Créer un cadre d’indemnisation pour les accidents corporels

Dossier : L'assurance face aux risques nouveauxMagazine N°665 Mai 2011
Par Guillaume ROSENWALD (85)

REPÈRES

REPÈRES
C’est en matière d’ac­ci­dents routiers que le dis­posi­tif d’in­dem­ni­sa­tion est le plus exem­plaire : les vic­times autres que les con­duc­teurs béné­fi­cient, depuis la loi du 5 juil­let 1985 dite ” loi Bad­in­ter “, d’une répa­ra­tion rapi­de et com­plète, dont l’ef­fec­tiv­ité est garantie par deux mécan­ismes : l’as­sur­ance auto­mo­bile oblig­a­toire — la répa­ra­tion pesant sur l’as­sureur du véhicule impliqué dans l’ac­ci­dent — et le Fonds de garantie auto­mo­bile (à présent le Fonds de garantie des assur­ances oblig­a­toires de dom­mages) inter­venant lorsque l’au­to­mo­biliste impliqué est non assuré ou inconnu.

Une situation contrastée

La prise en charge des acci­dents cor­porels est mar­quée par une très grande hétérogénéité

La France a été l’un des pays précurseurs pour la prise en charge des frais de soins et d’hos­pi­tal­i­sa­tion. Si le dis­posi­tif d’as­sur­ance sociale nation­al mis en place en 1945 sem­ble actuelle­ment dans une phase de désen­gage­ment, il reste, pour autant, l’un des plus com­plets au monde. En revanche, la prise en charge des con­séquences durables des acci­dents cor­porels est mar­quée par une très grande hétérogénéité. L’ac­cès au droit à répa­ra­tion, son éten­due et les modal­ités de la répa­ra­tion dépen­dent en effet de la nature de l’ac­ci­dent en cause.

Pour les acci­dents du tra­vail, les acci­dents de la cir­cu­la­tion, les atten­tats ou infrac­tions, les acci­dents et aléas médi­caux, les vic­times sont indem­nisées grâce à des dis­posi­tifs assur­antiels privés ou publics ou à des fonds. En revanche les vic­times d’autres types d’ac­ci­dents ne sont indem­nisées qu’après iden­ti­fi­ca­tion d’un éventuel respon­s­able et, le plus sou­vent, déci­sion d’un tri­bunal con­sacrant leurs droits à indemnisation.

Contrats individuels

Acci­dents de la vie
L’As­so­ci­a­tion française de l’as­sur­ance (AFA) estime à fin 2009 que 39,8 mil­lions de per­son­nes sont cou­vertes par des con­trats indi­vidu­els à fin 2009, soit 60 % de la pop­u­la­tion. La qual­ité de ces cou­ver­tures s’est très sen­si­ble­ment accrue depuis une quin­zaine d’an­nées avec la propo­si­tion de nou­veaux con­trats barémisés par les mutuelles d’as­sur­ances et le lance­ment de la “Garantie des acci­dents de la vie “.

Par ailleurs les assureurs pro­posent depuis une soix­an­taine d’an­nées des con­trats indi­vidu­els ou famil­i­aux cou­vrant les dom­mages cor­porels indépen­dam­ment des ques­tions de respon­s­abil­ité. Ces cou­ver­tures ne per­me­t­tent cepen­dant pas une indem­ni­sa­tion inté­grale de l’ensem­ble de la pop­u­la­tion en cas d’ac­ci­dent corporel.

Un grand nom­bre d’ac­ci­den­tés, faute de respon­s­able iden­ti­fié et de cou­ver­ture con­tractuelle suff­isante, sont pris en charge dans leur vie quo­ti­di­enne au titre de l’aide sociale par les col­lec­tiv­ités locales sous la coor­di­na­tion des maisons départe­men­tales pour le hand­i­cap mis­es en place par la loi du 11 févri­er 2005.

Les coûts de prise en charge de ces vic­times sont alors ” dilués ” entre dif­férents bud­gets publics et dégagés au fil des ans.

Des progrès possibles

Un dis­posi­tif généreux
Le dis­posi­tif de la loi Bad­in­ter, très pro­tecteur, n’ex­clue une vic­time d’ac­ci­dent de la cir­cu­la­tion de l’in­dem­ni­sa­tion qu’en cas de “faute inex­cus­able” de la vic­time. Cette notion a été pré­cisée de manière extrême­ment restric­tive par la jurispru­dence qui aboutit qua­si­ment à n’ex­clure que les vic­times ayant volon­taire­ment provo­qué l’ac­ci­dent. Ce dis­posi­tif très généreux pour les vic­times s’est avéré effi­cace, fiable et sup­port­able économique­ment par les assurés et leurs assureurs de respon­s­abil­ité grâce aux pro­grès de la sécu­rité routière et à la mutu­al­i­sa­tion du risque.

Le pre­mier axe de pro­grès passe par l’aug­men­ta­tion du champ d’une bonne indem­ni­sa­tion pécu­ni­aire se bas­ant sur la respon­s­abil­ité civile. L’idée est d’é­ten­dre ce sys­tème très pro­tecteur prévu par la loi Bad­in­ter. Elle est bien enten­du séduisante, c’est une ori­en­ta­tion forte du rap­port rédigé en 2005 sous la direc­tion de M. Pierre Catala.

Un tel dis­posi­tif ne peut cepen­dant s’ap­pli­quer que lorsque la solv­abil­ité des respon­s­ables est garantie par une assur­ance de respon­s­abil­ité oblig­a­toire et un fonds de garantie.

Cette assur­ance oblig­a­toire doit être applic­a­ble et con­trôlable sur l’ensem­ble du ter­ri­toire et pour l’ensem­ble des acteurs même non-rési­dents : la loi Bad­in­ter est ain­si applic­a­ble en France pour l’ensem­ble des acci­dents impli­quant un véhicule ter­restre à moteur car elle prof­ite du sys­tème inter­na­tion­al de la ” carte verte” et d’une assur­ance oblig­a­toire au niveau européen.

Transports terrestres

Impos­si­bil­ité pratique
Une exten­sion de la loi Bad­in­ter à d’autres types d’ac­ci­dents impli­quant, par exem­ple, un bateau à moteur s’avér­erait impos­si­ble sans un dis­posi­tif équiv­a­lent à la ” carte verte “, sauf à con­trôler tout bateau à moteur entrant dans les eaux ter­ri­to­ri­ales françaises.

Ain­si l’ex­ten­sion de la loi Bad­in­ter aux tramways et chemins de fer serait logique et favoris­erait une égal­ité de traite­ment entre les usagers des voies publiques, l’idée a d’ailleurs été reprise par Mon­sieur le député Lefrand dans la propo­si­tion de loi actuelle­ment en dis­cus­sion au Parlement.

Si cette propo­si­tion de loi était adop­tée, l’in­dem­ni­sa­tion plus sys­té­ma­tique des vic­times provo­querait cor­réla­tive­ment un renchérisse­ment de la charge de respon­s­abil­ité civile cor­porelle pour ces trans­porteurs même si d’ores et déjà la jurispru­dence a con­sid­érable­ment alour­di leur respon­s­abil­ité à l’é­gard de leurs pas­sagers victimes.

Ce sur­coût serait naturelle­ment finale­ment payé par l’ensem­ble des usagers.

Aller plus loin ?

Un grand nom­bre d’ac­ci­den­tés sont pris en charge par les col­lec­tiv­ités locales

Peut-on imag­in­er de con­stru­ire d’autres dis­posi­tifs de type Bad­in­ter pour des acci­dents autres que ceux liés aux trans­ports ? La notion ” d’im­pli­ca­tion ” du véhicule dans l’ac­ci­dent qui, dans la loi Bad­in­ter déclenche l’oblig­a­tion d’in­dem­ni­sa­tion à l’é­gard de la vic­time et qui, appré­ciée très large­ment par les tri­bunaux, étend de fait la respon­s­abil­ité du con­duc­teur ou du gar­di­en du véhicule, est dif­fi­cile­ment envis­age­able pour des biens autres que des moyens de transport.

Patch­work
L’ex­ten­sion à d’autres domaines des principes de la loi Bad­in­ter ne ferait qu’aug­menter le patch­work actuel de cou­ver­tures liées à divers objets. Mais celui-ci com­porterait tou­jours d’in­nom­brables trous. Ce n’est vraisem­blable­ment pas la bonne voie de pro­grès au-delà des acci­dents de transport.

Imag­i­nons, par exem­ple, un tel dis­posi­tif con­cer­nant les biens immo­biliers : l’in­dem­ni­sa­tion des vic­times d’in­cendie prenant nais­sance dans le bien serait alors facil­itée, accélérée, systématisée.

Mais le recours à la notion exten­sive ” d’im­pli­ca­tion ” per­me­t­trait de pren­dre en charge toutes sortes d’ac­ci­dents même ceux dont l’o­rig­ine serait étrangère au fait de la chose (par exem­ple, la per­son­ne qui en courant dans le couloir d’un immeu­ble tombe sur le sol par­faite­ment entretenu et exempt de vice). La prise en charge de ces acci­dents par le pro­prié­taire ou le gar­di­en du bien immo­bili­er qui ne pour­raient se dégager de leur respon­s­abil­ité qu’en appor­tant la preuve qua­si impos­si­ble d’une ” faute inex­cus­able ” serait alors injus­ti­fiée et con­stituerait de fait une atteinte à leur patrimoine.

Généraliser les garanties

Doit-on organ­is­er la cou­ver­ture des 40 % de foy­ers non encore assurés par un con­trat acci­dents cor­porels ? Une telle général­i­sa­tion n’a de sens que si elle repo­si­tionne claire­ment la prise en charge des con­séquences durables des acci­dents de la vie courante sur ces garanties. La branche san­té de l’as­sur­ance-mal­adie ferait alors l’é­conomie des frais de soins con­sé­cu­tifs à un acci­dent de la vie courante. Les col­lec­tiv­ités ter­ri­to­ri­ales feraient l’é­conomie de la prise en charge des hand­i­caps con­sé­cu­tifs aux acci­dents de la vie courante.

Cou­ver­ture acci­dent universelle
Une “Cou­ver­ture acci­dent uni­verselle” con­stru­ite et financée sur le mod­èle de la Cou­ver­ture mal­adie uni­verselle pour­rait per­me­t­tre de cou­vrir les quelque qua­tre mil­lions de béné­fi­ci­aires de la CMU. La dif­fi­culté prin­ci­pale d’une telle démarche est qu’elle rendrait vis­i­ble dans le bud­get de tous les ménages des coûts aujour­d’hui dilués entre de mul­ti­ples organ­ismes et ser­vices publics.

Accompagner les victimes

Le défaut prin­ci­pal des sys­tèmes d’in­dem­ni­sa­tion des vic­times en France est de ne pas encour­ager l’amélio­ra­tion de l’é­tat de la vic­time. D’un point de vue pure­ment financier, la vic­time ou sa famille a aujour­d’hui intérêt à faire con­stater le pire état physique et psy­chique pour obtenir la plus forte indemnisation.

Les sys­tèmes d’in­dem­ni­sa­tion n’en­cour­a­gent pas l’amélio­ra­tion de l’é­tat de la victime

À l’é­tranger et par­ti­c­ulière­ment dans les pays anglo-sax­ons, on prend en revanche sou­vent en compte les efforts de la vic­time pour gag­n­er en autonomie et recon­stru­ire sa vie. Pour­tant, à mon avis, l’in­térêt des vic­times, en ter­mes de qual­ité de vie, est de recon­quérir autant que pos­si­ble une indépen­dance suff­isante leur per­me­t­tant d’ac­com­plir elles-mêmes des tâch­es matérielles, intel­lectuelles voire de retra­vailler plutôt que de demeur­er à plein-temps dans la dépen­dance de tierces personnes.

Motivations

Dans les insti­tu­tions de réé­d­u­ca­tion, les efforts de réadap­ta­tion sont aujour­d’hui sou­vent plus impor­tants et don­nent de bien meilleurs résul­tats lorsque la vic­time ne béné­fi­cie pas du sou­tien financier d’un respon­s­able solv­able ou d’un assureur capa­ble de pay­er une assis­tance humaine importante.

Évo­lu­tions juridiques
Le rap­port Cata­la a iden­ti­fié les faib­less­es du sys­tème français d’in­dem­ni­sa­tion et appelle à une évo­lu­tion de notre dis­posi­tif juridique pour encour­ager le “dynamisme” des vic­times. La propo­si­tion de loi Béteille reprend ces principes, mais unique­ment pour les dom­mages matériels sans encore “oser” les avancer pour les dom­mages à la personne.

Sans ren­tr­er dans les détails d’or­dre médi­co-légal ou juridique, le mon­tant de l’in­dem­ni­sa­tion à vers­er à la vic­time est aujour­d’hui appré­cié et déter­miné à un seul moment, celui de la ” con­sol­i­da­tion “, c’est-à-dire lorsque l’é­tat médi­cal de la vic­time est con­sid­éré comme sta­ble et non sus­cep­ti­ble d’évolution.

En revanche après “con­sol­i­da­tion” de l’é­tat de la vic­time et fix­a­tion du niveau de l’in­dem­ni­sa­tion encore exclu­sive­ment pécu­ni­aire, en cap­i­tal ou en rente, la propo­si­tion de l’as­sureur du respon­s­able de répar­er autrement, par la mise à dis­po­si­tion de ser­vices des­tinés à amélior­er la sit­u­a­tion de la vic­time, à la réin­sér­er sociale­ment et si pos­si­ble pro­fes­sion­nelle­ment, bref à l’aider à l’élab­o­ra­tion de son pro­jet de vie et faciliter sa mise en oeu­vre, est encore con­sid­érée comme une ingérence, alors même que ce type de presta­tions en nature a été con­forté par la loi sur le hand­i­cap du 11 févri­er 2005.

Égalité de traitement et sécurité juridique

Recon­struc­tion
L’as­sureur du respon­s­able qui, aujour­d’hui, aide la vic­time dès après l’ac­ci­dent, le fait en dehors de tout cadre régle­men­taire. Plusieurs com­pag­nies d’as­sur­ances français­es et en par­ti­c­uli­er les grandes mutuelles d’as­sur­ances telles que la MACIF pren­nent cepen­dant l’ini­tia­tive d’ac­com­pa­g­n­er les vic­times dans leur démarche de “recon­struc­tion” en s’ap­puyant sur des asso­ci­a­tions et des réseaux d’étab­lisse­ments de réadap­ta­tion. Cette pra­tique extrême­ment béné­fique aux vic­times est enfin tolérée depuis quelques années.

Pour les vic­times d’ac­ci­dents de la cir­cu­la­tion, on con­state sur une longue péri­ode une autorégu­la­tion de la charge économique glob­ale. L’ef­fort accom­pli dans le domaine de la sécu­rité routière (divi­sion par 5 du nom­bre de décès en quar­ante ans) a per­mis une amélio­ra­tion con­séquente de l’in­dem­ni­sa­tion des vic­times pour un coût glob­al con­stant en ter­mes d’ef­fort pour les ménages.

Mais cette évo­lu­tion est irrégulière dans le temps et varie selon les tri­bunaux. Les dif­férences de niveau d’in­dem­ni­sa­tion entre les juri­dic­tions créent un impor­tant prob­lème d’équité entre vic­times, cer­tains préju­dices per­son­nels étant indem­nisés deux fois plus généreuse­ment dans cer­taines régions. L’évo­lu­tion erra­tique dans le temps crée de plus une incer­ti­tude forte pour les assureurs et surtout pour les réas­sureurs directe­ment con­cernés par les vic­times les plus grave­ment atteintes.

Cette incer­ti­tude a un coût finale­ment payé par l’ensem­ble des assurés.

Référentiels d’indemnisation

Primes majorées
L’in­dem­ni­sa­tion d’une vic­time lour­de­ment blessée se faisant au rythme des évo­lu­tions de son état médi­cal et éventuelle­ment des déci­sions de jus­tice s’é­tale couram­ment sur cinq à sept ans. La dif­fi­cile pré­dictibil­ité des con­di­tions d’in­dem­ni­sa­tion amène les réas­sureurs à appli­quer une prime de risque très impor­tante sur la cou­ver­ture des acci­dents cor­porels. Para­doxale­ment, en matière d’ac­ci­dents graves de la cir­cu­la­tion, ce n’est pas à l’échelle macroé­conomique l’événe­ment lui-même qui est incer­tain mais sa prise en compte par les tri­bunaux. L’in­cer­ti­tude prin­ci­pale pour les assureurs et réas­sureurs est juridique.

Le rap­port Cata­la de 2005 comme le Livre blanc de l’AFA sur l’in­dem­ni­sa­tion des dom­mages cor­porels appel­lent à l’in­stau­ra­tion de référen­tiels d’in­dem­ni­sa­tion qui per­me­t­traient, sans figer défini­tive­ment les postes de préju­dice, d’in­stau­r­er une meilleure équité comme une meilleure pré­dictibil­ité des indemnisations.

Un arti­cle de la propo­si­tion de loi Lefrand, dans sa ver­sion ini­tiale­ment pro­posée, prévoy­ait d’in­stau­r­er un tel référen­tiel, il a été rejeté en pre­mière lec­ture par l’Assem­blée nationale, apparem­ment suite à l’in­ter­ven­tion d’as­so­ci­a­tions de vic­times craig­nant de figer le droit à indem­ni­sa­tion ou peut-être d’av­o­cats spé­cial­isés pour qui la non-égal­ité de traite­ment entre vic­times est une con­di­tion fort logique de val­ori­sa­tion de leur intervention.

Une nécessaire gouvernance

Le coût des acci­dents de cir­cu­la­tion est suivi et analysé par la Délé­ga­tion à la sécu­rité et à la cir­cu­la­tion routières et par les assureurs. Il fait l’ob­jet de nom­breuses études français­es et inter­na­tionales, en par­ti­c­uli­er de nom­breuses études com­par­a­tives des sys­tèmes d’in­dem­ni­sa­tion. Ces nom­breux travaux ne ser­vent cepen­dant que peu à éclair­er les déci­sions d’en­richisse­ment de l’in­dem­ni­sa­tion qui pour la plu­part ne sont, de fait, pas pris­es par le lég­is­la­teur mais par les tri­bunaux par le moyen de créa­tions de nou­veaux préju­dices ou de déci­sions plus généreuses en valeur.

Absence de vision

20 à 30 mil­liards d’euros
L’in­dem­ni­sa­tion des vic­times d’ac­ci­dents cor­porels coûte à la société env­i­ron 5 mil­liards d’eu­ros par an pour les acci­dents de cir­cu­la­tion, 7 mil­liards d’eu­ros par an pour les acci­dents du tra­vail et une somme incon­nue pour les acci­dents de la vie courante (4 fois plus nom­breux que les acci­dents de la cir­cu­la­tion). Au total un ordre de grandeur de 20 à 30 mil­liards d’eu­ros par an est vraisemblable.

Sur l’ensem­ble du champ des dom­mages cor­porels, aucune insti­tu­tion ne suit économique­ment la bonne prise en charge des coûts, ni n’analyse l’op­por­tu­nité d’une évo­lu­tion des indem­ni­sa­tions. L’amélio­ra­tion de l’in­dem­ni­sa­tion des vic­times d’ac­ci­dents cor­porels néces­site la déf­i­ni­tion d’une véri­ta­ble stratégie économique et juridique.

La stratégie juridique existe : la dynamique lancée par Robert Bad­in­ter en 1985 a créé une véri­ta­ble école juridique française de l’in­dem­ni­sa­tion des vic­times. Le Rap­port Cata­la de 2005 (ouvrage col­lec­tif) pro­pose claire­ment des voies d’amélioration.

Il n’ex­iste en revanche pas de démarche économique glob­ale sur le sujet.

Chaque acteur économique ne con­sid­ère que les coûts qu’il a directe­ment en charge.

Il n’est pas cer­tain que l’aligne­ment de l’ensem­ble des indem­ni­sa­tions des acci­dents de tra­vail sur l’in­dem­ni­sa­tion de droit com­mun con­stituerait un sur­coût glob­al, mais les études réal­isées par la Sécu­rité sociale ne s’in­téressent qu’aux coûts directs du régime des acci­dents du travail.

Opportunisme

Faute de vision économique glob­ale, il existe encore moins de tac­tique de déploiement des amélio­ra­tions pro­posées par les juristes. Ceux-ci, seuls spé­cial­istes en pointe sur le sujet et pour beau­coup d’en­tre eux véri­ta­ble­ment motivés par l’in­térêt des vic­times, voire par l’in­térêt général, ne peu­vent que saisir les oppor­tu­nités d’amélio­ra­tion lorsqu’elles se présen­tent. Ces oppor­tu­nités sont d’abord jurispru­den­tielles, un nou­veau poste de préju­dice est inven­té par un tri­bunal ou une notion comme la faute inex­cus­able de l’employeur ou la faute du médecin est éten­due. Si ces ” inno­va­tions” ne sont pas remis­es en cause, elles s’in­stal­lent rapidement.

Cer­tains préju­dices sont indem­nisés deux fois plus généreuse­ment dans cer­taines régions

Si elles provo­quent un désor­dre économique, alors les pou­voirs publics inter­vi­en­nent dans l’ur­gence, soit en rétab­lis­sant par la loi la sit­u­a­tion antérieure, soit en inven­tant une nou­velle source d’in­dem­ni­sa­tion, en général par la créa­tion d’un fonds para­pub­lic sup­plé­men­taire ou par l’élar­gisse­ment du champ d’in­ter­ven­tion d’un fonds exis­tant. Les oppor­tu­nités sont égale­ment lég­isla­tives : des par­lemen­taires ont régulière­ment la volon­té d’amélior­er l’in­dem­ni­sa­tion des vic­times d’ac­ci­dents cor­porels, mais faute de stratégie publique glob­ale, ils sont con­damnés à agir par microévo­lu­tions successives.

Livre blanc

Fauss­es économies
La branche acci­dents du tra­vail de la Sécu­rité sociale con­sid­ère les inter­ven­tions d’as­sureurs de respon­s­abil­ité civile des entre­pris­es dans le cadre de “fautes inex­cus­ables de l’employeur” comme une économie, alors même que la charge, plus impor­tante, revient finale­ment aux mêmes entre­pris­es cotisantes.

L’in­dem­ni­sa­tion des vic­times implique de nom­breux min­istères : Jus­tice, Affaires sociales, San­té, Économie, Trans­ports, Intérieur. Cer­tains de ces min­istères sont de plus autorité de tutelle d’in­ter­venants tels que la Sécu­rité sociale, les assureurs ou les col­lec­tiv­ités locales mis en posi­tions antag­o­nistes plus que complémentaires.

Il est néces­saire d’en­gager un débat glob­al avec l’ensem­ble des acteurs concernés

Jusqu’à aujour­d’hui, per­son­ne n’a repris d’un point de vue économique les propo­si­tions du Rap­port Cata­la afin de faire des propo­si­tions opéra­tionnelles pour uni­formiser les niveaux d’in­dem­ni­sa­tion des vic­times d’ac­ci­dents, quelle que soit la cause de l’ac­ci­dent ; définir les modes de cou­ver­ture les plus effi­caces, indi­vidu­els ou col­lec­tifs ; et, enfin, pré­cis­er les respon­s­abil­ités des dif­férents acteurs publics et privés.

Les assureurs ont fait des propo­si­tions fortes d’évo­lu­tions pra­tiques et juridiques dans le Livre blanc de l’As­so­ci­a­tion française de l’as­sur­ance sur l’in­dem­ni­sa­tion du dom­mage cor­porel (avril 2008). Ces propo­si­tions n’ont pour le moment provo­qué que des réac­tions d’ad­hé­sion ou de rejet par­tielles de la part des autres acteurs, mais le débat glob­al néces­saire n’a pas encore eu lieu. Il est néces­saire de l’en­gager avec l’ensem­ble des acteurs con­cernés. La propo­si­tion de loi Lefrand prévoit la mise en place d’une com­mis­sion rassem­blant ces acteurs, nous pou­vons espér­er qu’elle sera fac­teur de progrès.

Commentaire

Ajouter un commentaire

Anonymerépondre
3 juillet 2013 à 17 h 24 min

acci­dents et fonds de garantie

Expéri­ence vécue en 2012 Per­son­ne grave­ment blessée sur une piste de ski par un impru­dent (col­li­sion sévère) Ce dernier décline ver­bale­ment une fausse iden­tité ‚adresse , n° de télé­phone aux pis­teurs sec­ouristes qui ne lui deman­dent aucun preuve (CI , passe­port..) le maire de la com­mune déclare (sic) que cette procé­dure est nor­male ; ce qui est faux puisque le respon­s­able n’ a pas été cor­recte­ment iden­ti­fié cf lég­is­la­tion les divers­es assur­ances de la per­son­ne blessée cou­vriront par la suite les frais médicaux.


Quant au préju­dice lié à la frac­ture, il fau­dra que la per­son­ne blessée demande elle-même l’in­ter­ven­tion du FG pour être indem­nisée Ce cas n’est pas excep­tion­nel car à notre con­nais­sance les maires des sta­tions de mon­tagne en France ne se sen­tent pas oblig­és de faire iden­ti­fi­er les respon­s­ables d’ac­ci­dents cor­porels dans leurs com­munes.…. Cette sit­u­a­tion scan­daleuse perdure

Répondre