Thierry sur un exosquelette

Des exosquelettes pour faire marcher ceux qui ne marchent plus

Dossier : La santé participativeMagazine N°731 Janvier 2018
Par Nicolas SIMON (08)
Par Alexandre BOULANGER (08)
Par Matthieu MASSELIN (08)

Trois jeunes poly­tech­ni­ciens ont choi­si de déve­lop­per un exos­que­lette, per­met­tant aux per­sonnes han­di­ca­pés de se dépla­cer de manière auto­nome grâce à une rup­ture tech­no­lo­gique ambi­tieuse dans le domaine de la robo­tique. Le pro­jet pré­sente une avance tech­nique signi­fi­ca­tive sur le reste de l’industrie mon­diale et espère une homo­lo­ga­tion euro­péenne en 2018 

Pour ceux qui souffrent d’un han­di­cap des membres infé­rieurs, la plu­part des actions de la vie quo­ti­dienne sont impos­sibles et leur auto­no­mie est très limitée. 

Quant à ceux qui ne se déplacent qu’en fau­teuil rou­lant, leur situa­tion de han­di­cap se résume en deux chiffres obser­vés dans la plu­part des régions du monde : ils sont trois fois plus sou­vent sans emploi et ont trois fois moins accès aux études supé­rieures que la popu­la­tion géné­rale. Ces chiffres sont accen­tués dans les pays à plus faible déve­lop­pe­ment éco­no­mique, comme cer­tains pays du Sud, ou à plus faible adap­ta­tion des équi­pe­ments urbains, comme la France. 

REPÈRES

Nous comptons aujourd’hui, dans le monde, entre 50 et 100 millions de personnes qui ont une motricité des membres inférieurs limitée ou nulle.
Ces personnes en fauteuil roulant sont atteintes de pathologies diverses, qui peuvent inclure les lésions de la moelle épinière, des suites d’AVC, des neuro- ou myopathies d’origine génétique, des formes de sclérose en plaques, des infirmités motrices cérébrales.
Ces personnes forment pourtant une population homogène, reliée par un seul rêve : remarcher.

DES EFFETS SECONDAIRES GRAVES

En plus de ces limi­ta­tions d’autonomie, les per­sonnes en fau­teuil sont tou­chées par des patho­lo­gies secon­daires graves. 


La ver­sion V3 de l’exosquelette Ata­lante est le pre­mier exos­que­lette auto­nome capable de four­nir une marche qua­si humaine. © WANDERCRAFT

Leurs fonc­tions car­dio­vas­cu­laire, diges­tive et uri­naire se dégradent sou­vent rapi­de­ment après leur pas­sage de la marche au fau­teuil. Leur den­si­té osseuse dimi­nue, les ren­dant sujets à des frac­tures et leur peau est faci­le­ment atteinte d’escarres ou de lésions pou­vant entraî­ner un ali­te­ment, pen­dant lequel toutes ces fonc­tions se dégradent encore plus rapidement. 

Auto­no­mie et trai­te­ments médi­caux secon­daires sont donc les deux objec­tifs que pour­suivent les uti­li­sa­teurs de fau­teuil rou­lant et le per­son­nel médi­cal qui les suit. Les per­sonnes en fau­teuil sont très sou­vent des com­bat­tants, qui se battent à la fois contre leur patho­lo­gie, ses consé­quences et une vie quo­ti­dienne qui ne leur est pas adaptée. 

Une tech­no­lo­gie qui leur redon­ne­rait à la fois l’autonomie et une amé­lio­ra­tion de leur san­té per­met­trait à ces per­sonnes de mettre au ser­vice de la com­mu­nau­té une force de carac­tère par­fois hors du com­mun. La mis­sion que s’est don­née Wan­der­craft est de don­ner une vie ordi­naire à ces gens extraordinaires. 

NAISSANCE D’UNE INDUSTRIE

Depuis une décen­nie, des exos­que­lettes ont ouvert une voie vers l’amélioration de l’autonomie des per­sonnes en fau­teuil et des trai­te­ments qui leur sont proposés. 

Pro­po­sées par Inde­go, ReWalk, Ekso Bio­nics et Cyber­dyne, ces machines per­mettent de ver­ti­ca­li­ser cer­taines per­sonnes à mobi­li­té réduite et de leur faire réa­li­ser une forme de marche. Elles reposent sur une robo­tique simple et pré­sentent géné­ra­le­ment quatre degrés de liber­té action­nés (quatre moteurs : deux pour les genoux et deux pour les hanches). 

Étant intrin­sè­que­ment instables, elles exigent d’être sta­bi­li­sées par des béquilles maniées par l’utilisateur ou un déam­bu­la­teur. Leur prin­cipe est donc basé sur une marche qua­dru­pède : quand un des pieds est en mou­ve­ment, l’ensemble exos­que­lette + uti­li­sa­teur est sta­bi­li­sé par le pied au sol et les deux béquilles. 

L’usage de béquilles pour la sta­bi­li­sa­tion impose des limites sou­vent rédhi­bi­toires à la conduite des trai­te­ments et inter­dit tout usage per­son­nel, la sécu­ri­té en milieu urbain ne pou­vant être assurée. 

UNE RUPTURE TECHNOLOGIQUE AMBITIEUSE

Virginie sur un exosquelette
On retrouve chez Wan­der­craft le même envi­ron­ne­ment que dans d’autres start-up per­for­mantes. © WANDERCRAFT

En créant notre socié­té en 2012, nous avons fait le choix de déve­lop­per un exos­que­lette selon des prin­cipes radi­ca­le­ment inno­vants ce qui nous a ame­nés à rompre avec l’approche de marche méca­ni­sée de la pre­mière géné­ra­tion de matériel. 

Notre équipe a abor­dé de front le pro­blème mathé­ma­tique consis­tant à pro­duire une marche humaine emme­nant une per­sonne à motri­ci­té faible ou nulle des membres infé­rieurs et a, pour cela, adap­té les caté­go­ries d’algorithmes les plus récentes de la robo­tique dynamique. 

UN ENVIRONNEMENT STIMULANT

UNE DES MEILLEURES ÉQUIPES DE ROBOTIQUE

Les fondateurs de l’entreprise ont été dès le départ épaulés par une équipe d’experts en mathématiques appliquées, robotique, mécatronique, biomécanique et mécanique, rapidement rejoints par des spécialistes en réglementation, clinique et marketing.
L’équipe comprend de nombreux PhD et plusieurs médaillés internationaux en mathématiques et en robotique.

Bien que tra­vaillant à la fron­tière de la science et de la tech­no­lo­gie, et dans la contrainte de la régle­men­ta­tion de san­té, on retrouve chez nous le même envi­ron­ne­ment que dans d’autres start-up per­for­mantes : des pro­ces­sus qui adaptent la métho­do­lo­gie Agile à la robo­tique de san­té, des réunions infor­melles et des réunions de tout le per­son­nel fré­quentes pour orga­ni­ser le tra­vail, un open space qui alterne les zones de tra­vail et des lieux d’échange et de repos. 

Nous coopé­rons avec les labo­ra­toires uni­ver­si­taires qui défi­nissent l’état de l’art de la marche dyna­mique : l’université du Michi­gan, Cal­tech, le Centre auto­ma­tique et sys­tèmes de Mines­Pa­ris­Tech et le Labo­ra­toire d’analyse et d’architecture des sys­tèmes (LAASCNRS).

UNE PREMIÈRE EN MATIÈRE D’EXOSQUELETTES

Après cinq années de déve­lop­pe­ment, la ver­sion V3 de l’exosquelette Ata­lante est le pre­mier exos­que­lette auto­nome, sans béquilles, capable de four­nir une marche qua­si humaine. 

Floriane sur un exosquelette
Lors des essais cli­niques, Wan­der­craft a démon­tré sa com­pa­ti­bi­li­té avec un usage en centre de soins. © WANDERCRAFT

Il met en œuvre des algo­rithmes com­plexes de robo­tique dyna­mique qui gèrent la marche comme un dés­équi­libre per­ma­nent et non une suite d’équilibres statiques. 

Il s’appuie sur une méca­tro­nique sophis­ti­quée, capable d’envoyer 12 000 com­mandes par seconde à des actua­teurs puissants. 

Enfin, son archi­tec­ture méca­nique joint des qua­li­tés dyna­miques excep­tion­nelles à une bio com­pa­ti­bi­li­té qui per­met à un uti­li­sa­teur de res­ter plu­sieurs heures dans l’exosquelette, sans lésion cuta­née ni fatigue. 

Ata­lante n’est pas seule­ment le pre­mier exos­que­lette auto­nome. C’est aus­si, pro­ba­ble­ment, le pre­mier robot mar­cheur en marche dyna­mique au stade com­mer­cial – au-delà des magni­fiques pro­to­types de Bos­ton Dyna­mics ou des robots de recherche uni­ver­si­taire. Il démontre une avance tech­nique signi­fi­ca­tive sur le reste de l’industrie mondiale. 

UNE VIE ORDINAIRE POUR DES GENS EXTRAORDINAIRES

Début 2017, plu­sieurs pre­mières mon­diales ont été réus­sies. Pour la pre­mière fois, des per­sonnes para­plé­giques se sont levées et ont mar­ché de manière auto­nome et à des vitesses déjà proches de ce qui sera néces­saire en usage urbain. Lors de ces essais cli­niques, Wan­der­craft a démon­tré une avance consi­dé­rable sur le reste de l’industrie et sa com­pa­ti­bi­li­té avec un usage en centre de soins. 

La pre­mière cer­ti­fi­ca­tion euro­péenne est pré­vue pour 2018, per­met­tant de com­mer­cia­li­ser la ver­sion des­ti­née aux centres de soins vers la fin de la même année. Les cer­ti­fi­ca­tions aux États-Unis et dans dif­fé­rents pays d’Asie seront menées en parallèle. 

Une ver­sion per­son­nelle de l’exosquelette est en déve­lop­pe­ment et devrait voir le jour bien­tôt après. Elle per­met­tra aux uti­li­sa­teurs de retrou­ver l’autonomie chez eux et dans leur vie quo­ti­dienne. Les déve­lop­pe­ments tech­no­lo­giques qui per­met­tront à cette ver­sion de fran­chir des obs­tacles et d’assurer la pro­tec­tion de l’utilisateur dans l’environnement urbain sont en cours. 

UN TRIPLE BÉNÉFICE POUR LES HANDICAPÉS ET LA SOCIÉTÉ

La pers­pec­tive d’un exos­que­lette capable d’évoluer en envi­ron­ne­ment urbain repré­sente une triple rup­ture pour toutes les per­sonnes en fau­teuil et pour le corps médi­cal. La pre­mière est, évi­dem­ment, la pos­si­bi­li­té pour ces per­sonnes de retrou­ver une vie ordinaire. 

Olivier sur un exosquelette
Pour la pre­mière fois, des per­sonnes para­plé­giques se sont levées et ont mar­ché de manière auto­nome et à des vitesses déjà proches de ce qui sera néces­saire en usage urbain. © WANDERCRAFT

La deuxième doit encore être confir­mée par de nom­breux essais cli­niques. Elle tient à l’amélioration de la san­té des uti­li­sa­teurs – état car­dio­vas­cu­laire, den­si­té osseuse, diges­tion, peau – grâce à la reprise de la sta­tion ver­ti­cale et de la marche natu­relle, et à la pos­si­bi­li­té d’échanger ces don­nées de san­té en temps réel avec l’environnement médical. 

La troi­sième, elle aus­si à confir­mer par des études cli­niques, tient à la pos­si­bi­li­té de réédu­ca­tion accrue appor­tée par la reprise d’une marche anthro­po­morphe réaliste. 

L’impact socié­tal de l’exosquelette auto­nome est consi­dé­rable à trois niveaux : pour les per­sonnes en fau­teuil, retrou­ver une vie ordi­naire et une meilleure san­té ; pour les payeurs et les sys­tèmes de sécu­ri­té sociale, dimi­nuer radi­ca­le­ment les coûts de la san­té rela­tifs au han­di­cap moteur ; pour la socié­té dans son ensemble, bri­ser la bar­rière du han­di­cap qui devient inac­cep­table dans un monde où la tech­no­lo­gie résout tant de problèmes. 

DES INVESTISSEURS VISIONNAIRES

Finan­cer un déve­lop­pe­ment aus­si ambi­tieux, à la fron­tière de la science, de la robo­tique et de la san­té, est un pro­jet en soi. Il ne s’agit pas seule­ment de finan­cer l’entreprise mais de construire une équipe d’investisseurs dont l’expérience per­met de pilo­ter le pro­jet dans des ter­ri­toires lar­ge­ment inconnus. 

Beau­coup de fonds de capi­tal-risque pré­fèrent res­ter dans les sen­tiers battus. 

Exosquelette Wandercraft
L’impact socié­tal de l’exosquelette auto­nome Ata­lante est consi­dé­rable. © WANDERCRAFT

En avril 2013, il n’a fal­lu que quelques minutes à Xavier Niel pour déci­der de mener le pre­mier tour de finan­ce­ment. Il a été rejoint dans la même semaine par Marc Simon­ci­ni et des busi­ness angels privés. 

En 2015, une seconde levée de fonds a été menée par le Groupe Gor­gé et par Inno­va­tion Capi­tal (aujourd’hui LBO France), un fonds expert dans les pro­jets inno­vants et doté d’une expé­rience rare à la fois en robo­tique et en santé. 

Et en 2017, une troi­sième levée de fonds a regrou­pé des inves­tis­seurs fran­çais de pre­mier plan : Inno­va­tion Capi­tal à nou­veau, XAnge, Idin­vest, BPI­france et Cemag Invest. 

Les 13,5 mil­liards d’euros levés lors de ce tour vont per­mettre à l’entreprise de mener la cer­ti­fi­ca­tion et l’entrée sur le mar­ché de l’exo des­ti­né aux centres de soins, et le déve­lop­pe­ment de l’exo personnel. 

Ces phases de finan­ce­ment et le déve­lop­pe­ment du pro­jet ont été gran­de­ment faci­li­tés par l’apport du cré­dit d’impôt recherche, et l’aide renou­ve­lée de BPIfrance. 

UN MARCHÉ MONDIAL

Nous avons rele­vé le défi de repro­duire la marche natu­relle pour faire mar­cher des per­sonnes à mobi­li­té réduite. Avec des com­pé­tences au meilleur niveau mon­dial en maths et en robo­tique, des inves­tis­seurs auda­cieux et le sou­tien du CIR et de BPI­france, la France était le pays de choix pour réus­sir cette pre­mière phase. 

Nous entrons dans une deuxième phase de déve­lop­pe­ment : l’approfondissement de son avance tech­nique et son entrée sur le mar­ché mon­dial. Wan­der­craft s’est tou­jours vue comme une entre­prise glo­bale. Le mar­ché est évi­dem­ment mon­dial, homo­gène, et la dif­fu­sion de l’exosquelette auto­nome passe par des volumes et un bud­get de recherche et déve­lop­pe­ment éle­vés, des coûts acces­sibles et une marque forte. 

Ce chan­ge­ment de dimen­sion est un deuxième défi et nous sommes en train d’y répondre, dans un pre­mier temps en aug­men­tant rapi­de­ment la taille de notre équipe.

2 Commentaires

Ajouter un commentaire

Colin Sté­phanerépondre
15 janvier 2018 à 17 h 39 min

Bon­jour Mes­sieurs,
Bon­jour Messieurs,
Belle ini­tia­tive ! Tenez-moi au cou­rant quand la ver­sion per­son­nelle existera.
Enfin, dans sa ver­sion tétra­plé­gique, petit chal­lenge supplémentaire !
En vous remerciant,
Sté­phane Colin (07)

Damien L.répondre
16 janvier 2018 à 10 h 08 min

Wan­der­craft
Bra­vo pour l’i­dée, l’im­pact social et la démarche entre­preu­na­riale. Je me per­mets de sou­li­gner une erreur pro­bable sur les mon­tants de fonds levés :
« Les 13,5 mil­liards d’euros levés lors de ce tour vont per­mettre à l’entreprise de mener la certification » 

Répondre