Le retour du Bayard, tableau de Émile Mathon

Un X amiral au musée : Amédée COURBET (1847), 1827–1885

Dossier : Le Grand Magnan 2017Magazine N°727 Septembre 2017
Par Vincent GUIGUENO (88)

Les col­lec­tions du musée natio­nal de la Marine recèlent de nom­breuses œuvres qui évoquent le sou­ve­nir de l’amiral Amé­dée Cour­bet (1847). Ces pièces – témoins du pas­sé colo­nial de la France – ne sont plus visibles par le public mais cer­taines pour­raient à nou­veau être exposées.

Jusqu’à la fin des années 1990, quand des tra­vaux ampu­tèrent une par­tie des salles d’exposition et lan­cèrent une impor­tante réor­ga­ni­sa­tion muséo­gra­phique de l’aile Davioud, le musée natio­nal de la Marine consa­crait un espace à l’amiral Cour­bet dans sa sec­tion XIXe siècle.

D’après le cata­logue publié en 1982 par Fran­çois Bel­lec, le par­cours com­pre­nait : un buste du sculp­teur Ernest Hirou (inv. MNM 41 OA 24), copie en plâtre de l’original dépo­sé au musée d’Abbeville, la ville natale de Cour­bet ; le fron­teau de dunette du Bayard (inv. MNM 7 SO 25), cédé au Musée en 1904, ain­si que trois œuvres de grand for­mat, repré­sen­tant des épi­sodes de la guerre fran­co-chi­noise pen­dant laquelle Cour­bet com­man­dait les forces navales fran­çaises :la Prise de Ma-Kung (Édouard Adam, 1895, inv MNM 9 OA 18 D), capi­tale des îles Pes­ca­dores (Taï­wan) où il meurt le 12 juin 1885, le For­ce­ment de la passe de Kim-Pai (inv MNM 11 OA 49),et le Retour des cendres aux Salins d’Hyères sur le Bayard (inv MNM 11 OA 67), deux gouaches peintes dans les années 1940 par le pro­li­fique Albert Bre­net (1903−2005).

DE RICHES RÉSERVES

Les col­lec­tions ne se limitent pas à ce que le public peut voir dans les gale­ries per­ma­nentes. L’exploration des réserves indique que le Musée conserve d’autres tableaux de la guerre fran­co-chi­noise, mais éga­le­ment un ser­vice de huit assiettes illus­trant com­bats navals et bom­bar­de­ments, des images d’Épinal, des pho­to­gra­phies, ain­si qu’un petit canon dit « anna­mite » (inv MNM 7 SO 73) pro­ve­nant de la prise des forts de Thuan-An (20 août 1883) et rap­por­té par Eugène de Jon­quières (1850−1919), lieu­te­nant de vais­seau et aide de camp de l’amiral Courbet.

“ La plupart des souvenirs sont entrés dans les collections grâce à des dons familiaux ”

La plu­part de ces sou­ve­nirs sont entrés dans les col­lec­tions au fil du temps, grâce à des dons fami­liaux. Ain­si, à la fin de l’année 1966, la col­lec­tion s’est enri­chie d’archives don­nées par un des­cen­dant de Tiburce Fer­ry, un cou­sin de Courbet.

Cet ensemble com­porte deux lettres auto­graphes, une tren­taine de cour­riers reçus par l’amiral, ain­si que le constat de décès éta­bli à bord du Bayard, à bord duquel Cour­bet avait embar­qué le 23 avril 1883.

Celui-ci relate avec beau­coup de pré­ci­sion l’embaumement du corps, en par­ti­cu­lier l’injection de chlo­rure de zinc, dans la pers­pec­tive de son retour en métro­pole dans un triple cer­cueil de plomb, de teck et de zinc.

UNE VICTIME DU CHOLÉRA

L’épisode est bien connu : alors qu’il vient d’envahir l’archipel des îles Pes­ca­dores (Taï­wan), après deux années de cam­pagne mar­quées par de vio­lents com­bats contre la marine chi­noise, les Anna­mites et les pavillons noirs, Cour­bet meurt en baie de Makung du cho­lé­ra qui le ronge depuis plu­sieurs mois.

Après deux escales aux Sey­chelles et à Port-Saïd, un cui­ras­sé à coque blanche, le Bayard mouille le 26 août 1885 au large des îles d’Hyères, et non pas en rade de Tou­lon. Le cho­lé­ra sévit à nou­veau en Pro­vence depuis un an, rame­né en France par les opé­ra­tions mili­taires en Indochine.

LA FRANCE DIVISÉE PAR LA QUESTION COLONIALE

La presse fait une large place au retour de la dépouille de Cour­bet en France, dans un contexte poli­tique par­ti­cu­liè­re­ment ten­du. La poli­tique d’expansion colo­niale et la guerre en Indo­chine déchirent le pays et le Parlement.

Quelques semaines plus tôt, le 28 juillet 1885, Jules Fer­ry a pro­non­cé son apo­lo­gie de la colo­ni­sa­tion, théo­ri­sant un « devoir de civi­li­ser les races infé­rieures » qui incom­be­rait à la France. « Grâce aux cro­quis de nos cor­res­pon­dants et aux des­sins de nos col­la­bo­ra­teurs, nous sommes à même de réunir une série exacte et à peu près com­plète des prin­ci­paux épi­sodes qui ont sui­vi ce dou­lou­reux évé­ne­ment, depuis le jour du décès jusqu’à l’arrivée en France des dépouilles du brave ami­ral » : c’est ain­si que Le Monde Illus­tré, dans un sup­plé­ment publié le 5 sep­tembre 1885, décrit les moyens déployés pour rendre compte de l’événement.

Émile Mathon (c. 1855–1887), Le retour du Bayard, inv MNM 9 OA 216 (265 cm x 196 cm).
© MUSÉE NATIONAL DE LA MARINE / P. DANTEC

DES TOILES D’ÉMILE MATHON

Par­mi les peintres que le jour­nal dépêche à Hyères figure un cer­tain Émile Mathon (c. 1855–1887), lié à l’École de Bar­bi­zon. Ses cro­quis sont repris dans le jour­nal, dans le temps court de l’événement, mais l’artiste décide de ne pas en res­ter là.

En 1886, le peintre expose au Salon des œuvres com­man­dées par l’État un pre­mier tableau : Le pont du Bayard pen­dant le bom­bar­de­ment des forts de Makong (29 mars 1885). L’année sui­vante, en 1887, Mathon pro­pose un deuxième tableau, reve­nant sur l’événement dont il fut témoin le 26 août 1885, Le retour du Bayard.

Acquise par l’État, la toile figure désor­mais à l’inventaire du musée de la Marine (inv MNM 9 OA 216), après un pas­sage par Tou­lon. Le peintre repré­sente la des­cente du cer­cueil, à l’aide d’un palan, vers un canot funé­raire, remor­qué par le canot à vapeur du Bayard, tan­dis qu’un cor­tège se forme.

La dépouille de Cour­bet est ensuite trans­por­tée en train vers Paris, où d’imposantes funé­railles natio­nales sont orga­ni­sées dans la cour des Inva­lides, célé­brant le patrio­tisme et le cou­rage de l’amiral. Cour­bet est ensuite inhu­mé dans sa ville natale, Abbe­ville, où une sta­tue com­mé­mo­ra­tive est inau­gu­rée en 1890.

UNE MISE EN SCÈNE VOULUE PAR LE POUVOIR POLITIQUE

Si le cor­pus « Cour­bet » ici rapi­de­ment décrit peut paraître hété­ro­gène, son abon­dance per­met de com­prendre com­ment la mémoire du héros mort est immé­dia­te­ment mise en scène par la Troi­sième Répu­blique, puis réac­ti­vée après la Seconde Guerre mon­diale, alors que l’Indochine est en guerre pour son indépendance.

“ Des collections caractéristiques d’une production hautement idéologique ”

Les deux gouaches d’Albert Bre­net déjà citées et la com­mande au peintre de Marine Georges Fouillé, en 1954, l’année de Diên Biên Phu, d’un dio­ra­ma repré­sen­tant la prise de Son Tay (11−17 décembre 1883), sont à cet égard révé­la­trices. « La Marine, qui a lavé les humi­lia­tions natio­nales, peut suf­fire demain au salut de la Patrie que ce glo­rieux tré­pas a déjà réha­bi­li­tée », écrit le jour­na­liste du Monde Illus­tré, fai­sant allu­sion à la défaite de 1870 et à la poli­tique colo­niale dont la Marine est le bras armé.

Les col­lec­tions consa­crées à Cour­bet, et plus lar­ge­ment à la conquête de l’Indochine, sont carac­té­ris­tiques d’une pro­duc­tion hau­te­ment idéo­lo­gique. Alors que le musée de l’Armée revient de manière dis­tan­ciée et cri­tique sur notre his­toire colo­niale, en par­ti­cu­lier celle de l’Indochine, le musée de la Marine n’aborde plus cette période qui a lar­ge­ment contri­bué à « l’enrichissement » de ses col­lec­tions1.

La réno­va­tion enga­gée en 2017, et qui se pour­sui­vra jusqu’à la fin de l’année 2021, sera sans doute l’occasion d’une nou­velle inter­pré­ta­tion de cette période fon­da­men­tale dans l’histoire de la Marine et de la France.

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1. Chris­tophe Ber­trand, Caro­line Her­be­lin et Jean-Fran­çois Klein (dir), Indo­chine. Des ter­ri­toires et des hommes 1856–1956, Gal­li­mard, 2013.

Commentaire

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Man­guin-Gou­ri­tinrépondre
6 août 2018 à 12 h 11 min

Tableau por­trait de l’a­mi­ral Cour­bet
Bon­jour Je me pro­pose de vous pré­sen­ter deux tableaux du vice ami­ral Cour­bet pein­ture à l’huile, un troi­sième se trouve à l’a­mi­rau­té, tableau offert par moi au CEMM Pierre Fran­çois Foris­sier en 2010 au 2 rue royale.
Si ces tableaux vous inté­ressent je peux les offrir au musée mais uni­que­ment si ils sont expo­sés, je les avais pro­po­sé a “X mais le conser­va­teur vou­lait les mettre en maga­sin j’ai donc refu­sé. Il n’y a pas de tableau de Cour­bet hor­mis les miens et l’a­mi­ral est res­té trop long­temps dans l’obs­cu­ri­té. Mon père de la royale est mort en mer le 12/11/1939 avec tout l’é­qui­page du vapeur Loire, à bord il y avait avec lui le chef méca­ni­cien mari de Lucie Hen­riette Cour­bet nièce De Amé­dée Cour­bet. Le Loire à été tor­pillé par le U boot U 26 et c’est moi qui ai réso­lu le mys­tère depuis 1939 et fais clas­ser l’affaire par le ministre Her­vé Morin le 22/ 01/2008 . Si vous êtes inté­res­sé me le faire savoir, je join­drai une pho­to de chaque tableau.
Guy Man­guin Gouritin.

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