Cérémonie de la passation du Drapeau à la promotion 1997

Dossier : ExpressionsMagazine N°545 Mai 1999

La céré­monie de la pas­sa­tion de la garde du dra­peau a eu lieu le mer­cre­di 10 mars. Elle a été présidée par M. Jean-Pierre Masseret, secré­taire d’État aux Anciens combattants.

À cette occa­sion le général Novacq, directeur général de l’École, a pronon­cé l’allocution ci-dessous.

Polytechniciens de la promotion 1997

La céré­monie de pas­sa­tion du dra­peau entre la pro­mo­tion rouge et la pro­mo­tion jaune se déroule tra­di­tion­nelle­ment en cette péri­ode de l’année, peu avant l’arrivée du print­emps qui voit aus­si le départ des anciens en stage d’option. C’est la dernière occa­sion qui soit don­née de rassem­bler les deux pro­mo­tions d’élèves présentes à l’École.

Je remer­cie en votre nom M. Jean- Pierre Masseret, secré­taire d’État aux Anciens com­bat­tants, d’avoir bien voulu accepter de présider cette céré­monie et de témoign­er par sa présence l’intérêt que porte le min­istre de la Défense à l’évolution de l’École polytechnique.

Je remer­cie égale­ment toutes les hautes per­son­nal­ités civiles et mil­i­taires qui nous font l’honneur et l’amitié de leur présence, et tout particulièrement :

  • M. Mutz, préfet de l’Essonne,
  • M. Lamy, député de l’Essonne,
  • M. Lori­dan, sénateur,
  • M. Allain, con­seiller général, maire de Palaiseau,
  • M. le général de corps d’armée Bil­lot, gou­verneur mil­i­taire de Paris.


Votre présence, messieurs les élus, prou­ve, s’il en était besoin, que l’École est bien implan­tée dans le tis­su économique local et nous con­forte dans notre volon­té de par­ticiper pleine­ment à la grande aven­ture de la val­ori­sa­tion du pôle sci­en­tifique de l’Îlede- France Sud et de son cœur, le plateau de Saclay.

Je tiens à saluer la présence sur les rangs d’une délé­ga­tion de cadets du Vir­ginia Mil­i­tary Insti­tute, qui témoigne de l’amitié sécu­laire qui lie l’École poly­tech­nique à sa petite sœur d’outre- Atlan­tique, fondée en 1839 par un de nos anciens, Claudius Crozet.

Je salue enfin la présence d’une impor­tante délé­ga­tion d’élèves de la pro­mo­tion 1998, actuelle­ment en stage de for­ma­tion mil­i­taire et humaine. Je les remer­cie d’être venus si nom­breux et de man­i­fester ain­si leur attache­ment à leur École dont ils sont tem­po­raire­ment éloignés.

Poly­tech­ni­ciens de la pro­mo­tion 1997, vous avez été présen­tés au dra­peau de l’École ici même en octo­bre dernier. Je vous en ai alors rap­pelé la sig­ni­fi­ca­tion : notre dra­peau est le sym­bole de la nation et des idéaux à voca­tion uni­verselle qui l’ont forgée, mais c’est aus­si l’emblème de l’École qui porte sur sa soie la devise que lui a don­née l’Empereur Napoléon et que vous avez fait vôtre : Pour la patrie, les sci­ences et la gloire. C’est cet emblème qui va main­tenant être con­fié à votre garde pour les douze mois à venir.

Ce geste revêt évidem­ment une valeur haute­ment sym­bol­ique. Mais il est du nom­bre de ces sym­bol­es au nom desquels on peut s’engager totale­ment, jusqu’au sac­ri­fice suprême.

Et puisque aujourd’hui l’École par­ticipe au devoir de mémoire avec l’inauguration d’une expo­si­tion con­sacrée aux poly­tech­ni­ciens dans la Résis­tance, je voudrais prof­iter de l’occasion qui m’est don­née pour vous rap­pel­er un épisode peu con­nu de l’histoire de l’École sous l’Occupation. Il s’agit de l’opération “ rap­a­triement du zurlin ”.

Au moment de la débâ­cle, en 1940, quand l’École se replia sur Bor­deaux avant d’être trans­férée pro­vi­soire­ment à Lyon, le Dra­peau fut con­fié à l’archevêque de Bor­deaux, Mgr Feltin.

Au début de l’hiver 1941, alors que l’École était dev­enue offi­cielle­ment civile tout en con­ser­vant cepen­dant son car­ac­tère mil­i­taire, trois élèves de la pro­mo­tion 1938 franchirent clan­des­tine­ment la ligne de démar­ca­tion avec l’accord tacite d’officiers du cadre pour récupér­er le Dra­peau. Je passe sur les dif­fi­cultés qu’ils eurent pour se faire recon­naître comme élèves de l’École auprès de l’archevêché de Bordeaux.

Tou­jours est-il qu’ils y parv­in­rent et que le meilleur moyen qu’ils imag­inèrent pour rap­a­tri­er le Dra­peau fut de le rouler autour du corps de l’un d’entre eux. Et c’est ain­si que cet emblème arri­va à Lyon sans autre encom­bre et put fig­ur­er en bonne place à une céré­monie organ­isée peu après à la cathé­drale de Lyon en mémoire des poly­tech­ni­ciens tombés au champ d’Honneur.

Deux des acteurs de cette épopée mémorable nous font l’honneur d’être présents par­mi nous aujourd’hui. Ils ont émis le souhait de ne pas être mis en avant, con­sid­érant qu’ils n’avaient fait somme toute que leur devoir. Je respecte bien évidem­ment leur vœu.

Mais qu’il me soit cepen­dant per­mis de vous deman­der, à vous jeunes poly­tech­ni­ciens de la pro­mo­tion 1997, de vous inspir­er de leur exem­ple et plus générale­ment de l’exemple de ceux de vos anciens qui n’ont pas subi et qui sont allés jusqu’au bout de leur engage­ment pour la cause de la liberté.

Au moment où la garde du Dra­peau va vous être con­fiée, je vous demande d’assumer vos respon­s­abil­ités dans la plus pure tra­di­tion de l’École :

  • en dépas­sant les intérêts par­ti­c­uliers, aus­si légitimes soient-ils, pour œuvr­er en per­ma­nence dans le sens de l’intérêt général. Votre état de poly­tech­ni­cien vous ouvre les portes de la réus­site, mais il vous con­fère avant tout des devoirs ;
  • en cul­ti­vant les qual­ités de tolérance, d’écoute, de générosité d’esprit et de cœur qui vous per­me­t­tront de forg­er un véri­ta­ble esprit de pro­mo­tion au-delà des dif­férences qui font pré­cisé­ment la richesse de votre promotion.


Poly­tech­ni­ciens de la pro­mo­tion 1997, les respon­s­abil­ités que la pro­mo­tion 96 exerçait au nom de l’ensemble des élèves vont désor­mais vous être con­fiées. Je vous souhaite plein suc­cès dans cette entre­prise et pour la suite de vos études.
 

Au cours de la céré­monie mil­i­taire la médaille de bronze de la Défense nationale a été remise à plusieurs élèves présents à l’École.

Puis, M. J.-P. Masseret, secré­taire d’État aux Anciens com­bat­tants, a pronon­cé le dis­cours ci-dessous.

Mesdames, Messieurs,

D’abord, vous dire le sen­ti­ment de fierté que j’éprouve de pou­voir présider la céré­monie de pas­sa­tion de dra­peau d’une pro­mo­tion à l’autre ; je le fais avec d’autant plus d’émotion que je viens égale­ment évo­quer avec vous la mémoire de cette école, le rôle de ses élèves et anciens élèves dans une page dra­ma­tique de notre his­toire, la Sec­onde Guerre mondiale.

Le général Novacq et Monsieur Jean-Pierre Masseret passent en revue la promotion X97
Le général Novacq et Mon­sieur Jean-Pierre Masseret. © JEAN-LUC DENIEL/ÉCOLE POLYTECHNIQUE

Dans ce con­tin­u­um entre passé et présent, que sym­bol­ise la céré­monie tra­di­tion­nelle qui vient d’avoir lieu, je vois aus­si l’avenir, puisque le passé vous incite à garder un cer­tain esprit d’ouverture, de ser­vice et de fidél­ité aux valeurs de pro­grès sci­en­tifique et poli­tique qui sont celles de l’École. C’est pourquoi je dirai quelques mots de l’avenir de Poly­tech­nique au moment où celle-ci abor­de un siè­cle nouveau.

Après le bicen­te­naire de la créa­tion de l’École voici quelques années, on a com­mé­moré l’expédition d’Égypte l’année dernière, et voilà que l’on rap­pelle main­tenant le rôle des élèves et anciens élèves dans la Résis­tance et les Forces français­es libres, comme si ces com­mé­mora­tions répétées devaient vous aider à tenir le cap des engage­ments démoc­ra­tiques et sci­en­tifiques, à ne pas vous tromper de route sur les chemins de votre vie et de votre carrière.

Naturelle­ment, je souscris à cette vision des choses. Un secré­taire d’État auprès du min­istre de la Défense chargé des Anciens com­bat­tants, au gou­verne­ment, est compt­able de la mémoire. Je sais le rôle de ces com­mé­mora­tions pour la for­ma­tion des généra­tions présentes. C’est dans cet esprit, d’ailleurs, que nous avons mis au point le film qui est pro­jeté aux jeunes d’après le ser­vice nation­al, aux généra­tions de l’Appel de Pré­pa­ra­tion à la Défense.

À vous, élèves de l’École poly­tech­nique, comme à tous les jeunes Français, le monde des Anciens com­bat­tants a des choses à dire. Dans des moments dif­fi­ciles, ces hommes ont accep­té des sac­ri­fices parce qu’ils adhéraient comme citoyens aux valeurs de la République.

Ceux par­mi vos anciens qui ont com­bat­tu con­tre l’ennemi, qui se sont opposés au régime de Vichy dès les pre­miers jours, sont donc un exem­ple de citoyen­neté active, engagée ; et l’image par laque­lle débute l’exposition, une pho­to des quelques dizaines de sol­dats – dont plusieurs élèves de l’X – défi­lant à Lon­dres, doit rester dans nos mémoires comme le refus de la défaite et de la mort de la République.

Car l’École poly­tech­nique a une longue his­toire de com­plic­ité avec la République, une his­toire qui passe par la Révo­lu­tion, se pour­suit dans les luttes du XIXe siè­cle pour rétablir la République, et se con­firme dans le sac­ri­fice fait par de nom­breux poly­tech­ni­ciens au cours de la Pre­mière Guerre mon­di­ale. L’exposition qui s’ouvre aujourd’hui en rap­pelle un autre épisode.

Et demain ? L’École doit plus que jamais servir de poste avancé pour la République ; elle doit con­tin­uer à pro­mou­voir le pro­grès des sci­ences, le pro­grès économique et social, un régime juste et rationnel. Elle doit aus­si s’ouvrir sur le monde extérieur et pour­suiv­re sa modernisation.

Le nou­veau sché­ma directeur de l’École, résul­tat d’une réflex­ion col­lec­tive lancée en 1993 sous l’impulsion du prési­dent du con­seil d’administration, M. Pierre Fau­rre, a déjà choisi des ori­en­ta­tions stratégiques. Celles-ci sem­blent pro­pres à assur­er l’avenir de Poly­tech­nique, à garan­tir à la fois sa fidél­ité à la mis­sion que lui con­fie la République et l’ambition de relever les nou­veaux défis de notre enseigne­ment scientifique.

Je voudrais en évo­quer les prin­ci­paux axes, les caps que l’École peut se don­ner pour nav­iguer dans son envi­ron­nement des décen­nies prochaines.

Et d’abord, quel est son objec­tif ? Il s’agit de ren­forcer, dans le cadre d’une inter­na­tion­al­i­sa­tion crois­sante, la triple voca­tion actuelle de l’École poly­tech­nique, à savoir former :

  • des cadres à fort poten­tiel pour les entreprises,
  • des chercheurs de haut niveau,
  • et de futurs hauts fonctionnaires.


Cette var­iété des par­cours des anciens élèves de l’École poly­tech­nique est un apport indé­ni­able pour le pays, en rap­prochant des espaces sou­vent trop cloi­son­nés en France. Ce con­tact gardé entre vous après l’École, et qui fait votre force, sachez en faire un réseau créatif pour l’intérêt général, sans le laiss­er dériv­er vers le tra­di­tion­al­isme ni vers le corporatisme.

Mais revenons à l’avenir de Poly­tech­nique. La tra­duc­tion de ces objec­tifs sup­pose des évo­lu­tions con­crètes dans plusieurs domaines. Je voudrais revenir sur deux grandes évo­lu­tions qui parais­sent par­ti­c­ulière­ment importantes.

1. Il faut poursuivre et accentuer l’internationalisation de l’École polytechnique.

Cela sup­pose en pre­mier lieu d’augmenter encore à l’avenir le recrute­ment d’élèves étrangers, en prove­nance notam­ment des pays de l’Union européenne et des autres pays les plus avancés. L’École poly­tech­nique a déjà engagé des efforts impor­tants pour élargir le recrute­ment des élèves : pas moins de 61 élèves étrangers au sein de la pro­mo­tion 97. L’École est en avance, dans ce domaine, sur bien d’autres. Mais il faut pour­suiv­re cet effort.

L’objectif d’internationalisation sup­pose que les diplômes délivrés par l’École poly­tech­nique jouis­sent de la plus grande recon­nais­sance pos­si­ble au niveau international.

Enfin, l’internationalisation de l’École poly­tech­nique devrait con­duire égale­ment à inter­na­tion­alis­er, dans des pro­por­tions adap­tées, le corps enseignant.

2. Il faut moderniser le cursus de formation des élèves.

Cette mod­erni­sa­tion doit s’appuyer sur les points forts qui ont tou­jours été ceux de la for­ma­tion dis­pen­sée à l’École :

  • la for­ma­tion poly­sci­en­tifique suiv­ie par les élèves. Cette for­ma­tion per­met de dévelop­per les qual­ités de rigueur, d’intuition et d’innovation qu’on acquiert au con­tact des divers­es dis­ci­plines sci­en­tifiques enseignées ici ;
  • l’importance accordée à la for­ma­tion humaine. Cette spé­ci­ficité trou­ve son orig­ine dans le statut mil­i­taire de l’École hérité de l’histoire, mais c’est égale­ment un puis­sant atout pour l’avenir. En effet, il est essen­tiel que les poly­tech­ni­ciens, appelés à d’importantes respon­s­abil­ités d’impulsion et de direc­tion, acquièrent les qual­ités humaines qui en sont le sup­port, le goût du tra­vail en équipe et aus­si le sens des respon­s­abil­ités civiques et sociales.


Pour faire fruc­ti­fi­er ces atouts, et s’adapter aux change­ments du con­texte économique et social, il est néces­saire de faire évoluer le cur­sus des études, en le con­sid­érant dans sa globalité :

  • le cur­sus actuel de trois ans, inclu­ant la for­ma­tion humaine selon des modal­ités diver­si­fiées, doit être con­forté et adap­té, et per­me­t­tre aux élèves d’obtenir des diplômes reconnus ;
  • à l’issue de ces trois années, les élèves qui le souhait­ent auraient le choix de s’engager dans une for­ma­tion pro­fes­sion­nal­isante, dans le cadre d’une qua­trième année sanc­tion­née par un diplôme spé­ci­fique, conçu en étroite con­cer­ta­tion avec les écoles d’application, ou bien d’entrer dans les Corps de l’État, ou bien encore de suiv­re une for­ma­tion par la recherche.
  • enfin, il importe de con­forter le troisième cycle de l’École poly­tech­nique, afin que les élèves qui le souhait­ent puis­sent suiv­re une for­ma­tion con­duisant au doc­tor­at. Dans ce sens, je tiens à saluer les efforts engagés par le corps enseignant et les lab­o­ra­toires de Poly­tech­nique depuis près de dix ans pour don­ner à ce troisième cycle une dimen­sion inter­na­tionale de très haut niveau. Ces efforts sont déter­mi­nants pour l’avenir.


L’évolution de l’École poly­tech­nique doit se met­tre en phase avec un monde qui évolue de plus en plus vite : la réflex­ion sur la réforme doit débouch­er rapi­de­ment sur l’action. Je sais que de nom­breuses com­mis­sions y tra­vail­lent. Au cours des deux siè­cles écoulés, l’École poly­tech­nique a su, dans l’ensemble, tenir la bal­ance égale entre le respect des formes passées et l’évolution au présent.

À votre tour sachez évoluer, prenez- en l’initiative, pour pro­longer l’élan de vos anciens. L’évolution n’est-elle pas une ver­tu sci­en­tifique ? Le pro­jet 2000 me sem­ble en cela con­forme à l’esprit qui doit rester celui de Polytechnique.

Présentation de l’exposition “ Des polytechniciens dans la Résistance ”.
Jacques Mail­let (31) et Robert Saunal (40) présen­tent l’exposition “ Des poly­tech­ni­ciens dans la Résistance ”.
© JEAN-LUC DENIEL/ÉCOLE POLYTECHNIQUE

Et puisque cette céré­monie de pas­sa­tion du dra­peau mar­que l’avènement d’une nou­velle pro­mo­tion, c’est plus par­ti­c­ulière­ment à cette nou­velle pro­mo­tion que je m’adresse, pour lui rap­pel­er les engage­ments qu’elle doit tenir. Éduqués comme une élite de la con­nais­sance et du savoir, vous avez plus de devoirs que d’autres. Notre nation doit pou­voir compter sur vous, sur votre exi­gence et votre ambi­tion de servir une com­mu­nauté con­sciente de ses respon­s­abil­ités en Europe et dans le monde.

À vous de vous mon­tr­er dignes de l’exemple des anciens qui ont servi dans la Résis­tance, des com­bat­tants de la France libre. À vous de trans­met­tre l’esprit de leur lutte, de con­serv­er leur mémoire, et surtout d’y rester fidèles.
 

Après la céré­monie, M. Masseret a inau­guré l’exposition “ Des poly­tech­ni­ciens dans la Résis­tance ” organ­isée par X‑Résistance et la Bib­lio­thèque de l’École polytechnique.

Plusieurs déco­ra­tions ont été remis­es à des per­son­nal­ités civiles, en par­ti­c­uli­er la croix d’officier des Palmes académiques à M. Jean-Claude Toledano (60), directeur général adjoint pour l’Enseignement.

La journée s’est achevée avec la finale du XVe con­cours inter­na­tion­al de piano de l’École poly­tech­nique, organ­isée par Musi­cal­ix, à l’amphithéâtre Poincaré.

Les organ­isa­teurs de cette journée sont à féliciter pour la haute tenue de l’ensemble des manifestations.

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