Bulletin de la Sabix n°58 février 2016 consacré à Charles de FREYCINET (X1846)

Autour de Charles de FREYCINET

Dossier : Arts,Lettres et SciencesMagazine N°716 Juin/Juillet 2016Par : le N° 58, février 2016 - Bulletin de la Société des Amis de la Bibliothèque et de l’Histoire de l’École polytechniqueRédacteur : Pierre COUVEINHES (70)Editeur : Sabix

Fondé sur les actes d’un col­loque tenu à Montluçon en 2014, ce bul­letin de la Sabix fait revivre une per­son­nal­ité excep­tion­nelle injuste­ment tombée dans l’oubli, tout en éclairant la posi­tion spé­ci­fique des ingénieurs dans la vie politique. 

Encore aujourd’hui, on par­le d’une « freycinet » pour désign­er une péniche au gabar­it Freycinet. Mais qui, en dehors de quelques spé­cial­istes, con­naît vrai­ment celui qui a fait adopter cette norme pour la taille des écluses ? 

Pour­tant, Charles-Louis de Sauls­es de Freycinet (1828–1923, X 1846) a con­nu une exis­tence d’une inten­sité hors du commun. 

Dès l’âge de vingt ans, durant sa sco­lar­ité à l’École poly­tech­nique, il par­ticipe à la Révo­lu­tion de 1848 où il est remar­qué par Lamar­tine. Le calme revenu, il tra­vaille dans l’administration des Mines, puis devient pen­dant quelques années chef de l’exploitation de la Com­pag­nie des chemins de fer du Midi. 

De retour dans l’administration en 1861, il développe des thès­es vision­naires en matière de pro­tec­tion de l’environnement. En 1869, son rap­port sur le tra­vail des femmes et des enfants en Angleterre reçoit un prix de l’Académie des sci­ences morales. 

À la fin de la guerre de 1870, on le retrou­ve auprès de Gam­bet­ta qui le nomme d’abord préfet du Tarn-et-Garonne, puis délégué auprès du départe­ment de la guerre, chargé de coor­don­ner les aspects logis­tiques. Il joue alors un rôle essen­tiel dans la remise sur pied de l’armée française après la défaite de Sedan. 

Il devient ensuite jour­nal­iste, tout en exploitant un haut-fourneau et une forge, et entre en poli­tique. Véri­ta­ble homme-orchestre de la Troisième République, il est, entre 1877 et 1916, qua­tre fois prési­dent du Con­seil, sept fois min­istre de la Guerre, qua­tre fois min­istre des Affaires étrangères et deux fois min­istre des Travaux publics. 

Entretemps, il trou­ve le moyen de rédi­ger de mul­ti­ples ouvrages sur les sujets les plus divers, ce qui lui vaut de devenir mem­bre de l’Académie des sci­ences, puis de l’Académie française. 

On peut large­ment lui attribuer la bonne tenue de nos troupes lors de la Pre­mière Guerre mondiale. 

Ain­si, le maréchal Foch a déclaré dans un éloge funèbre : « Freycinet a été et reste à mes yeux, je n’hésite pas à le dire, le plus grand min­istre de la Guerre de la République française avant 1914. » 

Pour sa part, Georges Clemenceau, qui avait pour­tant sou­vent la dent dure, a pu écrire : « C’est une intel­li­gence puis­sante. Son rôle a été grand ; plus qu’on ne le sait. » 

Com­ment peut-on alors expli­quer qu’un homme ayant reçu de tels témoignages d’estime de la part de ses con­tem­po­rains, ayant con­nu une exis­tence aus­si excep­tion­nelle, soit aujourd’hui retombé dans un quasi-anonymat ? 

L’un des auteurs de ce bul­letin for­mule une hypothèse fort séduisante : alors que les politi­ciens exagèrent volon­tiers leur rôle per­son­nel et leur indépen­dance par rap­port aux con­tin­gences de toute nature, les ingénieurs ont sou­vent ten­dance à se voir comme de sim­ples cour­roies de trans­mis­sion anonymes entre théorie et pra­tique, min­imisant à l’excès leur con­tri­bu­tion propre. 

Tel sem­ble avoir été le cas de Freycinet, homme d’une telle mod­estie que les jour­nal­istes poli­tiques l’avaient surnom­mé « la souris blanche »…

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