La navigation tient une place importante dans l'étymologie de l'assurance

Étymologie :
À propos des assurances

Dossier : AssuranceMagazine N°793 Mars 2024
Par Pierre AVENAS (X65)

L’assu­rance est là pour garan­tir sûre­té et sécu­ri­té, des dou­blets issus du latin secu­rus « exempt de sou­cis, ne néces­si­tant pas de soin », lui-même for­mé de se- « sans » et cura « soin » (d’où aus­si curable ou curio­si­té, cf. Éty­mo­lo­giX de mars 2020 à pro­pos de cyber­sé­cu­ri­té). En ancien fran­çais, asseu­rance signi­fie « sen­ti­ment de sécu­ri­té, confiance en soi », déri­vant d’asseu­rer « garan­tir la sécu­ri­té », lui-même issu d’un bas latin sup­po­sé *asse­cu­rare, for­mé sur ad « vers » et secu­rus « sûr ». Dans les pre­mières édi­tions (1694, 1718), le Dic­tion­naire de l’Académie don­nait asseu­rer, asseu­rance, mais à par­tir du XVIIe siècle l’usage s’est dépla­cé vers assu­rer, assu­rance, formes défi­ni­tives depuis la troi­sième édi­tion (1740).

L’assurance contre les risques

Dès la deuxième moi­tié du XVIe siècle, ce mot asseu­rance, puis assu­rance, a pris, à côté de son sens usuel, le sens juri­dique de « contrat de garan­tie contre cer­tains risques ». Ain­si dans son ouvrage de 1647, Us et cous­tumes de la mer, Estienne Clai­rac, juris­con­sulte à Bor­deaux, écrit : « Asseu­rance est un contract, par lequel on pro­met indem­ni­té des choses qui sont trans­por­tées d’un pays en autre, spe­cia­le­ment par la mer : & ce par le moyen du prix conve­nu à tant pour cent, entre l’asseuré qui fait, ou fait faire le trans­port, & l’asseureur qui pro­met l’indemnité. » Cette défi­ni­tion his­to­rique se réfère spé­cia­le­ment au trans­port mari­time, ce qui n’est pas éton­nant car, depuis la plus haute anti­qui­té, la navi­ga­tion en mer est vécue comme l’une des acti­vi­tés humaines les plus périlleuses. Tant l’armateur du navire que le pro­prié­taire de la car­gai­son courent depuis tou­jours un risque impor­tant et cela se tra­duit dans l’étymologie, à com­men­cer par celle du mot risque.

Le risque, une référence cachée à la navigation

Le mot risque est un emprunt à l’ancien ita­lien ris­co (aujourd’hui ris­chio), issu presque sûre­ment, comme l’ancien pro­ven­çal resegue « risque encou­ru par une mar­chan­dise sur mer », d’un bas latin *rese­cum « ce qui coupe », d’où « rocher escar­pé », du latin rese­care « cou­per ». De là vient aus­si l’ancien espa­gnol ries­co, aujourd’hui ris­co « rocher escar­pé », d’où « écueil » puis « risque encou­ru dans la navi­ga­tion », et de ries­co vient l’espagnol ries­go « risque ».

Ain­si, « assu­rer contre les risques », c’est par excel­lence « garan­tir la navi­ga­tion mal­gré les écueils », une sorte de méta­phore fon­dée sur les dan­gers de la navi­ga­tion, une méta­phore par­mi beau­coup d’autres ins­pi­rées par la pra­tique du bateau. Ain­si, gou­ver­ner, c’est d’abord diri­ger un bateau au moyen du gou­ver­nail, du latin guber­nare, lui-même du grec kuber­nan, d’où kuber­nê­ti­kon « art de pilo­ter un bateau » et la cyber­né­tique. De même, l’adjectif oppor­tun vient du latin oppor­tu­nus, qui s’appliquait d’abord au vent favo­rable, de ob + por­tus, « orien­té vers le port ». Ain­si les deux mots risque et oppor­tu­ni­té concernent d’abord le bateau, l’écueil d’un côté, le vent favo­rable de l’autre.

Épilogue

On trouve encore une méta­phore mari­time avec le mot sonde, qui désigne au pre­mier sens, attes­té au XVIe siècle, une sorte de fil à plomb ser­vant à mesu­rer la pro­fon­deur de la mer, afin de repé­rer les hauts-fonds, récifs et autres écueils. Ce mot pro­vient sans doute du vieil anglais et ancien scan­di­nave sund « mer, détroit ».

L’État étant par prin­cipe son propre assu­reur, son gou­vernement doit faire appel à des son­dages pour repé­rer les risques et espé­rer tenir son cap, ou au moins évi­ter le nau­frage, quitte à lou­voyer au besoin. 

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