open tour

Étymologie :
À propos d’open innovation

Dossier : ExpressionsMagazine N°722 Février 2017
Par Pierre AVENAS (X65)

Open inno­va­tion est le titre d’un ouvrage de référence édité aux États-Unis (à Har­vard, en 2003) qui a con­tribué à pop­u­laris­er cette expres­sion anglaise. En français, open inno­va­tion est un emprunt à l’anglais, un de plus dira-t-on, par­mi beau­coup d’autres dans la sphère des nou­velles tech­nolo­gies et des start-ups. Oui, mais ne nous y trompons pas : il y a aujourd’hui beau­coup plus de mots anglais issus du français, surtout de l’ancien français, que de mots français emprun­tés à l’anglais à l’époque moderne.

Du français à l’anglais, et réciproquement

En l’occurrence, le nom inno­va­tion, qui est d’origine latine (novus « nou­veau »), est attesté en français dès la fin du XIIIe siè­cle, bien avant de l’être en anglais, au XVIe siè­cle seulement.

Cela sem­ble bien mon­tr­er que ce nom est passé du français à l’anglais avant d’y revenir dans la locu­tion open inno­va­tion.

Quant à l’adjectif anglais open, il a déjà fait son entrée dans le Petit Larousse 1981, pour deux usages par­ti­c­uliers : un tournoi open (de ten­nis par exem­ple), c’est-à-dire ouvert aux ama­teurs comme aux pro­fes­sion­nels, et un bil­let open, dit aus­si ouvert, c’est-à-dire à date flexible.

L’anglais open inno­va­tion peut donc se traduire sim­ple­ment en français par inno­va­tion ouverte, mais open et ouvert sont-ils équiv­a­lents du point de vue étymologique ?

Ouvrir, c’est aussi découvrir

En latin, on part de deux verbes de sig­ni­fi­ca­tions con­traires : aperire « ouvrir » (d’où l’apéri­tif, qui ouvre l’appétit) et operire « cou­vrir, fer­mer, cacher » (d’où un oper­cule, qui ferme un récip­i­ent). Mais dans l’usage, le latin a rem­placé le deux­ième verbe operire par un dérivé au sens ren­for­cé par le pré­fixe co– (de cum « avec »), le verbe cooperire « cou­vrir entière­ment », qui est devenu cou­vrir en français (et to cov­er en anglais, par l’an­cien français).

Par­al­lèle­ment, le pre­mier verbe, aperire, a évolué en ancien français vers obrir (Xe siè­cle), puis en français vers ouvrir, dont la forme, para­doxale­ment, s’est rap­prochée de celle de cou­vrir. En résumé, ouvrir est le con­traire de fer­mer, mais aus­si de cou­vrir, donc de cacher, et ouvrir c’est donc aus­si décou­vrir (to dis­cov­er en anglais, de l’an­cien français) ce qui est caché.

Quant à l’anglais open, il est d’origine ger­manique et se relie à la par­tic­ule up- « en haut, vers le haut ». Le verbe to open, for­mé de up et du suf­fixe ver­bal -en, sig­ni­fie donc remon­ter quelque chose vers le haut, à la sur­face, en ren­dant vis­i­ble ce qui était caché en dessous.

Les verbes ouvrir et to open ont donc le même sens pro­fond, « dévoil­er ce qui est caché », et l’on peut con­sid­ér­er que les expres­sions open inno­va­tion et inno­va­tion ouverte sont bien équiv­a­lentes, et per­ti­nentes pour qual­i­fi­er l’attitude con­sis­tant à ne pas tenir secret le proces­sus d’innovation, et à le faire con­naître de façon à béné­fici­er d’apports extérieurs.

Cela rap­pelle d’ailleurs les langues, qui elles aus­si sont ouvertes et béné­fi­cient d’apports extérieurs sous forme d’emprunts.

« Les verbes ouvrir et to open
ont le même sens profond :
dévoiler ce qui est caché »

Épilogue

Entre open data, apparu dans le Petit Larousse 2016 et open source, apparu l’année suiv­ante, trou­vera-t-on un jour open inno­va­tion ? Tout dépend de l’importance que pren­dra l’usage de cette locu­tion. Ain­si, open access est apparu dans le Petit Larousse 2019.

On remar­que en tout cas que ces angli­cismes asso­cient open à des mots d’origine latine : access, inno­va­tion, source, et data, que l’anglais a pris tel quel au latin : c’est le pluriel du neu­tre datum, par­ticipe passé du verbe dare « donner ».

Même dans le vocab­u­laire le plus mod­erne, le latin reste une référence essen­tielle pour la langue anglaise, qui est bien la plus romane des langues germaniques.


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En illus­tra­tion : L’Open Tour per­met de vis­iter Paris avec un bil­let open.

Commentaire

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Do-Khacrépondre
14 mars 2017 à 9 h 40 min

Que diriez-vous de l’oxy­more Open Savoir-faire ?

Bon­jour, Sur La Jaune et La Rouge, mai 2012 vous pou­vez con­sul­ter mon article : 

Open savoir-faire, une inno­va­tion rad­i­cale inspirée de l’open source

Bien cordialement 

Tru Do-Khac

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