­tion et par les inter­ven­tions du gou­verne­ment. Même si dans plus de 90 % des cas, la déci­sion d’un juge est accep­tée par les par­ties con­cernées, les juges chi­nois admet­tent que leurs déci­sions sont pris­es en ten­ant en compte de fac­teurs tels que la capac­ité à pay­er les amendes et les inter­ven­tions poten­tielles provenant du gou­verne­ment. Pour les 10 % de cas restants, ils sont réso­lus par des médi­a­tions semi-formelles entre les régu­la­teurs, les pol­lueurs et les victimes.

La nou­velle ten­dance du développe­ment économique de la Chine pour­rait faciliter l’amélio­ra­tion de l’ef­fi­cac­ité du sys­tème de pro­tec­tion de l’en­vi­ron­nement, par l’ap­pari­tion et la per­fec­tion des instru­ments de marché, l’ou­ver­ture et le ren­force­ment de la con­science publique sur l’en­vi­ron­nement. Mal­gré cela, nous ne pou­vons pas ignor­er quelques dif­fi­cultés dont les caus­es pro­fondes pour­raient con­tin­uer à empêch­er l’ap­pari­tion d’une meilleure ges­tion de l’en­vi­ron­nement en Chine.

  1. Le con­flit entre le besoin d’un sys­tème lég­is­latif effi­cace et l’héritage de la philoso­phie con­fucéenne. Pour achev­er la con­struc­tion de sys­tèmes lég­is­lat­ifs et juridiques et ren­forcer l’ef­fi­cac­ité du con­trôle de la pol­lu­tion en Chine, le change­ment de la posi­tion sub­al­terne des sys­tèmes juridiques par rap­port au gou­verne­ment et la con­struc­tion d’une véri­ta­ble société de droit sont inévita­bles. Cepen­dant, ceci bous­cule l’héritage de la philoso­phie con­fucéenne, qui a guidé l’or­gan­i­sa­tion du sys­tème poli­tique en Chine depuis plusieurs mil­liers d’an­nées et souligne la ver­tu du leader poli­tique au lieu d’un sys­tème lég­is­latif effi­cace. Ain­si, le défi le plus impor­tant dans l’évo­lu­tion poli­tique et soci­ologique de la Chine con­siste à gér­er l’ar­tic­u­la­tion entre la tra­di­tion idéologique et la con­struc­tion d’une société de droit et de lois.
     
  2. L’ac­croisse­ment des dis­par­ités régionales devient de plus en plus mar­quant en Chine en rai­son de la crois­sance économique excep­tion­nelle. Le sys­tème de con­trôle de pol­lu­tion étant sou­vent déter­miné par l’aspect économique de la région elle-même, la dis­par­ité entre les dif­férentes régions pour­rait con­stituer un grand dan­ger pour les provinces les plus pau­vres, car elles pour­raient sac­ri­fi­er la qual­ité de leur envi­ron­nement dans le but de stim­uler leur crois­sance économique.
     
  3. L’amélio­ra­tion du niveau de vie, l’ur­ban­i­sa­tion et l’ac­croisse­ment de la demande pour des biens man­u­fac­turés sont des fac­teurs qui entraîneront néces­saire­ment l’aug­men­ta­tion du traf­ic routi­er. Selon He et Roland-Holst (2005), la con­som­ma­tion quo­ti­di­enne du trans­port devien­dra la source de pol­lu­tion la plus impor­tante en Chine à par­tir de 2015. Par con­séquent, encour­ager l’amélio­ra­tion des trans­ports publics dans les zones urbaines demeure un défi majeur.
     
  4. Finale­ment, selon l’hypothèse du « havre de pol­lu­tion », la Chine, pos­sé­dant un niveau de régle­men­ta­tion de pro­tec­tion de l’en­vi­ron­nement rel­a­tive­ment moins rigoureux, risque de devenir un havre de pol­lu­tion vers lequel les pays rich­es auront intérêt à délo­calis­er leurs pro­duc­tions pol­lu­antes. Ain­si, face à un accroisse­ment inévitable de la mon­di­al­i­sa­tion, un autre défi pour le gou­verne­ment chi­nois reste de bien arbi­tr­er entre le béné­fice économique qu’il pour­rait tir­er de l’é­conomie mon­di­ale et les dégâts envi­ron­nemen­taux qu’il pour­rait subir.
     

Bref, une réforme plus pro­fonde du sys­tème de con­trôle de la pol­lu­tion en Chine est tou­jours indis­pens­able. Cepen­dant, cette réforme n’in­flu­ence pas unique­ment l’aspect envi­ron­nemen­tal. Effec­tive­ment, ces mesures vont for­cé­ment entraîn­er des change­ments dans le domaine social, poli­tique, économique et struc­turel, car une réforme effi­cace et réussie requiert la coor­di­na­tion des poli­tiques dans ces domaines.

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