AVANT-PROPOS : le conseil indépendant, un métier en devenir

Dossier : Le conseilMagazine N°611 Janvier 2006
Par Jean-Paul SCHAER
Par Vincent COUSIN (69)

Les métiers du con­seil changent. Les con­sul­tants repensent leur pro­pre méti­er. Ce numéro en pro­pose une vision nou­velle, à tra­vers sept témoignages de con­sul­tants indépen­dants, présen­tés ci-dessous.

” Les con­sul­tants sont des par­a­sites !… Nos sociétés dévelop­pées recy­clent bien trop de richess­es sous forme de ser­vices, on ne recon­naît plus la valeur de ceux qui pro­duisent des matéri­aux, con­stru­isent des ouvrages, réalisent des objets !… Après avoir expéri­men­té toutes sortes de con­sul­tants, nous sommes défini­tive­ment vac­cinés ! ” Pro­pos véridiques pronon­cés récem­ment par des dirigeants de qual­ité. Le con­seil n’a pas bonne presse et pour­tant il prospère. Après les grandes remis­es en cause de 2001 et 2002, il se développe même à un rythme soutenu. Les coupes som­bres dans les effec­tifs et dans les presta­tions de con­seil ont mon­tré leurs lim­ites et les dirigeants sont oblig­és de recon­naître la valeur de cer­taines con­tri­bu­tions extérieures : ils sont sim­ple­ment plus exigeants et plus pro­fes­sion­nels dans la for­mu­la­tion du cahi­er des charges, la sélec­tion des offres, l’ex­i­gence de résul­tats, la maîtrise des coûts.

Bref, les métiers du con­seil changent, les con­sul­tants ne peu­vent plus se sat­is­faire de remet­tre en cause les pra­tiques de leurs clients, ils sont oblig­és de repenser leur pro­pre métier.

Les arti­cles présen­tés dans ce numéro con­sacré au con­seil décrivent tous l’ex­péri­ence de con­sul­tants indépen­dants qui ont été con­duits, pour des raisons divers­es, à créer leur micro-entre­prise. Face aux grandes sociétés de con­seil, et dans le nou­veau paysage qui se des­sine, le con­sul­tant indépen­dant a toute sa place et cela tient à quelques-unes de ses spécificités.

Il a acquis, après une for­ma­tion de haut niveau, au cours de sa vie pro­fes­sion­nelle en entre­prise, une expéri­ence et une exper­tise recon­nues dans son domaine. Sou­vent il a exer­cé des respon­s­abil­ités à des postes élevés, il sait agir effi­cace­ment et être un homme de déci­sion. Il s’est égale­ment con­sti­tué un réseau de pro­fes­sion­nels de qual­ité, avec lesquels il a eu l’habi­tude de travailler.

Construire sa réussite

P. Gilli­er et D. Fau­con­nier pro­posent dans leur arti­cle “Deux par­cours, une vision dif­féren­ciée de l’indépen­dant”, une réflex­ion à deux voix sur les par­cours, les évo­lu­tions, les aléas du méti­er en met­tant très fine­ment en valeur l’idée que c’est à chaque con­sul­tant de con­stru­ire sa réus­site en fonc­tion de son expéri­ence, de ce qu’il est et de son secteur d’activité.

Savoir agir

Le con­sul­tant indépen­dant a la com­pé­tence tech­nique, les capac­ités d’analyse, une forte réac­tiv­ité, le sens et le goût d’une rela­tion humaine per­son­nal­isée. Il sait inter­roger ses cer­ti­tudes, se remet­tre en cause, faire preuve de créa­tiv­ité. P. Poulin, dans son arti­cle “Man­ag­er en leader : choisir ses représen­ta­tions, rêver ses objec­tifs, dévelop­per son atten­tion”, explique claire­ment les béné­fices d’une telle atti­tude, dans la con­duite d’une mis­sion apparem­ment impos­si­ble. Il met au ser­vice de ses clients ses qual­ités essen­tielles : une pen­sée vive au ser­vice d’une grande capac­ité à agir.

Comprendre son client

Parce qu’il est en con­tact direct avec son client, il est à même d’établir une rela­tion de con­fi­ance, per­son­nal­isée, directe et suiv­ie avec lui, atout pour une col­lab­o­ra­tion de qual­ité. Il sait être à son écoute, com­pren­dre sa demande et s’y adapter, lui pro­pos­er des solu­tions ciblées et non des pro­duits tout faits. Sa car­ac­téris­tique est le sur-mesure, une réponse spé­ci­fique à une demande spé­ci­fique, enten­due et com­prise : un véri­ta­ble arti­san d’une solu­tion indus­trielle et cha­cune des expéri­ences relatées ici en témoigne. Il ne se sub­stitue pas à son client mais, en l’aidant à met­tre au jour les freins et les poten­tial­ités par­fois insoupçon­nées de son entre­prise, il lui per­met de s’ap­pro­prier les out­ils pour pren­dre les bonnes déci­sions qui vont faire pro­gress­er son activ­ité. J.-F. Prat en donne une illus­tra­tion éclairante dans son arti­cle “Le dirigeant con­sulte, le con­sul­tant ne dirige pas”. De sur­croît, il peut agir rapi­de­ment et ain­si répon­dre à l’ur­gence de la demande.

Rassembler des experts

En cas de besoin, il a les moyens de tra­vailler en réseau. Ain­si, X‑Mines-Con­sult rassem­ble des experts dans des domaines très var­iés qui se con­nais­sent, s’ap­pré­cient, se font con­fi­ance et peu­vent inter­venir con­join­te­ment pour résoudre effi­cace­ment le prob­lème posé par leurs clients. Des mis­sions d’im­por­tance sont alors pos­si­bles, même si pour les plus grandes mis­sions inter­na­tionales les capac­ités des grands groupes ne peu­vent être égalées. Même dans ce cas cepen­dant, le con­sul­tant indépen­dant peut alors jouer un rôle d’as­sis­tance non nég­lige­able, comme le démon­tre l’ar­ti­cle de D. Dorn­busch, “Le réseau, nou­velle approche du con­seil en inno­va­tion”.

Partager les risques

Le con­seil en inno­va­tion met en syn­ergie des acteurs dif­férents, n’ayant pas for­cé­ment l’habi­tude de tra­vailler ensem­ble. F. Iégy, lui, est un habitué du tra­vail en réseau. Dans son arti­cle, “Le con­seil indi­vidu­el et son réseau, une entre­prise de demain, le plaisir en plus”, il insiste sur “les fer­til­i­sa­tions croisées”, la flex­i­bil­ité, le risque partagé.

Épauler les grands

A. Fédon et Robert Can­tin dans leur arti­cle “Le con­seiller indépen­dant, un com­plé­ment effi­cace” vont encore plus loin dans cette démarche en mon­trant que l’in­ter­ven­tion d’un con­sul­tant indépen­dant auprès de grands groupes est non seule­ment une valeur ajoutée recon­nue et appré­ciée mais est aus­si l’avenir de la con­sul­tance pour petits et grands cab­i­nets, cha­cun inter­venant sur des points spé­ci­fiques et stratégiques des projets.

Réagir vite

Enfin, J.-N. Lefeb­vre analyse dans un tableau très clair les avan­tages et les incon­vénients des petits et des grands cab­i­nets, après avoir relaté une expéri­ence de col­lab­o­ra­tion avec un grand cab­i­net, dans son arti­cle “Grande mis­sion pour petit cab­i­net”.

Que ce soit par néces­sité ou par choix délibéré, l’indépen­dant se con­cen­tre sur ce qu’il a envie de faire, sur ce qu’il sait faire : il est autonome pour savoir où et com­ment se diriger ; son approche com­mer­ciale ne fait pas appel au dernier cri du mar­ket­ing, et il n’a pas tou­jours la répu­ta­tion d’un cab­i­net établi, mais il croit à la valeur de ce qu’il pro­pose et réalise. Il se réalise lui-même dans l’ex­er­ci­ce de son méti­er. Il prend soin d’é­couter son client et si celui-ci veille à for­muler son besoin et à véri­fi­er la per­ti­nence des répons­es, l’ex­péri­ence mon­tre que les résul­tats sont assurés, avec en plus le plaisir du tra­vail bien fait de part et d’autre.

Les témoignages présen­tés ici ne don­nent évidem­ment qu’une image par­tielle de la réal­ité, mais ils sont autant de par­cours humains et pro­fes­sion­nels, qui met­tent en évi­dence les spé­ci­ficités du tra­vail du con­sul­tant indépen­dant, inter­locu­teur indis­pens­able dans les sit­u­a­tions cri­tiques car à la fois homme de réflex­ion et d’ac­tion. Sa pen­sée nour­rit son action et en retour s’en nourrit. 

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