À propos du thème “ La France en 2050 ”, n° 603, mars 2005.

Dossier : ExpressionsMagazine N°607 Septembre 2005

Relire l’ar­ti­cle Envi­ron­nement poli­tique et économique de la France d’ici 2050” de Jacques Lesourne

Bra­vo pour le numéro “ La France en 2050 ” qui éclaire des ques­tions de société pour lesquelles nous sommes nom­breux à rechercher des prospec­tives, dis­cuta­bles certes mais avant tout enrichissantes.

Je me suis jeté tout d’abord sur l’article de Lesourne “ Envi­ron­nement poli­tique et économique de la France d’ici 2050”; parce que d’expérience je m’attendais à un régal d’idées limpi­des, superbe­ment rédigées appor­tant des visions per­spi­caces de notre futur. Je n’ai pas été déçu et me garderai bien d’en cri­ti­quer tel ou tel point.

Sa vision du monde est récon­for­t­ante. Dans notre futur s’esquissent de nou­veaux prob­lèmes dont la grav­ité sera maîtrisée tôt ou tard et tant bien que mal à la mesure de la sagesse des nations. Il a rai­son quand il prend pour référence le recul de cinquante ans ; nous avons évité plusieurs fois la troisième guerre mon­di­ale à Berlin, en Corée du Nord, à Cuba, dans le golfe d’Aqaba, etc. La démoc­ra­tie à l’étiage en 1945 n’a cessé de pro­gress­er dans un monde qui gagne en sagesse ; l’ONU a apaisé bien des litiges.

Si on prend pour référence le recul de soix­ante-dix ans sa per­spec­tive est plus dis­cutable. En 1935, à part quelques-uns, nous craignions seule­ment de devoir gér­er un con­flit clas­sique de ter­ri­toires en nous pro­tégeant par la ligne Mag­inot et nous igno­ri­ons la men­ace de l’atroce Shoah ; les livres d’un colonel incon­nu sur la guerre future parais­saient hors de pro­pos ; le fas­cisme serait con­trôlé. Mais l’histoire s’est évadée de nos pronos­tics. Aujourd’hui nous sommes mieux armés pour musel­er les con­flits et même ceux dont la nature nou­velle est apparue plus récem­ment. Mais peut-on comme Lesourne se con­tenter d’extrapoler la vision récon­for­t­ante : soix­ante ans sans véri­ta­ble cat­a­stro­phe mon­di­ale ? Ou ne faut-il pas chercher à mieux iden­ti­fi­er ce que l’histoire laisse ger­mer sans nous en douter de con­flits majeurs d’une nature insoupçon­née comme l’a été de fait la Sec­onde Guerre mondiale.

Des pistes de réflex­ion exis­tent comme on aurait pu le faire dès 1933 par la prise en compte de la mon­tée du fas­cisme et du nazisme.

Au lende­main d’un atten­tat ter­ror­iste nucléaire, bac­téri­ologique ou autre, bien plus meur­tri­er que celui du 11 sep­tem­bre, maîtris­era-t-on les réac­tions de la nation impliquée pos­sé­dant l’arme nucléaire (elles sont plusieurs) et de sa pop­u­la­tion sur­voltée par les médias ? Pour­ra-t-on con­tenir les con­séquences d’une riposte approu­vée ou non par les instances inter­na­tionales. Les dépor­ta­tions et les mas­sacres du Dar­four ne sont tolérés que parce qu’il s’agit de pop­u­la­tions loin­taines et misérables.

Si les États-Unis, aujourd’hui démoc­ra­tie interne, unique super­puis­sance mil­i­taire mais oli­garchie mon­di­ale, entrent en con­cur­rence avec la Chine cinq fois plus peu­plée mon­tée en puis­sance ou encore la Russie ressus­citée, l’enchaînement infer­nal de type incendie du Reich­stag ou un assas­si­nat de Sara­je­vo sera-t-il maîtrisé dans la mon­tée des nation­al­ismes exacerbés ?

La supré­matie améri­caine est peut-être un répit après la guerre froide quoi qu’en pensent les anti-Améri­cains, avant la remon­tée des ten­sions entre super­puis­sances. Staline et Hitler sont-ils les derniers despotes à l’échelle mondiale ?

Saurons-nous dépass­er à temps la rentabil­i­sa­tion du finance­ment de la recherche si des formes d’épidémie vio­lentes et peu con­trôlables se dévelop­pent. Mais comme l’écrit Jared Dia­mond, pro­fesseur à UCLA, les super­puis­sances de 2050 sauront-elles se remet­tre en ques­tion et maîtris­er les ten­ta­tions d’une con­som­ma­tion effrénée ou ne seront-elles pas ten­tées d’y sub­stituer des solu­tions mil­i­taires aux con­séquences incalculables ?

Devant l’épuisement mon­di­al à terme de cer­taines ressources Lesourne se veut opti­miste en évo­quant le phénomène de sub­sti­tu­tion. Sera-t-il assez effi­cace ou le prési­dent des États-Unis saura-t-il revenir, le cas échéant, sur l’engagement antérieur que rien ne saurait remet­tre en ques­tion le mode de vie améri­cain ? On peut ten­ter de prévoir ? Est-ce pos­si­ble ? Dans un univers sans cloi­sons, sans recul, hyper­ac­t­if, les déci­sions sont lentes, tant au Dar­four que pour l’élaboration de lég­is­la­tions et la créa­tion d’autorités régionales puis mon­di­ales. Des jun­gles nou­velles pro­lifèrent bien plus vite dans de mul­ti­ples direc­tions, fis­cales, finan­cières, traf­ic de drogues et d’armes, pol­lu­tion, etc.

La sagesse et le droit des nations pro­gresseront-ils plus vite que la mon­tée des dan­gers asso­ciée au pro­grès des com­mu­ni­ca­tions et de la mon­di­al­i­sa­tion pour­tant tout à fait utile. Rien n’est sûr et je serais récon­forté si Lesourne avait raison.

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