Test médical par smartphone

Concevoir les solutions de santé avec les usagers

Dossier : La santé participativeMagazine N°731 Janvier 2018
Par Robert PICARD (73)
Par Jean-Baptiste FAURE
Par Caroline GUILLOT

La cocon­cep­tion en san­té consti­tue une nou­velle approche de la san­té par­ti­ci­pa­tive, encou­ra­gée par de nom­breuses pro­po­si­tions, en par­ti­cu­lier celle des “living labs”. Mais la grande diver­si­té des réac­tions dans le milieu médi­cal comme chez les patients en rend dif­fi­cile une appli­ca­tion systématique. 

On observe en France et en Europe depuis une dizaine d’années l’émergence de solu­tions tech­no­lo­giques indi­vi­duelles pour la san­té (PHS – per­so­nal health sys­tems) qui ont fait l’objet de tra­vaux communautaires. 

Le Conseil géné­ral de l’économie s’en est fait l’écho tout en déve­lop­pant une réflexion spé­ci­fique basée sur une veille inter­na­tio­nale de ce phé­no­mène. Ses tra­vaux nour­rissent les réflexions qui suivent. 

REPÈRES

La loi dite « Kouchner » du 4 mars 2002 a marqué une reconnaissance fondamentale et historique des droits des usagers en France. Le patient est reconnu comme acteur de sa prise en charge et peut accéder lui-même aux informations le concernant.
Les mouvements associatifs sont cités comme ayant joué un rôle majeur dans cette évolution.

UNE MÉDECINE DE PLUS EN PLUS INDIVIDUALISÉE ET TECHNOLOGIQUE

Par­tout en Europe, on constate une indi­vi­dua­li­sa­tion des soins et pres­ta­tions de san­té. La demande de ser­vice dérive de plus en plus du besoin expri­mé par le patient. Le cou­rant de la « méde­cine per­son­na­li­sée » tra­duit en par­tie ce phénomène. 

Il faut tou­te­fois noter que la méde­cine peut être dite « per­son­na­li­sée », au sens « adap­tée à la sin­gu­la­ri­té » du cas cli­nique, sans pour autant décou­ler des besoins expri­més par le patient. 

“ L’acceptation sociale des solutions dépend pour beaucoup de celle des professionnels ”

Une autre ten­dance est la bana­li­sa­tion de dis­po­si­tifs tech­no­lo­giques dans la socié­té, et donc de l’usage de tech­no­lo­gies avan­cées aptes à sup­por­ter des ser­vices de santé. 

Pour autant, il demeure des craintes à ce niveau : que la tech­no­lo­gie ne soit pas assez fiable, qu’elle ne soit pas à la por­tée de tous, ou encore que les opé­ra­teurs puissent être défaillants. 

La famille, l’entourage, un autre patient sont per­çus comme les meilleurs avo­cats de l’usage des PHS, en tant que pres­crip­teurs ou faci­li­ta­teurs, ou encore comme relais d’information sur l’offre dis­po­nible pour la per­sonne malade, fra­gile ou en situa­tion de handicap. 

La dif­fu­sion des solu­tions per­son­na­li­sées de san­té est éga­le­ment dépen­dante des échanges infor­mels pou­vant avoir lieu entre pra­ti­ciens, soi­gnants, assu­reurs et les per­sonnes et leur entou­rage. L’acceptation sociale des solu­tions dépend pour beau­coup de celle des pro­fes­sion­nels, de l’aptitude de ceux qui sont sur le ter­rain à s’ouvrir à l’innovation.

UTILISATEURS-PATIENTS ET CITOYENS PRÉOCCUPÉS PAR LEUR SANTÉ

Selon le type de solu­tion, le client peut être le patient lui-même ou un tiers : éta­blis­se­ment de san­té, mutuelle, assu­rance, soi­gnant, proche. Il faut « se cen­trer » à la fois sur les besoins du client et du patient. 

Cepen­dant, selon les auteurs du rap­port euro­péen PHS Fore­sight, la crois­sance du mar­ché ne dépend pas d’abord de la pro­pen­sion du patient à payer ou de la com­pa­gnie d’assurances qui finan­ce­rait des ser­vices sup­plé­men­taires. Le finan­ce­ment public conti­nue­ra de jouer un rôle clé. 

De ce fait, tant que des « preuves » ne seront pas appor­tées (elles n’existent que de façon anec­do­tique) sur l’apport de ces sys­tèmes, le mar­ché se déve­lop­pe­ra len­te­ment, grâce à l’énergie indi­vi­duelle de quelques pionniers. 

UN MARCHÉ DIFFICILE À PÉNÉTRER

Les déci­deurs sus­cep­tibles de sou­te­nir des pro­jets dans ce domaine sont très divers. Les pro­ces­sus de mise en œuvre sont de ce fait éga­le­ment très variés. En consé­quence, il est très dif­fi­cile pour les four­nis­seurs de péné­trer ce mar­ché, d’autant que le sec­teur de la san­té accepte avec réti­cence des entre­prises venues d’autres secteurs. 

Des ser­vices concur­ren­tiels, basés sur des pro­duits grand public, ne pénètrent guère de façon durable le sec­teur, même si pour leur part un cer­tain nombre de pro­fes­sion­nels uti­lisent de plus en plus, de façon légi­time ou non, leurs outils per­son­nels dans l’exercice de leur métier (iPhones, smart­phones Android) en y ins­tal­lant des appli­ca­tions des­ti­nées à la clinique. 

DES PROCESSUS DE CONCEPTION QUI ENGAGENT LES INTÉRESSÉS

L’acceptation de la solu­tion par le patient dépend éga­le­ment de la façon dont ce der­nier gère sa mala­die, et cette « ges­tion » peut évo­luer dans le temps, tout comme la mala­die elle-même par ailleurs. 

“ Des services concurrentiels, basés sur des produits grand public, ne pénètrent guère de façon durable le secteur ”

Une per­sonne peut s’impliquer à cer­tains moments de son par­cours de vie, dans cer­taines solu­tions de soins, et moins dans d’autres. Cela peut être rela­tif à l’outil de soins lui-même et/ ou à ce que soigne cet outil. 

Si cer­taines per­sonnes par­viennent à réa­li­ser de façon rou­ti­nière et sans y pen­ser un cer­tain nombre d’activités impo­sées, à l’autre bout du conti­nuum d’autres ne dis­posent d’aucune rou­tine ou ne s’impliquent pas du tout. 

Cela conduit à des usages dif­fé­rents pour les PHS (sys­tèmes de san­té per­son­nels). Cer­tains patients sont ras­su­rés par la technologie. 

Pour d’autres au contraire, le sur­plus d’information les angoisse, parce que cela leur rap­pelle qu’ils sont malades. D’autres encore ont peur de la panne, du manque de fia­bi­li­té. Cer­tains enfin sont déçus après avoir sur­es­ti­mé les béné­fices de la solution. 

Il est impor­tant de posi­tion­ner chaque élé­ment indi­vi­duel d’un dis­po­si­tif ou d’un sys­tème de moni­to­ring dans son contexte glo­bal, y com­pris son coût, son mode d’acquisition, de main­te­nance, ain­si que l’expérience d’autres uti­li­sa­teurs (accep­ta­tion, avan­tages consta­tés asso­ciés à l’utilisation).

Ce type d’information est essen­tiel pour l’évaluation du dis­po­si­tif. Aujourd’hui, l’information sur les coûts et les retours d’expérience est géné­ra­le­ment défaillante pour ce type de technologie. 


Cer­tains patients sont ras­su­rés par la tech­no­lo­gie. © SYDA PRODUCTIONS/FOTOLIA.COM

DES TECHNOLOGIES BIEN ACCEPTÉES

L’acceptation des services de santé personnalisés par les usagers qui en ont fait l’expérience est bonne, après parfois une période initiale un peu craintive, concernant en particulier le risque de perdre la relation humaine avec les soignants.
L’expérience montre que les professionnels de santé utilisant ces systèmes ont beaucoup plus d’informations sur leurs patients, posent des diagnostics plus fiables, et ont des relations plus personnelles au travers des échanges téléphoniques qui sont plus fréquents.
L’un des facteurs d’acceptabilité reste la fiabilité de ces technologies. Les professionnels de santé et les patients doivent pouvoir leur faire confiance. À cet égard, un élément essentiel est l’implication des professionnels et des patients dans l’utilisation de la solution au quotidien, mais aussi dans son élaboration.

DES BÉNÉFICES MÉDICAUX ENFIN RECONNUS

La mobi­li­sa­tion des tech­no­lo­gies en dehors de l’hôpital et la recon­nais­sance de leur valeur par le sys­tème de san­té sont tar­dives. Ce n’est qu’en 2009 que l’article 78 de la loi n° 2009–879 a ins­ti­tué l’article L 6316–1 du Code de la san­té publique, ain­si rédigé : 

« Art. L. 6316–1. La télé­mé­de­cine est une forme de pra­tique médi­cale à dis­tance uti­li­sant les tech­no­lo­gies de l’information et de la com­mu­ni­ca­tion. Elle met en rap­port, entre eux ou avec un patient, un ou plu­sieurs pro­fes­sion­nels de san­té, par­mi les­quels figure néces­sai­re­ment un pro­fes­sion­nel médi­cal et, le cas échéant, d’autres pro­fes­sion­nels appor­tant leurs soins au patient. » 

Encore faut-il noter que les tech­no­lo­gies consi­dé­rées ici sont pla­cées sous l’autorité du seul médecin. 

L’ÉMERGENCE D’UN MARCHÉ NON RÉGLEMENTÉ

Paral­lè­le­ment, un mar­ché non régle­men­té s’est déve­lop­pé mon­dia­le­ment autour des ques­tions de santé : 

“ La médecine dite “des 3 P” – préventive, prédictive, personnalisée – est devenue aussi “participative” – 4 P ”

il concerne d’une part l’information de san­té (sites inter­net spé­cia­li­sés et réseaux sociaux), et d’autre part les outils d’automesure (quan­ti­fied self), tous béné­fi­ciant du déve­lop­pe­ment rapide de l’internet et des appli­ca­tions mobiles. 

Ain­si, les objets connec­tés et appli­ca­tions inter­net de san­té se déve­loppent de façon extrê­me­ment rapide, tan­dis que leur prise en charge est rare du fait de l’absence de résul­tats pro­bants en termes de san­té publique. 

UNE INDUSTRIE PRÊTE À JOUER LE JEU

L’industrie des pro­duits de san­té, notam­ment l’industrie phar­ma­ceu­tique, déclare aujourd’hui son inté­rêt à faire par­ti­ci­per les patients à l’élaboration de nou­velles solu­tions. La méde­cine dite « des 3 P » – pré­ven­tive, pré­dic­tive, per­son­na­li­sée – est deve­nue aus­si « par­ti­ci­pa­tive » avec un qua­trième « P ». 

« Cette nou­velle méde­cine devrait per­mettre d’améliorer la prise en charge des patients, de pres­crire plus effi­ca­ce­ment des trai­te­ments, plus ciblés, aux effets secon­daires ou indé­si­rables moins graves. L’exercice d’une telle méde­cine devrait per­mettre d’atteindre le double objec­tif d’une amé­lio­ra­tion de la san­té des patients et d’une opti­mi­sa­tion des coûts de santé. » 

La pré­oc­cu­pa­tion éco­no­mique est claire, et du reste légi­time. Celle d’une contri­bu­tion à l’amélioration de la san­té publique est cohé­rente avec le poids repré­sen­té par la com­mande publique dans le finan­ce­ment des solu­tions de santé. 

Il y aurait donc une conver­gence objec­tive des stra­té­gies indus­trielles, de l’intention médi­cale et de la démo­cra­tie sanitaire. 

DES « LABORATOIRES VIVANTS » ET UN FORUM POUR DIFFUSER LA COCONCEPTION EN SANTÉ

La par­ti­ci­pa­tion des pro­fes­sion­nels, des indus­triels, des patients se met pro­gres­si­ve­ment en place pour la cocon­cep­tion de solu­tions pour la san­té et l’autonomie des personnes. 

LA COCONCEPTION COMME CONDITION D’EFFICACITÉ DES NOUVEAUX OUTILS DE SANTÉ

Une publication médicale très récente explique les difficultés à prouver l’efficacité des nouveaux outils de santé : « Les causes possibles des résultats décevants [des objets connectés et de la télémédecine] sont (…) le défaut d’organisation professionnelle dans l’usage de ces nouvelles technologies, le manque de coopération entre les industriels, les patients et les professionnels de santé pour assurer une fiabilité et une sécurité des usages, une méthodologie d’étude non adaptée aux usages habituels des professionnels de santé sont les principales causes retenues…
Les bénéfices apportés par ces nouveaux outils passent par une coconstruction et une recherche commune entre les industriels, les patients et les professionnels de santé. »
En quelque sorte, la coconception et la santé participative s’imposent quand on veut être assuré du « service médical rendu » des solutions de la santé connectée.

En atteste la créa­tion de « labo­ra­toires vivants » (living labs) qui relèvent d’une métho­do­lo­gie nou­velle qui vise en effet à faire col­la­bo­rer très tôt dans cette concep­tion le regrou­pe­ment des divers acteurs impli­qués, dont les futurs utilisateurs. 

Ceux-ci apportent leur vécu, leurs « savoirs expé­rien­tiels », leurs idées, pour ima­gi­ner, expé­ri­men­ter et tes­ter en « gran­deur nature » des ser­vices, des outils et des usages nouveaux. 

Le Forum LLSA – des living labs en san­té auto­no­mie – a pris forme fin 2013, après deux ans de ges­ta­tion. Il vise une large par­ti­ci­pa­tion des publics et s’est doté d’une struc­ture asso­cia­tive sup­port qui com­porte par­mi ses fon­da­teurs des éta­blis­se­ments de san­té, des éta­blis­se­ments d’enseignement supé­rieur et de recherche, des asso­cia­tions pro­fes­sion­nelles et de patients. 

Le Forum LLSA s’attache pré­ci­sé­ment aux condi­tions de déve­lop­pe­ment d’une approche réel­le­ment par­ti­ci­pa­tive et citoyenne de la concep­tion des nou­veaux pro­duits et ser­vices pour la san­té et l’autonomie, au ser­vice de l’innovation, du déve­lop­pe­ment éco­no­mique et de la démo­cra­tie sanitaire. 

DES ESSAIS À MIEUX TRANSFORMER

Les déci­deurs publics, les citoyens, les pro­fes­sion­nels du numé­rique plé­bis­citent les évé­ne­ments basés sur la ren­contre d’usagers et de concep­teurs : Hacka­thons, Forums ouverts, etc. 

Télétraitement médical
La télé­mé­de­cine met en rap­port, entre eux ou avec un patient, un ou plu­sieurs pro­fes­sion­nels de san­té. © AGENTURFOTOGRAFIN / SCHUTTERSTOCK.COM

Le pou­voir mobi­li­sa­teur en est mani­feste, et des concepts inédits voient le jour. Mais l’essai n’est pas tou­jours conver­ti, du fait de la dis­so­lu­tion de l’équipe por­teuse à l’issue de l’exercice de créa­ti­vi­té ou de dif­fi­cul­tés à inté­grer le concept dans le sys­tème de santé. 

Les LLSA inté­grant la cocon­cep­tion dans leur démarche, ils peuvent por­ter ce type d’événement ou per­mettre d’en valo­ri­ser les fruits. En effet, leur rela­tion aux usa­gers est confiante et pérenne, et leur expé­rience est assise sur une obser­va­tion de l’appropriation, dans la durée, de ce type de résultat. 

DU PATIENT ALIBI AU PATIENT ACTEUR

En fait, bien sou­vent, le patient est sol­li­ci­té tout à la fin du cycle de déve­lop­pe­ment du pro­duit ou ser­vice, pour don­ner son avis, alors qu’aucun chan­ge­ment n’est plus possible. 

Il est par­fois même sol­li­ci­té uni­que­ment pour faire la pro­mo­tion de solu­tions sans qu’aucun patient n’ait par­ti­ci­pé à une seule étape du déve­lop­pe­ment (« patient alibi »). 

Il faut faire com­prendre aux indus­triels que la valeur du patient se situe bien plus en amont, et pas seule­ment en phase finale. 

UNE APPROCHE À SOUTENIR

La cocon­cep­tion en san­té et auto­no­mie est une approche de la san­té par­ti­ci­pa­tive nou­velle. Elle est appe­lée de leurs vœux par des acteurs très dif­fé­rents : méde­cins, indus­triels et les patients eux-mêmes. Mais sans doute cha­cun d’eux n’a‑t-il pas encore tota­le­ment inté­gré les exi­gences de cette approche et les trans­for­ma­tions pro­fondes qu’elle requiert. Cha­cun cherche sa voie, en en per­ce­vant la nécessité. 

“ Il serait important que la puissance publique apporte un soutien au développement de la coconception en santé ”

Il serait sans doute impor­tant que la puis­sance publique, dans une logique de démo­cra­tie sani­taire sou­vent reven­di­quée, apporte aus­si sa cau­tion, voire un sou­tien tan­gible, à une telle évolution. 

La dif­fi­cul­té est de le faire en qua­li­fiant les ini­tia­tives, mais sans les stan­dar­di­ser, ce qui sté­ri­li­se­rait l’approche.

Dans ce qui suit, on montre com­ment et pour­quoi une autre valeur contri­bu­tive du patient est pos­sible et nécessaire.
 

LA FÉDÉRATION FRANÇAISE DES DIABÉTIQUES ET L’INITIATIVE DIABÈTE LAB

Une prio­ri­té, déga­gée clai­re­ment lors de la Jour­née mon­diale du dia­bète du 14 novembre 2016, est de pas­ser du patient « ali­bi » au patient acteur. La ques­tion reste néan­moins de faire entrer cette nou­velle repré­sen­ta­tion dans les faits et de faire évo­luer la culture actuelle et les pra­tiques de tra­vail, les façons d’inclure le patient. 

Pour trai­ter cette ques­tion, la Fédé­ra­tion fran­çaise des dia­bé­tiques, asso­cia­tion de patients créée en 1938, a créé en 2015 le Dia­bète LAB, pre­mier living lab fran­çais dédié exclu­si­ve­ment au dia­bète. Il s’appuie sur une com­mu­nau­té de plus de 2 700 diabèt’acteurs pour mener des études socio­lo­giques par entre­tiens indi­vi­duels, obser­va­tions eth­no­gra­phiques, ate­liers de cocréa­tion, dif­fu­sion de ques­tion­naires… et sur des sujets variés : restes à charge, pra­tiques ali­men­taires, usages des sty­los d’injection d’insuline, pan­créas arti­fi­ciel, etc. 

UNE MÉTHODE DE COCONSTRUCTION…

Le Dia­bète LAB accom­pagne les acteurs en fai­sant évo­luer leur pro­blé­ma­tique mar­ke­ting vers une pro­blé­ma­tique d’utilité publique ; la socio­lo­gie est mobi­li­sée au-delà de la seule pré­pa­ra­tion de questionnaires. 

Mais il convien­drait d’aller plus loin : entrer dans une démarche conjointe avec le fabri­cant pour éla­bo­rer des pro­duits et ser­vices qui répondent aux besoins de tous en enga­geant des col­la­bo­ra­tions au long cours. Le Dia­bète LAB, par sa méthode living lab, peut contri­buer à cette coconstruction. 

… FACILITANT UN USAGE PÉRENNE DES NOUVEAUX MOYENS

L’usage dans la durée des pro­duits et ser­vices est une condi­tion essen­tielle pour le déve­lop­pe­ment de mar­chés en ce qui concerne l’industrie, comme l’obtention de béné­fices de san­té avé­rés pour ce qui concerne la san­té publique. 

Dans le cas des appli­ca­tions mobiles par exemple, les fac­teurs d’abandon d’usage sont nom­breux : des infor­ma­tions à sai­sir soi-même trop nom­breuses (et qui prennent du temps) ; des appli­ca­tions seg­men­tées, infan­ti­li­santes ; une absence d’accompagnement à l’usage ; des pro­fes­sion­nels de san­té pas tous intéressés… 

De ce fait, le coût d’utilisation est trop éle­vé par rap­port au béné­fice per­çu. La cocons­truc­tion entre patients et indus­triels consti­tue ain­si une clé de réus­site de l’appropriation pérenne des pro­duits et services. 

LE BÉNÉFICE SOCIAL DES LECTEURS DE GLUCOSE EN CONTINU

À l’aide du lec­teur de gly­cé­mie capil­laire (pour connaître le taux de sucre dans le sang), les per­sonnes dia­bé­tiques pré­lèvent une goutte de sang en piquant l’extrémité d’un de leurs doigts. Appa­rus plus récem­ment, les lec­teurs de glu­cose en conti­nu évitent cette mani­pu­la­tion. Par exemple, cer­tains de ces lec­teurs pro­posent une mesure de la gly­cé­mie en scan­nant avec son télé­phone por­table un cap­teur pla­cé sur le bras. Ils four­nissent, outre la valeur ponc­tuelle de la gly­cé­mie, sa ten­dance à la hausse ou à la baisse et son évolution. 

Les études cli­niques montrent les effets posi­tifs de ces lec­teurs de glu­cose en conti­nu sur l’équilibre gly­cé­mique et sur la dimi­nu­tion de la crainte asso­ciée à l’hypoglycémie. Une étude du Dia­bète LAB montre de plus qu’ils réduisent un ensemble de contraintes sociales, spa­tiales, orga­ni­sa­tion­nelles, maté­rielles, cor­po­relles et cog­ni­tives, carac­té­ris­tiques de l’expérience du diabète. 

Ces dis­po­si­tifs de mesure du glu­cose en conti­nu per­mettent une plus grande dis­cré­tion, et favo­risent la mul­ti­pli­ca­tion des tests de gly­cé­mie au cours de la jour­née. La ges­tion du regard d’autrui et la pra­tique de l’autosurveillance gly­cé­mique dans de nou­veaux espaces (au tra­vail, dans les trans­ports) sont ain­si plus aisées. 

Logo du Diabète LABElle montre que les usages trans­forment les diverses dimen­sions du tra­vail du patient, les carac­té­ris­tiques de sa réflexi­vi­té et son expé­rience de la mala­die, en intro­dui­sant un nou­veau régime tem­po­rel dans le rap­port à soi, au corps et à la pathologie. 

Ain­si, un des prin­ci­paux apports de la pers­pec­tive socio­lo­gique mise en œuvre par le Dia­bète LAB est d’expliquer les méca­nismes sociaux, tech­niques et cog­ni­tifs qui font que des patients s’approprient ces dis­po­si­tifs ou à l’inverse les abandonnent. 

ENCAPA

Coconception en santé
Faire par­ti­ci­per des patients comme par­te­naires dans des pro­jets d’entreprises dans les tech­no­lo­gies médi­cales ou l’industrie phar­ma­ceu­tique. © ROGERPHOTO/FOTOLIA.COM

ENCAPA est une asso­cia­tion stras­bour­geoise qui se donne comme objec­tif de pro­mou­voir et de valo­ri­ser les savoirs expé­rien­tiels du patient. Il s’agit aus­si de favo­ri­ser l’empo­werment, en s’appuyant sur le modèle mont­réa­lais du patient par­te­naire de l’innovation en santé. 

L’association déve­loppe son action selon deux axes. Le pre­mier est l’accompagnement et l’hébergement de pro­jets d’innovation en san­té (high-tech, low-tech…), qui s’appuient sur les savoirs expé­rien­tiels en étant por­tés par des per­sonnes atteintes de mala­dies chro­niques (ges­tion de pro­jet, recherche de par­te­naires et de financements). 

DES PATIENTS PARTENAIRES

Le second axe de l’association ENCAPA vise à faire par­ti­ci­per des patients comme par­te­naires dans des pro­jets d’entreprises (start-up ou grands groupes), par exemple dans les tech­no­lo­gies médi­cales ou l’industrie phar­ma­ceu­tique. Il est alors néces­saire de for­mer ces patients en amont et d’évaluer l’impact de leur par­ti­ci­pa­tion aux projets. 

Il s’agit de cocons­truire des solu­tions adap­tées, en démon­trant l’utilité socié­tale du patient tout en rédui­sant les coûts totaux des projets. 

DES INTERVENTIONS À TOUS LES STADES DE LA R & D

Le patient peut inter­ve­nir à dif­fé­rents moments, à dif­fé­rentes étapes de recherche et déve­lop­pe­ment d’une solution. 

PATIENT ET CONSEIL

En phase de prototypage et de développement, un patient peut participer au recrutement des patients « testeurs », avec lesquels il développera un relationnel adapté et une bonne compréhension réciproque des questions à traiter.
Il peut de même contribuer à l’organisation des tests, analyser et restituer des résultats, et participer à l’adaptation de la solution.
Si des problèmes nécessitent l’évolution de la solution, il peut confirmer la pertinence d’évolutions et d’adaptations de la solution aux besoins et à la vie réelle.

À titre d’exemple, on peut citer la phase d’analyse des besoins : le patient peut contri­buer à la défi­ni­tion du besoin réel – et non pas uni­que­ment inter­pré­té par des tiers tels que le pro­fes­sion­nel de san­té, comme cela se pro­duit régulièrement. 

Il est impor­tant que le patient inter­vienne à la source, et non pas seule­ment en rem­plis­sant des ques­tion­naires conçus par d’autres, et qui intro­duisent de ce fait un biais. 

“ Il est important que le patient intervienne à la source ”

En phase de concep­tion, le patient peut par­ti­ci­per aux choix concrets concer­nant le pre­mier pro­to­type, assu­rant l’adaptation de la solu­tion à la vie réelle. 

Enfin, en phase de déploie­ment de la solu­tion, il pour­ra contri­buer à la pré­pa­ra­tion du mar­ché à la solu­tion, à sa péda­go­gie et son évan­gé­li­sa­tion, à condi­tion qu’il soit impli­qué comme par­te­naire du déve­lop­pe­ment de cette solution ! 

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