Cerveau et Psychanalyse

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°637 Septembre 2008Par : Bruno FALISSARD (82) préface de Daniel WidlöcherRédacteur : Jean-Christophe THALABARD (69)

Dans un petit ouvrage, très didac­tique, lar­ge­ment illus­tré, B. Falis­sard pour­suit une tra­jec­toire sin­gu­lière dans le champ de la san­té men­tale. Bio­sta­tis­ti­cien recon­nu, direc­teur d’une uni­té Inserm sur les troubles du com­por­te­ment de l’adolescent, il est éga­le­ment cli­ni­cien spé­cia­li­sé en pédo­psy­chia­trie. Il nous pro­pose, ici, quelques sché­mas pos­sibles de fonc­tion­ne­ments céré­braux, dans une approche prag­ma­tique à visée opé­ra­toire pour le soi­gnant qu’il est. Loin des que­relles d’écoles et de doc­trines qui vou­draient ou craignent une approche des fonc­tions supé­rieures du cer­veau sous l’angle uni­que­ment molé­cu­la­riste, B. Falis­sard nous rap­pelle, s’il en était besoin, que le doc­teur Freud, scien­ti­fique de son temps, avait été for­mé tant à la cli­nique qu’à l’étude com­pa­ra­tive minu­tieuse du cer­veau et de ses tis­sus par les outils de la science de l’époque, avant de pro­po­ser une théo­rie du fonc­tion­ne­ment de la pen­sée et de ses alté­ra­tions, base de la cure ana­ly­tique. Com­ment, trans­por­té à notre époque, inté­gre­rait-il les don­nées scien­ti­fiques actuelles dans le double sou­ci du cli­ni­cien de com­prendre et de soi­gner ? Quelle pour­rait-être une théo­rie moderne de la psy­cha­na­lyse à l’aune des neu­ros­ciences contem­po­raines ? Le pari est auda­cieux et cet ouvrage ne pré­tend pas l’épuiser.

Par­tant de com­por­te­ments cou­rants, quoique sou­vent impré­vi­sibles, l’auteur déroule une vision per­son­nelle, avec des réfé­rences aus­si bien à la phé­no­mé­no­lo­gie et l’existentialisme qu’à la neu­ro­bio­lo­gie et aux cognis­ciences, ou à la phy­sique et à la cyber­né­tique. La rapi­di­té du cer­veau humain à recon­naître et mémo­ri­ser selon un pro­ces­sus plus glo­bal qu’analytique sug­gère l’utilisation de bribes signi­fiantes d’information(s) d’états men­taux « types ». L’image du réseau neu­ro­nal per­met de défi­nir un sys­tème mini­mal de fonc­tion­ne­ment, image à laquelle seraient asso­ciés des « attrac­teurs ». Une moda­li­té de fonc­tion­ne­ment spon­ta­né cor­res­pon­drait à un état d’équilibre de réseaux d’apprentissage et de réseaux d’intention, chaque « attrac­teur », ou puits éner­gé­tique, étant atta­ché à une image mentale.

Ce cadre per­met de dis­cu­ter des notions et phé­no­mènes comme l’association de pen­sées, la conden­sa­tion des sou­ve­nirs, la per­cep­tion du « moi », la conscience, l’intention, la liber­té d’action et de choix, l’opposition rai­son-émo­tion puis émotion-pensée.

L’approche reste, certes, sché­ma­tique et lar­ge­ment ouverte à dis­cus­sion mais l’auteur sait évi­ter cer­tains pièges. Le point de vue est celui d’un pra­ti­cien et cher­cheur qui s’interroge, sans tabou ni exclu­sive, sur notre capa­ci­té à com­prendre, avec empa­thie, le fonc­tion­ne­ment men­tal de nos sem­blables. À une époque où « on assiste à une mul­ti­pli­ca­tion hyper­bo­lique de la figure du coach, deve­nu une sorte de super­en­traî­neur de l’intime, de mana­ger de l’âme (R. Gori, Le Monde 03-05-2008) », il repré­sente une ten­ta­tive sti­mu­lante d’une approche moderne des com­por­te­ments psychiques.

Poster un commentaire