Les réceptions des ambassadeurs AX : Odile Molle (2002), ambassadrice de l’AX à Moscou

Dossier : Vie de l'associationMagazine N°749 Novembre 2019
Par Alix VERDET

Inter­view d’Odile Molle (2002), direc­trice retail et for­ma­tion du groupe Yves Rocher pour la Russie
Pro­pos recueil­lis par Alix Verdet

Depuis combien de temps habites-tu à Moscou ?

Je vis en Russie depuis sept ans. J’ai vécu cette expa­tri­a­tion en cou­ple avec mon mari qui est X 2001 (Antonin Molle), lui pour Leroy Mer­lin, moi pour Auchan à Saint-Péters­bourg. Nous y sommes restés deux ans et demi, puis nous avons été mutés tous les deux à Moscou. Ça fait qua­tre ans et demi que nous sommes à Moscou. J’ai changé d’entreprise il y a un an, et je tra­vaille chez Yves Rocher, en gar­dant une activ­ité pour Auchan, car je fais par­tie du con­seil d’administration du groupe Auchan et d’Auchan Russie.

Avais-tu un intérêt particulier pour la Russie avant de t’y installer ?

Je ne con­nais­sais pas du tout la Russie. Nous voulions être expa­triés, sans con­trainte géo­graphique, ni de tim­ing, ouverts à l’idée de par­tir n’importe quand et n’importe où. Comme Auchan et Leroy Mer­lin font par­tie du même groupe (Asso­ci­a­tion famil­iale Mul­liez), nous avons pu être expa­triés de manière con­certée. Lorsque la déci­sion fut prise, on nous a envoyés une semaine en voy­age de décou­verte en Russie, alors que nous ne par­lions pas russe. Nous avons démé­nagé en sep­tem­bre 2012, j’étais enceinte de jumelles qui sont nées en Russie. Nous avons cinq enfants, deux nés en France et trois en Russie.

L’adaptation à la Russie fut-elle compliquée ?

Je dirais que ce n’est pas com­pliqué, c’est surtout très dif­férent. Il ne faut pas essay­er de retrou­ver des habi­tudes ou un con­fort que l’on a en France, il vaut mieux être ouverts aux oppor­tu­nités, voir les choses de manière pos­i­tive… Les Russ­es sont très attachants. Au pre­mier abord, ils peu­vent paraître très froids, mais dès qu’un con­tact s’établit, ils sont très chaleureux.

Le monde du tra­vail y est très dif­férent mais très intéres­sant. En effet, les Russ­es, par leur his­toire, ont sou­vent dû s’adapter et ne sont donc pas réfrac­taires au change­ment. La mise en place des pro­jets se fait rapi­de­ment, on ne sent pas d’inertie. Mais comme tout peut chang­er très vite en Russie, il est très dif­fi­cile d’élaborer des plans à long ou moyen terme. En Russie, on vit au jour le jour. C’est très ancré dans la men­tal­ité russe. Comme les Russ­es ont con­nu de nom­breuses crises économiques et des déval­u­a­tions, ils n’épargnent pas comme les Français car ils savent que leur argent peut per­dre sa valeur du jour au lende­main. Ça peut leur don­ner l’apparence néga­tive d’être dépensiers.

Pro­fes­sion­nelle­ment, ça induit des sit­u­a­tions inédites pour des Français. Par exem­ple, en tant que man­ag­er, j’ai des employés qui peu­vent démis­sion­ner en juin pour par­tir en vacances. Comme ils veu­lent par­tir dans leur datcha (rési­dence sec­ondaire à la cam­pagne) prof­iter de ce qu’ils ont gag­né pen­dant l’année, ils démis­sion­nent puis repren­nent un emploi après leurs vacances, car il y a très peu de chô­mage à Moscou et à Saint-Péters­bourg. Il faut donc gér­er des vagues de démis­sion en juin et des vagues d’arrivée en septembre.

Envisages-tu de faire ta vie là-bas ?

Nous envis­ageons d’y rester pour un temps indéfi­ni. Nous n’avons pas de pro­jet de retour pour l’instant. Nous sommes telle­ment bien à Moscou. C’est une ville extra­or­di­naire, très dynamique, en con­stante évo­lu­tion. Moscou aujourd’hui n’a plus rien à voir avec la ville dans laque­lle nous sommes arrivés il y a qua­tre ans et demi. C’est aus­si une ville très verte, avec de grands parcs qui devi­en­nent des pistes de ski de fond l’hiver. La richesse cul­turelle y est très grande, nous avons beau­coup d’occasions de sor­ties. Et il est très agréable d’y vivre avec des enfants car les Russ­es aiment beau­coup les enfants. Mais notre pays reste la France, nous avons une mai­son en France et nous faisons en sorte que nos enfants restent attachés à la France. Mais comme tout peut chang­er très vite en Russie, nous apprenons aux enfants qu’on pour­rait ren­tr­er du jour au lendemain.

“Je voudrais contribuer
à faire connaître l’X en Russie

Les X sont-ils nombreux à travailler et vivre en Russie ?

À Saint-Péters­bourg, nous étions les seuls X. Comme les sièges des grandes entre­pris­es sont à Moscou, c’est là que sont les X en général. Nous en avons iden­ti­fié entre 20 et 25 et avons créé un groupe What­sApp « X à Moscou » il y a trois ans. Nous nous retrou­vons tous les deux ou trois mois pour un dîn­er et pour échang­er. Nous sommes assez proches les uns des autres et accueil­lons immé­di­ate­ment un nou­veau venu dans nos dîn­ers. Début octo­bre, nous avons accueil­li deux nou­veaux arrivés, des pro­mo­tions 2003 et 95. C’est un groupe assez dynamique, soudé, et les dif­férences d’âge et de pro­mo per­me­t­tent une grande diver­sité de pro­fils. Nous avons été invités à l’ambassade de France à l’occasion de la sig­na­ture d’un parte­nar­i­at entre l’X et une uni­ver­sité moscovite. Cette ren­con­tre nous a per­mis de décou­vrir d’autres X que nous n’avions pas encore repérés.

Quel genre de métiers y exercent-ils ?

C’est très var­ié mais en général ils tra­vail­lent pour de gross­es entre­pris­es français­es comme Total, Saint-Gob­ain, Vin­ci, Yves Rocher, Leroy Mer­lin. Il y a quelques entre­pre­neurs, un investisseur…

Quel est l’intérêt de se rencontrer régulièrement entre polytechniciens ?

C’est intéres­sant pro­fes­sion­nelle­ment de se retrou­ver entre X, car ce que l’on vit est très dif­férent de ce qu’on a con­nu avant et de ce que con­nais­sent nos cama­rades. L’X n’est pas très con­nue en Russie donc nous ne sommes pas tou­jours recon­nus ou com­pris en tant qu’ingénieur poly­tech­ni­cien. Pour ma part, je suis X Cam­bridge. Quand je par­le de l’X, ça ne dit rien à per­son­ne ; quand je par­le de Cam­bridge, ça impres­sionne. En Russie, être ingénieur ne se traduit pas car l’ingénieur est plutôt un tech­ni­cien. Nous ren­con­trons une incom­préhen­sion par­fois totale de notre par­cours d’études. Cer­tains de nous cher­chaient des jobs en Russie, ça les a aidés que l’on se ren­con­tre et de partager nos expéri­ences. Dans ces soirées X à Moscou, nous retrou­vons notre cul­ture com­mune qu’est notre for­ma­tion d’ingénieur, nous nous com­prenons par-delà le fait d’être français car il y a des Fran­co-Russ­es par­mi nous. C’est très ressourçant. Il existe une com­mu­nauté française impor­tante en Russie mais claire­ment le groupe X a une impor­tance par­ti­c­ulière pour nous. Les mem­bres y sont très fidèles et savent libér­er du temps pour nos rencontres.

Pourquoi as-tu accepté d’être ambassadrice ? Qu’est-ce que ça signifie pour toi ?

Comme j’aime beau­coup organ­is­er les ren­con­tres du groupe, ça s’est fait assez naturelle­ment. Ensuite, le fait que l’X ne soit pas con­nue en Russie a été une dif­fi­culté dans ma recherche de tra­vail. Je voudrais donc con­tribuer à faire con­naître l’X en Russie. Être ingénieur en Russie n’est pas syn­onyme d’études intel­lectuelles. J’ai donc besoin d’avoir la tra­duc­tion de ce à quoi les études faites à l’X cor­re­spon­dent ici. Si je veux expli­quer mon par­cours à des parte­naires ou une autre entre­prise, je n’ai pas le vocab­u­laire pour l’expliquer, je ne peux pas faire la com­para­i­son avec quelque chose qui existe en Russie. Ça nous aiderait d’être épaulés sur ce sujet-là.

D’autre part, mon mari et moi, comme nous sommes en Russie depuis un cer­tain temps et que nous y avons l’expérience d’une cer­taine sta­bil­ité, nous souhaitons faire prof­iter de cet acquis les nou­veaux arrivants et faire per­dur­er cette com­mu­ni­ca­tion. En dehors de la vie pro­fes­sion­nelle, nous vivons notre vie de famille, nous élevons des enfants à Moscou, j’ai accouché à Moscou, nous par­lons tous les deux très bien russe. Nous sommes inté­grés dans la com­mu­nauté française et dans la com­mu­nauté moscovite. Nous sommes bien ici et nous avons aimé l’X. Être ambas­sadeur des deux côtés, c’est une belle expéri­ence. Je suis ravie de porter la voix de la Russie à l’X et la voix de l’X en Russie.

Enfin, le plus sou­vent, nous ren­con­trons les nou­veaux par hasard, sans avoir aucun moyen de les repér­er. L’idéal serait que nous entri­ons en con­tact avec eux avant leur départ. Nous avons donc besoin de com­mu­ni­ca­tion, de nous faire con­naître auprès de la com­mu­nauté pour que les X can­di­dats à l’expatriation acquièrent le réflexe de s’adresser aux groupes X à l’étranger.


Lire aus­si : Les ambas­sadeurs AX à l’in­ter­na­tion­al dans La Jaune et la Rouge 749, de novem­bre 2019

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