L’Afrique noire, cinquante ans d’échecs

Dossier : Démographie, un monde de disparitésMagazine N°685 Mai 2013
Par Philippe CONRAD

Un demi-siè­cle après les indépen­dances, les cris d’alarme lancés dès 1963, tel celui de René Dumont, sem­blent mal­heureuse­ment jus­ti­fiés. L’Afrique noire, con­ti­nent jadis promet­teur, est plongée dans d’immenses dif­fi­cultés. La plu­part des obser­va­teurs pensent aujourd’hui que l’Afrique noire a lais­sé les déserts grig­not­er la vie, ses économies s’enfoncer, et des nomen­klat­uras pré­da­tri­ces s’installer, comme si elle refu­sait le développe­ment et cher­chait à être recolonisée.

Alors qu’on attendait de grandes famines en Asie, c’est en Afrique qu’elles se suc­cè­dent. Retards économiques fla­grants, faib­lesse des États, con­flits eth­niques mul­ti­ples et explo­sion démo­graphique : com­ment sor­tir de cette spi­rale de l’échec ?

REPÈRES
Depuis cinquante ans, les fron­tières des États d’Afrique noire sont presque partout inchangées. Ils comp­taient 100 mil­lions d’habitants en 1900, 200 en 1960, 760 en 2005. Trente mil­lions d’Africains béné­fi­ci­aient d’une aide ali­men­taire en 2005, 135 en 2008. Trente guer­res se sont déclarées sur son sol depuis 1970, provo­quant 7 mil­lions de réfugiés et 10 mil­lions de déplacés. En 1995 le PIB total de ces pays ne dépas­sait pas celui de l’Espagne. En quar­ante ans, la fuite des cap­i­taux dépasse 400 mil­liards de dol­lars, soit plus que toute l’aide étrangère de la péri­ode. En 2015, un tiers des pau­vres du monde entier seront africains.

L’échec des États

La coloni­sa­tion a lais­sé des fron­tières en con­tra­dic­tion avec l’héritage his­torique et les réal­ités eth­niques. On les a d’emblée main­tenues inchangées, par crainte de balka­nis­er le con­ti­nent. Mais, alors que tra­di­tion­nelle­ment de vastes zones tam­pons flu­id­i­fi­aient les rela­tions entre com­mu­nautés, l’illusion jacobine de la struc­tura­tion ter­ri­to­ri­ale n’a pu aboutir qu’à des régimes autori­taires et clien­télistes : l’Afrique est alors dev­enue cham­pi­onne des coups d’État.

L’Afrique noire a lais­sé les déserts grig­not­er la vie

La guerre froide a ren­for­cé la ten­dance, car l’Est et l’Ouest avaient besoin d’une Afrique sta­ble. Main­tenir des régimes inca­pables et cor­rom­pus était une solu­tion du moin­dre mal : le Soudan, le Con­go en sont la car­i­ca­ture. Rarement la diver­sité a pu être sur­mon­tée, comme en Côte‑d’Ivoire, hélas temporairement.

On a pu penser que les choses allaient chang­er dans les années 1990 : l’Afrique noire allait réalis­er les réformes néces­saires. Mais le trans­fert du mod­èle occi­den­tal était large­ment inadap­té aux sociétés africaines, où la force et le pres­tige de com­mu­nautés hiérar­chisées et sol­idaires comptent plus que l’arithmétique élec­torale. Mais ces réal­ités ont sou­vent été niées, et l’échec poli­tique des régimes africains résulte sans doute de la mécon­nais­sance ou de l’aveuglement de nos démocraties.

Une démographie explosive

À l’époque pré­colo­niale, l’Afrique était une zone de basse pres­sion démo­graphique. La coloni­sa­tion avec la paci­fi­ca­tion et la révo­lu­tion san­i­taire ont causé une véri­ta­ble explo­sion : en un siè­cle, la pop­u­la­tion de l’Afrique noire a été mul­ti­pliée par 7. Si la fécon­dité se main­te­nait, elle atteindrait 3 mil­liards en 2050, mais elle va sans doute entr­er dans un proces­sus de tran­si­tion démo­graphique, comme celle des grands pays musul­mans ou asiatiques.

L’échange inter­na­tion­al inégal
Les pro­duits tra­di­tion­nelle­ment exportés (cacao, café, coton, bois, sucre) ont vu leurs prix s’effondrer. Seul point posi­tif, l’augmentation de la pro­duc­tion pétrolière qui représen­tait la moitié des expor­ta­tions africaines en 2005.
Les per­spec­tives fondées sur l’irruption de la Chine ne sont guère ras­sur­antes, car cette dernière importe des matières pre­mières pour ven­dre ses pro­duits man­u­fac­turés à des États qui ne peu­vent la concurrencer.

De là, de lourds prob­lèmes : famines accen­tuées au Sahel, dans la corne de l’Afrique, et même en Zam­bie et au Zim­bab­we, exode rur­al et explo­sion urbaine, généra­teurs poten­tiels d’une pres­sion migra­toire qui nous con­cerne directement.

La sur­pop­u­la­tion engen­dre un déboise­ment mas­sif, une baisse dras­tique du revenu par habi­tant : les thès­es les plus noires de Malthus risquent de se vérifier.

Des économies trop fragiles

Les rares épisodes de crois­sance favor­able n’empêchent pas l’extension de la pau­vreté. Le scé­nario qu’a con­nu la Chine au cours des trente dernières années ne sem­ble pas en mesure de se réalis­er sur le con­ti­nent noir, et d’immenses dis­par­ités appa­rais­sent. Les investis­seurs étrangers déser­tent l’Afrique noire, et, pire, on éval­ue à 400 mil­liards de dol­lars la fuite des cap­i­taux depuis 1970. Jeune Afrique l’estimait, en 2007, supérieure à l’aide étrangère.

Des échecs sociétaux

L’afrique noire dis­pose de poten­tial­ités incon­testa­bles. © REUTERS

La faim con­cerne deux cents mil­lions d’Africains sub­sa­hariens, l’amaigrissement des struc­tures san­i­taires a porté la mor­tal­ité infan­tile à 146 pour mille con­tre 6 pour mille en Europe. Mais c’est surtout l’expatriation des élites locales qui ralen­tit les pro­grès : 28 % des médecins africains noirs exer­cent dans les pays rich­es, et la moitié des doc­tor­ants ne ren­trent pas chez eux.

Les investis­seurs étrangers désertent

Trente guer­res se sont déroulées sur le con­ti­nent noir depuis 1970. Pour la plu­part eth­niques et internes aux pays, elles mul­ti­plient les vic­times civiles. Com­binées avec la lutte pour cer­taines ressources, tels le coltan en République du Con­go ou les dia­mants en Sier­ra Leone, elles engen­drent une insta­bil­ité et une insécu­rité chroniques qui aug­mentent le nom­bre de déplacés et de réfugiés.

Les tentatives d’union avortées

Bib­li­ogra­phie

► René Dumont, L’Afrique noire est mal par­tie, Le Seuil, 1963.
► Axelle Kabou, Et si l’Afrique refu­sait le développe­ment, L’Harmattan, 1991.
► Bernard Lugan, His­toire de l’Afrique, Ellipses, 2012.
► Stephen Smith, Négrolo­gie, pourquoi l’Afrique meurt, Fayard, 2003.
► Dom­bisa Mayo, L’Aide fatale, Lat­tès, 2009.

L’OUA, créée en 1963, a révélé ses lim­ites et a dis­paru en 2001. L’Union africaine qui l’a rem­placée n’a pas mieux réus­si. Les unions régionales, en Afrique occi­den­tale, cen­trale ou aus­trale, n’ont pas pu résoudre les crises ni attir­er les investis­seurs étrangers. Les dirigeants dés­abusés sont ten­tés par un dis­cours de vic­tim­i­sa­tion. L’environnement juridique reste trop incer­tain, la cor­rup­tion trop omniprésente pour per­me­t­tre le développe­ment des affaires.

Sortir de cette noire spirale

L’Afrique noire dis­pose cepen­dant de poten­tial­ités incon­testa­bles. Réformer les États, con­serv­er les élites, éviter le piège ten­du par les pays du Nord de l’immigration choisie, engager la tran­si­tion démo­graphique, faire pro­gress­er rapi­de­ment l’instruction devraient per­me­t­tre d’échapper à la malé­dic­tion de la pau­vreté et de se réin­sér­er dans l’économie mondiale.

3 Commentaires

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Arthur X01répondre
14 mai 2013 à 22 h 53 min

arti­cle pathé­tique­ment nul.
arti­cle pathé­tique­ment nul. Je ne com­prends pas que la J&R pub­lie un tel tor­chon et un tel ramas­sis de pon­cifs mal ressas­sés. C’est une honte pour la revue, et cela ne va pas cer­taine­ment pas con­tribuer au ray­on­nement de la communauté.

Bernard Zellerrépondre
15 mai 2013 à 8 h 09 min

L’Afrique noire, 50 ans d’échecs
Dès qu’un arti­cle ne se situe pas dans le cadre de la pen­sée dom­i­nante, il est traité de tor­chon ou accusé de refléter des vues de “l’ex­trême droite”. Si le lecteur n’est pas d’ac­cord, qu’il développe une argu­men­ta­tion. Le débat est à la base de la démocratie.
Bernard Zeller

Denis Gar­nierrépondre
29 mai 2013 à 7 h 57 min

Démo­gra­phie de l’Afrique subsaharienne

Je suis tout à fait d’ac­cord avec Bernard Zeller, il ne suf­fit pas de dire qu’un arti­cle est un “tor­chon” pour qu’il le soit et il faut au min­i­mum dévelop­per une argu­men­ta­tion pour ten­ter de le prou­ver. Je pense per­son­nelle­ment que ce texte est un bon point de départ sur le sujet, je regrette sim­ple­ment que l’aspect démo­graphique ne soit pas plus appro­fon­di et je vais donc rajouter quelques élé­ments à la réflexion.


Philippe Con­rad écrit : « la pop­u­la­tion de l’Afrique noire a été mul­ti­pliée par 7 au cours du dernier siè­cle ». C’est déjà effec­tive­ment beau­coup, mais lorsque l’on sait qu’elle devrait encore être mul­ti­pliée par CINQ au XXIe siè­cle, cela con­duira à une mul­ti­pli­ca­tion par 35 en deux siè­cles, ce qui est déjà net­te­ment plus impres­sion­nant et tout à fait au-delà du raisonnable…


Main­tenant, si l’on se con­cen­tre sur cer­tains pays, il faut tout d’abord par­ler du pays le plus peu­plé d’Afrique sub­sa­hari­enne, à savoir le Nige­ria qui comp­tait (en 2011) 162 mil­lions d’habi­tants et qui devrait pass­er à 433 mil­lions en 2050. Sa den­sité de pop­u­la­tion sera alors de 469 hab/km², net­te­ment supérieure à celle (actuelle) des Pays-Bas (398 hab/km²), pays européen le plus den­sé­ment peu­plé, mais qui est 22 fois plus petit (et donc plus facile à gér­er)… Autre élé­ment de com­para­i­son, avec la den­sité du Nige­ria en 2050, nous seri­ons 260 mil­lions de français ! On peut déclin­er ces pro­jec­tions de den­sité pour plusieurs pays d’Afrique (heureuse­ment plus petits). Avec la den­sité prévue en 2050 : — de l’Ougan­da (~1/2 de la France), nous seri­ons 240 mil­lions de français — du Rwan­da (~1/20), … 490 mil­lions — du Burun­di (~1/20), … 530 millions


Au delà de ces chiffres (astronomiques), au delà de la capac­ité de ces ter­ri­toires à nour­rir leur pop­u­la­tion, au delà des trou­bles poli­tiques, religieux et soci­aux qu’ils vont inévitable­ment con­naître, il faut bien voir que ces pop­u­la­tions vont devoir vivre dans un véri­ta­ble enfer­me­ment… Il faut néan­moins savoir que cer­taines autorités poli­tiques s’in­quiè­tent de la sit­u­a­tion. Good­luck Jonathan, actuel prési­dent du Nige­ria, a déclaré (Abu­ja, 27 juin 2012) : « Bien que la ques­tion de la régu­la­tion de la pop­u­la­tion soit sen­si­ble, le gou­verne­ment ne peut pas rester les bras croisés et atten­dre que l’ef­fec­tif de la pop­u­la­tion devi­enne incon­trôlable. » Denise Bucu­mi Nku­run­z­iza, 1ère dame du Burun­di (Bujum­bu­ra 30/11/2012) : «


Les experts de la démo­gra­phie ne cessent de démon­tr­er que tous les efforts de développe­ment socio-économique risquent d’être engloutis par le poids démo­graphique si rien n’est fait pour ralen­tir la crois­sance démo­graphique de notre pays. » Les pays occi­den­taux ont le devoir d’in­ve­stir dans l’é­d­u­ca­tion des filles et la plan­i­fi­ca­tion famil­iale, à la fois pour le bien-être futur des pop­u­la­tions locales, mais aus­si dans l’in­térêt de la survie des sociétés humaines dans leur ensem­ble, tant il est vrai que la sur­pop­u­la­tion est un fléau écologique majeur. Denis Gar­nier (Prési­dent de Démo­gra­phie Respon­s­able) http://www.demographie-responsable.org/

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