Comment le vieillissement français pèse sur la croissance

Dossier : Démographie, un monde de disparitésMagazine N°685 Mai 2013
Par Didier BLANCHET (X75)

Le vieil­lisse­ment a trois com­posantes : la baisse de la mor­tal­ité, qui entraîne un allonge­ment de la durée de vie, le baby-boom, qui déforme la pyra­mide des âges, et la baisse de la fécon­dité. Les cal­culs mon­trent que la pre­mière a un rôle majeur, pour ne pas dire exclusif.

REPÈRES
L’espérance de vie en France est aujourd’hui de 84,8 ans pour les femmes et de 78,2 ans pour les hommes. En 2040, elle pour­rait être de 90 ans pour les femmes et de 84 ans pour les hommes.
La fécon­dité, qui était de 2,5 à 3 enfants par femme au XXe siè­cle, fluctue entre 1,8 et 2 actuelle­ment. Le ratio de dépen­dance est passé de 32 % en 1960 à 40 % en 2007, et devrait attein­dre 66 % en 2040.
Depuis 2000 env­i­ron, la pro­duc­tiv­ité du tra­vail est inférieure à 1 % par an, tan­dis que la pop­u­la­tion d’âge act­if croît net­te­ment moins que la pop­u­la­tion totale, l’écart étant d’environ 0,5%.
Le besoin de finance­ment du sys­tème de retraites, estimé à 13 mil­liards d’euros en 2011, devrait attein­dre 49 mil­liards d’euros en 2040.

Le vieillissement français

L’espérance de vie a presque dou­blé au cours du XXe siè­cle, et se situe en 2012 à 84,8 ans pour les femmes et 78,2 ans pour les hommes. La fécon­dité, actuelle­ment de moins de 2 enfants par femme, devrait rester stable.

Le vieil­lisse­ment con­tribue au freinage de la croissance

Quant au baby-boom, il a com­mencé par raje­u­nir la pop­u­la­tion mais en accélère main­tenant le vieil­lisse­ment, avec l’arrivée à plus de 60 ans des généra­tions de l’après-guerre.

Dans l’ensemble des pro­jec­tions actuelle­ment étudiées, on con­state que le ratio de dépen­dance va forte­ment aug­menter dans l’avenir, d’environ un point par an d’ici 2035. Il pour­rait attein­dre 66 % en 2040.

Un lien entre vieillissement et croissance potentielle

Le pre­mier effet du vieil­lisse­ment est celui du taux de dépen­dance sur le revenu ou le pro­duit par tête. Cet effet est mécanique et c’est le plus important.

Le ratio de dépendance
Le ratio de dépen­dance est le rap­port entre le nom­bre des plus de 60 ans et celui des 20 à 60 ans. Il va forte­ment aug­menter en rai­son de l’augmentation de la tranche d’âge des plus de 60 ans, alors que la pop­u­la­tion des 20–60 ans devrait stag­n­er, voire régress­er si les flux migra­toires venaient à dimin­uer. La sta­tion­nar­ité de la pop­u­la­tion d’âge act­if est à peu près acquise, avec un taux de fécon­dité de 1,9 et un flux migra­toire net de 100 000 per­son­nes par an.

À com­porte­ment d’activité don­né, le taux de crois­sance annuelle du pro­duit par tête est la somme de deux élé­ments : le taux de crois­sance annuelle de la pro­duc­tiv­ité du tra­vail et la dif­férence entre le taux de crois­sance de la pop­u­la­tion d’âge act­if et le taux de crois­sance de la pop­u­la­tion totale. L’augmentation du taux de dépen­dance fait que le deux­ième terme est devenu négatif, d’environ 0,5 point par an, ce qui représente un manque à gag­n­er d’autant pour la crois­sance potentielle.

Ce manque à gag­n­er pèse d’un poids relatif d’autant plus fort que les pro­grès de pro­duc­tiv­ité sont faibles. Or, ces derniers, après avoir été de 2 % jusqu’en 2000, stag­nent désor­mais en dessous de 1 %.

Si la ten­dance actuelle se pro­longeait durable­ment, le vieil­lisse­ment con­tribuerait assez sig­ni­fica­tive­ment à la faib­lesse de la crois­sance. Cet effet démo­graphique est cepen­dant tem­po­raire, et il devrait se résor­ber pro­gres­sive­ment au cours des trois prochaines décennies.

Un impact secondaire

On pour­rait com­pli­quer l’analyse en imag­i­nant que le vieil­lisse­ment a aus­si un impact sur la crois­sance de la pro­duc­tiv­ité elle-même. Néan­moins, le lien entre âge et pro­duc­tiv­ité indi­vidu­elle est mal con­nu. De toute manière, l’impact serait du troisième ordre par rap­port à l’effet mécanique direct.

De même, l’hypothèse d’un cycle de vie du revenu et de l’épargne, avec baisse de l’épargne aux âges élevés, et donc de l’accumulation du cap­i­tal affec­tant la crois­sance, reste dif­fi­cile à confirmer.

Enfin, le développe­ment de besoins nou­veaux liés au vieil­lisse­ment a des effets incer­tains et sec­ondaires par rap­port à l’effet dom­i­nant du ratio de dépendance.

Dépenses sociales

La crois­sance atten­due des dépens­es sociales est l’un des canaux par lesquels s’exprime cet impact du ratio de dépen­dance, mais tous les postes des dépens­es sociales ne sont pas égale­ment affectés.

La cap­i­tal­i­sa­tion n’offre pas une solu­tion mir­a­cle au vieillissement

L’impact est plus faible qu’on ne croit sou­vent sur les dépens­es de san­té. Les mal­adies impor­tantes et coû­teuses sont plus fréquentes au-delà de 50 ans, mais cela ne suf­fit pas à faire du vieil­lisse­ment le fac­teur majeur.

La causal­ité serait plutôt inverse : les dépens­es de san­té, con­sti­tu­ant un « pro­grès de gamme », aug­mentent sig­ni­fica­tive­ment la durée de vie.

La question des retraites

C’est dans le domaine des retraites que les con­séquences de l’évolution démo­graphique sont les plus directes et les plus impor­tantes. L’augmentation ten­dan­cielle du ratio de dépen­dance oblige les pays à trou­ver des solu­tions pour éviter la dérive des sys­tèmes de retraite.

Accroisse­ment des dépens­es de san­té à âge donné
Quand on com­pare, entre 1992 et 2000, les dépens­es de san­té par per­son­ne aux dif­férents âges, on con­state une forte aug­men­ta­tion, glob­ale­ment crois­sante avec l’âge à par­tir de 50 ans. Cette ten­dance pour­rait encore s’am­pli­fi­er pour l’avenir.

Ces solu­tions met­tent en jeu trois paramètres mobil­isés de manières dif­férentes suiv­ant les pays et les cir­con­stances : les taux de coti­sa­tions, les taux de rem­place­ment et les durées d’activité.

La France a surtout cher­ché à jouer sur les deux derniers au tra­vers de trois grandes réformes des retraites qui, en principe, con­tribuent très sen­si­ble­ment au rétab­lisse­ment de l’équilibre à long terme, mais seule­ment dans l’hypothèse d’une crois­sance économique assez soutenue.

La rai­son est que leur effi­cac­ité tient beau­coup à des mécan­ismes de sous-index­a­tion des retraites par rap­port aux salaires. L’efficacité de cette poli­tique est remise en cause par la crise et les per­spec­tives de crois­sance très ralentie.

Capitalisation et répartition

Le développe­ment de la cap­i­tal­i­sa­tion a large­ment été évo­qué comme solu­tion à ce prob­lème des retraites. Elle a l’avantage d’encourager l’épargne longue, donc l’investissement et la crois­sance ; elle peut paraître judi­cieuse dans une per­spec­tive de divi­sion des risques. Mais le débat entre cap­i­tal­i­sa­tion et répar­ti­tion sem­ble avoir per­du son actu­al­ité en rai­son de la crise et des graves prob­lèmes ren­con­trés par les fonds de pen­sion. Glob­ale­ment, la cap­i­tal­i­sa­tion n’offre pas une solu­tion mir­a­cle au vieil­lisse­ment. C’est, au mieux, une façon alter­na­tive d’en financer le coût, avec ses avan­tages et ses inconvénients.

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