Un village aux toitures avec panneaux photovoltaiques

Autoconsommation résidentielle et transformation du paysage énergétique

Dossier : Les énergies renouvelablesMagazine N°730 Décembre 2017
Par Romain LAURENT (00)

C’est le monde de demain où une habi­ta­tion, des quartiers com­mer­ci­aux ou rési­den­tiels sont équipés de pan­neaux pho­to­voltaïques fonc­tion­nant d’abord en auto­con­som­ma­tion, avec des box de répar­ti­tion énergé­tique n’ap­pelant le réseau de dis­tri­b­u­tion qu’en cas de nécessité. 

Le développe­ment des éner­gies renou­ve­lables dans le bâti­ment a été le fait de pio­nniers désireux d’être autonomes en énergie, quitte à accepter un sur­coût con­séquent. Ce développe­ment a ensuite été soutenu par des poli­tiques publiques, con­scientes de l’enjeu écologique et soucieuses de dévelop­per une fil­ière nationale. 

“ La vague d’installations photovoltaïques sur le bâtiment s’est ralentie à partir du moratoire de 2010 ”

Un choix poli­tique struc­turant pour la fil­ière a été de fix­er en 2002 des tar­ifs de rachat d’électricité garan­tis. Cela a généré une vague d’installations pho­to­voltaïques sur le bâti­ment, qui s’est ralen­tie à par­tir du mora­toire du 9 décem­bre 2010. 

En con­séquence, la grande majorité des 350 000 instal­la­tions pho­to­voltaïques sur toi­ture aujourd’hui injectent sur le réseau l’intégralité de l’énergie qu’elles produisent. 

REPÈRES

La consommation d’énergie dans les habitations représente aujourd’hui 43 % de la consommation totale d’énergie en France. La plus grande partie de la consommation électrique est fournie par le réseau électrique national.
La production d’énergie à partir de sites résidentiels est aujourd’hui limitée et est principalement d’origine renouvelable : éolienne, photovoltaïque…
Mais les 350 000 maisons en France équipées de panneaux solaires représentent une faible part au regard des dizaines de millions d’habitations en France.

UNE NOUVELLE DONNE

En pre­mier lieu, le coût des éner­gies renou­ve­lables a con­sid­érable­ment bais­sé, celui du solaire pho­to­voltaïque en par­ti­c­uli­er. Au début des années 90, le solaire pho­to­voltaïque reve­nait à plus de 1 euro le kilo wattheure pour un par­ti­c­uli­er, alors qu’en 2017 il peut être pro­duit à 10 cen­times d’euro.

On en est à la « par­ité réseaux » : le coût de la pro­duc­tion renou­ve­lable devient inférieur au prix de l’électricité qui arrive par le réseau. Car, en par­al­lèle, le coût de l’électricité pour le par­ti­c­uli­er aug­mente : le prix au kilo­wattheure est passé de 11 cen­times d’euro en 2003 à 15 cen­times en 2016. 

Ensuite, en France, les déci­sions gou­verne­men­tales ont cessé de favoris­er la revente au réseau de l’électricité pro­duite sur le lieu de con­som­ma­tion, et com­men­cent à encour­ager l’autoconsommation.

Enfin, les pro­grès du numérique com­men­cent à mod­i­fi­er en pro­fondeur le monde de l’énergie. Le développe­ment des cap­teurs et de l’Internet des objets per­met de pro­duire des don­nées détail­lées et pré­cis­es sur les sources de con­som­ma­tion et les points de production. 

Grâce à l’explosion du big data, le traite­ment rapi­de de ces don­nées ouvre des per­spec­tives : ges­tion d’unités de pro­duc­tion décen­tral­isées et dis­per­sées, équili­brage entre l’offre et la demande sur des péri­odes de plus en plus cour­tes, mod­i­fi­ca­tions rapi­des de la demande en réponse à un sig­nal prix… 

UN NOUVEAU PAYSAGE SE DESSINE

D’abord, le nom­bre d’installations pho­to­voltaïques indi­vidu­elles sur bâti­ment va croître forte­ment, poussé par les prix bas de l’électricité auto­pro­duite par rap­port à celui de l’électricité achetée au réseau. Selon RTE, ce nom­bre pour­rait s’élever à 4 mil­lions d’ici 2030. 

UN CHANGEMENT DES INCITATIONS PUBLIQUES

Avec l’arrêté tarifaire du 9 mai 2017, les tarifs garantis d’achat d’électricité d’origine renouvelable s’effacent au profit de primes aux installations d’autoconsommation.
L’autoconsommation collective a également un cadre réglementaire depuis l’ordonnance du 27 juillet 2016.

Ces instal­la­tions seront toutes équipées de sys­tèmes numériques pour opti­miser la con­som­ma­tion de l’énergie pro­duite en pilotant les usages élec­triques du foyer. 

L’électricité néces­saire hors des péri­odes de pro­duc­tion solaire pour­ra être fournie par le réseau élec­trique ou par des bat­ter­ies chargées par la pro­duc­tion solaire. 

Ensuite, sur des immeubles rési­den­tiels, dans des habi­tats mixtes com­mer­ci­aux et rési­den­tiels ou dans des quartiers, une unique source de pro­duc­tion d’énergie locale pour­ra ali­menter plusieurs points de consommation. 

Enfin, une box énergé­tique, nœud de col­lecte des don­nées et de pilotage des appareils, sera au cœur de toutes ces solu­tions. Selon l’UFE, ces box énergé­tiques seront général­isées à l’ensemble des foy­ers en 2040. En effet, même dans les loge­ments non équipés d’une source de pro­duc­tion locale, elles per­me­t­tront d’organiser les con­som­ma­tions élec­triques du foy­er pour réa­gir à un sig­nal prix : les usages élec­triques qui peu­vent être reportés le seront automa­tique­ment vers le moment où l’énergie est la moins chère. 

Les box énergé­tiques per­me­t­tront aus­si de répon­dre à des deman­des des opéra­teurs de réseau (délestage, réglage pri­maire de fréquence). 

Petit à petit, le paysage de pro­duc­tion élec­trique français va donc se mod­i­fi­er. L’organisation de la pro­duc­tion passera de quelques grandes cen­trales de pro­duc­tion décen­tral­isées à une mul­ti­tude de petits pro­duc­teurs d’énergie répar­tis sur tout le ter­ri­toire et con­nec­tés entre eux. 

UNE TRANSFORMATION À ENCOURAGER, MAIS AUSSI À SURVEILLER


La grande majorité des 350 000 instal­la­tions pho­to­voltaïques sur toi­ture aujourd’hui injectent sur le réseau l’intégralité de l’énergie qu’elles pro­duisent. © FOVIVAFOTO/FOTOLIA.COM

La mul­ti­pli­ca­tion des instal­la­tions pho­to­voltaïques en auto­con­som­ma­tion sur les toits de France est un mou­ve­ment inéluctable, même si sa vitesse de déploiement est dif­fi­cile à éval­uer. Ce mou­ve­ment qui con­tribue au déploiement des éner­gies renou­ve­lables et à la diminu­tion de l’empreinte car­bone doit être encouragé. 

Mais non sans vig­i­lance : cer­tains risques ont été pointés du doigt. Ain­si, bien­tôt, il pour­ra être rentable pour un pro­mo­teur immo­bili­er de con­stru­ire un quarti­er totale­ment séparé du réseau grâce à des pan­neaux pho­to­voltaïques et des bat­ter­ies. Si cette sit­u­a­tion se généralise, le manque à gag­n­er pour­rait être cri­tique pour les opéra­teurs de réseau qui devront gér­er les mêmes infra­struc­tures avec des revenus moindres. 

Le coût de l’électricité fournie par le réseau nation­al pour­rait alors aug­menter, au détri­ment de ceux qui n’ont pas les moyens d’investir dans une instal­la­tion pho­to­voltaïque. Les revenus des opéra­teurs de réseau bais­seraient alors, et il serait de plus en plus dif­fi­cile pour eux d’assurer un ser­vice cor­rect, ce qui encour­agerait d’autres util­isa­teurs à s’isoler du réseau. 

VERS UNE INTERCONNEXION GÉNÉRALISÉE

Plutôt que d’opposer les opéra­teurs de réseau et les instal­la­tions d’autoconsommation rési­den­tielles, pourquoi ne pas au con­traire favoris­er leur forte inter­con­nex­ion ? Le réseau pour­rait s’appuyer sur ces mil­liers d’installations mod­u­la­bles pour gér­er les pics de demande, qui est le fac­teur clef de dimen­sion­nement du réseau. 

“ Les progrès du numérique modifient en profondeur le monde de l’énergie ”

Selon le Rocky Moun­tain Insti­tute, avec le dig­i­tal, il est ain­si pos­si­ble de baiss­er d’environ 20 % les frais de réseau. Les opéra­teurs de réseau priv­ilégieraient ain­si des solu­tions de ges­tion de la demande à des solu­tions plus coû­teuses d’infrastructure, ratio­nal­isant ain­si leurs investissements. 

Le citoyen en auto­con­som­ma­tion, tou­jours con­nec­té au réseau, en sor­ti­rait gag­nant égale­ment puisqu’il serait rémunéré pour ses ser­vices au réseau. 

Le sys­tème de pro­duc­tion élec­trique français en sor­ti­rait plus résilient, plus com­péti­tif et plus vert.

3 Commentaires

Ajouter un commentaire

Peter Burépondre
7 décembre 2017 à 10 h 50 min

Enérgie décen­tral­isé ou bien tou­jours — nucléaire ?
Énergie décen­tral­isé ou bien tou­jours pro­duite par le nucléaire ?

Par­don de vous pos­er cette ques­tion, mais la con­clu­sion de cet arti­cle intéres­sant ne con­tred­it-elle pas ce qui précède ? Tout sem­ble plaider pour l’a­ban­don de la pro­duc­tion et de la dis­tri­b­u­tion cen­tral­isée de l’élec­tric­ité que la con­clu­sion remet en selle. Ne s’a­gi­rait-il pas de garder un sys­tème offrant aux X de nom­breux privilèges ?

Romain Lau­rentrépondre
11 décembre 2017 à 13 h 18 min
– En réponse à: Peter Bu

Syn­er­gies entre la pro­duc­tion décen­tral­isée et le réseau
Bon­jour,
L’ar­ti­cle présente l’avènement rapi­de de mul­ti­ples pro­duc­teurs d’én­ergie de manière décen­tral­isée. Si la con­som­ma­tion élec­trique reste la même, celle-ci rem­plac­era alors par­tielle­ment la pro­duc­tion centralisée.
La con­clu­sion traite plutôt des inter­ac­tions entre la pro­duc­tion décen­tral­isée et le réseau élec­trique. Mon objec­tif était de mon­tr­er que la mon­tée de la pro­duc­tion décen­tral­isée pou­vait se faire en s’ap­puyant sur le réseau, et non con­tre lui. 

Cedric Philib­ertrépondre
8 janvier 2018 à 9 h 05 min

Auto­con­som­ma­tion

“Ain­si, bien­tôt, il pour­ra être rentable pour un pro­mo­teur immo­bili­er de con­stru­ire un quarti­er totale­ment séparé du réseau grâce à des pan­neaux pho­to­voltaïques et des bat­ter­ies” — en métro­pole ? Les besoins d’élec­tric­ité sont plus impor­tants en hiv­er et la pro­duc­tion solaire alors bien plus faibles. 

Sans solu­tion économique de stock­age inter-saison­nier, on a un fort déficit en hiv­er… ou un fort sur­plus en été. Non ?

Répondre