W.A. Mozart : Œuvres pour piano

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°685 Mai 2013Par : Daniel Barenboïm, piano et direction, Orchestre philharmonique de BerlinRédacteur : Marc DARMON (83)

Les concer­tos pour pia­no de Mozart sont une des réus­sites incon­tes­tées du cata­logue des enre­gis­tre­ments de Daniel Baren­boïm. Diri­geant du pia­no l’English Cham­ber Orches­tra, il enre­gis­tra très jeune, entre 1966 et 1975, une inté­grale des vingt-sept Concer­tos consi­dé­rée comme une réfé­rence depuis qua­rante ans (10 CD EMI).

Coffret des DVD de Barenboïm, Concertos et Sonates de MozartIl les réen­re­gis­tra vingt ans plus tard à la tête de l’Orchestre phil­har­mo­nique de Ber­lin, simul­ta­né­ment avec ces films qui nous sont ren­dus en DVD et en Blu-Ray. Il faut se réjouir de pou­voir enfin voir ces mer­veilles du disque.

Mozart a don­né ses lettres de noblesse au genre du concer­to pour pia­no, créant la tran­si­tion entre les concer­tos pour cla­ve­cin déve­lop­pés par Bach (ini­tia­le­ment en imi­ta­tion de concer­tos de Vival­di) et les véri­tables concer­tos pour piano.

Ouvrant la voie à ses suc­ces­seurs Bee­tho­ven, Brahms, Tchaï­kovs­ki, Schu­mann, Rach­ma­ni­nov, etc., Mozart en a com­po­sé vingt-sept, dont les huit der­niers, ceux de la grande matu­ri­té du com­po­si­teur, sont publiés ici en un disque Blu-Ray de quatre heures trente.

Manquent mal­heu­reu­se­ment les grands numé­ros 17, 18 et 19. Mais ces huit concer­tos sont des mer­veilles. Si vous les décou­vrez, écou­tez les mou­ve­ments lents du 20e (avec l’orage tumul­tueux au milieu), du 21e (connu dans les années 1960 comme la bande sonore du film Elvi­ra Madi­gan) ou du 23e (repris dans L’Incompris de Comencini).

Ces concer­tos sont enre­gis­trés dans le très beau cadre de la vil­la Sie­mens, dans trois salles dif­fé­rentes, avec des réa­li­sa­teurs (le grand Jean-Pierre Pon­nelle pour le Concer­to n° 21) et des pla­ce­ments de camé­ras dif­fé­rents pour chaque concer­to, évi­tant ain­si la monotonie.

Baren­boïm dirige du cla­vier, se levant lorsqu’il le peut. Son pia­no, qui n’est que légè­re­ment ouvert, per­met à l’orchestre de le voir. Les cadences, ces moments solistes du pia­niste, sou­vent à la fin du pre­mier mou­ve­ment, lais­sées libres par le com­po­si­teur, sont de Baren­boïm lui-même. Elles sont par­fai­te­ment dans le ton, dans le style, repre­nant les thèmes du mouvement.

Concert public

Dans le concert public don­né à Prague en 2006, Baren­boïm retrouve le Phil­har­mo­nique de Ber­lin. Il joue le 22e Concer­to, déjà enre­gis­tré vingt ans plus tôt dans le cof­fret com­men­té ci-des­sus. Les deux inter­pré­ta­tions sont très inté­res­santes à com­pa­rer, son jeu est peut-être encore plus libre en public.

Comme dans l’enregistrement des années 1980, l’orchestre de Ber­lin est réduit (quatre contre­basses et six vio­lon­celles tout de même), mais jamais mai­gre­let. Le posi­tion­ne­ment des cordes graves der­rière les pre­miers vio­lons per­met un équi­libre et un son superbe.

Ce concert est com­plé­té par deux sym­pho­nies de la matu­ri­té, la 35e Haff­ner, du nom du maire de Salz­bourg, et la 36e Linz, et d’un concer­to pour cor où le pre­mier cor de l’orchestre, le Tchèque Radek Babo­rak, joue le rôle de soliste devant « son » public, avec une magni­fique sono­ri­té de velours, jamais agressive.

Très beau concert « euro­péen » de la Phil­har­mo­nie de Ber­lin, comme tous les 1er Mai (trou­vez aus­si le concert Brahms à Athènes, avec Simon Rat­tle, et Baren­boïm au pia­no, Euroarts également).

L’autre recueil de Sonates

Les connais­seurs aiment Baren­boïm dans Mozart, non seule­ment les Concer­tos mais éga­le­ment les Sonates.

Les dix-huit sonates de Mozart sont bien plus rare­ment enten­dues au concert que le fameux recueil des trente-deux sonates de Bee­tho­ven, d’une géné­ra­tion plus jeune. Enre­gis­trées comme les Concer­tos dans de beaux salons bien déco­rés, à la fin des années 1980, elles sont pré­sen­tées par ordre chro­no­lo­gique sur trois DVD.

Baren­boïm, très habillé pour ces cap­ta­tions, joue dans un style qui res­semble beau­coup à ses enre­gis­tre­ments, plus connus, de sonates de Bee­tho­ven : une grande clar­té mal­gré une pédale sou­te­nue, un grand clas­si­cisme mal­gré une émou­vante poé­sie, et sur­tout un son et un tou­cher fabuleux.

Retrou­vez tout cela éga­le­ment dans son récent enre­gis­tre­ment de Bee­tho­ven, fil­mé par Andy Som­mer (5 DVD EMI), un indis­pen­sable de toute DVDthèque.

Regar­dez ces sonates une par une (il y en a pour cinq heures de pur plai­sir, avec un son magni­fique), et redé­cou­vrez ces pièces, par­fois rabâ­chées par les débu­tants, ici trans­cen­dées : Par exemple une K. 331 excep­tion­nelle, avec son pre­mier mou­ve­ment et ses quinze minutes de varia­tions par­fai­te­ment dif­fé­ren­ciées, la Marche turque ici idéale. Ou alors la Sonate facile K. 545, avec un second mou­ve­ment d’une len­teur rare, exha­lant ici une poé­sie incroyable.

N’allez pas cher­cher ailleurs votre pia­no de Mozart !

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