Chaîne YouTube « Chez Anatole » créée par Anatole Chouard

Anatole Chouard (X16) Youtubeur et conférencier pour l’environnement

Dossier : TrajectoiresMagazine N°786 Juin 2023
Par Greta GUERINI

Après Poly­tech­nique, Ana­tole Chouard (X16) a lan­cé sa propre chaîne You­Tube « Chez Ana­tole » sur laquelle il aborde de manière péda­go­gique et dyna­mique les grandes ques­tions envi­ron­ne­men­tales actuelles. C’est un moyen pour lui de mettre ses com­pé­tences scien­ti­fiques au ser­vice du plus grand nombre.

D’où viens-tu ? Quelles sont tes origines ? 

Je suis pari­sien mais j’ai vécu à Londres de deux à six ans : j’ai fait ma pri­maire en Angle­terre dans une école Mon­tes­so­ri, un sys­tème qui laisse beau­coup de liber­té. Mes deux parents sont pro­fes­seurs et je suis le troi­sième de quatre enfants.

Quel a été ton parcours avant Polytechnique ? Et pourquoi le choix de l’X ?

J’ai fait mes études au lycée Hen­ri-IV, j’y suis res­té en pré­pa Phy­sique-Chi­mie, ce qui m’a per­mis de tou­cher à pas mal de sciences dif­fé­rentes. Après une année de 52, je suis arri­vé à Poly­tech­nique sans savoir exac­te­ment ce que je vou­lais faire dans la vie. J’hésitais sur­tout entre l’astrophysique et l’environnement, donc j’ai choi­si les mathé­ma­tiques appli­quées pour gar­der les deux portes ouvertes !

Un binet qui m’a mar­qué lors de mon pas­sage à l’X est celui de la FDA, French Deba­ting Asso­cia­tion. Notre équipe a gagné la finale de ce tour­noi de débat à l’Assemblée natio­nale, un de mes plus beaux souvenirs.

Anatole Chouard, lors de la finale de débat en anglais avec le binet de la FDA.
La finale de débat en anglais avec le binet de la FDA.

En 4A je suis par­ti à Londres pour mon mas­ter à UCL (Uni­ver­si­ty Col­lege Lon­don) en modé­li­sa­tion mathé­ma­tique. Le cam­pus en ville, comme celui de UCL, offre des avan­tages et des incon­vé­nients : la proxi­mi­té de la ville per­met beau­coup d’activités, mais on res­sent l’absence d’une véri­table vie de cam­pus, notam­ment pour les séances de sport. J’y ai réa­li­sé ma thèse de mas­ter en astro­phy­sique sur les exo­pla­nètes – les pla­nètes en dehors du sys­tème solaire – pour ana­ly­ser les atmo­sphères et essayer de trou­ver de la vie ailleurs que sur Terre. Je n’en ai pas trouvé !

Je suis ren­tré en France pour le confi­ne­ment en milieu de 4A et, une fois le mas­ter ter­mi­né, je me suis lan­cé dans le pro­jet de ma chaîne You­Tube : j’avais envie d’être utile et de par­ler d’environnement.

Le der­nier moment mar­quant a été la céré­mo­nie de la remise des diplômes l’année der­nière, qu’on a pré­sen­tée avec mon amie Marine Decuy­père (X16), elle aus­si membre de la FDA.

Anatole Chouard lors de la remise des diplômes de la promotion X2016.

Pourquoi as-tu ressenti le besoin de créer ta chaîne YouTube ?

J’ai été moi-même bibe­ron­né à la vul­ga­ri­sa­tion scien­ti­fique sur You­Tube ! Bon j’exagère, c’est sur­tout à par­tir du lycée, avec des chaînes anglo-saxonnes comme “Veri­ta­sium” ou “Minu­te­Phy­sics”, encore actives aujourd’hui. J’ai tou­jours beau­coup regar­dé de vidéos ; une bonne par­tie de ma culture scien­ti­fique vient de là et le for­mat vidéo m’a tou­jours atti­ré. J’ai vou­lu deve­nir acteur plu­tôt que de res­ter uni­que­ment consom­mateur. Et sur­tout le faire sur les sujets envi­ron­ne­men­taux, qu’on pense connaître par cœur tel­le­ment on en entend par­ler, mais dont on ne connaît pas tous les détails.

La chaîne s’appelle « Chez Anatole ». Pourquoi ce choix d’utiliser ton prénom ?

Je ne sais abso­lu­ment pas si c’est le bon nom pour une chaîne You­Tube ! Au début elle s’appelait « Sur tous les tableaux », puis je l’ai per­son­na­li­sée en l’appelant « Chez Ana­tole ». J’ai vou­lu lui don­ner mon pré­nom pour ne pas me foca­li­ser sur un type de conte­nu et me lais­ser la liber­té de pou­voir chan­ger de sujet plus tard. Si jamais j’ai envie d’étendre l’éventail des thèmes et de par­ler d’autres sciences, par exemple, au hasard… d’exoplanètes, je me laisse une porte ouverte.


Décou­vrir « Chez Ana­tole », la chaîne You­Tube d’A­na­tole Chouard : https://www.youtube.com/c/ChezAnatole


Tu ne donnes jamais ton opinion directement, même si on la comprend d’une façon globale. Est-ce un choix réfléchi ou est-ce une stratégie pour ne pas se faire d’ennemis ?

C’est impos­sible d’enlever toute sub­jec­ti­vi­té : j’ai sûre­ment des biais dans mon choix des sources, dans la struc­ture de mes vidéos et la manière de pré­sen­ter les faits. Mais j’essaie de tendre le plus pos­sible vers une pré­sen­ta­tion objec­tive. Par exemple, mes deux pre­mières vidéos ont été consa­crées aux avan­tages et incon­vé­nients de tous les moyens de pro­duire de l’énergie. J’adore aus­si faire des vidéos de résu­més de rap­ports scien­ti­fiques comme ceux du GIEC. Ce que je peux appor­ter, c’est l’explication des infor­ma­tions, l’animation des gra­phiques et la clar­té des résu­més (enfin je l’espère !). Je mets bien sûr toutes les sources en des­crip­tion pour ceux qui veulent aller plus loin.

“ Ce que je peux apporter, c’est l’explication des informations, l’animation des graphiques et la clarté des résumés (enfin je l’espère !).”

Comment prépares-tu les vidéos ?

C’est prin­ci­pa­le­ment un tra­vail de recherche dans lequel les visuels jouent un rôle fon­da­men­tal. J’ai une pho­bie : racon­ter des inexac­ti­tudes face à la camé­ra. Parce que c’est très dif­fi­cile de modi­fier une vidéo une fois qu’elle est en ligne, contrai­re­ment à un article écrit par exemple. Je fais relire les scripts des vidéos à des amis ou des pro­fes­sion­nels du domaine que j’aborde pour m’assurer de la véra­ci­té des argu­ments, comme pour ma vidéo sur le futur de l’agriculture. Je l’ai écrite avec l’aide de Basile Ver­deau (X16), qui fait sa thèse sur la pré­ca­ri­té ali­men­taire et l’alimentation durable. Pour le mon­tage, au début je le fai­sais sans être très fort dans le domaine, main­te­nant une mon­teuse pro­fes­sion­nelle tra­vaille avec moi.

J’évite de par­ler de sujets d’actualité qui font le buzz quelques semaines mais ne cap­tivent plus per­sonne ensuite. Des amis m’avaient pro­po­sé de faire des résu­més du pro­gramme en envi­ron­ne­ment des can­di­dats aux élec­tions pré­si­den­tielles, par exemple, mais quelques jours après les élec­tions ça n’aurait plus eu d’intérêt. Je pré­fère tra­vailler sur des sujets qui res­tent dans le temps : les rap­ports du GIEC, les dif­fé­rents sec­teurs émet­teurs, la bio­di­ver­si­té, l’énergie, etc.

L’écologie est le fil conducteur de toutes tes vidéos. Est-elle une passion que tu cultives depuis des années ?

Pen­dant pas mal de temps j’étais à l’écoute de ce sujet, mais sans en être par­ti­cu­liè­re­ment pas­sion­né. C’est la rai­son pour laquelle j’ai hési­té sur le choix de ma for­ma­tion : je vou­lais me lais­ser des portes ouvertes au-delà de ma spé­cia­li­sa­tion en mathé­ma­tiques appli­quées. Mon déclic pour le pas­sage à l’action est arri­vé à l’École grâce au binet DDX, aujourd’hui NeXt. Pour moi ils ont été une des asso­cia­tions les plus actives sur le cam­pus. Je me rap­pelle qu’ils avaient orga­ni­sé beau­coup d’événements : pen­dant une semaine ils avaient intro­duit de petits défis, comme man­ger végé­ta­rien ou bais­ser le chauf­fage, des actions à grand impact indi­vi­duel. Après une semaine je ne vou­lais plus m’arrêter, mais pas­ser aus­si à un impact au niveau col­lec­tif : pen­dant le deuxième confi­ne­ment, je me suis lan­cé dans le pro­jet de ma chaîne YouTube.

“ Mon déclic pour le passage à l’action est arrivé à l’École grâce au binet DDX, aujourd’hui NeXt.”

Tu collabores avec des experts, des professionnels, des figures académiques qui sont invités dans ta chaîne. Comment as-tu créé ce réseau ? 

Je ne suis pas vrai­ment timide dans la vie, mais en ligne beau­coup plus ! Je me suis for­cé et j’ai com­men­cé à envoyer des cour­riels pour invi­ter des per­sonnes sur dif­fé­rents sujets de vidéo. Ma chaîne You­Tube, même si elle est encore assez petite, me per­met aus­si de me faire connaître. Et, grâce à des amis, j’ai pu ren­con­trer des per­son­na­li­tés publiques comme Jean-Marc Jan­co­vi­ci (X81) qui a par­ti­ci­pé, comme invi­té, à une de mes vidéos. Je suis aus­si confé­ren­cier, cela aide beau­coup pour ren­con­trer du monde.

Anatole Chouard anime aussi des conférences.
Ana­tole Chouard anime aus­si des conférences.

Le sujet des conférences est-il focalisé strictement sur l’environnement ?

Oui, prin­ci­pa­le­ment. Comme je le dis sou­vent, pour choi­sir un sujet de confé­rence, c’est comme au res­tau­rant : le menu est la chaîne You­Tube, vous – entre­prises, uni­ver­si­tés, col­lèges, lycées, asso­cia­tions – choi­sis­sez entrée, plat, des­sert par­mi les vidéos pré­sentes sur la chaîne, qui sont aus­si dis­po­nibles en for­mat confé­rence. Je m’adapte aus­si selon les besoins, les sujets choi­sis et le public en face de moi. J’utilise sou­vent l’interaction avec le public car j’adore le contact avec les gens. Je com­mence et finis mes confé­rences en fai­sant des expé­riences sociales dans l’objectif de les sen­si­bi­li­ser au pas­sage concret à l’action.

Quel est ton moyen d’action préféré entre les conférences et les vidéos ? 

Je pré­fère pré­sen­ter une confé­rence pour l’interaction directe avec le public. De plus une confé­rence génère tou­jours de l’adrénaline, ce qui me sti­mule au quo­ti­dien. Cela me per­met aus­si de ren­con­trer des abon­nés à ma chaîne You­Tube, ce qui est tou­jours agréable ! Mais les deux for­mats sont com­plé­men­taires, je n’aimerais pas être seule­ment confé­ren­cier ou seule­ment sur You­Tube. J’aime beau­coup le fait d’effectuer des recherches en vue de la construc­tion et de la pré­pa­ra­tion de mes vidéos.

Est-ce que le fait d’être un polytechnicien te donne de la légitimité ?

Je pense que la plu­part des gens ne le savent pas. Per­son­nel­le­ment je pré­fère ne pas le dire, mais ce dont je me rends compte, c’est que j’ai moins de dif­fi­cul­tés à être appe­lé pour faire des confé­rences que d’autres vul­ga­ri­sa­teurs, car les gens inté­res­sés se ren­seignent et retrouvent faci­le­ment ma for­ma­tion sur LinkedIn.

Penses-tu que la formation polytechnicienne a aidé au succès de tes vidéos, toujours très rigoureuses et précises ?

Mer­ci ! Oui je pense que ça m’aide beau­coup pour l’analyse et le résu­mé de papiers de recherche. Aus­si en pré­pa il y avait une matière appe­lée ana­lyse des docu­ments scien­ti­fiques (ADS), consa­crée à l’étude et à la com­pa­rai­son de papiers assez tech­niques. À l’époque ce n’était pas ma matière pré­fé­rée, mais elle m’a appris la bonne méthode. Je com­mence main­te­nant à déve­lop­per une sorte de pas­sion pour les méta-ana­lyses scientifiques !

Est-ce que parler de ces sujets, si sensibles et actuels, te touche personnellement ?

C’est vrai que par­ler de sujets qui nous impactent direc­te­ment est quelque chose de com­pli­qué, anxio­gène et par­fois effrayant. On peut par­fois être dépri­mé en regar­dant la réa­li­té, mais le plus impor­tant, c’est d’être conscient du constat pour pas­ser direc­te­ment à l’action. Quel­que­fois les gens me demandent com­ment je peux res­ter neutre face à cer­tains sujets. Je pense que mon­trer ma peur serait contre-pro­duc­tif (je me trompe peut-être), donc j’essaie de res­ter calme. Per­son­nel­le­ment j’aime être le plus neutre pos­sible. Je me vois comme un scien­ti­fique qui fait de la vul­ga­ri­sa­tion pour trans­mettre les concepts de base d’une façon claire et simple.

Est-ce que tu connais le groupe X Urgence écologique ? 

Oui, j’ai ren­con­tré Auré­lie Moy (X13) qui en fait par­tie, il y a aus­si le col­lec­tif « Pour un réveil éco­lo­gique » dont les créa­teurs appar­tiennent à ma pro­mo­tion. Je suis à dis­tance les acti­vi­tés des col­lec­tifs, mais je suis heu­reux de voir que de nou­veaux pro­jets émergent régu­liè­re­ment. Beau­coup de pro­mos sont très actives et je m’en réjouis.

Es-tu en liaison avec des camarades ? 

J’ai gar­dé pas mal d’amis bien sûr, mais je suis aus­si en liai­son avec d’autres X qui sont vul­ga­ri­sa­teurs sur You­Tube. Par exemple, j’ai fait des vidéos avec Lê Nguyên Hoang (X07) et Romain du Marais (X14). Sur leurs chaînes « Science4all » et « Pour 1nfo », ils vul­ga­risent les risques de l’intelligence arti­fi­cielle et de la cyber­sé­cu­ri­té, res­pec­ti­ve­ment. Je trouve ça très per­ti­nent car ce sont des sujets qui sont en train de bou­le­ver­ser les choses et qui sont assez mal trai­tés dans les médias.

Quels sont tes projets pour l’avenir ?

Je vais bien sûr conti­nuer mon tra­vail sur You­Tube et ma car­rière de confé­ren­cier. Mais j’aimerais à l’avenir élar­gir cette vul­ga­ri­sa­tion scien­ti­fique en par­lant d’autres sujets scien­ti­fiques : la science de la musique, du sport, l’astrophysique, etc. Bien sûr les sciences de l’environnement seront tou­jours pré­sentes car essen­tielles, mais ça me per­met­tra d’agrandir à la fois mon « menu » et mon appé­tit pour les sciences !


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