Un levier de performance à découvrir

Dossier : Gérer en période de criseMagazine N°638 Octobre 2008
Par Arnaud MEUNIER (90)

La main­te­nance des actifs est une pro­blé­ma­tique large qui couvre un grand nombre de situa­tions, de thé­ma­tiques et d’ac­teurs allant de la concep­tion des actifs phy­siques jus­qu’à leur démantèlement :

Le retour sur inves­tis­se­ment n’est pas tou­jours celui attendu

il peut s’a­gir de la main­te­nance d’é­qui­pe­ments de pro­duc­tion effec­tuée par un ser­vice interne de main­te­nance, de l’ex­ter­na­li­sa­tion de pres­ta­tions voire de la délé­ga­tion com­plète de la ges­tion des actifs, de la mise en place d’offres de ser­vices de main­te­nance et de four­ni­ture de pièces de rechange sur une base ins­tal­lée d’é­qui­pe­ments, de l’in­gé­nie­rie de concep­tion des équi­pe­ments et des méthodes de main­te­nance… La maî­trise de la durée de vie des actifs, de leur dis­po­ni­bi­li­té, de leur coût de main­te­nance et de leur sûre­té de fonc­tion­ne­ment consti­tue un fac­teur clé de la per­for­mance des entreprises. 

Des gisements de progrès

Les marges de pro­grès peuvent être signi­fi­ca­tives : réduc­tion de 25 % à 50 % des temps d’ar­rêt des équi­pe­ments pour motifs liés à la main­te­nance ; réduc­tion de 10 à 30 % des besoins en res­sources de main-d’oeuvre directe de main­te­nance ; ratio­na­li­sa­tion des stocks de pièces de rechange de 25 % à 50 % ; amé­lio­ra­tion des stan­dards de concep­tion des actifs. 

Des leviers multiples

Un pro­gramme de per­for­mance rela­tif à la ges­tion des actifs indus­triels devra idéa­le­ment cher­cher à englo­ber l’en­semble de ces aspects. Pour cela, plu­sieurs leviers pour­ront être action­nés en fonc­tion de leur per­ti­nence pour ren­for­cer la pro­fi­ta­bi­li­té et la pro­duc­ti­vi­té des res­sources, en par­ti­cu­lier : adap­ta­tion des poli­tiques de main­te­nance, inves­tir ou pro­lon­ger la durée de vie d’un bien, type de main­te­nance à appli­quer en fonc­tion de la dis­po­ni­bi­li­té atten­due, pré­ven­tif (sys­té­ma­tique, condi­tion­nel, pré­dic­tif) ou cor­rec­tif ; défi­ni­tion des niveaux de ser­vice atten­dus, en termes de dis­po­ni­bi­li­té des équi­pe­ments ou de qua­li­té de réponse des équipes de main­te­nance (temps de réponse à des appels de l’ex­ploi­ta­tion, délai de remise en condi­tion des actifs en cas de défaillance) ; dimen­sion­ne­ment des stocks de pièces de rechange en fonc­tion de leur cri­ti­ci­té, de lois sta­tis­tiques d’u­sure, des carac­té­ris­tiques du réseau logis­tique des pièces de rechange, des contraintes finan­cières ; adap­ta­tion et dimen­sion­ne­ment des effec­tifs (en volume et en com­pé­tence) de la fonc­tion main­te­nance en fonc­tion de ses enjeux d’ef­fi­ca­ci­té et d’ef­fi­cience ; choix et pilo­tage de la sous-trai­tance, réflexion cœur de métier/tâches à sous-trai­ter ; mise en oeuvre de démarches de pro­grès : main­te­nance de pre­mier niveau par les opé­ra­teurs, démarche » 5S « , appli­ca­tion des prin­cipes issus de la TPM (Total Pro­duc­tive Main­te­nance), appli­ca­tion des prin­cipes du Lean Mana­ge­ment aux pro­ces­sus de main­te­nance ; sui­vi des per­for­mances par la mise en place d’in­di­ca­teurs de pilo­tage adap­tés à chaque niveau de l’organisation.

Un sys­tème d’in­for­ma­tion com­plet et effi­cace doit venir en appui des démarches » métier » rela­tives à l’or­ga­ni­sa­tion et à l’op­ti­mi­sa­tion des méthodes de tra­vail. Le recours à des solu­tions du mar­ché per­met d’y répondre pour autant que la démarche de choix et de mise en oeuvre soit pertinente.

Les offres des édi­teurs de logiciels
Depuis quelques années, le terme de GMAO (Ges­tion de main­te­nance assis­tée par ordi­na­teur) est sup­plan­té par le terme EAM (Enter­prise Asset Management).
Au-delà d’une relance com­mer­ciale indé­niable, cette muta­tion s’ac­com­pagne de nou­velles fonc­tion­na­li­tés qui illus­trent bien le chan­ge­ment de para­digme : l’ac­tif est mis au coeur des pré­oc­cu­pa­tions et la maî­trise de son cycle de vie est bien un enjeu majeur de performance.
La palette des fonc­tion­na­li­tés s’é­lar­git peu à peu : déve­lop­pe­ment de modules d’a­na­lyse de la fia­bi­li­té des équi­pe­ments ; iden­ti­fi­ca­tion de signes avant-cou­reurs de pannes et mise en oeuvre de modules de main­te­nance pré­dic­tive ; sui­vi des amor­tis­se­ments comp­tables des biens phy­siques, sui­vi du LCC des biens (Life Cycle Cost) ; ges­tion des contrats de sous-trai­tance ; mise en oeuvre de ter­mi­naux mobiles (PDA, PC renforcés).
En outre, pour accom­pa­gner le déve­lop­pe­ment des acti­vi­tés de ser­vices liées à la main­te­nance (ex : main­te­nance de parcs immo­bi­liers, de parcs infor­ma­tiques, de parcs de véhi­cules), l’offre pro­gi­cielle s’a­dresse aus­si aux pres­ta­taires externes, avec un pont vers des fonc­tion­na­li­tés de type CRM (Cus­to­mer Rela­tion­ship Mana­ge­ment) en par­ti­cu­lier pour le trai­te­ment et le sui­vi des demandes clients, le sui­vi des niveaux de per­for­mance au regard des enga­ge­ments, la fac­tu­ra­tion des pres­ta­tions selon les termes contrac­tuels prédéfinis.
Enfin, cer­tains édi­teurs pro­posent des fonc­tions avan­cées de ges­tion des confi­gu­ra­tions appli­cables et appli­quées pour un actif ou une famille d’ac­tifs donnés.
Ces fonc­tion­na­li­tés peuvent s’a­vé­rer très utiles quand il s’a­git de gérer le cycle de vie de biens dont la durée de vie est longue et les chan­ge­ments de confi­gu­ra­tion nombreux.
Dans ce cas, ces fonc­tion­na­li­tés indiquent aux opé­ra­tion­nels de main­te­nance les asso­cia­tions à res­pec­ter quand il s’a­git de rem­pla­cer un sous-ensemble ou organe de l’ac­tif par un autre.

Des progiciels qui couvrent l’ensemble des besoins

Même si ce sujet peut paraître déjà bien bali­sé, voire dépas­sé, nom­breuses sont les situa­tions où la fonc­tion main­te­nance est peu voire pas équi­pée en outils infor­ma­tiques. Même lors­qu’un appli­ca­tif est en place, le retour sur inves­tis­se­ment n’est pas tou­jours celui atten­du, prin­ci­pa­le­ment parce que sa mise en oeuvre ne s’est pas suf­fi­sam­ment appuyée sur les enjeux » métier » et sur la redé­fi­ni­tion des modes de fonctionnement.

S’intégrer dans le sys­tème glo­bal de mana­ge­ment et de pilotage

Pour­tant les apports d’un pro­gi­ciel au métier sont réels, par­mi les­quels : la ges­tion du cycle de vie des actifs en main­te­nance (confi­gu­ra­tion ins­tal­lée, his­to­riques des poses et déposes, his­to­riques d’in­ter­ven­tions et de défaillances, nomen­cla­tures de pièces de rechange) ; le sui­vi des para­mètres déclen­cheurs pour la main­te­nance (comp­teurs, cap­teurs, évé­ne­ments), avec le cas échéant des déve­lop­pe­ments per­met­tant une ana­lyse des para­mètres en conti­nu et à dis­tance, consti­tuant ain­si une sur­veillance et une aide à la déci­sion ; la ges­tion des inter­ven­tions (OT ou ordres de tra­vail, l’é­qui­valent des OF en pro­duc­tion), de la créa­tion jus­qu’à la clô­ture en pas­sant le cas échéant par la pla­ni­fi­ca­tion (ex : pla­ni­fi­ca­tion des grands arrêts, pla­ni­fi­ca­tion du pré­ven­tif) ; l’aide au diag­nos­tic via des arbres de défaillances, enri­chis au fil de l’ex­pé­rience acquise ; le sui­vi des per­for­mances des équi­pe­ments, de la fonc­tion main­te­nance (coûts réels et bud­gets, res­pect des enga­ge­ments de ser­vice), des niveaux de stocks de pièces de rechange, des per­for­mances des pres­ta­taires de ser­vices et des four­nis­seurs ; la capi­ta­li­sa­tion du savoir-faire tech­nique et le par­tage d’ex­pé­rience, par exemple entre les uti­li­sa­teurs et les concep­teurs des équi­pe­ments ou des règles de maintenance.

En outre, et ce n’est pas ano­din, une arti­cu­la­tion adé­quate du pro­gi­ciel de main­te­nance avec d’autres appli­ca­tifs de l’en­tre­prise (pour les fonc­tions achats, stocks, ges­tion et finances, RH, pro­duc­tion) doit aus­si per­mettre aux opé­ra­tion­nels et cadres de main­te­nance de gagner sur les temps de sai­sies et aux pro­ces­sus de main­te­nance de s’in­té­grer dans le sys­tème glo­bal de mana­ge­ment et de pilo­tage de l’en­tre­prise. L’emploi d’un pro­gi­ciel n’est pas incon­tour­nable dans un pro­jet d’a­mé­lio­ra­tion ou de trans­for­ma­tion de la fonc­tion main­te­nance. Il appa­raît cepen­dant comme un fac­teur clé de cla­ri­fi­ca­tion et de stan­dar­di­sa­tion des pro­ces­sus, mais aus­si d’a­mé­lio­ra­tion de la ges­tion et du pilo­tage de la per­for­mance en main­te­nance. En outre, il implique une remise à plat des pra­tiques et une pro­jec­tion vers une vision » métier cible « , qui portent déjà en elles les germes d’une amé­lio­ra­tion des pratiques. 

Quantifier les objectifs

La mise en oeuvre d’un pro­gi­ciel, compte tenu des moyens qu’elle néces­site de manière inévi­table, implique une défi­ni­tion des gains atten­dus, une démarche adap­tée à l’am­bi­tion de l’en­tre­prise et une mobi­li­sa­tion forte des acteurs. Par­mi les béné­fices atten­dus d’une telle démarche citons : la dis­po­ni­bi­li­té des équi­pe­ments cri­tiques (les » gou­lots » sur les­quels repose le bon écou­le­ment des flux de pro­duits) et l’a­mé­lio­ra­tion de leur TRS (taux de ren­de­ment syn­thé­tique) ; la durée de vie des actifs main­te­nus ; l’a­jus­te­ment des poli­tiques de main­te­nance ; le dimen­sion­ne­ment des stocks de pièces de rechange ; le dimen­sion­ne­ment et le taux d’ac­ti­vi­té des res­sources de main-d’oeuvre ; la maî­trise de la sous-trai­tance ; la maî­trise des risques indus­triels ; les écarts de coûts entre les appli­ca­tifs en place et la solu­tion cible.

Le retour sur inves­tis­se­ment varie en fonc­tion du point de départ (niveau de per­for­mance des actifs et des équipes de main­te­nance, exis­tence ou non d’un pro­gi­ciel) et des modi­fi­ca­tions appor­tées tant en termes de pro­gi­ciels que d’or­ga­ni­sa­tion des métiers. On peut néan­moins consi­dé­rer que des retours sur inves­tis­se­ment de douze à vingt-quatre mois sur des pre­mières mises en place de GMAO (ou EAM) sont accessibles. 

Rassembler les données techniques nécessaires

L’ex­pres­sion ini­tiale du besoin, via un cahier des charges fonc­tion­nel et tech­nique, est une phase clé qui per­met de foca­li­ser les équipes sur les modes de fonc­tion­ne­ment actuels et cibles, les enjeux asso­ciés mais aus­si de cadrer les besoins fonc­tion­nels au regard d’une offre qui comme évo­quée pré­cé­dem­ment a un spectre fonc­tion­nel large. La mise en oeuvre d’un appli­ca­tif du mar­ché requiert une for­ma­li­sa­tion et une modé­li­sa­tion des pro­ces­sus et des don­nées, en par­ti­cu­lier celles qui décrivent les actifs et les res­sources de maintenance.

La mise en œuvre pour­ra se faire en big-bang ou de manière progressive

D’au­cuns auront en par­ti­cu­lier recon­nu dans cette pro­blé­ma­tique les ques­tions rela­tives au nombre de niveaux d’ar­bo­res­cence néces­saire pour décrire les actifs, une ques­tion qui est au cœur de la mise en oeuvre. À titre d’exemple, une arbo­res­cence trop simple aura pour avan­tages de sim­pli­fier la migra­tion des don­nées, de même que la sai­sie au quo­ti­dien ; pour incon­vé­nients de ne pas per­mettre une exploi­ta­tion suf­fi­sante des don­nées de vie de l’é­qui­pe­ment et donc un retour d’ex­pé­rience et une maî­trise tech­nique limi­tés. A contra­rio, vou­loir décrire les actifs de manière trop détaillée peut s’a­vé­rer une tâche trop longue au regard des enjeux, et en outre noyer les opé­ra­tion­nels dans des niveaux de détails qui leur sont peu appropriés.

Pour ce sujet (qui est avant tout une pro­blé­ma­tique » métier »), comme pour bien d’autres qui ne man­que­ront pas d’ar­ri­ver, il convient de s’ap­puyer sur l’ex­pé­rience des opé­ra­tion­nels via des ate­liers et des groupes de tra­vail de concep­tion géné­rale et détaillée. Dans le cas où un appli­ca­tif est déjà en place, un vécu très pré­cieux pour­ra être exploi­té de manière à gui­der les choix de mise en oeuvre. 

Associer tous les acteurs

Pour faci­li­ter l’ap­pro­pria­tion du nou­vel outil, l’u­ti­li­sa­tion de ses fonc­tion­na­li­tés peut être pro­gres­sive. De fait, et en fonc­tion de la culture, de l’am­bi­tion et du point de départ de chaque entre­prise, la mise en oeuvre pour­ra se faire en » big-bang » ou de manière pro­gres­sive, c’est-à-dire en com­men­çant par ins­crire les fon­da­men­taux du métier dans les gènes des opérationnels.

Dans tous les cas, une mobi­li­sa­tion forte des acteurs est néces­saire, en pre­mier lieu les opé­ra­tion­nels et cadres de main­te­nance, mais aus­si les exploi­tants des actifs (ser­vice pro­duc­tion par exemple), et les sous-traitants.

D’a­bord concen­trée sur quelques acteurs impli­qués dans la concep­tion de la cible, la mobi­li­sa­tion doit pro­gres­si­ve­ment s’é­tendre pour atteindre le but ultime : l’ap­pro­pria­tion de l’ou­til par le ter­rain, condi­tion néces­saire au suc­cès de la démarche. 

Remettre à plat les pratiques

En défi­ni­tive, la mise en place ou le chan­ge­ment de l’ou­til infor­ma­tique de ges­tion des actifs indus­triels consti­tuent une for­mi­dable occa­sion de remettre à plat les pra­tiques opé­ra­tion­nelles dans un objec­tif de pro­fes­sion­na­li­sa­tion et de per­for­mance. Cela est d’au­tant plus vrai que les solu­tions pro­gi­cielles du mar­ché offrent désor­mais des fonc­tion­na­li­tés éten­dues basées sur des tech­no­lo­gies souples et capables de s’in­té­grer aisé­ment aux archi­tec­tures sys­tème d’in­for­ma­tion existantes.

Poster un commentaire