Hector Berlioz : Benvenuto Cellini

Hector Berlioz : Benvenuto Cellini

Dossier : Arts, lettres et sciencesMagazine N°793 Mars 2024
Par Marc DARMON (83)

Ces repré­sen­ta­tions au Fes­ti­val de Salz­bourg en août 2007, très bien fil­mées et enre­gis­trées, sont la meilleure porte d’entrée pour décou­vrir cet opé­ra de Ber­lioz, très carac­té­ris­tique car presque auto­bio­gra­phique, Ber­lioz s’identifiant au sculp­teur aven­tu­rier Ben­ve­nu­to Cel­li­ni, orfèvre et sculp­teur de la Renais­sance ita­lienne, à la cour de Clé­ment VII et Fran­çois Ier puis de Cosme à Flo­rence. C’est Alfred de Vigny qui fit décou­vrir l’autobiographie célèbre de Cel­li­ni à Berlioz.

Alors qu’il a été un échec à sa créa­tion (1838), les ber­lio­ziens adorent cet opé­ra, même s’il est plus dif­fi­cile d’accès que La Dam­na­tion de Faust ou Roméo et Juliette (qui ne sont pas vrai­ment des opé­ras), et même que Les Troyens ou Béa­trice et Béné­dict. Ber­lioz y recon­nais­sait « une varié­té d’idées, une vita­li­té et un éclat de cou­leur musi­cale que je ne re-trou­ve­rai jamais ». Il n’y a pas beau­coup d’airs, il est vrai, mais une musique très riche, très expres­sive, et des moments vocaux inou­bliables comme l’air colo­ra­ture de Tere­sa atten­dant son sculp­teur ché­ri, ou l’air de Laurent Naou­ri que l’on cite plus loin. 

Le jeune Ber­lioz crée une œuvre ori­gi­nale, ico­no­claste, hété­ro­clite et déme­su­rée, qui donc fut un échec en 1838. Liszt la défen­dit et la reprit en 1852. On recon­naît dans l’Ouverture de l’opéra Le Car­na­val romain de Ber­lioz, courte œuvre plus connue du com­po­si­teur, qu’il ‑com­po­sa à par­tir de deux thèmes extraits du pre­mier acte de Ben­ve­nu­to Cel­li­ni.

En plus du Phil­har­mo­nique de Vienne dans la fosse d’orchestre et du bou­li­mique à l’époque Vale­ry Ger­giev à la baguette, nous avons aus­si une très bonne dis­tri­bu­tion, dont le superbe bary­ton Laurent Naou­ri qui crève lit­té­ra­le­ment l’écran en l’artiste rival Fie­ra­mos­ca, en par­ti­cu­lier dans son air de bra­vade Ah ! qui pour­rait me résis­ter ? Bur­khard Fritz est un ténor héroïque dans le rôle de l’artiste capri­cieux de la Renais­sance et la sopra­no let­tone de 26 ans Mai­ja Kova­levs­ka dans le rôle de Tere­sa, la femme avec qui il essaie de s’enfuir, nous enchante avec sa belle voix et sa beau­té phy­sique incon­tes­table. Ger­giev entraîne la Phil­har­mo­nie de Vienne dans un délire sem­blable à celui qui s’est peut-être empa­ré du com­po­si­teur. Musi­ca­le­ment, c’est le grand opé­ra fran­çais à son meilleur et spec­ta­cu­lai­re­ment mis en scène.

La mise en scène jus­te­ment ne lais­se­ra pas indif­fé­rent. Un mélange de futu­risme à la Metro­po­lis ou Star Wars, de fan­ta­sy à la Bat­man, avec des robots, un héli­co­ptère, un véhi­cule volant pour le pape en rose dégui­sé en pop star (la basse russe Mikhail Petren­ko, hila­rant), le sculp­teur en blue jean, un car­na­val romain à la Brue­ghel. Et à la fin une érup­tion vésu­vienne qui englou­tit tout dans les flammes, la fumée et le fer en fusion.

Au total, de cette pro­duc­tion conseillée mais très sur­pre­nante, la plus grande sur­prise vient pro­ba­ble­ment du carac­tère « idio­ma­tique » de la direc­tion de Ger­giev, qui dirige avec un cure-dent et des gestes flot­tants cette par­ti­tion fran­çaise de vif-argent. 


Orchestre Phil­har­mo­nique de Vienne, Vale­ry Gergiev

Un DVD ou Blu-ray Naxos

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