« ACC est plus que jamais à la croisée d’enjeux sociétaux, économiques et environnementaux de demain »

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°780 Décembre 2022
Par Yann VINCENT
Par Mathieu HUBERT

ACC con­stru­it aujourd’hui la fil­ière européenne de bat­ter­ies de voitures élec­triques qui per­me­t­tra demain à la France et l’Europe de garan­tir sa sou­veraineté et son indépen­dance indus­trielle. Yann Vin­cent, directeur général, et Math­ieu Hubert, secré­taire général d’ACC, nous en dis­ent plus.

Présentez-nous ACC.

ACC est une jeune entre­prise très ambitieuse ! Une entre­prise qui a vu le jour en 2020, avec l’objectif de con­cevoir, fab­ri­quer et ven­dre des cel­lules et des mod­ules pour des bat­ter­ies auto­mo­biles. ACC a été créée dans le cadre d’un pro­jet soutenu par les autorités européennes, avec en pre­mière ligne l’Allemagne et la France. L’entreprise a ain­si pu béné­fici­er d’une sub­ven­tion de plus d’un mil­liard d’euros.

Ini­tiale­ment, ACC a été con­sti­tuée par deux action­naires : Saft, une fil­iale à 100 % du groupe Total­En­er­gies qui dis­pose d’une expéri­ence de plus de 100 ans dans l’univers des bat­ter­ies au ser­vice du secteur aéro­nau­tique, spa­tial, mais aus­si pour des appli­ca­tions mil­i­taires… ; et Stel­lan­tis, qui est le 4e con­struc­teur auto­mo­bile mon­di­al. Depuis 6 mois, ils ont été rejoints par un troisième action­naire, Mer­cedes, un très grand con­struc­teur auto­mo­bile et une mar­que pre­mi­um con­nue pour ses stan­dards et ses exigences. 

Notre roadmap indus­trielle et tech­nologique, excep­tion­nelle par son ampleur et sa vitesse d’exécution, struc­ture l’activité des équipes au quo­ti­di­en. Aujourd’hui, ACC emploie plus de 700 per­son­nes et pour­suit sa crois­sance. Nous dis­posons d’un cen­tre de R&D à Bruges dans la ban­lieue bor­de­laise. Début 2022, nous avons lancé l’exploitation de notre usines pilote à Ner­sac, près d’Angoulême. Il s’agit d’un investisse­ment de plus de 130 mil­lions d’euros avec des équipements à l’échelle 1. Notre pre­mière Gigafac­to­ry située dans les Hauts-de-France sort de terre en ce moment même puisqu’un bloc de pro­duc­tion va prochaine­ment com­mencer la fab­ri­ca­tion des pre­mières bat­ter­ies « made in France ». Deux autres Gigafac­to­ries sont prévues dans les prochains mois, en Alle­magne et en Italie. 

Quel rôle peut jouer ACC dans l’accélération de la transition énergétique ?

Notre activ­ité a voca­tion à con­tribuer à l’atteinte des objec­tifs de la tran­si­tion énergé­tique. En effet, l’Europe a de très fortes ambi­tions en ter­mes de réduc­tion des émis­sions de CO2. Dans le domaine auto­mo­bile, cela se traduit par des règle­men­ta­tions de plus en plus con­traig­nantes pour les con­struc­teurs qui doivent pro­pos­er des véhicules avec des taux de CO2 dégres­sifs dans le temps. Pour ce faire, ces derniers se tour­nent de plus en plus vers l’électrification de leur gamme de voiture. Dans ce cadre, la bat­terie est un com­posant clé. L’enjeu pour les con­struc­teurs est alors de pou­voir garan­tir une par­faite maîtrise tech­nique de ce com­posant, mais aus­si de pou­voir sécuris­er un appro­vi­sion­nement européen de ces bat­ter­ies qui actuelle­ment sont des pro­duits qua­si­ment exclu­sive­ment asi­a­tiques. Fort de ces con­stats, on retrou­ve donc aus­si au cœur de notre posi­tion­nement la volon­té de con­tribuer à dévelop­per une offre de bat­terie européenne. 

Pour ce faire, autour de quels axes vous concentrez-vous ?

Nous tra­vail­lons sur deux axes complémentaires :

  • Une forte den­sité énergé­tique de nos bat­ter­ies pour per­me­t­tre une plus grande autonomie des véhicules ;
  • Une chaîne de valeur avec la plus faible empreinte car­bone pos­si­ble, depuis l’amont, c’est-à-dire depuis la mine où sont extraits les matéri­aux que l’on va retrou­ver dans nos bat­ter­ies, à l’usine où elles sont pro­duites. Il est très impor­tant que l’amont de la chaîne de valeur (appro­vi­sion­nement, pro­duc­tion…) ne vienne pas détru­ire l’apport envi­ron­nemen­tale en ter­mes de rejet de CO2 du véhicule électrique. 

Aujourd’hui, nous entendons beaucoup parler de la question de la recharge et de la rapidité de la recharge. Comment abordez-vous cette dimension ?

C’est évidem­ment un sujet sur lequel nous tra­vail­lons active­ment, car la recharge rapi­de est un fac­teur de pro­gres­sion des ventes de véhicules élec­triques. Si nous maîtrisons ce sujet et sommes en capac­ité de pro­pos­er des bat­ter­ies adap­tées à la recharge rapi­de, il faut toute­fois que les con­duc­teurs puis­sent avoir facile­ment accès à une infra­struc­ture adap­tée. Au-delà de la mise à dis­po­si­tion d’un réseau de bornes de recharge, il est aus­si impor­tant de garan­tir la résilience du réseau élec­trique dans la durée, y com­pris en péri­ode de fortes demandes. 

Vous couvrez donc l’ensemble de la chaîne de valeur de la batterie. Qu’en est-il plus particulièrement de la fin de vie ? 

D’un point de vue opéra­tionnel, la fin de vie d’une bat­terie est de la respon­s­abil­ité du con­struc­teur auto­mo­bile. Toute­fois, c’est aus­si un sujet majeur pour ACC d’abord d’un point de vue éthique : nous ne voulons tout sim­ple­ment pas que nos bat­ter­ies finis­sent dans des décharges ! Au-delà, la fin de vie des bat­ter­ies représente aus­si un enjeu en ter­mes d’approvisionnement en matières pre­mières, de recy­clage et de réutilisation. 

En effet, une fois recy­clés, ces matéri­aux pour­ront être util­isés comme une alter­na­tive aux matéri­aux extraits des mines. Notre rôle est donc de pren­dre en compte cette dimen­sion afin de pro­pos­er un design de nos solu­tions qui va favoris­er et faciliter la recyclabilité. 

Con­crète­ment, la durée de vie d’une bat­terie est d’au moins 10 ans. C’est donc une prob­lé­ma­tique qui se posera réelle­ment dans une décen­nie, mais il est tout de même impor­tant de l’anticiper au regard de la crois­sance atten­du du marché du véhicule électrique. 

Qu’en est-il du coût de la batterie ?

La réduc­tion du prix des véhicules élec­tri­fiés reste au cœur des préoc­cu­pa­tions et le frein majeur à lever afin de pou­voir mas­si­fi­er les ventes. Le coût de la bat­terie est dépen­dant de la tech­nolo­gie, de la déf­i­ni­tion et de la spé­ci­fi­ca­tion du pro­duit, d’une part, mais aus­si du coût des matières pre­mières et de l’énergie, d’autre part. À notre niveau, notre défi est donc d’optimiser la déf­i­ni­tion tech­nique de la bat­terie ain­si que nos proces­sus de fab­ri­ca­tion pour tir­er ce coût vers le bas. 

Quels sont les principaux enjeux auxquels vous êtes confrontés sur le marché actuellement ?

Le marché des bat­ter­ies à l’heure actuelle est essen­tielle­ment asi­a­tique. Les plus gros con­struc­teurs sont chi­nois et coréens. Pour l’Europe, il y a indé­ni­able­ment un enjeu de vitesse alors que le marché du véhicules élec­triques est en train de se dévelop­per. En par­al­lèle, parce qu’il s’agit d’une indus­trie nais­sante en Europe, se pose bien évidem­ment la ques­tion des compétences. 

ACC a la chance de compter par­mi ses action­naires, Saft, qui a un savoir-faire avéré en la matière. Toute­fois, en Europe, per­son­ne n’a jamais con­stru­it de Gigafac­to­ry pour la pro­duc­tion en série de bat­terie pour des véhicules élec­triques. Les com­pé­tences, la for­ma­tion et les exper­tis­es vont être un fac­teur clé de la réus­site de développe­ment et de la péren­ni­sa­tion de cette indus­trie en Europe. 

Enfin, pour con­tre­bal­ancer la pro­duc­tion et l’offre asi­a­tique, il faut pou­voir pro­pos­er des coûts com­péti­tifs dans un con­texte mar­qué par l’inflation des prix de l’énergie et des matières pre­mières. Aujourd’hui, les acteurs asi­a­tiques ont sécurisé leur appro­vi­sion­nement en lithi­um, en nick­el et en graphite…, qui sont des com­posants clé pour la pro­duc­tion de bat­terie. Il faut que les acteurs européens soient égale­ment en mesure de sécuris­er leur pro­pre accès à ces matériaux 

Et sur cette dimension talent et compétences, quelles sont les opportunités de carrière qu’un acteur comme ACC peut offrir ? 

Nous recher­chons des ingénieurs qui ont des com­pé­tences et des exper­tis­es très poussées dans le domaine des procédés de fab­ri­ca­tion et qui ont une véri­ta­ble appé­tence pour l’innovation et les tech­nolo­gies de pointe. Par­mi nos col­lab­o­ra­teurs, nous avons 4 diplômés de l’École Poly­tech­nique qui occu­pent des fonc­tions stratégiques et à très forte respon­s­abil­ité au sein de l’entreprise.

Portée par le marché en plein développe­ment de la voiture élec­trique et soutenue par des action­naires de référence, ACC pro­pose de très belles per­spec­tives de car­rière, mais aus­si un pro­jet pas­sion­nant et hors norme où tout est encore à con­stru­ire en Europe ! Il s’agit d’un pro­jet lit­térale­ment extra­or­di­naire qui per­met d’apporter des répons­es con­crètes à la ques­tion de la sou­veraineté indus­trielle de l’Europe. Un sujet dont l’importance stratégique ne fait plus aucun doute… Mais aus­si un pro­jet qui con­tribue à la tran­si­tion énergé­tique en per­me­t­tant le développe­ment d’une mobil­ité neu­tre en carbone. 

Comment imaginez-vous ce secteur évoluer ? comment vous vous projetez vous-même sur sur cette filière, sur le moyen et long terme ?

Si cette indus­trie est en forte crois­sance, comme nous l’avons déjà men­tion­né, tout reste à faire. Nous sommes, en effet, en train de créer une indus­trie « qua­si­ment ex-nihi­lo » en Europe. Aujourd’hui, en Europe, on recense deux pro­jets emblé­ma­tiques de Gigafac­to­ry : le nôtre et celui de North­volt en Suède. 

Encore une fois, il faut aller vite et mobilis­er toutes les forces vives pour dévelop­per cette fil­ière qui est stratégique pour la France et l’Europe. ACC est plus que jamais à la croisée d’enjeux socié­taux, économiques et envi­ron­nemen­taux. Pour les relever, nous recru­tons et pour­suiv­ons nos investisse­ments qui sont actuelle­ment estimés à 7 mil­liards d’euros sur la durée du projet. 

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