COP 21 : Du temps des observateurs à celui des acteurs

Dossier : Réchauffement climatiqueMagazine N°709 Novembre 2015
Par Bérengère QUINCY

Les négo­cia­teurs sont regrou­pés en coa­li­tions de négo­cia­tion (un pays peut appar­te­nir à plu­sieurs d’entre eux) selon des affi­ni­tés géo­gra­phiques (groupe afri­cain, groupe des petites îles qui plaident pour une limite de 1,5 °C), ins­ti­tu­tion­nelles (UE) ou poli­tiques (like-min­ded deve­lo­ping coun­tries, atta­chés à leur souveraineté).

REPÈRES

Il existe en fait deux COP (conference of parties). D’une part, la COP des négociateurs (195 pays et l’UE). Sous la houlette du secrétariat de la convention installé à Bonn, les COP se succèdent annuellement avec leurs acquis difficiles, leurs moments d’émotion, comme l’adoption du protocole de Kyoto en 1997, leurs échecs (La Haye en 2000, Copenhague en 2009) et leurs relances (Cancun en 2010, Durban en 2011).
D’autre part, la COP des acteurs non étatiques avec leurs grands collectifs : entreprises, collectivités locales, ONG, scientifiques, syndicats, femmes, peuples autochtones, jeunes, agriculteurs. Les acteurs relatent l’action sur le terrain, innovent, débattent, mobilisent et manifestent.

Des négociations organisées et pilotées

Les pré­si­dences s’engagent, déploient leurs efforts pour créer la confiance entre les par­ties et faci­li­ter l’émergence des consen­sus, orga­nisent des négo­cia­tions pro­pices aux cla­ri­fi­ca­tions et aux avan­cées, mobi­lisent l’opinion publique et les par­ties prenantes.

La France aborde la pré­si­dence de la COP 21 avec la volon­té de réus­sir et un enga­ge­ment au plus haut niveau de l’État : Laurent Fabius, ministre des Affaires étran­gères et du Déve­lop­pe­ment inter­na­tio­nal, pré­si­de­ra la COP en décembre 2015.

Associer la société civile

Il y a tou­jours eu dans les COP des obser­va­teurs accré­di­tés dans les réunions plé­nières, de grands ren­dez-vous, des expo­si­tions tech­no­lo­giques, la parole don­née à la socié­té civile (Voces por el cli­ma, Lima, 2014).

UNE AMBITION FORTE

À Paris, c’est un vaste élan qu’il faut impulser. Si l’on obtient l’accord ambitieux recherché, avec l’objectif identifié par le GIEC et accepté politiquement à Copenhague en 2009 – limiter le réchauffement climatique en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels –, le signal sera donné d’une transition vers des sociétés et des économies résilientes et sobres en carbone.

De grandes ini­tia­tives mul­ti­par­te­na­riales ont émer­gé, comme S4all (Sus­tai­nable ener­gy for all) avec son dis­po­si­tif de mobi­li­sa­tion et de sui­vi et ses pro­po­si­tions de financement.

Repo­sant sur une vision à long terme et des hori­zons (de 2030 et 2050 à la fin du siècle) dont il est dif­fi­cile d’envisager les contours, cette trans­for­ma­tion pro­fonde ne peut réus­sir qu’avec l’engagement de tous, acteurs de l’économie et citoyens, qu’avec une socié­té civile en marche gui­dée par le consen­sus des États, la force du droit et les signaux du marché.

Il faut mon­trer que la trans­for­ma­tion est pos­sible, sou­hai­table, que le chan­ge­ment est déjà là, por­teur de solu­tions, d’opportunités et de crois­sance. Il faut des­si­ner un futur dési­rable, construire des tra­jec­toires de décar­bo­na­tion cré­dibles, ren­for­cer le débat démo­cra­tique et rendre le citoyen capable de peser sur son destin.

C’est la pre­mière fois que cette dimen­sion des acteurs est autant envi­sa­gée comme par­tie inté­grante du résul­tat, voire des­ti­née à être recon­nue dans le texte de l’accord. À Paris, on s’attend à envi­ron 20 000 négo­cia­teurs, 20 000 « invi­tés », 3 000 jour­na­listes. C’est la foule des grands moments, ceux où l’on engage l’avenir.

L’alliance de Paris pour le climat

L’ambition de la pré­si­dence fran­çaise est que tous, gou­ver­ne­ments, orga­ni­sa­tions inter­na­tio­nales et acteurs, unissent leurs forces dans une alliance à quatre piliers entre l’accord uni­ver­sel à force légale, la prio­ri­té, les contri­bu­tions natio­nales, volon­taires, des pays en matière de réduc­tion des émis­sions de gaz à effet de serre et, s’ils le veulent, d’adaptation, les sou­tiens finan­ciers et tech­no­lo­giques aux pays en déve­lop­pe­ment et, qua­trième élé­ment, plus nou­veau : les solu­tions por­tées par les acteurs.

Une alliance qui se veut proche des réa­li­tés natio­nales et des enga­ge­ments sur le terrain.

Un accord universel

“ Les négociateurs sont regroupés en coalitions de négociation ”

L’accord uni­ver­sel doit être dyna­mique et ambi­tieux ; il doit être juste et répar­tir les efforts en fonc­tion de l’équité et de la soli­da­ri­té, au pre­mier chef des pays déve­lop­pés qui portent la res­pon­sa­bi­li­té his­to­rique du chan­ge­ment cli­ma­tique. Il doit encou­ra­ger l’adaptation aux dérè­gle­ments cli­ma­tiques, exi­gence fon­da­men­tale pour les pays en développement.

Fon­dé sur une vision à long terme, ce devrait être un accord durable, avec des ren­dez-vous per­met­tant d’évaluer la situa­tion. Il doit don­ner un signal clair à l’ensemble des acteurs pour s’engager réso­lu­ment dans la trans­for­ma­tion requise.

La négo­cia­tion est trop lente, même si tous les pays disent vou­loir l’accord. C’est le rôle de la pré­si­dence fran­çaise, en lien avec la pré­si­dence péru­vienne, de créer les impul­sions néces­saires pour faci­li­ter la négo­cia­tion et recher­cher des zones de conver­gence en amont de Paris.

Une responsabilité commune

Les contri­bu­tions natio­nales relèvent elles aus­si d’un chan­ge­ment de para­digme avec leur champ uni­ver­sel et leur carac­tère volon­taire, en appli­ca­tion du prin­cipe de res­pon­sa­bi­li­té com­mune mais dif­fé­ren­ciée et des cir­cons­tances natio­nales propres à chaque pays.

LA SOCIÉTÉ CIVILE AUSSI

Tous les acteurs de la société civile sont concernés. Les collectivités locales, échelon essentiel, ont lors du sommet des territoires, début juillet à Lyon, pris des engagements concrets de réduction d’émissions et d’amélioration de leur résilience et adopté des outils de coopération renforcés.
Un millier de responsables d’entreprises sont venus au Business and Climate Summit à Paris, fin mai, présenter leurs actions et affirmer leur volonté d’en faire davantage. Les ONG et les communautés locales sont parties prenantes de nombreuses initiatives. Les jeunes, par exemple, se réuniront juste avant la COP.
Les scientifiques, réunis à l’Unesco en juillet, ont travaillé à l’élaboration de scénarios de long terme et aux solutions concrètes à mettre en œuvre pour respecter des trajectoires sobres en carbone.

Au 1er octobre 2015, 146 pays repré­sen­tant 87 % des émis­sions glo­bales de gaz à effet de serre avaient déjà remis leurs contri­bu­tions, pays déve­lop­pés comme en déve­lop­pe­ment, de tous les conti­nents. C’est un for­mi­dable effort. Au-delà des enga­ge­ments pris, la pré­pa­ra­tion des contri­bu­tions dans chaque pays engage oppor­tu­né­ment un débat public.

Le secré­ta­riat de la confé­rence-cadre des Nations unies sur les chan­ge­ments cli­ma­tiques a pré­sen­té un rap­port sur l’impact agré­gé de ces contri­bu­tions par rap­port à la limite des 2 °C. Il constate que, même si ces publi­ca­tions illus­trent une nou­velle tra­jec­toire, le compte n’y est pas, illus­trant la néces­si­té d’un accord dyna­mique, aiguillon d’une ambi­tion crois­sante au fil des années.

À la hauteur des ambitions

Le volet finan­cier et tech­no­lo­gique, indis­pen­sable à l’obtention d’un accord, vise d’abord à mettre en œuvre l’engagement pris par les pays riches à Copen­hague de 100 mil­liards de dol­lars annuels de finan­ce­ments publics et pri­vés en 2020, à com­men­cer par l’opérationnalisation, aujourd’hui acquise, du Fonds vert, capi­ta­li­sé à hau­teur de 10,2 mil­liards de dol­lars pour la période 2015–2018.

La COP 21 doit confor­ter cet enga­ge­ment, en cla­ri­fiant les méthodes de comp­ta­bi­li­sa­tion des finan­ce­ments cli­mat, en pro­cu­rant trans­pa­rence et pré­vi­si­bi­li­té à la réa­li­sa­tion de ces enga­ge­ments, et en mobi­li­sant de nou­velles ressources.

Il s’agit aus­si d’orienter les mil­liers de mil­liards de l’investissement pri­vé, au Nord et au Sud, vers le finan­ce­ment d’infrastructures et de modes de pro­duc­tion et consom­ma­tion rési­lients et sobres en car­bone, avec des ins­tru­ments pour la ges­tion du risque cli­mat et des signaux éco­no­miques comme le prix du carbone.

Davantage, plus vite et maintenant

Le qua­trième pilier de l’alliance de Paris (l’agenda des solu­tions) doit per­mettre de « faire davan­tage, plus vite, main­te­nant » en ren­for­çant l’ambition sur la période 2015- 2020, et d’associer dans l’action les acteurs non éta­tiques aux côtés des gouvernements.

“ Répartir les efforts en fonction de l’équité et de la solidarité ”

Le plan d’action Lima-Paris lan­cé par le Pérou à la COP 20 à la suite du som­met de New York (sep­tembre 2014) déploie des ini­tia­tives mul­ti­par­te­na­riales, dans des sec­teurs clés pour l’atténuation (éner­gies, tech­no­lo­gies, villes, trans­ports, etc.), de même que pour l’adaptation et la rési­lience (accès à l’eau, sécu­ri­té ali­men­taire ou pré­ven­tion des risques).

La base de don­nées Naz­ca, en cours de consti­tu­tion, doit per­mettre de ras­sem­bler le plus grand nombre d’initiatives, col­lec­tives et indi­vi­duelles. Des tra­vaux sont en cours pour lui per­mettre d’en assu­rer la com­pa­ra­bi­li­té et le suivi.

Un tournant essentiel

L’alliance de Paris pour le cli­mat doit mar­quer un tour­nant, consti­tuer un point d’arrivée pour les négo­cia­tions mais aus­si un point de départ pour l’action. Il reste à cha­cun de nous à confir­mer ces enga­ge­ments et à deve­nir acteur de cette transformation.

Il y a urgence : ce que nous ne fai­sons pas aujourd’hui, nous le per­dons en marge de manœuvre pour demain.

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