Hynamics

Hynamics : de très belles perspectives de croissance en vue !

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°780 Décembre 2022
Par Christelle ROUILLÉ

Sou­te­nue par le groupe EDF, Hyna­mics se déve­loppe dans le sec­teur en plein essor de l’hydrogène en se concen­trant sur deux sec­teurs d’activité stra­té­giques pour la décar­bo­na­tion de nos éco­no­mies : la mobi­li­té et l’industrie. Chris­telle Rouillé, CEO de Hyna­mics, revient sur la créa­tion de l’entreprise, son posi­tion­ne­ment, les pro­jets en cours, ain­si que les pers­pec­tives de déve­lop­pe­ment. Rencontre. 

La genèse de Hynamics est liée à votre parcours au sein d’EDF. Pouvez-vous nous en dire plus ?

J’ai, en effet, eu la chance d’évoluer au sein du groupe EDF qui offre une plu­ra­li­té de car­rières et de métiers. Pen­dant près de 10 ans, au sein de EDF Renou­ve­lables, j’ai été en charge du déve­lop­pe­ment de cen­trales solaires et éoliennes, puis de leur exploi­ta­tion et main­te­nance. C’est dans la conti­nui­té de cette acti­vi­té que la ques­tion de l’hydrogène s’est posée. En 2018, dans le cadre du plan sto­ckage d’EDF, nous nous sommes alors très vite ren­dus compte que l’hydrogène n’était pas seule­ment un vec­teur de sto­ckage, mais aus­si un vec­teur de décar­bo­na­tion de l’économie et plus par­ti­cu­liè­re­ment des sec­teurs d’activité les plus émet­teurs de CO2.

À par­tir de là, une dyna­mique autour de l’hydrogène s’est mise en place au sein du groupe EDF avec l’élaboration de la stra­té­gie hydro­gène, qui est venue confir­mer le rôle de l’hydrogène comme vec­teur éner­gé­tique. Sur le plan R&D, des équipes ont creu­sé le sujet notam­ment au sein d’Eifer (Euro­pean Ins­ti­tute for Ener­gy Research), un labo­ra­toire com­mun entre EDF et l’Université de Karls­ruhe en Alle­magne. En paral­lèle, le groupe a pris une par­ti­ci­pa­tion dans McPhy, un fabri­cant d’électrolyseurs, une déci­sion qui nous a per­mis d’être très vite en prise avec des enjeux opé­ra­tion­nels et des pro­blé­ma­tiques très concrètes aus­si bien sur le plan busi­ness, com­mer­cial que tech­nique et technologique.

C’est dans cette conti­nui­té que j’ai créé Hyna­mics. Incu­bée au sein de EDF Pulse, Hyna­mics est une véri­table aven­ture intra­pre­neu­riale. À toutes les étapes du pro­jet, j’ai pu comp­ter sur le sou­tien, les exper­tises et les com­pé­tences du Groupe, même si pour un éner­gé­ti­cien, l’hydrogène, qui est un gaz, n’est pas for­cé­ment un posi­tion­ne­ment « natu­rel ». Depuis le lan­ce­ment de Hyna­mics en 2019, l’entreprise connaît une très forte crois­sance. J’ai démar­ré seule au départ. Quelques mois plus tard, nous étions 4 et, depuis, nous dou­blons nos effec­tifs chaque année. Nous serons une cen­taine fin 2022.

Hynamics produit de l’hydrogène aussi bien pour des applications dans le secteur de la mobilité que de l’industrie. Pouvez-vous nous en dire plus ? 

En effet, l’hydrogène va nous per­mettre d’aborder les deux sec­teurs d’activité les plus émet­teurs de CO2 : la mobi­li­té et l’industrie. Actuel­le­ment, l’industrie uti­lise un hydro­gène qui est pro­duit mas­si­ve­ment par des éner­gies fos­siles. Ain­si, pour 1 kg d’hydrogène pro­duit à par­tir d’énergie fos­sile, c’est plus de 10 kg de CO2 qui sont émis. Et à l’heure actuelle, dans le monde, 95 % de l’hydrogène est pro­duit à par­tir d’énergies fos­siles. Une des pistes pour contri­buer à réduire for­te­ment les émis­sions de CO2 de ce sec­teur est donc de rem­pla­cer cet hydro­gène par un hydro­gène bas car­bone ou renou­ve­lable pro­duit à par­tir d’une élec­tri­ci­té bas car­bone ou pro­ve­nant de parcs éoliens ou photovoltaïques.

Concernant le secteur de la mobilité, à quel niveau intervenez-vous et que proposez-vous ?

Actuel­le­ment, c’est essen­tiel­le­ment la mobi­li­té lourde qui est concer­née par le déve­lop­pe­ment de l’hydrogène. Nous esti­mons au sein du groupe EDF que la bat­te­rie élec­trique devrait pou­voir répondre aux enjeux de la mobi­li­té légère.

Tou­te­fois, pour des dis­tances plus impor­tantes, une plus grande auto­no­mie et la pos­si­bi­li­té de rechar­ger dans un temps plus court, l’hydrogène s’impose comme la solu­tion la plus per­ti­nente aus­si bien pour les poids lourds que pour des flottes de bus ou encore des bennes à ordures, par exemple.

Sur la ques­tion de la mobi­li­té, nous tra­vaillons au cœur des ter­ri­toires en capi­ta­li­sant sur le fort ancrage ter­ri­to­rial du Groupe. Ce posi­tion­ne­ment nous per­met, d’ailleurs, d’accompagner les col­lec­ti­vi­tés locales qui, en confor­mi­té avec une direc­tive euro­péenne, devront se doter d’une flotte de trans­port urbain à faible émis­sion de CO2 à hori­zon 2023 et zéro émis­sion dès 2030. En octobre 2021, nous avons ain­si mis en ser­vice notre pre­mière sta­tion de pro­duc­tion et de dis­tri­bu­tion d’hydrogène « Aux­HY­Gen » à Auxerre pour ravi­tailler les nou­veaux bus hydro­gène de l’agglomération.

Nous déve­lop­pons actuel­le­ment la future sta­tion hydro­gène du Grand Bel­fort qui aura voca­tion à ali­men­ter, dans un pre­mier temps, les 7 pre­miers bus à hydro­gène du SMTC (Syn­di­cat Mixte des Trans­ports en Com­mun) du Grand Bel­fort avec une mise en ser­vice pré­vue au prin­temps 2023. En paral­lèle, d’autres pro­jets sont en cours de déve­lop­pe­ment. Nous espé­rons la mise en ser­vice de trois sta­tions de pro­duc­tion et de dis­tri­bu­tion d’hydrogène par an, majo­ri­tai­re­ment en France, et pro­gres­si­ve­ment au Royaume-Uni.

Pour déve­lop­per ces pro­jets, en amont de la concep­tion, nous recher­chons, dans un pre­mier temps, un client, qui peut être une col­lec­ti­vi­té ou un indus­triel, puis, assez rapi­de­ment nous sécu­ri­sons des sub­ven­tions. En effet, la pro­duc­tion d’hydrogène par élec­tro­lyse de l’eau reste plus coû­teuse que celle issue de res­sources fos­siles. L’hydrogène que nous pro­dui­sons a un coût com­pris entre 12 et 14 euros le kilo. Pour être attrac­tif et com­pé­ti­tif, voire à pari­té avec le car­bu­rant die­sel, il nous fau­drait être à 6 ou 7 euros le kilo. Pour par­ve­nir à ces prix, nous avons besoin de sub­ven­tions, comme celles enga­gées par les plans et stra­té­gies hydro­gène por­tés par la France et l’Europe.

Qu’en est-il du volet industrie ? 

Nous accom­pa­gnons les indus­tries dans la décar­bo­na­tion de leurs acti­vi­tés. Pour des sec­teurs indus­triels qui uti­lisent l’hydrogène dans leurs pro­cess de pro­duc­tion (les raf­fi­ne­ries, la chi­mie, la métal­lur­gie, la ver­re­rie…), l’idée est de sub­sti­tuer cet hydro­gène pro­duit à par­tir d’hydrocarbures par de l’hydrogène bas car­bone. Pour ce faire, nous ins­tal­lons donc un élec­tro­ly­seur au plus proche de leur pro­ces­sus indus­triel pour leur four­nir de l’hydrogène bas car­bone. En paral­lèle, l’hydrogène est une alter­na­tive inté­res­sante quand il n’est pas pos­sible d’électrifier un pro­cess ou une acti­vi­té pour la décar­bo­ner. C’est notam­ment le cas des cimen­te­ries qui émettent beau­coup de CO2.

Ces der­nières sont géné­ra­le­ment iso­lées géo­gra­phi­que­ment et leur élec­tri­fi­ca­tion est très sou­vent com­plexe, voire impos­sible. Une des pistes pour décar­bo­ner cette indus­trie est de cap­ter le CO2 émis ! Celui-ci peut ensuite être com­bi­né à de l’hydrogène pour pro­duire du métha­nol. Avec le cimen­tier Vicat, nous déve­lop­pons, en ce sens, le pro­jet Hyno­vi qui per­met­tra de pro­duire du métha­nol pour les besoins du trans­port mari­time, où il pour­ra être uti­li­sé comme car­bu­rant, ou pour la fabri­ca­tion de cer­tains pro­duits, comme les sol­vants ou déter­gents. Nous tra­vaillons sur d’autres pro­jets indus­triels, avec Domo Che­mi­cals par exemple qui, a besoin d’hydrogène pour la pro­duc­tion de poly­amides, ain­si qu’avec Borea­lis, un fabri­cant d’engrais, qui pour pro­duire de l’ammoniac uti­lise de l’hydrogène.

Actuel­le­ment, nous déve­lop­pons des pro­jets indus­triels en France mais aus­si en Alle­magne qui a un tis­su indus­triel très intéressant.

Quels leviers permettraient de donner un coup d’accélérateur au développement de la filière hydrogène ?

Nous sommes confron­tés à un enjeu règle­men­taire. Les lois et les textes qui per­met­tront à l’hydrogène de se déve­lop­per sont encore en réflexion ou en cours de dis­cus­sion entre les états membres, les indus­triels et la Com­mis­sion euro­péenne. C’est un enjeu struc­tu­rant, car ces textes ont voca­tion à dic­ter la manière dont les pro­jets vont notam­ment être subventionnés.

Sur un plan plus opé­ra­tion­nel, il y a aus­si un enjeu tech­no­lo­gique : indus­tria­li­ser la fabri­ca­tion d’électrolyseurs de grande taille. Le carac­tère repro­duc­tible et évo­lu­tif de la tech­no­lo­gie est déter­mi­nant pour déployer des pro­jets de taille signi­fi­ca­tive qui per­met­tront, in fine, à la filière d’être ren­table et de réduire les coûts. Aujourd’hui, l’hydrogène connaît la même situa­tion que les éner­gies renou­ve­lables au début de leur déve­lop­pe­ment. À l’époque pour sou­te­nir cette filière renou­ve­lable, les États et gou­ver­ne­ments avaient mis en place des tarifs régle­men­tés qui ont contri­bué à sécu­ri­ser l’offre tech­no­lo­gique, mais aus­si les reve­nus des socié­tés pro­dui­sant de l’électron vert.

Cette dimen­sion finan­cière est un levier impor­tant qui va, en outre, per­mettre de créer des emplois et de déve­lop­per une exper­tise fran­çaise et euro­péenne. C’est aus­si un moyen pour la France et l’Europe de relo­ca­li­ser cer­taines indus­tries. Plus tôt dans l’interview, j’ai évo­qué la pro­duc­tion du métha­nol. Aban­don­née il y plu­sieurs années en France, le métha­nol est aujourd’hui impor­té pour répondre aux besoins des indus­triels fran­çais. Le déve­lop­pe­ment de l’hydrogène nous donne l’opportunité de créer, en France, une filière de méthanol.

Quelques mots pour conclure ? 

Dans le cadre de son plan hydro­gène, le groupe EDF vise, à échéance 2030, le déve­lop­pe­ment de 3 giga­watts d’électrolyse dans le monde afin de pou­voir accom­pa­gner une plu­ra­li­té de pro­jets. Pour y par­ve­nir, nous pri­vi­lé­gions une démarche par­te­na­riale avec des acteurs de la mobi­li­té et des indus­triels, mais aus­si des fonds d’investissement qui sou­haitent par­ti­ci­per au déve­lop­pe­ment de cette filière.

Dans le cadre de la tran­si­tion éner­gé­tique et la volon­té d’atteindre la neu­tra­li­té car­bone à hori­zon 2050, l’hydrogène va nous per­mettre de réduire les émis­sions de CO2, mais aus­si de réin­dus­tria­li­ser notre pays et de créer de nou­velles com­pé­tences et des emplois. C’est indé­nia­ble­ment un levier au ser­vice de notre sou­ve­rai­ne­té et indé­pen­dance énergétique.

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