Le numérique responsable : un levier au service de la politique RSE des entreprises

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°795 Mai 2024Par Constance RENARD

Si le numé­rique repré­sente 4 % des émis­sions de gaz à effet de serre (GES) à l’échelle mon­diale (avec une pré­vi­sion d’augmentation de +60 % d’ici 2040 – Source ADEME), il est aus­si un levier à dis­po­si­tion des entre­prises et orga­nismes publics pour réduire leur impact envi­ron­ne­men­tal glo­bal. Le point avec Constance Renard, direc­trice de la Trans­for­ma­tion et Sus­tai­na­bi­li­ty de Computacenter.

Qui est Computacenter ?

Com­pu­ta­cen­ter est un inté­gra­teur IT inter­na­tio­nal, coté à la Bourse de Londres, qui four­nit des actifs tech­no­lo­giques allant du work­place (i.e. envi­ron­ne­ment de tra­vail), aux data cen­ters, en pas­sant par les équi­pe­ments de réseaux et sécu­ri­té. Asso­ciés à ces tech­no­lo­gies, Com­pu­ta­cen­ter délivre des ser­vices : main­te­nance, conseil en trans­for­ma­tion digi­tale, ges­tion de pro­jets, et info­gé­rance des infra­struc­tures. Fort de ses 22 000 col­la­bo­ra­teurs dans le monde Com­pu­ta­cen­ter a géné­ré en 2023, un chiffre d’affaires de plus de 10 mil­liards de pounds. Ses clients sont aus­si bien des acteurs publics que des entre­prises pri­vées. En France, près de 2 000 per­sonnes, servent notre por­te­feuille clients, essen­tiel­le­ment com­po­sé de groupes du CAC 40/SBF 120. Il y a 4 ans, Com­pu­ta­cen­ter a fait l’acquisition d’une filiale de Bri­tish Tele­com, per­met­tant de gagner des parts de mar­ché et de ren­for­cer son posi­tion­ne­ment dans les sec­teurs réseau & sécurité.

Dans un contexte post Accords de Paris visant la neutralité carbone à horizon 2050, quel peut être le rôle du Green IT et IT for Green ?

En notre qua­li­té d’entreprise du numé­rique, nous sommes direc­te­ment impac­tés et concer­nés par la décar­bo­na­tion. Par nature notre sec­teur d’activité a un très fort impact envi­ron­ne­men­tal et social, aus­si nous por­tons ce sujet du numé­rique res­pon­sable au plus haut niveau de gou­ver­nance, avec des Comi­té d’Administration et Exé­cu­tif très impli­qués et enga­gés en matière de RSE. La COP21 de 2015 a lan­cé une dyna­mique forte, qui a pous­sé le légis­la­teur fran­çais à rendre obli­ga­toire le Scope 3 pour toutes les entre­prises depuis jan­vier 2023. Com­pu­ta­cen­ter a ain­si réa­li­sé le sien (avec le Cabi­net Carbone4, fon­dé par Jean-Marc Jan­co­vi­ci) et s’appuie sur ces résul­tats pour éla­bo­rer et adap­ter son plan de tran­si­tion (540 000 tCO2eq), dont l’objectif, por­té par le Groupe, est d’être Net Zero d’ici 2040 (avec une étape inter­mé­diaire de réduc­tion de 50 % des GES d’ici 2032). Les notions de Green IT et de IT for Green, reflètent tout à fait le posi­tion­ne­ment dual, voire para­doxal, du numé­rique, car il est à la fois en par­tie res­pon­sable du pro­blème, mais aus­si une des solu­tions. Le Green IT englobe toutes les tech­no­lo­gies visant à réduire l’impact envi­ron­ne­men­tal du numé­rique. Alors que dans les années 8090, nous étions sur une logique d’obsolescence pro­gram­mée, aujourd’hui, il s’agit de faire durer les usages et d’intégrer la notion de fin de vie dès les pre­mières phases de concep­tion. L’IT for Green s’articule autour de l’idée que le numé­rique peut être un véri­table levier d’optimisation (car­bone mais aus­si social) des opé­ra­tions, amor­çant ain­si la tran­si­tion éco­lo­gique. Cela passe, par exemple, par la déma­té­ria­li­sa­tion qui contri­bue au zéro papier et à la réduc­tion des dépla­ce­ments phy­siques. Mais il ne faut pas oublier que cette déma­té­ria­li­sa­tion, a une vraie maté­ria­li­té (pour construire ces data cen­ters : actifs de sto­ckage, de cal­cul, de sau­ve­garde…). Une étude récente de l’ADEME-ARCEP montre que l’analyse du cycle de vie du numé­rique en France, engendre 52 % d’épuisement des res­sources abio­tiques, et 11 % de réchauf­fe­ment glo­bal ! Le car­bone n’est pas ni le seul, ni le pre­mier pro­blème ! Pour notre sec­teur, le prin­ci­pal défi est de trou­ver un juste équi­libre entre un numé­rique qui est un levier d’optimisation opé­ra­tion­nel, finan­cier et envi­ron­ne­men­tal, mais dont il faut limi­ter l’empreinte envi­ron­ne­men­tale et car­bone. Les entre­prises et les orga­nismes publics doivent, en effet, ques­tion­ner chaque usage pour ne pas tom­ber dans une sur­con­som­ma­tion (IA géné­ra­tive, IoT…) dont les effets ne peuvent être que néfastes.

Comment appréhendez-vous cette dimension ?

Chez Com­pu­ta­cen­ter, le numé­rique res­pon­sable s’articule autour de trois piliers com­plé­men­taires : People – Pla­net – Solutions.
Ain­si, le volet Pla­net sert la volon­té de mieux maî­tri­ser ses usages et tech­no­lo­gies pour réduire l’impact car­bone asso­cié sur l’environnement et la bio­di­ver­si­té, mais aus­si la consom­ma­tion d’eau ou la pro­duc­tion de déchets. Le second pilier (People) est rela­tif à l’aspect social & éco­no­mique, et vise notam­ment à réduire la frac­ture numé­rique entre les géné­ra­tions et les déserts tech­no­lo­giques, ou encore garan­tir l’inclusivité. Enfin le troi­sième axe (Solu­tions), concerne la valeur ajou­tée que nous allons appor­ter à nos clients au tra­vers de nos pro­duits et de nos ser­vices, afin de les aider à réduire leur propre empreinte envi­ron­ne­men­tale (notam­ment géné­rée par l’approvisionnement des tech­no­lo­gies). Dans cette démarche, nous nous concen­trons sur le Scope 3, c’est-à-dire les GES qui sont indi­rec­te­ment liées à notre acti­vi­té, en amont et en aval de celle-ci, Com­pu­ta­cen­ter étant agnos­tique et tra­vaillant avec un large éco­sys­tème de fabri­cants. Si nous n’avons bien évi­dem­ment pas la main sur la fabri­ca­tion des pro­duits et des équi­pe­ments, nous pou­vons néan­moins chal­len­ger les fabri­cants pour appor­ter ensemble plus de valeur à nos clients finaux. Com­pu­ta­cen­ter se posi­tionne donc au centre de la chaîne de valeur, entre les four­nis­seurs et les clients/utilisateurs finaux. Notre rôle est d’apporter le plus d’informations pos­sible à notre client sur la dimen­sion envi­ron­ne­men­tale, qui va au-delà de l’impact car­bone et qui couvre notam­ment la ques­tion de la bio­di­ver­si­té, de l’eau, du trai­te­ment des déchets, de l’extraction des métaux rares, de l’économie cir­cu­laire, afin qu’il puisse faire un choix éclairé.

Sur ces thématiques et enjeux, vous avez un partenariat avec Intel. Dites-nous en plus.

Intel est un par­te­naire amé­ri­cain de longue date de Com­pu­ta­cen­ter (implan­té en France depuis des décen­nies) avec qui nous sommes très heu­reux de col­la­bo­rer et d’innover. Nos ambi­tions busi­ness et envi­ron­ne­men­tales fortes sont ali­gnées et nous ins­crivent tous deux dans une démarche d’innovation conti­nue au ser­vice de nos clients finaux, visant à appor­ter sens et valeur ajou­tée à ces der­niers. Intel conçoit et fabrique des tech­no­lo­gies embar­quées dans des pro­duits finaux (ordi­na­teurs por­tables, ser­veurs de cal­cul…) avec le sou­ci de réduire au maxi­mum son empreinte envi­ron­ne­men­tale, et ce, à chaque étape de la concep­tion et com­mer­cia­li­sa­tion (éco-desi­gn, éco-concep­tion, consom­ma­tions en eau et en éner­gie…). Cette stra­té­gie de bout en bout de sa chaîne de valeur lui vaut d’être régu­liè­re­ment nom­mée comme l’entreprise la plus durable aux États-Unis par BARRON’s. À titre d’exemple, on peut citer par­mi ses inno­va­tions, Intel vPro®, une tech­no­lo­gie de l’environnement de tra­vail, per­met­tant la prise en main à dis­tance d’appareils et de mener des opé­ra­tions de main­te­nance ou répa­ra­tion logi­cielles. Sur le plan finan­cier, cette tech­no­lo­gie engendre des éco­no­mies de coûts (opti­mi­sa­tion de l’énergie, extinc­tion des appa­reils à dis­tance, lan­ce­ment de mises à jour la nuit…). La ges­tion et la répa­ra­tion à dis­tance per­mettent ain­si de réduire signi­fi­ca­ti­ve­ment les émis­sions liées aux dépla­ce­ments et aux inter­ven­tions de tech­ni­ciens sur site. Et dans un contexte d’accélération de l’hybridation du tra­vail, cette tech­no­lo­gie va jouer un rôle de plus en plus impor­tant, per­met­tant un accès aux appa­reils hors bande depuis n’importe quel endroit. Aujourd’hui, Intel ambi­tionne de déve­lop­per ce mode opé­ra­toire et pro­pose cette tech­no­lo­gie à des inté­gra­teurs finaux, comme Com­pu­ta­cen­ter. Concer­nant la ver­ti­cale pro­duit « Data Cen­ter », la tech­no­lo­gie Intel® Tele­me­try Col­lec­tor exploite les don­nées pro­ve­nant de cap­teurs pla­cés au niveau de la puce inté­grée dans les solu­tions ali­men­tées par Intel. Ain­si il est pos­sible de visua­li­ser et gérer la san­té du sys­tème, la consom­ma­tion d’énergie et l’efficacité ther­mique. Indis­pen­sable pour prendre des déci­sions d’optimisation maté­rielles et d’espace. Cette tech­no­lo­gie contri­bue donc à l’optimisation du cloud, mais aus­si des infra­struc­tures on pre­mise. En paral­lèle, nous pré­pa­rons l’avenir et tra­vaillons ensemble sur les futurs usages et pers­pec­tives du numé­rique res­pon­sable. À titre d’exemple, nous sommes mobi­li­sés sur la ques­tion de l’allongement de la durée de vie des actifs. Aujourd’hui, la durée de vie moyenne des maté­riels est de 3 à 5 ans, l’idée est de l’étendre davan­tage en s’appuyant sur l’expertise et les tech­no­lo­gies Intel. L’ambition est aus­si d’anticiper les pro­chaines ten­dances qui vont redes­si­ner la façon de tra­vailler des entre­prises, comme cela a été le cas avec l’hybridation du tra­vail, inten­si­fié par le Covid-19. Dans cette démarche, il ne s’agit plus seule­ment d’atteindre la meilleure per­for­mance finan­cière ou com­mer­ciale, mais aus­si de garan­tir une per­for­mance opé­ra­tion­nelle et environnementale.

Quels sont les enjeux qui persistent et comment vous projetez-vous ?

En France, nous avons de forts enjeux régle­men­taires, qui sont en avance ver­sus le reste de l’Europe. Avec la direc­tive CSRD (repor­ting extra-finan­cier de 1 178 data­points), les entre­prises vont devoir s’engager for­te­ment en matière de RSE, ame­nant les indi­ca­teurs envi­ron­ne­men­taux au même niveau que les indi­ca­teurs finan­ciers, qui mesu­re­ront ain­si la per­for­mance glo­bale de l’entreprise (non plus éva­luée de façon exclu­si­ve­ment finan­cière). Le fait que la CSRD concerne désor­mais 50 000 entre­prises (ver­sus 12 000 avec l’ancienne DPEF) montre la volon­té d’inclure et res­pon­sa­bi­li­ser un maxi­mum d’acteurs pri­vés. Pour ce faire, il faut se doter d’outils de col­lecte et d’analyse afin de géné­rer une comp­ta­bi­li­té car­bone pré­cise en com­plé­ment des autres KPIs sociaux et envi­ron­ne­men­taux, À cela s’ajoute un enjeu humain : celui de la for­ma­tion des col­la­bo­ra­teurs, mana­gers et diri­geants, pri­mor­diale. Au sein de Com­pu­ta­cen­ter, tout le Comex a ain­si été for­mé à la Fresque du Cli­mat l’an der­nier. À titre per­son­nel, je suis moi-même for­ma­trice de la Fresque, afin d’initier à cet ate­lier un maxi­mum de col­la­bo­ra­teurs. Cette démarche est essen­tielle pour une com­pré­hen­sion col­lec­tive des enjeux et sus­ci­ter l’innovation à tous les niveaux de notre chaîne de valeur. Ces chan­tiers néces­sitent bien évi­dem­ment des finan­ce­ments (outils, res­sources, pro­cess) qui doivent être anti­ci­pés par les entre­prises. Et, pla­cer au cœur des struc­tures de rému­né­ra­tions ces enjeux RSE afin qu’ils soient concrè­te­ment pris en compte par les opé­ra­tion­nels est déjà fait pas de nom­breux Conseils d’Administration. Enfin, nous sommes aus­si face à un enjeu busi­ness, car il est évident que les entre­prises ne pour­ront pas conti­nuer à se déve­lop­per ni à être pro­fi­tables dans un monde où le réchauf­fe­ment cli­ma­tique dépasse 2,7° et où la bio­di­ver­si­té aura dis­pa­ru ! Nous avons tous notre part à jouer : indi­vi­dus, entre­prises et États !

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