Wagner : TANNHÄUSER

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°649 Novembre 2009Par : Waltraud Meier, Robert Gambill, Festival de Baden-Baden Direction Philippe JORDANRédacteur : Marc DARMON (83)

Coffret du DVD TannhäuserAprès quelques essais de jeunesse, Wag­n­er révo­lu­tion­na réelle­ment l’opéra avec le Vais­seau fan­tôme et Tannhäuser. On con­sid­ère sou­vent que ces deux opéras sont une bonne intro­duc­tion à Wag­n­er, car plus faciles d’accès que les suiv­ants qui mon­trent plus d’innovations har­moniques et d’enchevêtrement des thèmes musi­caux. Tannhäuser est aus­si le pre­mier opéra de Wag­n­er à dis­pos­er vrai­ment et net­te­ment de la struc­ture équili­brée en trois actes des futurs opéras. Le sujet se résume « facile­ment » : Tannhäuser réside au Venus­berg auprès de Vénus, dans une vie de débauche, avant de retourn­er retrou­ver l’amour auprès d’Élisabeth. Mais son passé est décou­vert, et il est ban­ni loin de la cour et d’Élisabeth. Il ne pour­ra revenir que s’il va à Rome avec des pèlerins (le choeur de pèlerins « hante » tout l’opéra) et obtient l’absolution du Pape. Ce dernier la lui refuse, ou plutôt lui exprime qu’il l’obtiendra unique­ment quand son bâton de bois se met­tra à fleurir. Naturelle­ment, à la fin de l’acte III, le bâton fleu­rit et Tannhäuser épouse Élisabeth.

La pro­duc­tion de Niko­laus Lehnoff à Baden-Baden est très réussie et méri­tait d’être immor­tal­isée. Musi­cale­ment, il n’y a que des com­pli­ments à faire. Wal­traud Meier, qui chante le rôle de Vénus depuis près de trente ans, est mag­nifique à tout point de vue. Quel dom­mage que le met­teur en scène n’ait pas eu l’audace, comme cela se fait par­fois, de dis­tribuer Vénus et Élis­a­beth à la même chanteuse. Cela nous aurait fait prof­iter de la présence de Wal­traud Meier pen­dant trois actes. Au con­traire Lehn­hoff joue sur les con­trastes et préfère une Élis­a­beth qui soit l’opposé de Vénus, en ter­mes de sen­ti­ments (pureté et amour fil­ial con­tre débauche et provo­ca­tion), de cos­tume et de mou­ve­ments. D’ailleurs, Camil­la Nylund est une Élis­a­beth très émou­vante (par exem­ple lorsqu’elle demande le par­don pour Tannhäuser), et elle fig­ure avec Robert Gam­bill un ensem­ble d’amoureux très crédi­bles et musi­cale­ment irréprochables (quel duo de l’acte II!).

Le jeune chef Philippe Jor­dan devient à 34 ans le nou­veau directeur musi­cal de l’Opéra de Paris, après avoir déjà fait ses preuves à Berlin avec ce Tannhäuser, Vienne (Capric­cio), Covent Gar­den (Salomé, com­men­té ici en mai dernier) et Zurich (la Tétralo­gie). Il est ici par­fait, faisant preuve à la fois de musi­cal­ité et de grande maîtrise.

Si ce DVD est remar­quable musi­cale­ment comme on l’a dit, le spec­ta­cle est égale­ment très réus­si visuelle­ment. Après un pre­mier acte en blanc et noir et avant un troisième acte très recueil­li où les per­son­nages sont habil­lés de som­bre, les chanteurs évolu­ent très col­orés au sec­ond acte dans un décor dépouil­lé. Il est vrai que la pro­duc­tion a pris le par­ti de nous ren­dre l’intrigue agréable à voir, ce qui n’est mal­heureuse­ment pas tou­jours le cas de nos jours. Les cos­tumes sont sim­ples (dif­fi­cile de dater l’époque qu’ils sont cen­sés représen­ter) mais très per­ti­nents et rich­es : par exem­ple les cos­tumes dif­fèrent en fonc­tion de l’importance des per­son­nages, et chaque cheva­lier mon­tre au moins trois tenues (rouge pro­fond, or ou noir) au cours des trois actes. La qual­ité tech­nique des images est excel­lente, ren­for­cée par la présence de nom­breux gros plans.

Naturelle­ment, comme dans toute pro­duc­tion, il existe des détails qui con­va­in­quent moins que d’autres. Nous n’avons pas été con­quis, avouons-le, par le déguise­ment en ver de terre des Naïades, ni par le micro pas­sant de main en main lors d’un con­cours de chant trans­for­mé ain­si en karaoké médié­val (musi­cale­ment d’une grande ten­sion). Mais tout cela est bien véniel com­paré au plaisir des oreilles et des yeux que nous offre l’ensemble de ce DVD, très bonne intro­duc­tion à Wagner

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