Chemins et savoirs du sel

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°545 Mai 1999Par : Pierre LASZLORédacteur : M. D. INDJOUDJIAN (41)

Ce livre est inclass­able. Certes, il ne suf­fit pas qu’un ouvrage soit inclass­able pour avoir de la valeur ; mais celui-là en a une très par­ti­c­ulière : quand vous l’ouvrez, un souf­fle frais et changeant vous caresse le visage.

Ce livre est saugrenu – et cet adjec­tif lui con­vient d’autant mieux qu’il y a “ sel ” et “ grain ” dans l’étymologie de saugrenu. Toute­fois je ne retiendrai pas le troisième terme de la déf­i­ni­tion que donne de ce mot tel dic­tio­n­naire célèbre : “ inat­ten­du, bizarre et quelque peu ridicule ”.

Rien de ridicule dans ce chem­ine­ment inso­lite entre lit­téra­ture, his­toire, tra­di­tions, sci­ence, techniques…

Alors que tant de livres enfer­ment le lecteur dans un genre bien, trop bien, établi et, du même coup, font la part trop belle aux idées reçues, celui-ci est un essai fort réus­si pour abat­tre les cloi­sons entre les divers types de préoc­cu­pa­tion, entre les cas­es bien fer­mées des savoirs et des spécialisations.

Touchant à des con­nais­sances éton­nam­ment var­iées, l’ouvrage de Pierre Las­z­lo évite deux écueils, celui d’une pesan­teur pédante et celui d’un dilet­tan­tisme vague.

Les réflex­ions qu’il sus­cite débor­dent large­ment le sujet : le sel dans la vie, dans l’histoire, dans la sci­ence. Il nous rap­pelle de façon légère, mais con­va­in­cante, com­bi­en est absurde cette idée si répan­due – et si funeste – que tal­ents lit­téraire et sci­en­tifique sont incom­pat­i­bles, voire opposés. On par­le beau­coup d’enseignement pluridis­ci­plinaire ; mais en pratique… ?

Ini­tia­tive heureuse que d’encourager “l’honnête homme” – car c’est, bien sûr, pour lui qu’a écrit ce pro­fesseur de chimie à l’École poly­tech­nique – à embrass­er d’un même regard les choses de la vie, les plus hum­bles comme les plus anci­ennes, et les choses de l’esprit ; à ne pas sépar­er – là est l’insolite, le saugrenu – vie courante et con­nais­sances scientifiques.

Un tel ouvrage ne se résume pas. Il est trop riche pour ne pas être savouré avec quelques claque­ments de langue.

Un tel ouvrage… se lit.

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