Etymologie Internet des objets

Étymologie :
À propos de l’internet des objets

Dossier : ExpressionsMagazine N°723 Mars 2017
Par Pierre AVENAS (X65)

Du filet à la toile d’araignée et au nid de guêpes, l’étymologie d’Inter­net ren­voie virtuelle­ment à des réal­ités bien réelles, voire inquié­tantes. Le vieux rêve de com­mu­nion uni­verselle par la ver­tu de la con­nex­ion blo­gosphérique est parsemé de pièges.

Des pièges de toutes sortes

Inter­net est issu du latin inter « entre » et de l’anglais net « filet », lui-même abrévi­a­tion de net­work « réseau ». Mais net se relie à une racine indo-européenne *nad-, à laque­lle on peut rat­tach­er aus­si le latin nas­sa « nasse », lui-même en rap­port pos­si­ble avec les verbes nodare « nouer » et nectere « lier ».

Or un filet est un piège, encore plus effi­cace quand c’est une nasse. De plus, Inter­net héberge le (World Wide) Web, ou Toile (d’araignée), un autre piège en réseau, nom qui vient du latin reti­olum, dérivé de rete « rets, filet ».

Filet, nasse, toile d’araignée, rets… pas éton­nant que l’on devi­enne facile­ment accro à Inter­net et aux objets connectés.

Quant au verbe latin nectere « lier », il ne passe en français qu’avec un pré­fixe. Ain­si, conectere (= cum + nectere) devient en français con­necter (to con­nect en anglais, de l’an­cien français), et les objets con­nec­tés sont même inter­con­nec­tés, avec un dou­ble pré­fixe qui tient du pléonasme.

D’ailleurs, on ressent aus­si dans Inter­net une cer­taine redon­dance que l’on évite en par­lant sim­ple­ment du Net.

Mais revenons à nos objets con­nec­tés, qui sont bien réels mais reliés à des objets virtuels.

Objets réels, objets virtuels

Si le terme réel dérive sans sur­prise du latin res, rei « chose », par le bas latin realis « réel », le terme virtuel ne se com­prend pas immédiatement.

Il faut par­tir en effet du latin vir, viri, qui désigne l’homme, par oppo­si­tion à la femme. De là vient, logique­ment, l’adjectif vir­ilis « mâle, vir­il », en anglais vir­ile, mais aus­si le nom vir­tus qui désig­nait d’abord la force physique de l’homme, d’où son courage, notam­ment guer­ri­er, et finale­ment les qual­ités humaines les plus élevées… ce qui aboutit en français à ver­tu (en anglais virtue, de l’an­cien français, resté plus près du latin).

Ce nom désigne une qual­ité morale chez les humains, mais son sens orig­inel se voit encore dans la ver­tu médic­i­nale d’une plante, c’est-à-dire son pou­voir de guérison.

De vir­tus dérive l’adjectif latin vir­tu­o­sus « empreint de ver­tu », qui aboutit, par l’italien vir­tu­oso, à l’anglais vir­tu­oso, emprun­té tel quel, et au français vir­tu­ose (du piano… ou de l’ordinateur), alors que l’adjectif vertueux, du bas latin ver­tu­us, est d’un emploi général.

Enfin, virtuel vient bel et bien de vir­tus par l’adjectif latin tardif (XVIIe siè­cle) vir­tu­alis, car ce qui est virtuel, c’est en puis­sance, c’est un poten­tiel dont la ver­tu est de dépass­er le réel.

C’est ain­si que le virtuel peut être de la réal­ité aug­men­tée, et l’on en vient même à con­sid­ér­er que le virtuel simule un autre réel pos­si­ble : c’est la réal­ité virtuelle.

« Un oxymore : la réalité virtuelle »

Épilogue

À la con­nex­ité éty­mologique entre vir­il, vir­tu­ose, vertueux et virtuel répond une con­nex­ité, séman­tique cette fois, entre Net, Toile et Web.

En effet, Net peut être un loin­tain cousin du latin nectere « lier », Toile vient du latin tela, issu de texere « tiss­er »… et Web, comme l’anglais to weave, l’allemand weben « tiss­er », font par­tie d’une famille indo-européenne où l’on trou­ve le nom san­skrit… de l’araignée : ūrnavāb­his, for­mé de ‑vāb­his « qui tisse » et de ūrna « toi­son, laine ».

Plus éton­nant encore, le nom de la guêpe, en alle­mand Wespe, en anglais wasp, fait peut-être par­tie de cette même famille à cause du nid de guêpes, organ­isé en réseau.


En illus­tra­tion : Le Chat de Philippe Geluck © Philippe Geluck

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