Virgil aide les jeunes à devenir propriétaires

Virgil permet aux jeunes de devenir propriétaires de leur logement

Dossier : TrajectoiresMagazine N°776 Juin 2022
Par Hervé KABLA (84)

En 2018, Key­van Nil­foroushan (X98) a cofondé Vir­gil, qui vise à aider les jeunes act­ifs à devenir pro­prié­taires et à se libér­er de l’esclavage du loy­er. Accéder à la pro­priété sans apport parental ou famil­ial reste dif­fi­cile même pour les diplômés des grandes écoles. Vir­gil remédie à ces iné­gal­ités d’accès au pat­ri­moine en investis­sant aux côtés de ses clients.

Quelle est l’activité de Virgil ? 

Vir­gil aide les jeunes act­ifs à devenir pro­prié­taires de leur loge­ment. Pour ce faire, nous investis­sons auprès d’eux jusqu’à 100 000 euros, en com­plé­ment du crédit immo­bili­er que nous leur obtenons. Ce n’est pas un prêt, c’est du cap­i­tal. Nous devenons pro­prié­taires avec eux, ne tou­chons aucun loy­er et nous rémunérons seule­ment au moment de la revente. 

Quel est le parcours des fondateurs ? 

Fraîche­ment diplômé de l’X et de l’Ensae, j’ai rejoint un fonds de pri­vate equi­ty en cours de créa­tion, NextStage. À l’époque, c’était un risque incon­sid­éré – en 2002, on sor­tait de la crise, per­son­ne ne voulait enten­dre par­ler d’investissement ! Mais le risque a payé : j’en suis rapi­de­ment devenu asso­cié et directeur général. J’avais 27 ans. Au bout de quelque temps, j’ai eu le sen­ti­ment de tourn­er en rond. J’évoluais dans un écosys­tème fer­mé, très loin de l’opérationnel. Alors je me suis asso­cié avec les fon­da­teurs de One­fines­tay pour mon­ter ce qui deviendrait le leader européen de la loca­tion d’appartements haut de gamme. J’en suis par­ti un an après que nous avons reven­du la société au groupe Accor. De son côté, mon asso­ciée Sask­ia Fiszel a un par­cours beau­coup plus ori­en­té vers le con­som­ma­teur final : Sci­ences Po, l’Essec et des mar­ques de grande con­som­ma­tion comme L’Oréal et Nestlé.

Keyvan Nilforoushan (98) a cofondé Virgil, qui vise à aider les jeunes actifs à devenir propriétaire
Key­van Nil­foroushan (98) a cofondé Vir­gil, qui vise à aider les jeunes act­ifs à devenir propriétaire

Comment vous est venue l’idée ?

Pour One­fines­tay nous avons recruté énor­mé­ment de col­lab­o­ra­teurs au pro­fil sim­i­laire : des diplômés de grandes écoles au par­cours promet­teur, qui avaient tout réus­si. Nous avons observé un phénomène assez sys­té­ma­tique : seuls ceux qui pou­vaient compter sur l’aide de leurs par­ents ont réus­si à devenir pro­prié­taires. Les autres, n’ayant pas accès à ce pat­ri­moine famil­ial, sont restés locataires mal­gré leur suc­cès académique et pro­fes­sion­nel. Cela a un impact social majeur : de généra­tion en généra­tion, les iné­gal­ités de pat­ri­moine sont non seule­ment trans­mis­es mais aus­si ampli­fiées. Nous avons décidé d’y faire quelque chose. 

Quelles ont été les étapes clés depuis la création ? 

Acheter un apparte­ment, c’est l’une des plus grandes déci­sions finan­cières que l’on puisse pren­dre à l’échelle d’une vie. Pour accom­pa­g­n­er nos clients, nous avons choisi de faire notre pre­mière lev­ée de fonds très vite, avant même de com­mencer nos opéra­tions. Nous savions que ce serait néces­saire pour offrir à nos pre­miers clients un accom­pa­g­ne­ment à la hau­teur, sur un marché de l’immobilier qui peut être par­fois si déroutant. Bien enten­du, cela n’était pos­si­ble que parce que notre par­cours pro­fes­sion­nel nous don­nait une cer­taine crédi­bil­ité. Cela nous a per­mis aus­si de rapi­de­ment con­stituer une équipe.

One­fines­tay avait une mar­que employeur extra­or­di­naire grâce à des codes très dif­férents fondés sur le ser­vant lead­er­ship, un man­age­ment au ser­vice de l’employé. Mais c’était avant que les start-up ne fussent tant à la mode… Sans cette notoriété-là, le recrute­ment doit s’appuyer sur la per­son­nal­ité des fon­da­teurs, c’est un exer­ci­ce très dif­férent. Enfin, nous avons acquis notre tout pre­mier client. Aujourd’hui, acheter des apparte­ments avec nos clients, c’est notre quo­ti­di­en. Mais la pre­mière fois est de loin la plus dif­fi­cile : il faut con­va­in­cre tout l’écosystème – ban­ques, notaires, agents immo­biliers – que l’on peut acheter un apparte­ment dif­férem­ment. Une fois que l’on a franchi ce Rubi­con une pre­mière fois, les choses sont plus évidentes.

Pourquoi l’accès à la propriété est-il devenu quasi impossible pour autant de familles en France ? 

Nous savons que 96 % des 25–34 ans qui sont locataires le sont mal­gré eux. Presque tou­jours, l’obstacle est de nature finan­cière. Para­doxale­ment, sou­vent, on peut acheter, mais trop petit, trop loin, trop moche même par rap­port à ce qu’on peut louer. Et donc on ne saute pas le pas. Et c’est nor­mal : depuis 2000, le prix de mètre car­ré parisien a aug­men­té de 150 % alors que les revenus disponibles, eux, ont stag­né. En par­al­lèle, les ban­ques sont de plus en plus frileuses lorsqu’il s’agit d’accorder des prêts et les autorités de tutelle resser­rent les critères d’octroi.

“96 % des 25–34 ans sont locataires malgré eux.”

L’exode récent des villes vers la province va-t-il jouer en faveur d’un regain d’activité dans l’immobilier des particuliers ? 

Nous ne sommes pas près d’en finir avec les villes ! À l’encontre de la thèse d’un exode urbain, je pense que les villes ont encore de beaux jours devant elles. Le télé­tra­vail se généralise, certes, mais les car­rières ne se con­stru­isent pas à dis­tance : dans beau­coup d’entreprises, l’adage qui pré­vaut con­tin­ue d’être « loin des yeux, loin du cœur ». Pour pro­gress­er et saisir les occa­sions de car­rière, les jeunes voudront rester près du siège de leur entre­prise. Et puis il y a les pop­u­la­tions jeunes ou créa­tives qui, con­traire­ment à ce que l’on peut croire, ne boudent pas du tout les villes, bien au con­traire : elles ont besoin du bras­sage et de l’émulation qui ne peu­vent naître que dans ces lieux den­sé­ment peu­plés. Chez Vir­gil, nous nous adres­sons aux jeunes, juste­ment, et nous pen­sons qu’ils ont envie de rester citadins.

Il y a eu par le passé de sérieuses crises de l’immobilier (en 1987, en 2000), est-ce que cela ne risque pas de se reproduire ? 

Cela va très cer­taine­ment se repro­duire ! Mais ça importe peu pour un acquéreur. Lorsque l’on achète un apparte­ment, on trans­forme son loy­er en cap­i­tal, c’est le plus impor­tant. La spécu­la­tion sur le prix de son bien est un effet de sec­ond ordre. S’il con­tracte un prêt de 500 000 euros aujourd’hui, un acquéreur aura con­sti­tué près de 185 000 euros de cap­i­tal dans dix ans sim­ple­ment en rem­bour­sant ses men­su­al­ités. S’il reste locataire, en revanche, il sera en train de rem­bours­er l’emprunt de son bailleur par des men­su­al­ités de loy­er qui seront tout à fait per­dues pour lui. 

Pour nos investis­seurs, qui nous per­me­t­tent d’accompagner tous ces acquéreurs, la ques­tion se pose dif­férem­ment : ils veu­lent acheter de l’immobilier parisien rési­den­tiel. Même si l’immobilier parisien fluctue, ils savent que leur ren­de­ment sera meilleur avec nous qu’en investisse­ments directs. Et puis, en rem­plaçant les locataires par des pro­prié­taires-occu­pants, nous leur épargnons les prob­lèmes de chauffe-eau et autres joyeusetés qui vien­nent avec le statut de bailleur et détru­isent le ren­de­ment locatif… 

Les fintechs sont-elles en train de prendre la place que les banques ne sont plus capables d’occuper ?

Être ban­quier, c’est exercer plein de métiers à la fois. Le cœur de leur activ­ité, ce qui la définit, restera une affaire de ban­quier : trans­former les dépôts à court terme de cer­tains clients en crédit à plus long terme pour d’autres clients. Ce n’est pas un hasard si les fin­techs qui se posi­tion­nent sur ce seg­ment, Memo Bank par exem­ple, com­men­cent par obtenir une licence ban­caire. Mais, en plus de son cœur de méti­er, un ban­quier doit aujourd’hui savoir con­stru­ire une rela­tion avec ses clients, com­pren­dre leurs besoins et inven­ter des pro­duits et des modes rela­tion­nels qui leur con­vi­en­nent. Pour con­juguer ces métiers, les ban­ques malignes savent s’entourer d’un écosys­tème de fin­techs créa­teur de valeur pour elles. Les autres dépensent des for­tunes pour inven­ter des solu­tions dont leurs clients ne veu­lent pas.

En cas de remontée des taux, que deviendrait Virgil ? 

Il faut con­sid­ér­er de pair la hausse des taux et l’inflation, qui ont des impacts opposés sur les prix. Nous voyons déjà nos acquéreurs ressen­tir l’urgence d’acheter avant la remon­tée des taux, et la con­vic­tion que l’immobilier est une super­pro­tec­tion con­tre l’inflation. Évidem­ment, une hausse pro­longée aurait d’autres impacts dif­fi­ciles à prévoir aujourd’hui. Mais le pro­pre d’une start-up, c’est de savoir prof­iter des dis­con­ti­nu­ités de marché et je ne doute pas de notre capac­ité à tou­jours nous réin­ven­ter pour le faire.

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