Caroline Brun ambassadrice AX à New York

Caroline Brun (2001) : ambassadrice AX à New York

Dossier : Vie de l'associationMagazine N°750 Décembre 2019
Par Alix VERDET

Inter­view de Car­o­line Brun (2001), con­sul­tante en man­age­ment — Exper­tise, études et con­seil chez Accen­ture, pro­pos recueil­lis par Alix Verdet

Depuis combien de temps habites-tu New York et comment y es-tu arrivée ?

Après ma 4A effec­tuée à UCLA (Uni­ver­sité de Cal­i­fornie à Los Ange­les), j’avais prévu de faire un mas­ter qui s’est finale­ment trans­for­mé en thèse en imagerie cérébrale. Après ma thèse à LA et un pas­sage par Philadel­phie en post­doc, je suis arrivée sur la côte Est. À ce moment, je pen­sais pro­longer mon par­cours en sci­ence pour devenir pro­fesseure ou chercheure. Or le poste de pro­fesseur con­siste sou­vent à rechercher des fonds. Si on veut faire de la recherche avec un salaire décent, il faut aller vers les grandes entre­pris­es dans la Tech qui ont plus de fonds. Comme je ne souhaitais pas repren­dre des études pour faire un MBA après ma thèse, le milieu du con­seil m’est apparu comme une bonne alter­na­tive pour décou­vrir l’entreprise, le privé.

Avais-tu un goût particulier pour les US avant de t’y installer ou fut-ce une découverte ?

En 4A, j’avais le choix de pour­suiv­re un mas­ter à Lon­dres ou à Los Ange­les. Étant orig­i­naire de Dunkerque, je con­nais­sais bien l’Angleterre. J’ai donc pris le risque d’aller aux USA. Ce fut une vraie décou­verte, un grand pas dans l’inconnu avec une cul­ture extrême­ment dif­férente et mon anglais pas encore par­fait. Ça n’a pas été facile tous les jours, en par­ti­c­uli­er car il y avait très peu de poly­tech­ni­ciens là-bas. Tous les Français de ma pro­mo étaient à Stan­ford ou San Fran­cis­co. Lors de mon séjour à UCLA, un cama­rade de la pro­mo 99 m’a accueil­lie (mer­ci encore à Arnaud Benahmed) et j’ai moi-même accueil­li un X de la 2003, Gau­vain Haulot. En com­para­i­son, à Colum­bia ou Stan­ford, il y a dix à quinze X par an.

As-tu connu un choc culturel ?

Los Ange­les a été un choc cul­turel plus que les USA. LA est une ville assez étrange, avec une cul­ture de l’apparence, de la « cooli­tude », où l’on est accueil­li de manière expres­sive avec des « Whaou, com­ment ça va ? » pas for­cé­ment suiv­is d’effets ; il n’existe pas de vie de quarti­er, pas d’unité archi­tec­turale, tout le monde est dans sa voiture car on ne se déplace pas à pied, autant d’aspects étranges pour les Européens. C’est aus­si une cul­ture des sor­ties plus que des dîn­ers à la mai­son. Les grands dîn­ers assis où on refait le monde ensem­ble pen­dant des heures, ça me man­quait beaucoup !

J’ai aus­si con­nu les tra­casseries de l’administration améri­caine. Pour pou­voir tra­vailler aux USA, j’avais besoin d’un numéro de sécu­rité sociale. Mais pour avoir un numéro de sécu­rité sociale, il fal­lait que j’aie un compte ban­caire, ce qui n’est pas pos­si­ble si on n’a pas de numéro de sécu­rité sociale… J’ai finale­ment obtenu une carte verte au bout de treize ans passés aux États-Unis, car elle n’est pas facile­ment délivrée dans le monde uni­ver­si­taire. Pass­er la fron­tière améri­caine est main­tenant plus sim­ple pour moi !

Les X sont-ils nombreux à travailler et vivre à New York ?

Depuis deux ans que j’organise des dîn­ers, j’ai rassem­blé une trentaine de per­son­nes. Depuis que Julien et moi sommes ambas­sadeurs AX, nous avons retrou­vé qua­tre-vingt-dix X par le bouche-à-oreille. Si l’on en croit l’annuaire de l’AX, les X seraient env­i­ron 250. Et d’après Thomas Mul­haupt de la Fon­da­tion de l’X, il y en aurait 800, sans doute dans tout le Nord-Est, 1 500 en tout aux USA, sans doute pour moitié dans la Sil­i­con Valley.

Quels genres de métiers y exercent-ils ? Est-ce varié ou ciblé ?

On trou­ve très peu de chercheurs car la plu­part des X aux États-Unis n’ont pas fait de thèse. Beau­coup sont dans le milieu de la banque (BNP et SG) et de la Tech (Google essen­tielle­ment, Face­book et Insta­gram), quelques-uns sont dans le con­seil comme Julien Lacroix, l’autre ambas­sadeur AX à New York qui tra­vaille chez AT Kear­ney, et moi. Le Français math­é­mati­cien est très con­voité dans le milieu bancaire !

Est-ce utile, rassurant, un soutien de rencontrer régulièrement des alumni ?

J’étais kessière spec­to à l’École et j’aime beau­coup organ­is­er des événe­ments, rassem­bler les gens. Lors de notre dernier dîn­er, nous avons partagé nos expéri­ences autour d’un bon repas dans un restau­rant français que nous con­nais­sions. Ça fait du bien de se retrou­ver entre X car nous pou­vons par­ler facile­ment pen­dant longtemps sur des sujets com­muns, même quand on ne se con­naît pas bien, sans avoir besoin d’expliquer sa cul­ture, ce qui est une vraie bouf­fée d’air frais. Les Améri­cains ne con­nais­sent pas le sys­tème des class­es pré­pas ni des écoles d’ingénieurs. Leurs études sont plus pra­tiques, moins théoriques que celles reçues à l’X.

Quels genres d’activités ou de manifestations organisez-vous ?

Nous n’avons pas encore de plans pré­cis. Jusqu’à dix ou quinze par­tic­i­pants, nous organ­isons des dîn­ers ; au-delà de vingt, c’est un buf­fet. Nous prévoyons une ren­con­tre informelle autour d’un verre avant Noël dans une ambiance déten­due pour notre prochain rassem­ble­ment. Nous réfléchissons à inviter un ou une X qui a une expéri­ence atyp­ique comme Nathalie Kosciusko-Morizet ou un X plus senior pour nous par­ler de sa carrière.

Pourquoi as-tu accepté d’être ambassadrice ? Qu’est-ce que ça signifie pour toi ?

C’est un peu ce que je fais déjà depuis deux ans sans avoir le titre d’ambassadrice, donc je vais juste con­tin­uer sur cette lancée. Au départ, cela m’a per­mis de retrou­ver des amis de pro­mo, comme Ben­jamin Kief­fer ou Ouafa Balti. Plus encore, quelque chose en moi voulait se rat­tach­er à l’École, en savoir plus sur la com­mu­nauté des X ici et les rassem­bler. Je suis heureuse d’établir un lien plus fort avec l’X et l’AX pour apporter à la com­mu­nauté des nou­velles de l’École et des alum­ni. Sans l’AX, je n’aurais jamais su que Thomas Mul­haupt venait en vis­ite à New York, ce qui nous a per­mis de le ren­con­tr­er. Il y a plus d’infos qui cir­cu­lent depuis que je suis ambas­sadrice. Je sais que, lorsque Michel Geor­gin (le respon­s­able des groupes inter­na­tionaux à l’AX) m’écrit, je vais recevoir des infos ciblées. Con­naître les gens, ça facilite la récep­tion. J’avais l’impression d’avoir per­du de vue la manière dont l’X fonc­tionne, per­du le lien, per­du la con­nais­sance de ce que l’X fait à l’étranger et de son évolution.

Que dirais-tu à tes camarades qui débarquent ?

Pour les X qui débar­quent fresh of the boat comme on dit ici, il est impor­tant d’être ras­suré car l’arrivée et l’installation ne sont pas tou­jours sim­ples. Quand on sort du cocon de l’X, on n’est pas for­cé­ment pré­paré à ce qui nous attend. Aux plus jeunes je dirais : « Prends des risques car c’est enrichissant de décou­vrir une autre cul­ture. Dis oui à l’incertain et l’inconnu. » Pour repren­dre les mots de notre com­man­dant de pro­mo, le colonel Chris­t­ian Deuwel : « Ne soyez pas des aven­turi­ers du coin de la rue. » Les X ici sont prêts à don­ner des con­seils et à partager leurs expériences.

Que t’a apporté la culture américaine ?

Je trou­ve qu’elle a pas mal changé ma per­son­nal­ité. À l’X, j’étais plutôt timide. Ici, j’ai dû me bat­tre, me met­tre en avant ; ça ne m’est pas encore naturel com­paré aux Améri­cains, mais ça m’a don­né plus de facil­ité à me « ven­dre », à par­ler de moi. Les Améri­cains, lorsqu’ils par­lent de leur expéri­ence, n’ont pas honte de dire « je » alors qu’ils étaient une équipe de dix. Ça m’a inter­loquée et ça m’a boostée.

Lorsqu’ils s’expriment, ils touchent facile­ment les cordes sen­si­bles ; par­fois ça fait du bien de retourn­er à un con­cept très français, un peu plus cynique, avec un peu plus de dis­cerne­ment. D’un autre côté, lorsqu’on est élève à l’X, on craint par­fois de pos­er une ques­tion en cours, de peur que ce soit une ques­tion idiote. En mas­ter aux USA, les gens n’ont aucune honte à pos­er une ques­tion un peu décalée car ils n’ont tout sim­ple­ment pas écouté ce que le pro­fesseur venait de dire et ça ne gêne per­son­ne. Ils ont une approche beau­coup plus com­mer­ciale de l’éducation. Ils paient beau­coup pour leurs études, donc se don­nent le droit d’être plus con­som­ma­teur de l’éducation qui leur est don­née. J’ai appris cela en étu­di­ant ici mais aus­si en étant pro­fesseur de français pen­dant un an à UCLA.

Lire aus­si : Odile Molle (2002), ambas­sadrice de l’AX à Moscou dans La Jaune et la Rouge n° 749 de novem­bre 2019

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