Créateurs d’entreprises

Dossier : La France a besoin d'entrepreneursMagazine N°549 Novembre 1999
Par Yvon GATTAZ

Nous sommes plusieurs à nous être bat­tus pour que la créa­tion d’en­tre­prise soit enfin hon­or­able, pour que le créa­teur soit respec­té et encour­agé, pour que le droit à l’er­reur soit recon­nu et pour que l’échec ne soit jamais définitif.

Les créa­teurs qui se sont trompés au début sur le créneau produit/marché, qu’ils croy­aient por­teur et qui ne l’é­tait pas, doivent pou­voir rec­ti­fi­er le tir et même ten­ter une autre expéri­ence. Ces faux départs sont fréquents et enrichissants pour les âmes fortes qui trem­pent leur déter­mi­na­tion dans les épreuves.

Car le méti­er de créa­teur doit être réservé aux car­ac­tères solides. Il est impru­dent de pouss­er sans dis­cerne­ment des diplômés vers la créa­tion qui exige autre chose que des diplômes, mais de véri­ta­bles qual­ités d’émis­sion.

Pour par­ler en élec­tron­i­ciens, nous dis­tin­guons en effet les qual­ités de récep­tion et les qual­ités d’émission.

Les pre­mières (com­préhen­sion, fac­ulté d’analyse et de syn­thèse, mémoire) per­me­t­tent d’ac­quérir les diplômes les plus prestigieux.

Les sec­on­des sont toutes les autres qual­ités : imag­i­na­tion créa­tri­ces (si rare), goût du risque, goût des respon­s­abil­ités, apti­tude au com­man­de­ment et à l’an­i­ma­tion des hommes, charisme, com­bat­iv­ité, ténac­ité, résis­tance à l’épreuve, et même le sim­ple bon sens qui per­met, quel que soit le niveau hiérar­chique, de pren­dre 80 % des déci­sions quotidiennes.

Ce sont ces qual­ités d’émis­sion qui font les créa­teurs d’en­tre­prise et, comme en élec­tron­ique, il faut une puis­sance infin­i­ment plus grande pour émet­tre que pour recevoir. Mal­heureuse­ment, ces qual­ités d’émis­sion ne s’ac­quièrent pas dans les livres ou les fac­ultés. Elles ne s’en­seignent pas. Elles peu­vent, au plus, être incitées par l’ex­em­ple de ceux qui ont réus­si. En réal­ité, nous sommes tous des auto­di­dactes de la créa­tion. C’est pourquoi nous devons, nous les anciens, citer les suc­cess sto­ries de nos com­pa­tri­otes, faire rêver les jeunes et les pouss­er, s’ils ont ces qual­ités d’émis­sion, à ten­ter eux aus­si leur chance. L’é­mu­la­tion col­lec­tive de la Sil­i­con Val­ley en est la meilleure démonstration.

Nous pou­vons leur con­seiller de ne pas atten­dre une expéri­ence, con­sid­érée quelque­fois comme néces­saire, pour créer leur entre­prise, car ils risquent d’at­ten­dre trop longtemps et descen­dre de ce fait les march­es irréversibles de l’escalier du risque.

En effet, nous sommes dotés à la nais­sance d’un poten­tiel de goût du risque qui ne fait que s’ef­frit­er dans le temps avec les diplômes eux-mêmes (pous­sant dis­crète­ment vers l’Ad­min­is­tra­tion ou les grands groupes), avec une sit­u­a­tion pres­tigieuse et bien assurée, avec une famille nom­breuse (à qui on ne souhaite pas faire courir trop de risques) et enfin, dernières march­es de cet escalier oblig­a­toire­ment descen­dant, avec les rhu­ma­tismes et le cholestérol. Que les jeunes plon­gent donc du palier du haut et ils ne le regret­teront pas.

Mais ils se posent et nous posent des ques­tions. Les deux pre­mières sont le “créneau por­teur” et le financement.

Et le créneau porteur ?

Eh bien ! que les jeunes ne le recherchent pas dans un glos­saire ou une banque de don­nées. C’est le secret stratégique de l’en­tre­pre­neur lui-même, et les sages ne doivent surtout pas inter­venir dans ce choix.

C’est cette appréhen­sion qui m’a tou­jours fait refuser de présider les jurys de créa­tion d’en­tre­prise, osant don­ner une note aux créneaux choi­sis, alors que celui qui réus­sira le plus bril­lam­ment sera sans doute le plus far­felu et le moins com­pris de l’aréopage.

Que le can­di­dat créa­teur, con­scient de ses qual­ités d’émis­sion, cherche, cherche encore, cherche tou­jours son créneau lui-même. Il le trou­vera, mais on ne trou­ve des champignons que si l’on va dans les bois avec un panier et beau­coup de patience, et non pas lorsque l’on reste dans sa voiture sur l’au­toroute qui tra­verse la forêt.

Et les finances ?

Le mythe de la créa­tion réservée aux rich­es est tenace. Curieuse per­ver­sion puisque les meilleures réus­sites vien­nent de créa­tions sans argent, à par­tir de zéro, sou­vent par des créa­teurs eux-mêmes totale­ment dému­nis. La pau­vreté est un atout con­sid­érable pour ceux qui savent l’utiliser.

Répon­dant à des étu­di­ants qui me demandaient une recette de créa­tion d’en­tre­prise, j’avais ten­té naguère la mix­ture suivante :

  • 2% de finance,
  • 8% de compétence,
  • 45% de vaillance,
  • 45% d’inconscience ;

mais sans garan­tir que le plat soit immé­di­ate­ment con­som­ma­ble. Je souhaitais sim­ple­ment démon­tr­er le rôle mineur de l’ap­port ini­tial de cap­i­taux qu’on avait pris si longtemps pour la pierre philosophale de la création.

Où se situe donc le frein ?

Puisqu’il est ain­si prou­vé que ni les bonnes idées ni les moyens financiers ne con­stituent le goulet d’é­tran­gle­ment de la créa­tion d’en­tre­prise, c’est sur la moti­va­tion de nos jeunes gens, et par­ti­c­ulière­ment de nos jeunes diplômés, qu’il faut agir. L’ex­péri­ence de “Jeunesse et Entre­pris­es” mon­tre que c’est pos­si­ble : l’ap­pétit d’im­i­ta­tion et d’indépen­dance s’y man­i­feste chaque jour.

Que mon lecteur aille y voir, il y sera bien reçu.

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L’ASSOCIATION JEUNESSE ET ENTREPRISES


Créée en 1986 et tou­jours présidée par Yvon Gat­taz, cette asso­ci­a­tion s’est don­né pour mis­sion de :

  • dévelop­per les coopéra­tions écoles-entreprises,
  • inciter les entre­pris­es à for­mer davan­tage de jeunes,
  • pro­mou­voir les métiers porteurs,
  • pub­li­er le baromètre de l’emploi des jeunes,
  • instau­r­er le par­rainage de jeunes ayant des projets,
  • ani­mer un impor­tant réseau d’entreprises.

Pour ori­en­ter ces actions elle réalise en per­ma­nence des enquêtes et sondages avec le con­cours act­if de cen­taines d’en­tre­pris­es qui souhait­ent trans­met­tre le goût de l’initiative.

Elle pub­lie une revue trimestrielle Les nou­velles de Jeunesse et Entre­pris­es.

4, rue Léo Delibes, 75116 Paris.
Tél. : 01.47.55.08.40

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