KAYRROS marché des énergies

Une ressource incontournable pour le marché de l’énergie

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°749 Novembre 2019
Par Antoine ROSTAND (82)

Ren­contre avec Antoine Ros­tand (82), CEO & Co-fon­da­teur de Kayr­ros, qui nous en dit plus sur cette entre­prise et la com­bi­nai­son du monde de l’énergie à celui de l’information quantitative.

Dans quel contexte Kayrros a vu le jour ?

La nais­sance de Kayr­ros en 2016 s’inscrit à la confluence de deux constats fon­da­men­taux et com­plé­men­taires : d’un côté, la pénu­rie de don­nées qui frap­pait alors le sec­teur de l’énergie ; d’autre part, l’extraordinaire foi­son­ne­ment de don­nées ren­du pos­sible par les tech­no­lo­gies nou­velles et l’avènement de l’intelligence arti­fi­cielle et du machine lear­ning. Tout le pro­jet ori­gi­nel de Kayr­ros peut être résu­mé comme une entre­prise d’arbitrage des connais­sances et de la trans­pa­rence, un effort pour com­bler le fos­sé entre ces deux réa­li­tés. L’enjeu est de taille. Les indus­tries de l’énergie sont les plus impor­tantes au monde.

Le sec­teur entier est à un moment char­nière de son his­toire, écar­te­lé entre deux exi­gences contra­dic­toires : répondre aux besoins d’une popu­la­tion en pleine crois­sance dont une grande par­tie com­mence seule­ment à émer­ger de la pau­vre­té, et faire face aux contraintes du chan­ge­ment cli­ma­tique et de l’inéluctable décar­bo­ni­sa­tion. Jamais l’industrie n’a fait face à tant d’incertitudes. Et jamais les infor­ma­tions dont elle a tant besoin pour navi­guer sur les risques que cela implique n’ont sem­blé aus­si élusives.
En même temps, plu­sieurs élé­ments cru­ciaux ont ouvert toutes grandes les fron­tières de la connais­sance à l’émergence de nou­velles sources de don­nées telles que l’imagerie satel­lite et les réseaux sociaux, la capa­ci­té du cloud com­pu­ting à sto­cker et trai­ter ces ensembles de don­nées, et les nou­velles pos­si­bi­li­tés d’analyse offertes par l’intelligence arti­fi­cielle et le Machine Learning.

Dans une socié­té qui ne cesse de repous­ser l’horizon de l’information, le sec­teur de l’énergie, notam­ment les opé­ra­tions pétro­lières et gazières, est long­temps res­té en retrait, pri­vé encore de don­nées opé­ra­tion­nelles claires. C’est avec une ambi­tion de remé­dier à ce manque d’information que les cinq fon­da­teurs de Kayr­ros ont créé une tech­no­lo­gie uti­li­sant notam­ment l’imagerie satel­lite haute fré­quence pour mesu­rer et ana­ly­ser en temps réels les dyna­miques fon­da­men­tales du sec­teur (offre et demande).

Vous combinez le monde de l’énergie à celui de l’information quantitative. Dites-nous-en plus sur ce positionnement ? Concrètement, à quels problématiques répondez-vous ?

L’information quan­ti­ta­tive et la connais­sance du sec­teur sont com­plé­men­taires dans la construc­tion d’une ana­lyse de qua­li­té. On ne com­prend bien que ce que l’on mesure bien — et inver­se­ment. Et on n’investit à bon escient que dans ce que l’on com­prend — et donc mesure — bien. Pen­dant trop long­temps, les capa­ci­tés de mesure de l’industrie, et donc la qua­li­té de ses ana­lyses, pour ne rien dire de l’allocation des capi­taux, sont res­tées tri­bu­taires de types de col­lectes de don­nées archaïques, d’une por­tée res­treinte et d’une fia­bi­li­té douteuse.

Les agences sta­tis­tiques gou­ver­ne­men­tales ou mul­ti-gou­ver­ne­men­tales, mal­gré tous leurs efforts, dépendent lar­ge­ment de ce que les acteurs pri­vés, avec les limi­ta­tions qui leur sont propres, veulent bien leur confier.

D’où une visi­bi­li­té réduite. Face à cela, les nou­velles tech­no­lo­gies repré­sentent une révo­lu­tion dont on ne mesure que peu à peu la por­tée. Encore faut-il dis­po­ser de la connais­sance de l’industrie qui per­met de cali­brer et d’interpréter cor­rec­te­ment les nou­velles données.

« Les nouvelles technologies représentent
une révolution dont on ne mesure que peu à peu la portée. »

En conju­guant exper­tise indus­trielle et exper­tise en termes d’imagerie satel­lite et d’intelligence arti­fi­cielle, c’est non seule­ment la fré­quence et la qua­li­té des don­nées qui change de fond en comble, mais aus­si leur éten­due, leur type même, leur gra­nu­la­ri­té. Tout cela ouvre de nou­veaux mondes à la com­pré­hen­sion et à l’analyse du secteur.
Les champs d’application de ces infor­ma­tions sont infi­nis. Par exemple, les don­nées de sto­ckage du pétrole que nous pro­dui­sons font réa­li­ser des gains impor­tantes aux tra­ders de pétrole.

Ces don­nées donnent en effet une indi­ca­tion directe de l’équilibre ou du dés­équi­libre entre l’offre et la demande, et per­mettent ain­si de pré­voir l’évolution des prix. Mais elles montrent aus­si que cette rela­tion a ses hauts et ses bas et que d’autres élé­ments peuvent influer sur les prix, tels que les fac­teurs géopolitiques.

Fort de son exper­tise dans le sec­teur, Kayr­ros a construit un outil fon­dé sur le Natu­ral Lan­guage Pro­ces­sing qui per­met d’identifier avec pré­ci­sion les périodes pen­dant les­quelles de tels fac­teurs sus­citent un chan­ge­ment de “sen­ti­ment“ du mar­ché et l’emportent, pour un temps, sur les élé­ments dits “fon­da­men­taux“ (c’est-à-dire l’offre et la demande). Nette capa­ci­té à dif­fé­ren­cier entre divers “régimes“ de prix four­nit aux acteurs du mar­ché pétro­lier et de l’énergie des signaux pré­cieux pour l’optimisation de leurs achats et la mise en place de leurs “hedges“. Dans une toute autre pers­pec­tive, l’imagerie satel­lite four­nit des indi­ca­tions impor­tantes en termes d’émissions de gaz à effet de serre et va per­mettre d’évaluer l’empreinte car­bone des acteurs industriel.

Comment définiriez-vous votre valeur ajoutée sur le marché de l’énergie ?

Dif­fé­rents types d’acteurs trouvent dif­fé­rents usages à nos don­nées en fonc­tion de leurs besoins propres, de leurs por­te­feuilles et de leurs stra­té­gies. Kayr­ros publie des ren­sei­gne­ments qui sont à la fois pré­cis, tra­çables et fiables. À par­tir de notre exper­tise du monde de l’énergie et du trai­te­ment des infor­ma­tions recueillies, Kayr­ros amé­liore la per­for­mance des acteurs du sec­teur. ȕn autre exemple est l’attaque sur Abkaik. Il y a quelques années, le mar­ché aurait flam­bé. Avec nos tech­no­lo­gies, les tra­ders ont pu esti­mer très pré­ci­sé­ment l’impact des drones et la vitesse de réparation.

Nos tech­no­lo­gies ont per­mis d’éviter une flam­bée des cours. Les béné­fices ne s’arrêtent pas là. L’approche sys­té­mique que nous avons déve­lop­pée dans le sec­teur pétro­lier s’applique à tout type d’énergie, comme la construc­tion de pan­neaux solaires, la dis­po­ni­bi­li­té de l’énergie éolienne ou le niveau des bar­rages. Dans cette optique, nous venons de mettre au point une tech­no­lo­gie de sui­vi des émis­sions de gaz à effet de serre à l’échelle mon­diale. Nette tech­no­lo­gie va per­mettre d’attribuer les émis­sions aux pol­lueurs et donc de les faire payer, notam­ment avec une taxe car­bone aux frontières.

Quels sont les enjeux auxquels vous êtes confrontés ? Comment y faites-vous face ?

Aujourd’hui, le plus grand défi auquel nous sommes confron­tés est de choi­sir nos mar­chés prio­ri­taires. Nos tech­no­lo­gies seront uti­li­sées par tout le monde d’ici ˤ ou 10 ans. Il nous faut bien choi­sir les cas d’usage qui est prio­ri­taires. ȕn autre défi ʲ trou­ver les talents de haut niveau dont nous avons besoin. Kayr­ros veille en per­ma­nence à déve­lop­per des solu­tions à la fois viables com­mer­cia­le­ment et inno­vantes scien­ti­fi­que­ment. L’association de talents aux carac­té­ris­tiques com­plé­men­taires, c’est-à-dire de spé­cia­listes du sec­teur de l’énergie et d’ingénieurs et cher­cheurs tant en mathé­ma­tiques qu’en infor­ma­tique, nous per­met­tra de rele­ver ce défi.

En trois ans, vous êtes passés de cinq personnes à 150. Aujourd’hui, quels sont les profils que vous recherchez pour accompagner votre développement ? Quelles sont les opportunités de carrière qui peuvent intéresser nos lecteurs ?

Aujourd’hui, nous recher­chons deux types de pro­fil. D’une part, comme évo­qué pré­cé­dem­ment, nous construi­sons une équipe qui puisse conce­voir des appli­ca­tions pour nos ini­tia­tives de R&D, ce qui néces­site des spé­cia­listes de l’analyse de don­nées, des ingé­nieurs et des déve­lop­peurs. Dans un second temps, intro­duire ces pro­duits sur le mar­ché exige des experts en matière de déve­lop­pe­ment com­mer­cial et de mar­ke­ting par­tout dans le monde. Nous fai­sons 90% de notre busi­ness en dehors de France.

Et pour conclure, votre actualité ? Vos perspectives ?

Kayr­ros conti­nue son ascen­sion pour deve­nir une res­source incon­tour­nable pour les acteurs et opé­ra­teurs du mar­ché de l’éner­gie. À l’avenir, nous allons tra­vailler à appli­quer notre tech­no­lo­gie, qui per­met de suivre n’importe quel actif indus­triel dans le monde, à une mul­ti­tude de sec­teurs : l’agriculture, la construc­tion, l’assurance et à la finance verte grâce au sui­vi des émis­sions de gaz à effet de serre.

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