Hexana, une start-up industrielle et innovante au service d’un nucléaire durable

Hexana, une start-up industrielle et innovante au service d’un nucléaire durable

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°788 Octobre 2023
Par Sylvain NIZOU
Par Paul GAUTHÉ
Par Jean-Baptiste DROIN

Syl­vain Nizou, pré­sident de Hexa­na, nous pré­sente cette jeune pousse tech­no­lo­gique fran­çaise qui capi­ta­lise sur le nucléaire pour appor­ter des solu­tions concrètes aux pro­blé­ma­tiques de décar­bo­na­tion et d’efficacité éner­gé­tique des indus­tries les plus éner­gi­vores. Rencontre.

Quel est le contexte autour de la création de Hexana ? 

Hexa­na est une start-up indus­trielle et une spin-off du CEA qui a vu le jour dans un contexte mar­qué par le défi de la décar­bo­na­tion des indus­tries lourdes et de la dépen­dance aux com­bus­tibles fos­siles, mais aus­si par la relance du nucléaire vou­lue par le pré­sident Emma­nuel Macron dans son dis­cours de Bel­fort en 2022. Cette volon­té a été sui­vie de l’appel à pro­jet France 2030 « Réac­teurs Nucléaires Inno­vants » qui vise l’émergence de nou­veaux acteurs fran­çais dans la concep­tion de réac­teurs nucléaires per­met­tant notam­ment une meilleure ges­tion des sub­stances radioactives.

En sa qua­li­té d’acteur de l’innovation et de la recherche dans le monde de l’énergie nucléaire, le CEA a orga­ni­sé un concours interne en mars 2022. Par­mi les 11 pro­jets pré­sen­tés par des sala­riés du CEA, dans le top 3, il y avait mon pro­jet, qui était très orien­té mar­ché et busi­ness de décar­bo­na­tion et s’articulait autour de l’idée que les nou­velles tech­no­lo­gies nucléaires SMR de 4e géné­ra­tion peuvent répondre aux enjeux indus­triels de décar­bo­na­tion, et le pro­jet de Paul Gau­thé et Jean-Bap­tiste Droin, arti­cu­lé autour de la tech­no­lo­gie des réac­teurs nucléaires à neu­trons rapides (RNR) refroi­dis au sodium.

Hexa­na, née de la fusion de ces deux pro­jets, incarne donc la ren­contre des mondes de la décar­bo­na­tion indus­trielle et de l’innovation au ser­vice d’un nucléaire durable, et béné­fi­cie aujourd’hui de l’accompagnement du CEA, et du groupe EDF dans son développement.

Hexana travaille donc sur un réacteur nucléaire modulaire à neutrons rapides refroidi au sodium. De quoi s’agit-il ?

Hexa­na pro­pose de conce­voir des réac­teurs modu­laires de 400 MW ther­miques fabri­qués en usine. Notre solu­tion inno­vante est ensuite assem­blée et inté­grée par paires, sur site, à proxi­mi­té des grands centres indus­triels. C’est une solu­tion de cogé­né­ra­tion qui génère à la fois de la cha­leur à haute tem­pé­ra­ture (jusqu’à 500°C) et de l’électricité ultra bas car­bone, avec une flexi­bi­li­té de puis­sance consi­dé­rable. En termes d’empreinte car­bone, nous avons une émis­sion de CO2 infé­rieure à 2,5 g par kWh d’électricité pro­duite. Cela repré­sente la plus faible émis­sion de CO2 par­mi toutes les solu­tions de pro­duc­tion d’énergies, qu’elles soient renou­ve­lables ou nucléaires.

Notre solu­tion est un réac­teur SMR de 4e géné­ra­tion, dit AMR (Advan­ded Modu­lar Reac­tor). Il uti­lise le com­bus­tible nucléaire MOX, qui est un mélange entre du plu­to­nium et de l’uranium appau­vri. Il n’est pas fabri­qué à par­tir d’un ura­nium extrait des mines et qu’il faut ensuite enri­chir, mais à par­tir de matières issues du retrai­te­ment des com­bus­tibles usés d’EDF. Cette démarche per­met d’engager la fer­me­ture du cycle du com­bus­tible nucléaire et de réduire sa dépen­dance aux impor­ta­tions de res­sources éner­gé­tiques comme aux aléas géo­po­li­tiques à celui qui peut s’en prévaloir.

Quels sont les atouts de votre solution technologique ?

Hexa­na déve­loppe une solu­tion unique et inno­vante en s’appuyant sur un cœur tech­no­lo­gique mature, la tech­no­lo­gie des RNR sodium, qui fait par­tie du patri­moine tech­no­lo­gique français.

Valo­ri­ser cette tech­no­lo­gie pré­sente pour Hexa­na l’avantage de ne pas avoir à requa­li­fier des maté­riaux, de repas­ser par un pro­to­type, de conce­voir et qua­li­fier un nou­veau com­bus­tible… Cela nous per­met de viser direc­te­ment la mise en ser­vice d’une tête de série indus­trielle à l’échelle 1 (800 MWth / 300 MWe) dès 2035 sur un site fran­çais. Pour les inves­tis­seurs et les clients, ce par­ti pris contri­bue à déris­quer le projet.

D’un point de vue plus opé­ra­tion­nel, la réa­li­sa­tion de 2 réac­teurs par ins­tal­la­tion com­bi­née à la fabri­ca­tion modu­laire réduit les coûts et le temps néces­saire à la fabrication.

De par la nature du com­bus­tible que nous uti­li­sons et sa grande dis­po­ni­bi­li­té, nous par­ti­ci­pons à la sta­bi­li­sa­tion et à la maî­trise durable des prix de l’énergie au pro­fit de la réin­dus­tria­li­sa­tion et du regain de com­pé­ti­ti­vi­té de l’outil indus­triel de nos clients.

Enfin, l’une des inno­va­tions embar­quée dans le pro­jet réside dans l’implantation d’un sto­ckage de cha­leur sous forme de sels fon­dus posi­tion­né entre le réac­teur et son cycle de conver­sion. Cette archi­tec­ture par­ti­cu­lière apporte de la flexi­bi­li­té et éli­mine par concep­tion toutes pos­si­bi­li­tés d’interactions entre le sodium et l’eau au pro­fit d’une sûre­té accrue.

L’ensemble de ces atouts qui inclue la réduc­tion des déchets nucléaires, prin­cipe propre aux RNR, rend ce pro­jet de filière AMR sodium par­ti­cu­liè­re­ment cré­dible et sin­gu­lier par­mi la diver­si­té des solu­tions actuel­le­ment explorées.

Hexana contribue donc à accélérer la production d’énergie décarbonée et à défossiliser l’industrie. À quels niveaux apportez-vous des solutions ? 

Si la grande majo­ri­té des indus­triels s’est enga­gée dans une démarche de décar­bo­na­tion, l’électrification demeu­rant une option prio­ri­taire effi­cace, cer­tains ne dis­posent pas encore de solu­tions à la bonne échelle offrant un ser­vice éner­gé­tique com­pa­tible avec leurs pro­cé­dés. Encore aujourd’hui, le car­bone et l’hydrogène extraits des hydro­car­bures fos­siles res­tent le socle de notre civi­li­sa­tion indus­trielle du point de vue de l’énergie comme de la matière qu’ils repré­sentent. Or, les avan­cées tech­no­lo­giques dans la pro­duc­tion d’hydrogène bas car­bone, la cap­ture du CO2, le des­sa­le­ment de l’eau et la pro­duc­tion de car­bu­rants de syn­thèse (e‑fuels, eSAF) per­mettent de réduire, voire sup­pri­mer le recours à de nou­velles extrac­tions fos­siles pour répondre à ces besoins d’hydrocarbures car­bo­nés non fos­siles, à condi­tion d’être en mesure de sécu­ri­ser une capa­ci­té de pro­duc­tion consi­dé­rable d’énergie bas carbone.

En four­nis­sant aux indus­triels de la cha­leur et de l’électricité bas car­bone, nous les aidons à se défos­si­li­ser, à s’engager dans une éco­no­mie cir­cu­laire du car­bone, sans leur impo­ser de grosses trans­for­ma­tions dans leurs pro­cé­dés ou leurs infra­struc­tures. Cette démarche est très atten­due par le trans­port lourd et longue dis­tance (aérien, fret mari­time) qui reven­dique des besoins de car­bu­rants défos­si­li­sés consi­dé­rables (kéro­sène, méthane ou métha­nol de syn­thèse pas exemple).

Enfin, le sto­ckage ther­mique qui offre des rampes de puis­sance simi­laires à celle des tur­bines à gaz natu­rel per­met par sa flexi­bi­li­té d’accommoder l’intermittence de sources renou­ve­lables sans réduire le fac­teur de charge du réac­teur. C’est une solu­tion gagnante pour tous.

Quels sont vos enjeux ? 

Sur le plan tech­no­lo­gique, nous tra­vaillons sur l’industrialisation de notre sys­tème afin de garan­tir un déploie­ment et une mise en ser­vice rapides et à un coût compétitif.

En paral­lèle, il s’agit d’encourager la struc­tu­ra­tion et le déve­lop­pe­ment d’une filière autour du com­bus­tible MOX RNR. Nous tra­vaillons acti­ve­ment avec nos par­te­naires et l’État pour qu’un sou­tien cohé­rent soit aus­si appor­té pour que son démar­rage indus­triel soit effec­tif à hori­zon 2035 afin de garan­tir notre capa­ci­té à rele­ver le défi de la neu­tra­li­té car­bone pour 2050.

Au-delà, même si la tech­no­lo­gie RNR sodium est connue des auto­ri­tés de sûre­té, nous avons un enjeu de régle­men­ta­tion et de licen­cing. Dans ce pro­ces­sus, Hexa­na a la chance de pou­voir comp­ter sur l’expertise de son équipe, sur les acquis de la filière mais aus­si sur ses partenaires.

Enfin, nous avons bien évi­dem­ment un enjeu humain. Nous recru­tons de nom­breux talents aux pro­fils variés pour déve­lop­per Hexa­na et pas­ser à l’échelle indus­trielle ! Ce ne sont pas moins de 45 sala­riés qui nous rejoin­dront ces pro­chains mois pour construire l’histoire d’Hexana dans nos locaux d’Aix-en-Provence.

Quelles sont les prochaines étapes pour Hexana ?

Nous tra­vaillons sur les études de concep­tion sur les briques inno­vantes de notre concept, et sur l’analyse de cas d’usages spé­ci­fiques avec nos par­te­naires, qu’ils soient spé­cia­listes des études d’implantation, des ana­lyses de risques, de la conver­sion d’énergie ou futurs clients consom­ma­teurs. En paral­lèle, nous lan­çons actuel­le­ment notre pre­mière levée des fonds. Si nous dis­po­sons déjà d’investisseurs de réfé­rence comme le CEA, nous sou­hai­tons ouvrir le capi­tal de la socié­té dès la pré-seed fin 2023 à d’autres inves­tis­seurs. Il est donc encore temps de nous appro­cher pour décou­vrir cette belle aven­ture entre­pre­neu­riale Made-In-France mais qui ambi­tionne de com­mer­cia­li­ser sa tech­no­lo­gie bien au-delà de l’Hexagone ! Enfin, nous espé­rons aus­si être lau­réats de l’AAP France 2030 « Réac­teurs Nucléaires Inno­vants » ce qui confor­te­ra la per­ti­nence de notre stra­té­gie et contri­bue­ra au finan­ce­ment de notre déve­lop­pe­ment. 

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