CEC : Convention des entreprises pour le climat

La Convention des entreprises pour le climat

Dossier : Environnement & SociétéMagazine N°794 Avril 2024
Par Cyrille VIOSSAT (X94)
Par Christine GOCHARD (X91)
Par Christian DELORD

Créée en décembre 2020, l’association d’intérêt géné­ral CEC (conven­tion des entre­prises pour le cli­mat) a pour voca­tion d’organiser des par­cours de prise de conscience et de trans­for­ma­tion pour déci­deurs éco­no­miques. L’objectif est de « rendre irré­sis­tible la bas­cule d’une éco­no­mie extrac­tive vers une éco­no­mie régé­né­ra­tive d’ici 2030 ». Des poly­tech­ni­ciens exposent les rai­sons et les moda­li­tés de leur enga­ge­ment dans cette action.

C’en est presque deve­nu un rituel annuel : une COP se clôt et le constat demeure qu’au mieux nous ne sommes guère plus avan­cés qu’un an plus tôt. Pour­tant, voi­là main­te­nant plus de trente et un ans que s’est tenu le som­met de Rio, qui avait été vécu comme un véri­table tour­nant à l’époque, le coup d’envoi d’une véri­table ambi­tion mon­diale de pré­ser­ver notre envi­ron­ne­ment et nos écosystèmes.

Un constat d’échec

Sur les neuf grands pro­blèmes envi­ron­ne­men­taux mis en avant à Rio, seul un, les émis­sions de gaz halo­gé­nés, s’est for­te­ment réduit. Un autre, les prises de pêche, s’est sta­bi­li­sé, plus par manque de pois­sons à pêcher que pour une autre rai­son. Tous les autres ont lar­ge­ment empi­ré, avec des consé­quences de plus en plus inquié­tantes. Depuis 1992, notre façon de mesu­rer la pres­sion envi­ron­ne­men­tale de l’humanité a chan­gé et le concept de limites pla­né­taires, appa­ru en 2009, s’est impo­sé. Neuf limites sont iden­ti­fiées, cha­cune d’entre elles étant suf­fi­sante à elle seule pour remettre en cause la sta­bi­li­té de la bio­sphère. Huit ont à ce jour pu être quan­ti­fiées, sur les­quelles six ont déjà été dépas­sées. Une sep­tième, l’acidification des océans, est proche de l’être et le sera à coup sûr si les émis­sions de CO2 ne sont pas très rapi­de­ment réduites.

Une approche plus efficace ?

Un regard hon­nête sur ces trois décen­nies ne peut qu’aboutir à un constat d’échec. Pour­tant, de nom­breux acteurs ont le sen­ti­ment d’avoir agi. À l’échelle indi­vi­duelle, bien sûr, où les prises de conscience se sont déve­lop­pées et motivent bien plus de gens aujourd’hui à essayer de réduire leur pres­sion sur l’environnement. Mais aus­si à l’échelle des entre­prises et des col­lec­ti­vi­tés, qui sur­veillent plus qu’auparavant leurs consom­ma­tions éner­gé­tiques, leur uti­li­sa­tion de l’eau, leur ges­tion des déchets…

On voit même de plus en plus de grands groupes annon­cer être neutres en car­bone, alors même que 2023 a connu un nou­veau record d’émissions annuelles ! Du fait de la nature exis­ten­tielle de l’enjeu (on le rap­pelle, les limites pla­né­taires cor­res­pondent à ce qui désta­bi­li­se­rait la bio­sphère dont nous dépen­dons), ce constat d’échec ne peut entraî­ner l’abandon des objec­tifs. C’est donc le moyen pour les atteindre que nous devons remettre en question.

C’est cette ambi­tion de trou­ver une approche plus effi­cace qui est à l’origine de la conven­tion des entre­prises pour le cli­mat dont nous vou­lons par­ler aujourd’hui, et la rai­son de nos enga­ge­ments res­pec­tifs pour la conven­tion des entre­prises pour le cli­mat, cha­cun avec son rôle par­ti­cu­lier : Chris­tian dans l’équipe cœur, Chris­tine comme par­ti­ci­pante à une conven­tion en cours et Cyrille comme bénévole.

Briser l’inertie

Le pro­blème de la pres­sion que l’humanité impose à la bio­sphère est à l’évidence sys­té­mique. Or ce besoin de chan­ge­ment de sys­tème est confron­té au tri­angle de l’inaction entre la socié­té civile, le monde éco­no­mique (prin­ci­pa­le­ment les entre­prises) et les pou­voirs publics. Plu­tôt que d’inaction, nous pré­fé­rons par­ler d’inertie car, au lieu de per­mettre un pas­sage à l’action mutuel et col­lec­tif, chaque acteur a plu­tôt ten­dance à reje­ter les res­pon­sa­bi­li­tés sur les deux autres. Et pen­dant ce temps, en l’occurrence depuis plus de trente ans, rien ou presque ne se passe. Pour bri­ser cette iner­tie, la pre­mière chose est de se mettre au centre de l’action. Pour cela, il faut réunir la volon­té, les moyens et l’utilité de l’action.

De notre triade, les indi­vi­dus peuvent tout au plus faire œuvre d’encouragement : ils ont de plus en plus la volon­té d’un chan­ge­ment, mais n’ont pas les moyens de lan­cer une action sys­té­mique. Les pou­voirs publics ont in­dis­cutable­ment des moyens d’action et il est cer­tai­ne­ment légi­time de leur en deman­der plus. Cer­tains déci­deurs ont assu­ré­ment le désir d’agir. Tou­te­fois, la rapi­di­té du cycle élec­to­ral est une dif­fi­cul­té majeure à laquelle ils res­tent confron­tés : si l’impact posi­tif d’une action enga­gée ne se fera sen­tir qu’après plu­sieurs années, il y a un vrai risque que le déci­deur moti­vé ait entre-temps été rem­pla­cé par un autre qui le serait moins.

On peut, on doit bien sûr en deman­der plus de nos déci­deurs, deman­der qu’ils fassent preuve de cou­rage et qu’ils fassent l’effort de péda­go­gie pour sus­ci­ter l’adhésion ; et bien sûr les hauts fonction­naires peuvent res­ter lors d’une alter­nance et espé­rer pous­ser des actions au long cours ; mais cette dif­fi­cul­té est bien réelle et nous ne pou­vons pas nous payer le luxe de l’ignorer.

Impliquer les entreprises

Res­tent les entre­prises. Cer­taines, au moins, pré­sentent une sta­bi­li­té dans leur direc­tion qui va bien au-delà de la durée d’un cycle élec­to­ral. Elles sont éga­le­ment mena­cées dans leur sur­vie par la pres­sion que l’humanité fait subir à la bio­sphère, ce qui peut leur don­ner la volon­té d’agir. Et elles ont un pou­voir d’action qui peut aller bien au-delà de leur contri­bu­tion directe, puisqu’elles sont au centre d’une chaîne de valeur tou­jours bien plus com­plexe que leurs seules opé­ra­tions. En somme, elles réunissent des carac­té­ris­tiques qui pour­raient leur per­mettre de lan­cer la rup­ture du tri­angle de l’inaction.

“Concevoir le système économique de demain.”

C’est ce rai­son­ne­ment qui a conduit à la créa­tion de la conven­tion des entre­prises pour le cli­mat, dont le pre­mier par­cours aura réuni 150 entre­prises de sep­tembre 2021 à juillet 2022. Son nom se situe bien sûr en écho à celui de la conven­tion citoyenne, qui se ter­mi­nait au moment où se fon­dait la conven­tion des entre­prises pour le cli­mat, et le prin­cipe en est éga­le­ment assez proche : réunir un groupe d’entreprises repré­sen­tées par leurs déci­deurs, leur faire vivre un par­cours de dix mois (répar­tis sur six ses­sions de deux jours) pen­dant les­quels ils vont être for­més et infor­més sur les enjeux des limites pla­né­taires, de la déplé­tion des res­sources, mais sur­tout vont tra­vailler, entre pairs, en intel­li­gence col­lec­tive sur une réflexion stra­té­gique de leur modèle d’affaires et sur des pro­po­si­tions com­munes afin de conce­voir le sys­tème éco­no­mique de demain.

Des expériences réussies

Nous avons conscience que la réus­site d’une telle démarche ne pour­ra être que col­lec­tive : poli­tique (et nombre de nos cama­rades y contri­buent au minis­tère de la Tran­si­tion éco­lo­gique et du déve­lop­pe­ment durable), entre­prises, fédé­ra­tions, asso­cia­tions pro­fes­sion­nelles, tous dans la même direc­tion et avec une vision ambi­tieuse et une volon­té sans faille.

La conven­tion des entre­prises pour le cli­mat ne pré­tend pas sau­ver le monde seule à la force du poi­gnet : il n’y aurait que de la frus­tra­tion à tirer de pareil péché d’orgueil. Mais ses fon­da­teurs comme ses par­ti­ci­pants connais­saient avant tout le monde de l’entreprise et ont choi­si d’agir là où ils le pou­vaient, dès lors qu’ils iden­ti­fiaient une occa­sion d’action per­ti­nente et utile. C’est ce désir si pré­sent dans l’ADN poly­tech­ni­cien de mettre nos com­pé­tences au ser­vice d’un pro­jet qui nous dépasse, dont l’impact sera socié­tal, qui nous anime dans notre enga­ge­ment au sein du pro­jet de la conven­tion des entre­prises pour le cli­mat.

Les retours d’expérience de la pre­mière conven­tion semblent avoir confir­mé l’utilité de la démarche et de nou­velles conven­tions se sont lan­cées depuis lors. Plu­sieurs avec un axe ter­ri­to­rial, se concen­trant sur un bas­sin d’emploi. D’autres avec un axe sec­to­riel, comme celle des cabi­nets de conseil, qui vient de se conclure, ou celle du monde finan­cier, lan­cée en novembre 2023.

La convention industrie

Une conven­tion sec­to­rielle qui nous tient par­ti­cu­liè­re­ment à cœur est la conven­tion indus­trie, qui sera lan­cée en 2024. Elle se tien­dra en par­te­na­riat fort avec les Arts et Métiers, qui expriment ain­si leur enga­ge­ment his­to­rique pour le déve­lop­pe­ment de l’industrie fran­çaise. Les poly­tech­ni­ciens ont éga­le­ment toute leur place dans le tra­vail de concep­tion de ce que pour­rait être le tis­su indus­triel durable de demain, tant il est vrai que ces réflexions, de par leur carac­tère sys­té­mique, font la part belle à la plu­ri­dis­ci­pli­na­ri­té chère à notre modèle si par­ti­cu­lier de for­ma­tion. Le recru­te­ment des entre­prises pour cette conven­tion indus­trie bat son plein et nous ne pou­vons que sou­hai­ter que plu­sieurs de nos cama­rades fassent par­tie de l’aventure ! 


Pour aller plus loin

Conven­tion des entre­prises pour le cli­mat https://cec-impact.org

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