Créer son entreprise, c’est facile

Dossier : ExpressionsMagazine N°670 Décembre 2011Par : Serge RAFFET (50)
Au Car­na­val de Rio,
en février 1957.

Au Car­na­val de Rio,
en février 1957.

En début de car­rière, on m’a envoyé à Rio faire le pro­fil géo­phy­sique de l’entrée de la baie, pour un pro­jet de tun­nel (mes résul­tats ont conduit à construire un pont).

Mais après quelques semaines au Bré­sil, à 26 ans, je n’avais aucune envie de retrou­ver l’atmosphère maus­sade de Paris. J’ai donc pro­po­sé à mon employeur de créer une filiale à Rio. Il m’a enjoint de ren­trer par le pre­mier avion. Je suis resté.

La rencontre du financier

J’ai fait le tour des entre­prises fran­çaises sur place. Aucune ne sou­hai­tait embau­cher un jeune Fran­çais qui ne connais­sait rien à leurs acti­vi­tés et ne par­lait guère por­tu­gais. Le hasard a vou­lu que je ren­contre un « finan­cier ». À l’époque, on ne nous appre­nait pas à l’X ce que c’était. Il m’a expli­qué qu’il gérait de l’argent qu’il pla­çait quand on lui appor­tait une idée inté­res­sante (il s’appelait Roth­schild, j’aurais dû y pen­ser). J’ai répon­du que je vou­lais jus­te­ment créer une socié­té de géophysique.

Je me suis retrou­vé confé­ren­cier et pro­fes­seur de géophysique

L’idée lui a plu. Le len­de­main j’étais chez Demos­tenes, son avo­cat, et à midi la Socie­dade de Estu­dos Geo­fi­si­cos do Bra­sil Ltda (Soge­bral) était née. Facile. Sauf que j’ai ensuite ramé pen­dant six mois avant d’obtenir mon pre­mier contrat, la carte du fond du rio Para­na à Igua­çu par écho­son­dage, rien à voir avec la géo­phy­sique mais je n’étais pas regardant.

Puis d’autres contrats sont arri­vés. J’ai déve­lop­pé ma socié­té, fait des confé­rences dans plu­sieurs uni­ver­si­tés bré­si­liennes et chez les mili­taires, et me suis même retrou­vé pro­fes­seur de géo­phy­sique à l’Escola de Minas. Quatre années grisantes.

Traductions en tout genre

J’ai cédé mes socié­tés alors qu’elles étaient encore très jeunes mais j’ai eu le plai­sir, pas­sant par le Bré­sil des années plus tard, de voir que ma socié­té s’était déve­lop­pée et était encore diri­gée par mon ancien numé­ro deux, un jeune ingé­nieur bré­si­lien que j’avais enga­gé sur place au début.
Et si vous avez des pro­blèmes de tra­duc­tion ou d’interprétariat, adres­sez-vous donc à Paris à Tra­du­tec qui va bien­tôt fêter son cin­quan­te­naire et a été reprise et déve­lop­pée avec suc­cès par mon ancien associé.

J’ai reven­du l’affaire à des Bré­si­liens, mais j’étais conta­mi­né. De retour à Paris et de nou­veau employé, j’ai créé avec un col­lègue, pour m’amuser, une socié­té de tra­duc­tion que nous avons appe­lée Tra­du­tec car nous visions la tra­duc­tion tech­nique. Un cou­sin avo­cat nous a créé une SARL. Quelques annonces pour recru­ter des tra­duc­teurs à domi­cile, un mai­ling d’offres de ser­vice et c’était par­ti. Par curio­si­té, nous avons plus tard fon­dé une deuxième socié­té, Les tra­duc­teurs asso­ciés, pour créer notre propre concur­rence. Même suc­cès. Nous avons appe­lé la troi­sième Tra­du-Syn­thèse. Là, sur­prise, nous avons sur­tout reçu des com­mandes d’entreprises chi­miques et phar­ma­ceu­tiques : la puis­sance évo­ca­trice d’un nom !

Tout s’enchaîne facilement

Vou­lant connaître l’Amérique, j’ai créé une autre socié­té de tra­duc­tion à New York, que j’ai bap­ti­sée Trans­la­tion Com­pa­ny of Ame­ri­ca, Inc. On m’a cru fou : il ne faut jamais croire les raille­ries des jaloux. À leur sur­prise et à la mienne, d’ailleurs, elle a mar­ché : bureau au 58e étage sur la 5e Ave­nue, vue pano­ra­mique sur toute la ville et la sta­tue de la Liber­té. La gloire.

J’ai pour­sui­vi à Mont­réal, Toron­to, Genève, Lyon, San Fran­cis­co. Peu per­sé­vé­rant, j’ai tout reven­du et suis deve­nu consul­tant indé­pen­dant en Amé­rique du Nord. J’ai créé d’autres entre­prises aux États-Unis, au Cana­da et en Afrique, dans des domaines divers (hôtels, cen­trales hydro­élec­triques, équi­pe­ment de sta­tions de ski, un port, un peu d’immobilier) pour le compte de clients qui m’ont fait confiance. Et chaque fois, j’ai été sur­pris par la faci­li­té avec laquelle tout cela s’enchaînait.

Créer des entre­prises, c’est facile. Ques­tion de cou­rage, d’inconscience et de culot. Les capi­taux, on les trouve à condi­tion d’être convain­cant, réa­liste et sym­pa­thique. Et j’ajouterai que ce que j’ai fait toute ma vie pour la gagner m’a tel­le­ment amu­sé et pas­sion­né que j’ai l’impression de n’avoir jamais travaillé.

Serge Raffet (50)

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