Un pays en pointe pour la gestion des eaux

Dossier : Chine et environnementMagazine N°744 Avril 2019
Par Xavier LITRICO (90)
La Chine est confrontée à des évolutions majeures ayant un impact direct dans le domaine de l’eau : des mégapoles de plusieurs dizaines de millions d’habitants se développent, des industries sont rassemblées dans des parcs industriels de très grande taille, qui tous recherchent des solutions efficaces pour la gestion de l’eau potable, le traitement des eaux usées et des boues.

La Chine a une ressource en eau rel­a­tive­ment abon­dante : la quan­tité totale des ressources en eau est éval­uée à 2 812 mil­liards de mètres cubes, soit 5,8 % de celles du monde. La dis­tri­b­u­tion tem­porelle et spa­tiale des ressources en eau est forte­ment hétérogène, à cause du cli­mat de mous­son et de l’étendue spa­tiale du pays. Le sud du pays dis­pose de ressources en eau abon­dantes, alors que le nord est beau­coup plus sec. Un grand pro­jet d’aménagement (South-North Trans­fer) a été mené pour trans­porter l’eau du sud vers le nord-ouest du pays.

De plus, la répar­ti­tion de la pop­u­la­tion est iné­gale­ment dis­tribuée, avec une con­cen­tra­tion de la pop­u­la­tion dans l’est du pays.


REPÈRES

De par sa taille et les enjeux aux­quels elle est con­fron­tée, la Chine représente un marché d’importance majeure pour les acteurs de l’eau et de l’environnement, qui pro­posent des solu­tions pour répon­dre à ces enjeux. Cet arti­cle donne une descrip­tion générale du con­texte chi­nois, et détaille quelques exem­ples de solu­tions déployées par Suez en Chine, pour la ges­tion de l’eau potable et le traite­ment des eaux usées munic­i­pales ou industrielles.


Fleuve Jaune et Yangtsé

L’essentiel de la ressource en eau provient de deux grands bassins hydro­graphiques, le fleuve Jaune et le Yangt­sé, dont dépen­dent 800 mil­lions de per­son­nes. La con­som­ma­tion en eau de la Chine représente env­i­ron 610 mil­liards de mètres cubes par an. Cette con­som­ma­tion se répar­tit en 63 % pour l’agriculture, 22 % pour l’industrie, 13 % pour la con­som­ma­tion domes­tique et 2 % à des fins écologiques. La source prin­ci­pale en eau provient d’eau de sur­face à 81 %, le reste provenant des ressources souterraines.

Rap­portée à la pop­u­la­tion, la ressource disponible par habi­tant est seule­ment le quart de la moyenne mon­di­ale, ce qui place la Chine par­mi les pays avec les plus faibles ressources en eau par habi­tant. Ce chiffre varie selon les provinces, allant de moins de 200 m3 par an et par habi­tant à Shang­hai à plus de 5 000 m3 par an et par habi­tant au Xin­jiang. La cap­i­tale Bei­jing ne dis­pose que de 300 m3 par an et par habi­tant, ce qui représente seule­ment 1/30e de la moyenne mon­di­ale. La ges­tion de la ressource est donc un enjeu important.

Une qualité de l’eau en progrès 

La qual­ité de l’eau pro­gresse gradu­elle­ment, suite à la mise en œuvre de régle­men­ta­tions envi­ron­nemen­tales plus strictes. Selon les sta­tis­tiques offi­cielles, la qual­ité de l’eau des riv­ières est glob­ale­ment en amélio­ra­tion, la pro­por­tion des riv­ières en mau­vais état ayant dimin­ué dans les dernières années. La qual­ité de l’eau des lacs est encore mau­vaise, à cause prin­ci­pale­ment d’une forte eutrophi­sa­tion. La qual­ité de l’eau des réser­voirs arti­fi­ciels est en amélio­ra­tion, le nom­bre des réser­voirs souf­frant d’eutrophisation ayant diminué.

Menaces de pollution et gaspillage

Il reste cepen­dant des points qui méri­tent atten­tion. Tout d’abord, la crois­sance des efflu­ents munic­i­paux et le faible traite­ment des eaux rurales vien­nent men­ac­er l’usage des ressources en eau. La pol­lu­tion des eaux indus­trielles est égale­ment une men­ace due à sa dan­gerosité. En sec­ond lieu , le gaspillage de la ressource en eau est encore trop impor­tant. Près de 50 % de l’eau prélevée pour l’irrigation est per­due à cause de l’inefficience des procédés de trans­port et d’irrigation. L’eau munic­i­pale est gaspillée aux points de con­som­ma­tion et par une faible per­for­mance du réseau (les pertes représen­tent plus de 15 % de l’eau fournie au réseau dans plus de 600 villes).

Une législation de plus en plus exigeante

La pro­tec­tion des ressources en eau et de l’environnement fait par­tie des pri­or­ités affichées dans les plans quin­quen­naux étab­lis par le gou­verne­ment cen­tral. Le 12e plan (2011–2015) avait pour objec­tif de vis­er un traite­ment de 85 % des efflu­ents des villes, de réduire de 8 % les émis­sions de COD (car­bone organique dis­sous), de 10 % les nitrates, et de réduire de 30 % les con­som­ma­tions en eau des industriels.

Pour le 13e plan quin­quen­nal (2016–2020), le gou­verne­ment a pub­lié plusieurs textes en faveur d’une plus grande pro­tec­tion des ressources : le plan d’action pour le con­trôle de la pol­lu­tion aqua­tique (avril 2015), qui définit les tâch­es à accom­plir pour la pro­tec­tion de l’eau pen­dant le plan quin­quen­nal ; et le rap­port du prési­dent Xi Jin­ping suite au 19e con­grès nation­al du Par­ti com­mu­niste chi­nois de novem­bre 2017, qui relève encore les niveaux de pro­tec­tion de l’environnement.

Des actions ciblées

Les actions du gou­verne­ment en matière de ges­tion de l’environnement ont ciblé en pre­mier le traite­ment des eaux noires et odor­antes via la mise en place d’un sys­tème de mon­i­tor­ing en temps réel pour les riv­ières et les lacs ; le développe­ment de villes pilotes pour le traite­ment de ces eaux pol­luées ; et une plus grande super­vi­sion admin­is­tra­tive pour détecter les pol­lu­tions et les réduire.

Elles visent aus­si le ren­force­ment de la pro­tec­tion des sources d’eau potable et la pro­tec­tion des ressources en eaux souter­raines. Elles enten­dent réduire les flux de pol­lu­tion indus­trielle grâce à un traite­ment cen­tral­isé des efflu­ents dans les entre­pris­es indus­trielles pol­lu­antes ; à la mise en place d’un mécan­isme de per­mis pour la pol­lu­tion ; et à la mise en œuvre d’une taxe sur les activ­ités pol­lu­antes pour la pro­tec­tion de l’environnement. La dernière cible est l’amélioration des infra­struc­tures de traite­ment municipales.


Des solutions Suez adaptées à la Chine

En réponse aux besoins iden­ti­fiés du marché chi­nois, Suez a dévelop­pé de nom­breuses solu­tions, en lien avec son parte­naire chi­nois New World Services :

• les solu­tions smart comme la suite logi­cielle Aquad­vanced® pour la ges­tion des réseaux d’eau potable à Macao, ou la ges­tion des réseaux d’assainissement à Chongqing ;

• la four­ni­ture de solu­tions de traite­ment des eaux usées indus­trielles sur mesure pour le parc indus­triel de Shang­hai SCIP (Shang­hai Chem­i­cal Indus­try Park) ;

• la par­tic­i­pa­tion à la con­struc­tion de la sta­tion de traite­ment des eaux usées de Huaifang à Pékin, une des plus mod­ernes du pays, avec bioréac­teurs à membranes.


Trois tendances pour la protection des ressources dans le futur 

La pre­mière ten­dance de l’action poli­tique en Chine s’incarne dans le con­cept de ville éponge (Sponge City), dévelop­pé depuis 2012, par le gou­verne­ment cen­tral chi­nois au niveau nation­al. Le gou­verne­ment a mis en œuvre une série de régle­men­ta­tions pour faciliter la mise en œuvre de tech­niques facil­i­tant l’infiltration de l’eau en ville (tech­niques alter­na­tives au tout réseau). Deux séries de trente villes pilotes ont été sélec­tion­nées pour cette poli­tique, qui sera un moteur impor­tant du futur proces­sus d’urbanisation.

La sec­onde ten­dance con­cerne le traite­ment des eaux usées de parcs indus­triels. Les parcs indus­triels sont devenus un mode de développe­ment majeur des indus­tries en Chine. Le gou­verne­ment chi­nois impose des fortes con­traintes sur la qual­ité des eaux rejetées, assor­ties d’un suivi en temps réel cen­tral­isé, et relo­calise les anci­ennes indus­tries (chim­iques, pétrochim­iques, phar­ma­ceu­tiques, etc.) dans ces nou­veaux parcs indus­triels mod­ernes. Cela per­met de créer des viviers indus­triels, et de gér­er l’impact environnemental.

La troisième ten­dance est l’évolution des stan­dards de qual­ité des eaux munic­i­pales. Pour réduire l’impact des rejets d’eaux usées munic­i­pales sur la qual­ité des cours d’eau, les objec­tifs de qual­ité des eaux munic­i­pales traitées ont été pro­gres­sive­ment ren­for­cés, jusqu’à attein­dre ou dépass­er les normes de rejet en vigueur au sein de l’Union européenne avec la direc­tive cadre sur l’eau de 2000. Cela a entraîné une forte demande pour la mise aux normes des sta­tions d’épuration exis­tantes, et a per­mis de dévelop­per l’innovation sur les tech­nolo­gies de traite­ment des eaux usées (mem­branes, désodor­i­sa­tion, ges­tion des boues, etc.). Cette ten­dance devrait con­tin­uer dans les années à venir, dans le but d’améliorer la qual­ité des eaux de sur­face, exu­toires des sta­tions d’épuration.

“Près de 50 %
de l’eau prélevée pour l’irrigation est perdue”

Saisir des opportunités dans un marché dynamique 

La Chine a rat­trapé son retard et est à présent en avance sur l’Europe (surtout dans les provinces de l’Est) en ter­mes de normes de rejet pour les eaux usées munic­i­pales ou indus­trielles. Cela donne des oppor­tu­nités aux acteurs indus­triels de la ges­tion de l’eau comme Suez, qui sont en phase de crois­sance sur le marché chi­nois, aus­si bien dans l’eau munic­i­pale, la ges­tion de l’eau des parcs indus­triels, la four­ni­ture de solu­tions de traite­ment (mem­branes, etc.) ou le déploiement de solu­tions dig­i­tales d’amélioration de la per­for­mance de la ges­tion de l’eau (énergie, perte en eau, réac­t­ifs, etc.).

Remer­ciements
L’auteur remer­cie Ximin Huang, Feng Chen et Zhang Yuancheng de Suez Asia pour leur aide dans la pré­pa­ra­tion de cet article.

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