Test médical par smartphone

Concevoir les solutions de santé avec les usagers

Dossier : La santé participativeMagazine N°731 Janvier 2018
Par Robert PICARD (73)
Par Jean-Baptiste FAURE
Par Caroline GUILLOT

La cocon­cep­tion en san­té con­stitue une nou­velle approche de la san­té par­tic­i­pa­tive, encour­agée par de nom­breuses propo­si­tions, en par­ti­c­uli­er celle des “liv­ing labs”. Mais la grande diver­sité des réac­tions dans le milieu médi­cal comme chez les patients en rend dif­fi­cile une appli­ca­tion systématique. 

On observe en France et en Europe depuis une dizaine d’années l’émergence de solu­tions tech­nologiques indi­vidu­elles pour la san­té (PHS – per­son­al health sys­tems) qui ont fait l’objet de travaux communautaires. 

Le Con­seil général de l’économie s’en est fait l’écho tout en dévelop­pant une réflex­ion spé­ci­fique basée sur une veille inter­na­tionale de ce phénomène. Ses travaux nour­ris­sent les réflex­ions qui suivent. 

REPÈRES

La loi dite « Kouchner » du 4 mars 2002 a marqué une reconnaissance fondamentale et historique des droits des usagers en France. Le patient est reconnu comme acteur de sa prise en charge et peut accéder lui-même aux informations le concernant.
Les mouvements associatifs sont cités comme ayant joué un rôle majeur dans cette évolution.

UNE MÉDECINE DE PLUS EN PLUS INDIVIDUALISÉE ET TECHNOLOGIQUE

Partout en Europe, on con­state une indi­vid­u­al­i­sa­tion des soins et presta­tions de san­té. La demande de ser­vice dérive de plus en plus du besoin exprimé par le patient. Le courant de la « médecine per­son­nal­isée » traduit en par­tie ce phénomène. 

Il faut toute­fois not­er que la médecine peut être dite « per­son­nal­isée », au sens « adap­tée à la sin­gu­lar­ité » du cas clin­ique, sans pour autant découler des besoins exprimés par le patient. 

“ L’acceptation sociale des solutions dépend pour beaucoup de celle des professionnels ”

Une autre ten­dance est la banal­i­sa­tion de dis­posi­tifs tech­nologiques dans la société, et donc de l’usage de tech­nolo­gies avancées aptes à sup­port­er des ser­vices de santé. 

Pour autant, il demeure des craintes à ce niveau : que la tech­nolo­gie ne soit pas assez fiable, qu’elle ne soit pas à la portée de tous, ou encore que les opéra­teurs puis­sent être défaillants. 

La famille, l’entourage, un autre patient sont perçus comme les meilleurs avo­cats de l’usage des PHS, en tant que pre­scrip­teurs ou facil­i­ta­teurs, ou encore comme relais d’information sur l’offre disponible pour la per­son­ne malade, frag­ile ou en sit­u­a­tion de handicap. 

La dif­fu­sion des solu­tions per­son­nal­isées de san­té est égale­ment dépen­dante des échanges informels pou­vant avoir lieu entre prati­ciens, soignants, assureurs et les per­son­nes et leur entourage. L’acceptation sociale des solu­tions dépend pour beau­coup de celle des pro­fes­sion­nels, de l’aptitude de ceux qui sont sur le ter­rain à s’ouvrir à l’innovation.

UTILISATEURS-PATIENTS ET CITOYENS PRÉOCCUPÉS PAR LEUR SANTÉ

Selon le type de solu­tion, le client peut être le patient lui-même ou un tiers : étab­lisse­ment de san­té, mutuelle, assur­ance, soignant, proche. Il faut « se cen­tr­er » à la fois sur les besoins du client et du patient. 

Cepen­dant, selon les auteurs du rap­port européen PHS Fore­sight, la crois­sance du marché ne dépend pas d’abord de la propen­sion du patient à pay­er ou de la com­pag­nie d’assurances qui financerait des ser­vices sup­plé­men­taires. Le finance­ment pub­lic con­tin­uera de jouer un rôle clé. 

De ce fait, tant que des « preuves » ne seront pas apportées (elles n’existent que de façon anec­do­tique) sur l’apport de ces sys­tèmes, le marché se dévelop­pera lente­ment, grâce à l’énergie indi­vidu­elle de quelques pionniers. 

UN MARCHÉ DIFFICILE À PÉNÉTRER

Les décideurs sus­cep­ti­bles de soutenir des pro­jets dans ce domaine sont très divers. Les proces­sus de mise en œuvre sont de ce fait égale­ment très var­iés. En con­séquence, il est très dif­fi­cile pour les four­nisseurs de pénétr­er ce marché, d’autant que le secteur de la san­té accepte avec réti­cence des entre­pris­es venues d’autres secteurs. 

Des ser­vices con­cur­ren­tiels, basés sur des pro­duits grand pub­lic, ne pénètrent guère de façon durable le secteur, même si pour leur part un cer­tain nom­bre de pro­fes­sion­nels utilisent de plus en plus, de façon légitime ou non, leurs out­ils per­son­nels dans l’exercice de leur méti­er (iPhones, smart­phones Android) en y instal­lant des appli­ca­tions des­tinées à la clinique. 

DES PROCESSUS DE CONCEPTION QUI ENGAGENT LES INTÉRESSÉS

L’acceptation de la solu­tion par le patient dépend égale­ment de la façon dont ce dernier gère sa mal­adie, et cette « ges­tion » peut évoluer dans le temps, tout comme la mal­adie elle-même par ailleurs. 

“ Des services concurrentiels, basés sur des produits grand public, ne pénètrent guère de façon durable le secteur ”

Une per­son­ne peut s’impliquer à cer­tains moments de son par­cours de vie, dans cer­taines solu­tions de soins, et moins dans d’autres. Cela peut être relatif à l’outil de soins lui-même et/ ou à ce que soigne cet outil. 

Si cer­taines per­son­nes parvi­en­nent à réalis­er de façon rou­tinière et sans y penser un cer­tain nom­bre d’activités imposées, à l’autre bout du con­tin­u­um d’autres ne dis­posent d’aucune rou­tine ou ne s’impliquent pas du tout. 

Cela con­duit à des usages dif­férents pour les PHS (sys­tèmes de san­té per­son­nels). Cer­tains patients sont ras­surés par la technologie. 

Pour d’autres au con­traire, le sur­plus d’information les angoisse, parce que cela leur rap­pelle qu’ils sont malades. D’autres encore ont peur de la panne, du manque de fia­bil­ité. Cer­tains enfin sont déçus après avoir sures­timé les béné­fices de la solution. 

Il est impor­tant de posi­tion­ner chaque élé­ment indi­vidu­el d’un dis­posi­tif ou d’un sys­tème de mon­i­tor­ing dans son con­texte glob­al, y com­pris son coût, son mode d’acquisition, de main­te­nance, ain­si que l’expérience d’autres util­isa­teurs (accep­ta­tion, avan­tages con­statés asso­ciés à l’utilisation).

Ce type d’information est essen­tiel pour l’évaluation du dis­posi­tif. Aujourd’hui, l’information sur les coûts et les retours d’expérience est générale­ment défail­lante pour ce type de technologie. 


Cer­tains patients sont ras­surés par la tech­nolo­gie. © SYDA PRODUCTIONS/FOTOLIA.COM

DES TECHNOLOGIES BIEN ACCEPTÉES

L’acceptation des services de santé personnalisés par les usagers qui en ont fait l’expérience est bonne, après parfois une période initiale un peu craintive, concernant en particulier le risque de perdre la relation humaine avec les soignants.
L’expérience montre que les professionnels de santé utilisant ces systèmes ont beaucoup plus d’informations sur leurs patients, posent des diagnostics plus fiables, et ont des relations plus personnelles au travers des échanges téléphoniques qui sont plus fréquents.
L’un des facteurs d’acceptabilité reste la fiabilité de ces technologies. Les professionnels de santé et les patients doivent pouvoir leur faire confiance. À cet égard, un élément essentiel est l’implication des professionnels et des patients dans l’utilisation de la solution au quotidien, mais aussi dans son élaboration.

DES BÉNÉFICES MÉDICAUX ENFIN RECONNUS

La mobil­i­sa­tion des tech­nolo­gies en dehors de l’hôpital et la recon­nais­sance de leur valeur par le sys­tème de san­té sont tar­dives. Ce n’est qu’en 2009 que l’article 78 de la loi n° 2009–879 a insti­tué l’article L 6316–1 du Code de la san­té publique, ain­si rédigé : 

« Art. L. 6316–1. La télémédecine est une forme de pra­tique médi­cale à dis­tance util­isant les tech­nolo­gies de l’information et de la com­mu­ni­ca­tion. Elle met en rap­port, entre eux ou avec un patient, un ou plusieurs pro­fes­sion­nels de san­té, par­mi lesquels fig­ure néces­saire­ment un pro­fes­sion­nel médi­cal et, le cas échéant, d’autres pro­fes­sion­nels appor­tant leurs soins au patient. » 

Encore faut-il not­er que les tech­nolo­gies con­sid­érées ici sont placées sous l’autorité du seul médecin. 

L’ÉMERGENCE D’UN MARCHÉ NON RÉGLEMENTÉ

Par­al­lèle­ment, un marché non régle­men­té s’est dévelop­pé mon­di­ale­ment autour des ques­tions de santé : 

“ La médecine dite “des 3 P” – préventive, prédictive, personnalisée – est devenue aussi “participative” – 4 P ”

il con­cerne d’une part l’information de san­té (sites inter­net spé­cial­isés et réseaux soci­aux), et d’autre part les out­ils d’automesure (quan­ti­fied self), tous béné­fi­ciant du développe­ment rapi­de de l’internet et des appli­ca­tions mobiles. 

Ain­si, les objets con­nec­tés et appli­ca­tions inter­net de san­té se dévelop­pent de façon extrême­ment rapi­de, tan­dis que leur prise en charge est rare du fait de l’absence de résul­tats probants en ter­mes de san­té publique. 

UNE INDUSTRIE PRÊTE À JOUER LE JEU

L’industrie des pro­duits de san­té, notam­ment l’industrie phar­ma­ceu­tique, déclare aujourd’hui son intérêt à faire par­ticiper les patients à l’élaboration de nou­velles solu­tions. La médecine dite « des 3 P » – préven­tive, pré­dic­tive, per­son­nal­isée – est dev­enue aus­si « par­tic­i­pa­tive » avec un qua­trième « P ». 

« Cette nou­velle médecine devrait per­me­t­tre d’améliorer la prise en charge des patients, de pre­scrire plus effi­cace­ment des traite­ments, plus ciblés, aux effets sec­ondaires ou indésir­ables moins graves. L’exercice d’une telle médecine devrait per­me­t­tre d’atteindre le dou­ble objec­tif d’une amélio­ra­tion de la san­té des patients et d’une opti­mi­sa­tion des coûts de santé. » 

La préoc­cu­pa­tion économique est claire, et du reste légitime. Celle d’une con­tri­bu­tion à l’amélioration de la san­té publique est cohérente avec le poids représen­té par la com­mande publique dans le finance­ment des solu­tions de santé. 

Il y aurait donc une con­ver­gence objec­tive des straté­gies indus­trielles, de l’intention médi­cale et de la démoc­ra­tie sanitaire. 

DES « LABORATOIRES VIVANTS » ET UN FORUM POUR DIFFUSER LA COCONCEPTION EN SANTÉ

La par­tic­i­pa­tion des pro­fes­sion­nels, des indus­triels, des patients se met pro­gres­sive­ment en place pour la cocon­cep­tion de solu­tions pour la san­té et l’autonomie des personnes. 

LA COCONCEPTION COMME CONDITION D’EFFICACITÉ DES NOUVEAUX OUTILS DE SANTÉ

Une publication médicale très récente explique les difficultés à prouver l’efficacité des nouveaux outils de santé : « Les causes possibles des résultats décevants [des objets connectés et de la télémédecine] sont (…) le défaut d’organisation professionnelle dans l’usage de ces nouvelles technologies, le manque de coopération entre les industriels, les patients et les professionnels de santé pour assurer une fiabilité et une sécurité des usages, une méthodologie d’étude non adaptée aux usages habituels des professionnels de santé sont les principales causes retenues…
Les bénéfices apportés par ces nouveaux outils passent par une coconstruction et une recherche commune entre les industriels, les patients et les professionnels de santé. »
En quelque sorte, la coconception et la santé participative s’imposent quand on veut être assuré du « service médical rendu » des solutions de la santé connectée.

En atteste la créa­tion de « lab­o­ra­toires vivants » (liv­ing labs) qui relèvent d’une méthodolo­gie nou­velle qui vise en effet à faire col­la­bor­er très tôt dans cette con­cep­tion le regroupe­ment des divers acteurs impliqués, dont les futurs utilisateurs. 

Ceux-ci appor­tent leur vécu, leurs « savoirs expéri­en­tiels », leurs idées, pour imag­in­er, expéri­menter et tester en « grandeur nature » des ser­vices, des out­ils et des usages nouveaux. 

Le Forum LLSA – des liv­ing labs en san­té autonomie – a pris forme fin 2013, après deux ans de ges­ta­tion. Il vise une large par­tic­i­pa­tion des publics et s’est doté d’une struc­ture asso­cia­tive sup­port qui com­porte par­mi ses fon­da­teurs des étab­lisse­ments de san­té, des étab­lisse­ments d’enseignement supérieur et de recherche, des asso­ci­a­tions pro­fes­sion­nelles et de patients. 

Le Forum LLSA s’attache pré­cisé­ment aux con­di­tions de développe­ment d’une approche réelle­ment par­tic­i­pa­tive et citoyenne de la con­cep­tion des nou­veaux pro­duits et ser­vices pour la san­té et l’autonomie, au ser­vice de l’innovation, du développe­ment économique et de la démoc­ra­tie sanitaire. 

DES ESSAIS À MIEUX TRANSFORMER

Les décideurs publics, les citoyens, les pro­fes­sion­nels du numérique plébisci­tent les événe­ments basés sur la ren­con­tre d’usagers et de con­cep­teurs : Hackathons, Forums ouverts, etc. 

Télétraitement médical
La télémédecine met en rap­port, entre eux ou avec un patient, un ou plusieurs pro­fes­sion­nels de san­té. © AGENTURFOTOGRAFIN / SCHUTTERSTOCK.COM

Le pou­voir mobil­isa­teur en est man­i­feste, et des con­cepts inédits voient le jour. Mais l’essai n’est pas tou­jours con­ver­ti, du fait de la dis­so­lu­tion de l’équipe por­teuse à l’issue de l’exercice de créa­tiv­ité ou de dif­fi­cultés à inté­gr­er le con­cept dans le sys­tème de santé. 

Les LLSA inté­grant la cocon­cep­tion dans leur démarche, ils peu­vent porter ce type d’événement ou per­me­t­tre d’en val­oris­er les fruits. En effet, leur rela­tion aux usagers est con­fi­ante et pérenne, et leur expéri­ence est assise sur une obser­va­tion de l’appropriation, dans la durée, de ce type de résultat. 

DU PATIENT ALIBI AU PATIENT ACTEUR

En fait, bien sou­vent, le patient est sol­lic­ité tout à la fin du cycle de développe­ment du pro­duit ou ser­vice, pour don­ner son avis, alors qu’aucun change­ment n’est plus possible. 

Il est par­fois même sol­lic­ité unique­ment pour faire la pro­mo­tion de solu­tions sans qu’aucun patient n’ait par­ticipé à une seule étape du développe­ment (« patient alibi »). 

Il faut faire com­pren­dre aux indus­triels que la valeur du patient se situe bien plus en amont, et pas seule­ment en phase finale. 

UNE APPROCHE À SOUTENIR

La cocon­cep­tion en san­té et autonomie est une approche de la san­té par­tic­i­pa­tive nou­velle. Elle est appelée de leurs vœux par des acteurs très dif­férents : médecins, indus­triels et les patients eux-mêmes. Mais sans doute cha­cun d’eux n’a‑t-il pas encore totale­ment inté­gré les exi­gences de cette approche et les trans­for­ma­tions pro­fondes qu’elle requiert. Cha­cun cherche sa voie, en en perce­vant la nécessité. 

“ Il serait important que la puissance publique apporte un soutien au développement de la coconception en santé ”

Il serait sans doute impor­tant que la puis­sance publique, dans une logique de démoc­ra­tie san­i­taire sou­vent revendiquée, apporte aus­si sa cau­tion, voire un sou­tien tan­gi­ble, à une telle évolution. 

La dif­fi­culté est de le faire en qual­i­fi­ant les ini­tia­tives, mais sans les stan­dard­is­er, ce qui stérilis­erait l’approche.

Dans ce qui suit, on mon­tre com­ment et pourquoi une autre valeur con­tribu­tive du patient est pos­si­ble et nécessaire.
 

LA FÉDÉRATION FRANÇAISE DES DIABÉTIQUES ET L’INITIATIVE DIABÈTE LAB

Une pri­or­ité, dégagée claire­ment lors de la Journée mon­di­ale du dia­bète du 14 novem­bre 2016, est de pass­er du patient « ali­bi » au patient acteur. La ques­tion reste néan­moins de faire entr­er cette nou­velle représen­ta­tion dans les faits et de faire évoluer la cul­ture actuelle et les pra­tiques de tra­vail, les façons d’inclure le patient. 

Pour traiter cette ques­tion, la Fédéra­tion française des dia­bé­tiques, asso­ci­a­tion de patients créée en 1938, a créé en 2015 le Dia­bète LAB, pre­mier liv­ing lab français dédié exclu­sive­ment au dia­bète. Il s’appuie sur une com­mu­nauté de plus de 2 700 diabèt’acteurs pour men­er des études soci­ologiques par entre­tiens indi­vidu­els, obser­va­tions ethno­graphiques, ate­liers de cocréa­tion, dif­fu­sion de ques­tion­naires… et sur des sujets var­iés : restes à charge, pra­tiques ali­men­taires, usages des sty­los d’injection d’insuline, pan­créas arti­fi­ciel, etc. 

UNE MÉTHODE DE COCONSTRUCTION…

Le Dia­bète LAB accom­pa­gne les acteurs en faisant évoluer leur prob­lé­ma­tique mar­ket­ing vers une prob­lé­ma­tique d’utilité publique ; la soci­olo­gie est mobil­isée au-delà de la seule pré­pa­ra­tion de questionnaires. 

Mais il con­viendrait d’aller plus loin : entr­er dans une démarche con­jointe avec le fab­ri­cant pour éla­bor­er des pro­duits et ser­vices qui répon­dent aux besoins de tous en engageant des col­lab­o­ra­tions au long cours. Le Dia­bète LAB, par sa méthode liv­ing lab, peut con­tribuer à cette coconstruction. 

… FACILITANT UN USAGE PÉRENNE DES NOUVEAUX MOYENS

L’usage dans la durée des pro­duits et ser­vices est une con­di­tion essen­tielle pour le développe­ment de marchés en ce qui con­cerne l’industrie, comme l’obtention de béné­fices de san­té avérés pour ce qui con­cerne la san­té publique. 

Dans le cas des appli­ca­tions mobiles par exem­ple, les fac­teurs d’abandon d’usage sont nom­breux : des infor­ma­tions à saisir soi-même trop nom­breuses (et qui pren­nent du temps) ; des appli­ca­tions seg­men­tées, infan­til­isantes ; une absence d’accompagnement à l’usage ; des pro­fes­sion­nels de san­té pas tous intéressés… 

De ce fait, le coût d’utilisation est trop élevé par rap­port au béné­fice perçu. La cocon­struc­tion entre patients et indus­triels con­stitue ain­si une clé de réus­site de l’appropriation pérenne des pro­duits et services. 

LE BÉNÉFICE SOCIAL DES LECTEURS DE GLUCOSE EN CONTINU

À l’aide du lecteur de gly­cémie capil­laire (pour con­naître le taux de sucre dans le sang), les per­son­nes dia­bé­tiques prélèvent une goutte de sang en piquant l’extrémité d’un de leurs doigts. Apparus plus récem­ment, les lecteurs de glu­cose en con­tinu évi­tent cette manip­u­la­tion. Par exem­ple, cer­tains de ces lecteurs pro­posent une mesure de la gly­cémie en scan­nant avec son télé­phone portable un cap­teur placé sur le bras. Ils four­nissent, out­re la valeur ponctuelle de la gly­cémie, sa ten­dance à la hausse ou à la baisse et son évolution. 

Les études clin­iques mon­trent les effets posi­tifs de ces lecteurs de glu­cose en con­tinu sur l’équilibre gly­cémique et sur la diminu­tion de la crainte asso­ciée à l’hypoglycémie. Une étude du Dia­bète LAB mon­tre de plus qu’ils réduisent un ensem­ble de con­traintes sociales, spa­tiales, organ­i­sa­tion­nelles, matérielles, cor­porelles et cog­ni­tives, car­ac­téris­tiques de l’expérience du diabète. 

Ces dis­posi­tifs de mesure du glu­cose en con­tinu per­me­t­tent une plus grande dis­cré­tion, et favorisent la mul­ti­pli­ca­tion des tests de gly­cémie au cours de la journée. La ges­tion du regard d’autrui et la pra­tique de l’autosurveillance gly­cémique dans de nou­veaux espaces (au tra­vail, dans les trans­ports) sont ain­si plus aisées. 

Logo du Diabète LABElle mon­tre que les usages trans­for­ment les divers­es dimen­sions du tra­vail du patient, les car­ac­téris­tiques de sa réflex­iv­ité et son expéri­ence de la mal­adie, en intro­duisant un nou­veau régime tem­porel dans le rap­port à soi, au corps et à la pathologie. 

Ain­si, un des prin­ci­paux apports de la per­spec­tive soci­ologique mise en œuvre par le Dia­bète LAB est d’expliquer les mécan­ismes soci­aux, tech­niques et cog­ni­tifs qui font que des patients s’approprient ces dis­posi­tifs ou à l’inverse les abandonnent. 

ENCAPA

Coconception en santé
Faire par­ticiper des patients comme parte­naires dans des pro­jets d’entreprises dans les tech­nolo­gies médi­cales ou l’industrie phar­ma­ceu­tique. © ROGERPHOTO/FOTOLIA.COM

ENCAPA est une asso­ci­a­tion stras­bour­geoise qui se donne comme objec­tif de pro­mou­voir et de val­oris­er les savoirs expéri­en­tiels du patient. Il s’agit aus­si de favoris­er l’empow­er­ment, en s’appuyant sur le mod­èle mon­tréalais du patient parte­naire de l’innovation en santé. 

L’association développe son action selon deux axes. Le pre­mier est l’accompagnement et l’hébergement de pro­jets d’innovation en san­té (high-tech, low-tech…), qui s’appuient sur les savoirs expéri­en­tiels en étant portés par des per­son­nes atteintes de mal­adies chroniques (ges­tion de pro­jet, recherche de parte­naires et de financements). 

DES PATIENTS PARTENAIRES

Le sec­ond axe de l’association ENCAPA vise à faire par­ticiper des patients comme parte­naires dans des pro­jets d’entreprises (start-up ou grands groupes), par exem­ple dans les tech­nolo­gies médi­cales ou l’industrie phar­ma­ceu­tique. Il est alors néces­saire de for­mer ces patients en amont et d’évaluer l’impact de leur par­tic­i­pa­tion aux projets. 

Il s’agit de cocon­stru­ire des solu­tions adap­tées, en démon­trant l’utilité socié­tale du patient tout en réduisant les coûts totaux des projets. 

DES INTERVENTIONS À TOUS LES STADES DE LA R & D

Le patient peut inter­venir à dif­férents moments, à dif­férentes étapes de recherche et développe­ment d’une solution. 

PATIENT ET CONSEIL

En phase de prototypage et de développement, un patient peut participer au recrutement des patients « testeurs », avec lesquels il développera un relationnel adapté et une bonne compréhension réciproque des questions à traiter.
Il peut de même contribuer à l’organisation des tests, analyser et restituer des résultats, et participer à l’adaptation de la solution.
Si des problèmes nécessitent l’évolution de la solution, il peut confirmer la pertinence d’évolutions et d’adaptations de la solution aux besoins et à la vie réelle.

À titre d’exemple, on peut citer la phase d’analyse des besoins : le patient peut con­tribuer à la déf­i­ni­tion du besoin réel – et non pas unique­ment inter­prété par des tiers tels que le pro­fes­sion­nel de san­té, comme cela se pro­duit régulièrement. 

Il est impor­tant que le patient inter­vi­enne à la source, et non pas seule­ment en rem­plis­sant des ques­tion­naires conçus par d’autres, et qui intro­duisent de ce fait un biais. 

“ Il est important que le patient intervienne à la source ”

En phase de con­cep­tion, le patient peut par­ticiper aux choix con­crets con­cer­nant le pre­mier pro­to­type, assur­ant l’adaptation de la solu­tion à la vie réelle. 

Enfin, en phase de déploiement de la solu­tion, il pour­ra con­tribuer à la pré­pa­ra­tion du marché à la solu­tion, à sa péd­a­gogie et son évangéli­sa­tion, à con­di­tion qu’il soit impliqué comme parte­naire du développe­ment de cette solution ! 

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