Ceci n’est pas une dictature

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°678 Octobre 2012Par : André BELLON (63)Rédacteur : François TARD (58)

André Bel­lon nous livre un tra­vail d’historien qui, même s’il dérange bien des idées reçues, ne doit pas être con­fon­du avec un brûlot de poli­tique partisane.

Couverture du livre : CECI N’EST PAS UNE DICTATUREL’auteur ne trou­ve les principes des Lumières ni chez les par­tis en lice, ni dans la struc­ture et le fonc­tion­nement de nos insti­tu­tions actuelles. Il évite les pièges des vaines polémiques pour s’en tenir à des faits incon­testa­bles, ce qui fait de son pro­pos un diag­nos­tic objec­tif et éclairant sur les dérives de la Ve République.

Ain­si, en 2005, par voie référendaire, les Français ont dit majori­taire­ment non au pro­jet de TCE, mais en 2007, députés et séna­teurs ont voté oui au traité de Lis­bonne et à la réforme con­sti­tu­tion­nelle. Selon les points de vue, de tels événe­ments peu­vent paraître symp­to­ma­tiques d’un défaut de péd­a­gogie imputable à l’absence de véri­ta­bles débats et, dans tous les cas, d’un éti­ole­ment de la démocratie.

Com­ment s’étonner de la perte de con­fi­ance qui éloigne une part crois­sante de la pop­u­la­tion du per­son­nel poli­tique, alors même que des seg­ments entiers du peu­ple ne se sen­tent pas représen­tés, ou même ne sont man­i­feste­ment pas représen­tés du tout ? Le nom­bre des Français qui ne se recon­nais­sent dans aucun par­ti et s’abstiennent d’aller aux urnes, ou votent blanc, ne cesse de croître de façon inquiétante.

Ce livre d’André Bel­lon apporte une nou­velle con­tri­bu­tion à l’histoire des dernières décen­nies. À tra­vers une grande richesse doc­u­men­taire d’événements, et d’anecdotes ris­i­bles s’il ne fal­lait en pleur­er un jour, il sait pro­jeter une lumière crue sur le jeu des pou­voirs lég­is­latif, exé­cu­tif, judi­ci­aire, médi­a­tique, financier, qui ne répon­dent plus que théorique­ment au principe de séparation.

Le Par­lement ne serait d’ailleurs plus qu’une cham­bre d’enregistrement, s’il était vidé de ses prérog­a­tives par les struc­tures européennes qui déci­dent des règles et des lois. La réduc­tion à cinq ans du man­dat prési­den­tiel et l’inversion du cal­en­dri­er des élec­tions prési­den­tielles et lég­isla­tives ne font qu’accentuer la dérive d’une république dev­enue celle des par­tis, et qui prend insi­dieuse­ment la forme d’une dic­tature sans dic­ta­teur en titre.

L’histoire mon­tre que, sous aucune lat­i­tude, un régime ne peut durable­ment affron­ter ni résoudre les crises que tra­verse le pays dont il a la charge, s’il ne béné­fi­cie pas de la con­fi­ance du peu­ple, légitime et véri­ta­ble déten­teur, in prin­ci­pio et in fine, du pouvoir.

Quelles que soient les opin­ions du lecteur, l’ouvrage d’André Bel­lon, cap­ti­vant sur le fond comme dans la forme, ali­mentera sa réflex­ion, dans une per­spec­tive his­torique, et par une argu­men­ta­tion très doc­u­men­tée, qui réserve bien des surprises.

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