La très féminisée promotion 2023 du Bachelor of Science

Bachelor of Science : le programme le plus féminisé de l’École polytechnique

Dossier : 50 ans de féminisation de l'XMagazine N°777 Septembre 2022
Par Hassiba TEJ (B23)

Le Bache­lor of Science, pro­gramme anglo­phone de l’École poly­tech­nique lan­cé en 2017, est l’un des pro­grammes d’enseignement supé­rieur scien­ti­fique accueillant le plus de femmes en France. Par son témoi­gnage, Has­si­ba Tej (B23), étu­diante tuni­sienne du cycle Bache­lor, apporte la preuve par l’exemple que les sté­réo­types de genre n’ont rien d’une fatalité.

Il est clair que l’entrée des femmes à l’École poly­tech­nique, ain­si que l’émergence de figures fémi­nines dans le monde scien­ti­fique, fut plus que béné­fique, en per­met­tant aux femmes d’avoir de nou­veaux modèles, leur mon­trant que tout était pos­sible du moment qu’elles s’en don­naient les moyens.

Un programme très féminisé

Ce pro­gramme, qui a pour but d’orienter ses étu­diants vers la recherche, recense entre 35 % et 45 % de femmes dans ses salles de cours, ce qui est plu­tôt inédit en France pour un pro­gramme mathé­ma­tique. J’apprécie beau­coup ce pro­gramme, car il donne une auto­no­mie et une orga­ni­sa­tion dans l’apprentissage des cours et sur­tout il me per­met de ren­con­trer des per­sonnes issues de sys­tèmes édu­ca­tifs dif­fé­rents, avec un autre bagage que le mien. Certes, cer­taines per­sonnes auront déjà fait le pro­gramme au lycée, mais il ne faut pas bais­ser les bras pour autant, et l’on se rend compte rapi­de­ment que le tra­vail paye et per­met de rat­tra­per le retard de niveau et d’exceller dans ce que l’on fait. J’ai vou­lu m’engager dans ce pro­gramme, comme la plu­part de mes cama­rades, pour la qua­li­té et le niveau des cours sui­vis, pour la renom­mée de l’École poly­tech­nique et pour les chances et oppor­tu­ni­tés qu’il propose.

Une diversité de motivations

Ayant ain­si ren­con­tré des étu­diantes venues du monde entier, j’ai pu échan­ger avec elles sur leurs ambi­tions en géné­ral. Même si cer­taines sont venues sans vrai­ment savoir dans quoi elles s’engageaient, ni ce qu’elles vou­laient faire, d’autres étaient sûres de leur par­cours depuis le début. Pour moi, les études en anglais étaient un cri­tère majeur dans mon choix, et j’ai été éga­le­ment atti­rée par la vie asso­cia­tive, que ce soit sur le cam­pus ou à l’extérieur. En effet, je me suis ren­du compte que la plu­part de mes cama­rades déve­lop­paient des pro­jets en paral­lèle avec leurs études, ce qui nous tire vers le haut et nous pousse à nous inves­tir. Éga­le­ment, même si cela n’entrait pas dans mes consi­dé­ra­tions pre­mières, la qua­si-mixi­té est très plai­sante : j’aime me retrou­ver avec presque 50 % de femmes dans ma pro­mo­tion, toutes plus ambi­tieuses les unes que les autres, cha­cune avec ses objec­tifs. Pou­voir en dis­cu­ter est sti­mu­lant et per­met d’en apprendre plus sur des sujets qui auraient pu nous res­ter inconnus.

“La quasi-mixité est très plaisante.”

Les femmes et les sciences, une question de culture

Je ne pour­rai pas m’avancer sur le choix qui pousse autant de filles à rejoindre le Bache­lor de l’X. En fonc­tion des cultures, le rap­port entre les sciences et les femmes sera dif­fé­rent. Je n’ai par exemple jamais enten­du de remarques sur le fait que j’étais « natu­rel­le­ment » moins forte en maths, comme c’est par­fois ce qui arrive dans cer­tains lycées (aus­si parce que ce n’était pas le cas) même si, par­mi mes cama­rades, nombre d’entre elles ont dû subir des remarques déso­bli­geantes, sou­vent inno­centes, de pro­fes­seurs essayant mal­adroi­te­ment de les ras­su­rer sur leurs capa­ci­tés scien­ti­fiques. Dans l’enseignement supé­rieur, les matières scien­ti­fiques sont géné­ra­le­ment domi­nées par les étu­diants mas­cu­lins. Cela a un impact néga­tif dans la pari­té du monde du tra­vail, car moins de femmes se dirigent vers les sec­teurs des sciences, de la tech­no­lo­gie et de l’ingénierie.

Le conditionnement dès l’enfance

La rai­son la plus pro­bable de ce dés­équi­libre est que la socié­té ren­force l’idée que les gar­çons et les filles ont des capa­ci­tés et des inté­rêts dif­fé­rents. Nous le consta­tons dès le plus jeune âge, lorsque les petits gar­çons reçoivent des voi­tures et des Lego®, tan­dis que les filles ont des pou­pées. Les pre­miers sont encou­ra­gés à construire des choses, tan­dis que les secondes apprennent à s’occuper des autres. Plus tard, on nous dit que les filles sont meilleures en langues ou les gar­çons meilleurs en sciences… Alors, évi­dem­ment ce n’est pas le cas de tout le monde et cela n’explique pas tout, mais cela peut ser­vir de pistes. En fait, rien ne prouve que les dif­fé­rences bio­lo­giques rendent un sexe plus doué qu’un autre dans une matière particulière.

Avoir des modèles féminins attirant vers les sciences 

À cela s’ajoute le manque de modèles fémi­nins posi­tifs dans les métiers liés aux sciences. Les des­sins ani­més et les his­toires montrent sou­vent le scien­ti­fique fou, l’inventeur génial ou l’astronaute aven­tu­reux comme un homme. En outre, il existe une per­cep­tion mal­heu­reuse selon laquelle les scien­ti­fiques sont des geeks, qu’ils ont peu de com­pé­tences sociales ou que leur tra­vail est soli­taire et déta­ché du reste du monde. Il s’agit de faux sté­réo­types véhi­cu­lés par les médias, mais ces repré­sen­ta­tions forgent incons­ciem­ment la pen­sée et font que les filles ne s’identifient pas aux scien­ti­fiques et qu’elles consi­dèrent la science comme un par­cours pro­fes­sion­nel peu attrayant (et idem pour les gar­çons dans cer­tains corps de métiers). Si les filles voyaient davan­tage de modèles fémi­nins posi­tifs dans les sciences, cela leur don­ne­rait plus de confiance et un plus grand sen­ti­ment d’appartenance au monde des sciences et de l’ingénierie.

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