Vins du Beaujolais

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°522 Février 1997Rédacteur : Laurens DELPECH

Avant-guerre, le beau­jo­lais était pour l’essentiel le vin des mâchons lyon­nais et des mémorables par­ties de boules qui les suiv­aient ou les accom­pa­g­naient. Il était servi en “ pots ” d’une con­te­nance de quar­ante-six cen­til­itres. Mis côte à côte, douze pots font un mètre, et la cou­tume était de débiter le beau­jo­lais au mètre, le patron offrant le treiz­ième mètre… C’était un vin canaille, la bois­son des gnafrons fron­deurs et des canuts, ce qu’on appelait un vin de cocher.

Et puis, le petit beau­jo­lais est devenu grand. On en boit main­tenant partout : à Paris comme à Tokyo, Syd­ney, New York, Lon­dres ou Berlin (les Alle­mands sont de grands ama­teurs de beau­jo­lais). Cet engoue­ment est rel­a­tive­ment récent, il peut d’ailleurs con­naître des hauts et des bas, mais le beau­jo­lais a pour lui deux atouts : c’est le meilleur des vins rouges pro­duits à par­tir du gamay noir à jus blanc.

Nulle part ailleurs que dans le Beau­jo­lais, on ne pro­duit de grands vins à par­tir de ce cépage robuste, pré­coce et peu sen­si­ble à la pour­ri­t­ure grise. Si on peut faire des bons vins de gamay dans la Loire et les coteaux du Lyon­nais (mais jamais du niveau des crus du beau­jo­lais), les ten­ta­tives de copie ital­i­ennes ou cal­i­forni­ennes n’ont guère d’intérêt. L’autre atout du beau­jo­lais, c’est que ce n’est jamais très cher ; c’est le vin des copains, des petits repas sym­pas, un vin à boire sans façon en sachant, comme le dis­ait Antoine Blondin, que “ tout le reste est litres et ratures ”.

Cha­cun con­naît le beau­jo­lais nou­veau, qui arrive dans les bou­tiques et sur les tables des restau­rants dès le troisième jeu­di de novem­bre. Paris est le plus gros client du primeur, suiv­ie par les autres grandes villes de stature inter­na­tionale : Lon­dres, New York, Tokyo. L’agrément de ces vins vient de ce qu’ils sor­tent juste de la cuve, et sont donc encore très près de la grappe, du soleil et du ter­roir. Ce sont des vins de tous les jours, faits pour accom­pa­g­n­er une cui­sine sim­ple et savoureuse. Au demeu­rant, le beau­jo­lais nou­veau n’est qu’une intro­duc­tion au vaste monde du beaujolais.

Dans ce monde, le critère de sélec­tion est le gran­it. La fron­tière passe au niveau de Ville­franche-sur- Saône et de la départe­men­tale 504 : au nord, on trou­ve les trente-neuf vil­lages méri­tant l’appellation beau­jo­lais- vil­lage, et par­mi eux les dix crus qui for­ment l’aristocratie du beau­jo­lais ; au sud (où il n’y a pas ou peu de gran­it, mais beau­coup de cal­caire), il n’y a pas de crus et beau­coup de vins dont cer­tains sont excel­lents et d’autres moins bons.

Petits ou grands, tous les beau­jo­lais sont faits de la même manière, selon une tech­nique de vini­fi­ca­tion très par­ti­c­ulière, qui est une modal­ité de la macéra­tion car­bonique. Les raisins sont empilés dans une cuve. Les baies du bas, écrasées par le poids des autres, don­nent un jus qui, activé par les lev­ures, fait par­tir la fer­men­ta­tion. Celle-ci se dif­fuse pro­gres­sive­ment aux grappes restées intactes, qui libèrent alors beau­coup d’arômes sous la pro­tec­tion du gaz car­bonique dégagé par la fer­men­ta­tion des pre­mières baies.

Une vini­fi­ca­tion de ce type bien con­duite donne des vins déli­cieux, avec de superbes arômes flo­raux et fruités, ce qui est notam­ment le cas du beau­jo­lais pro­duit au Château de Chas­se­las1 par Georges Rème (39), un vin d’un excel­lent rap­port qualité-prix.

Le Château de Chas­se­las pro­duit égale­ment un déli­cieux saint-véran, à base de vieilles vignes de chardon­nay et un mâcon rouge tout à fait excep­tion­nel, qui est une vraie frian­dise. En beau­jo­lais-vil­lage, il faut citer l’incontournable Jean-Charles Piv­ot2 (le frère de Bernard) qui fait un vin déli­cieux que l’on trou­ve chez Taillevent.

(À suiv­re)

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1. Château de Chas­se­las (tél. : 03.85.35.12.01).
2. Jean-Charles Piv­ot (tél. : 04.74.04.30.32).

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