Coordonner les acteurs français
Dotée d’un organe de concertation au niveau national dès 1986, la France a vu, depuis, la démarche se développer au niveau territorial. À l’instar des autres pays d’Europe cette tendance converge avec l’application de la directive européenne Inspire et la généralisation des « infrastructures de géodonnées ». Le milieu s’organise afin de faire jouer à la géo-information son rôle d’infrastructure au service des territoires, de la société et de l’économie.
REPÈRES
La directive Inspire vise à faire émerger le concept d’infrastructure européenne de géoinformation et à faire évoluer fortement la politique en Europe. Il s’agit essentiellement de faciliter l’accès à la géo-information à bien des domaines de la vie de tous les jours, en éliminant les freins techniques, juridiques et économiques. Parmi les mesures qu’impose la directive se trouve la désignation d’un lieu de coordination nationale des acteurs visant à la mettre en oeuvre. Le gouvernement français s’apprête à répondre à cette obligation sous la forme d’une refondation du CNIG. Dorénavant présidé par un élu, le nouveau Conseil reprendra les principes de la gouvernance à cinq, mis en place lors du Grenelle de l’Environnement. Ce sera l’occasion de rééquilibrer le Conseil en faveur des collectivités territoriales dont le poids en matière de géo-information est grandissant.
Le Conseil national de l’information géographique (CNIG) a été mis en place au milieu des années quatre-vingt. L’informatisation de la cartographie et les systèmes d’information géographique prenaient leur essor et le besoin de coordonner les acteurs du secteur était ressenti comme un besoin fort. Composé de représentants des ministères utilisateurs et de représentants des collectivités territoriales, ainsi que des principaux organismes producteurs, le Conseil a su s’imposer comme le principal lieu national de concertation entre producteurs et utilisateurs.
S’ouvrir au privé
Une coordination professionnelle : le réseau Teria
À l’initiative de l’ordre des Géomètres Experts, et en liaison avec ses partenaires, le réseau « Teria » de positionnement GPS centimétrique temps réel sur le territoire français a été mis en place en 2006, afin de gagner en précision et en productivité dans les travaux topographiques de la profession. Comptant quelque 1866 cabinets sur tout le territoire, les géomètres experts exercent une délégation de service public pour dresser les plans topographiques qui délimitent les propriétés foncières et qu’ils transmettent au Cadastre.
Afin d’ouvrir plus largement la concertation, notamment en direction du secteur privé et des gestionnaires de réseau, l’Association française pour l’information géographique (Afigéo) a été créée. Elle est devenue au fil du temps le lieu privilégié des professionnels de la « géomatique » où se tiennent des débats aussi bien techniques qu’organisationnels et économiques.
En effet, dans le contexte territorial, la concertation s’est également organisée aux échelons infranationaux. Dès le milieu des années quatre-vingt-dix, dans plusieurs régions et quelques départements, des plateformes de mutualisation de géo-information se sont mises en place.
L’Afigéo est devenue le lieu privilégié des débats de la géomatique
Au démarrage, dans la plupart des cas, leur objet était de mutualiser l’acquisition des référentiels auprès des fournisseurs nationaux de données tels que l’Institut géographique national et le Cadastre. Mais rapidement après avoir mis en place les moyens technologiques d’accès à ces données, l’animation des acteurs est devenue un des moteurs de ces plateformes. Il s’est agi alors de les accompagner, de recueillir les bonnes pratiques et de faire émerger un comportement ouvert en matière de partage des connaissances géographiques entre les acteurs intervenant sur leur territoire.
Associer conseil régional et préfecture
Démarche territoriale par essence, l’outil géomatique a été intégré très tôt
Sous des formes juridiques et organisationnelles variées en termes de participants et dotées de moyens humains adaptés aux contextes locaux, ces plateformes, également appelées infrastructures de données géographiques – concept défini internationalement -, se généralisent depuis quelques années dans les 26 régions françaises et dans plusieurs départements.
L’adoption de la directive Inspire en 2007 n’est pas étrangère à ce phénomène. En effet, la prise de conscience que tous les niveaux de gouvernement, donc toutes les collectivités territoriales, sont concernés, a entraîné les régions dans cette voie, souvent en associant le conseil régional et la préfecture de région.
Des échanges entre utilisateurs
Une coordination européenne
L’organisation européenne de concertation est composée de dix-sept instances nationales (l’Afigéo pour la France), de deux associations thématiques et de cinq grandes entreprises. Nommée Eurogi (European Umbrella Organization for Geographic Information), cette organisation a été fondée en 1993 et est basée à Amersfoort (Pays-Bas).
Association plus sectorielle, EuroGeographics (cartographie et cadastre) rassemble les producteurs nationaux de géo-information (le représentant de la France est l’IGN), soit 55 membres issus de 44 pays. Elle produit des géodonnées de référence harmonisées sur l’ensemble du continent européen et apporte son concours aux programmes et directives de la Commission européenne. Elle a été (re)fondée en 2001 et est basée à Bruxelles.
Les métiers s’organisent également, comme, par exemple, les acteurs du domaine de l’eau, avec la loi prévoyant la mise en place du Système national des données sur l’eau.
S’agissant d’une démarche territoriale par essence, l’outil géomatique a été intégré très tôt dans les travaux. De manière plus informelle, les utilisateurs dans leurs domaines de compétence se coordonnent pour échanger leurs savoir-faire et leurs questionnements techniques, juridiques, économiques et organisationnels. Sans être exhaustif, on peut citer le cas des géomètres experts, des ingénieurs territoriaux, des agences d’urbanisme, des parcs naturels, des acteurs de la biodiversité, des assureurs, etc.
À titre de synthèse, l’Afigéo a publié à l’occasion des Cinquièmes Rencontres des dynamiques régionales, en juin dernier, un catalogue de plus de 50 infrastructures de données géographiques mises en place aux échelons infranationaux ou nationalement sur des thématiques particulières, catalogue qui trouve son prolongement européen grâce à Eurogi dans le cadre du projet eSDI-Net +.
L’unicité du géoréférentiel
La plupart des États européens ont fusionné ou regroupé leurs services topographiques et cadastraux : Allemagne, Danemark, Estonie, Finlande, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Roumanie, Slovaquie, Suède, Suisse et Tchéquie. Pour la Grande-Bretagne, en l’absence de cadastre, l’Ordnance Survey, homologue de l’IGN, assure la production de toute la cartographie aux grandes échelles, équivalente à notre plan cadastral.
La dualité en France entre PCI (Plan cadastral informatisé) et couche parcellaire du RGE (Référentiel à grande échelle) porte à la fois sur la mise à jour, l’archivage et la mise en ligne des données. Lointaine conséquence de l’histoire de nos institutions, elle est inutile et coûteuse, représentant selon certains un surcoût de 10 millions d’euros par an, sans compter le coût (malaisé à chiffrer) des difficultés pour les usagers.
Il est clair qu’il y a là un chantier de modernisation de l’administration, qui serait rendu possible par les progrès techniques et par une meilleure coordination des deux organismes, séparés depuis deux siècles.
Commentaire
Ajouter un commentaire
Bonjour,
Il existe également un territoire, où l’on parle français, et qui dispose d’un seul référentiel cadastral :
http://www.dittt.gouv.nc/portal/page/portal/dittt/photos_cartes_cadastre/plans_cadastraux
Bruno Iratchet