Les eaux troubles cachent des trésors, parfois

Dossier : Gérer en période de criseMagazine N°638 Octobre 2008
Par Nathalie DEROCHE (83)

À la recherche d’un nou­v­el équili­bre, au sein d’un sys­tème cul­turel glob­al, l’en­tre­prise peut s’en­richir de liens priv­ilégiés avec cer­taines entités dif­férentes d’elle : les con­seillers, les coach­es, les ONG, les syn­di­cats… Dans la mesure où ceux-ci sont bien­veil­lants avec elle, ce qui n’est pas tou­jours évi­dent, l’en­tre­prise a tout à gag­n­er de ce nou­veau sys­tème qu’elle aura inté­gré : ces organes vont assur­er des mis­sions utiles à l’hy­giène de l’en­tre­prise, que cette dernière inter­nal­i­sait jusqu’à présent. Et ces organes externes vont être plus effi­caces, car eux-mêmes instal­lés dans un réseau d’or­ganes sem­blables et à la per­for­mance comparable. 

Un coach, pour y voir clair ?

Dans la liste des par­ties prenantes au développe­ment de l’en­tre­prise, le coach est le dernier venu. Il inter­vient pour répar­er une rela­tion employeur-employé où la con­fi­ance a dis­paru, il assiste une équipe de tra­vail qui cherche à dévelop­per une capac­ité col­lec­tive élevée, il accom­pa­gne le dirigeant à sa prise de fonc­tions pour lui per­me­t­tre d’écrire sere­ine­ment son pro­pre chapitre de l’his­toire de l’en­tre­prise, ou encore, plus récem­ment, il sou­tient l’or­gan­i­sa­tion dans ses efforts d’adap­ta­tion à son environnement.

La tâche du coach con­siste alors à stim­uler chez son client l’évo­lu­tion néces­saire pour lui per­me­t­tre de com­pren­dre et de s’adapter à des normes recon­stru­ites. Ou bien il s’a­gi­ra de mus­cler une équipe de tra­vail pour lui per­me­t­tre d’at­tein­dre ses objec­tifs, éviter l’usure, voire opti­miser l’u­til­i­sa­tion de ses pro­pres ressources.

Dans l’én­ergie aussi…
Les dernières années ont été néces­saires pour que la cul­ture et les pra­tiques man­agéri­ales des entre­pris­es du secteur énergé­tique évolu­ent : leur his­toire les a longtemps préservées de la pres­sion con­cur­ren­tielle et des muta­tions cul­turelles, en les main­tenant éloignées des marchés financiers et des pra­tiques concurrentielles.
Les pra­tiques man­agéri­ales se sont récem­ment enrichies : le coach­ing des per­son­nes est d’abord timide­ment entré dans les comités de direc­tion, avec les erre­ments que l’on peut imag­in­er, et désor­mais la fil­ière RH est en général respon­s­able des procé­dures de référence­ment des coach­es, après s’être for­mée aux tech­niques de ce nou­veau métier.
Une bonne pra­tique s’est dévelop­pée avec la ten­dance à référencer un coach pour un temps lim­ité (deux ans est un seuil courant), et l’ac­com­pa­g­ne­ment est très fréquem­ment pro­posé aux per­son­nes que l’en­tre­prise veut s’at­tach­er à long terme.

Cette pos­ture aboutit à chaque fois à une solu­tion adap­tée et per­son­nal­isée, incon­nue du coach lui-même en début de par­cours, puisqu’elle est issue d’une suc­ces­sion de pris­es de con­science et procède d’un change­ment de regard sur une sit­u­a­tion con­nue. Le coach pro­fes­sion­nel perçoit les signes sur lesquels faire grandir le niveau de con­science de son client, qu’il s’agisse d’un indi­vidu ou d’une équipe de tra­vail, par une mise en pra­tique pro­gres­sive des révéla­tions de chaque séance : il ne s’ag­it pas de con­seiller le client, mais bien de faciliter sa libre élab­o­ra­tion et l’an­crage de change­ments désirés de manière pré­con­sciente, et par­fois occultés par la pres­sion de con­for­mité du milieu ambiant, par la for­ma­tion reçue ou par une forme insti­tu­tion­nal­isée de lead­er­ship.

La durée d’une inter­ven­tion dépend de sa nature : un indi­vidu en réso­lu­tion de dif­fi­cultés avec son entre­prise requiert une dizaine de séances étalées sur une petite année, un accom­pa­g­ne­ment à la prise de poste doit rester bref, mais intense, alors qu’une équipe de tra­vail mérite un accom­pa­g­ne­ment sur deux voire qua­tre ans. Enfin, une organ­i­sa­tion souhai­tant adapter sa cul­ture a besoin d’un sys­tème plus com­plexe pour évoluer.

L’ac­com­pa­g­ne­ment par un coach révèle des poten­tiels sou­vent mécon­nus de l’en­tre­prise, qui lui sont utiles pour attein­dre ses pro­pres objec­tifs, ou pour tra­vers­er des crises, et qui ne deman­dent qu’à être val­orisés. Si la diver­sité des pro­fils et des tal­ents n’est pas une fin en soi, l’ac­cepter est dif­fi­cile, et le clon­age et la con­for­mité sont bien plus faciles à met­tre en oeu­vre. Mais en tolérant la diver­sité, puis en l’en­cour­ageant et enfin en l’u­til­isant, l’en­tre­prise et le dirigeant devi­en­nent davan­tage adapt­a­bles, et par con­séquent ils résis­tent col­lec­tive­ment aux trou­bles environnants. 

Prudence quand même…

Par­mi les coach­es, on trou­ve de tout, et cer­tains respon­s­ables sont méfi­ants à juste titre. Avec tant de final­ités var­iées et ambitieuses, les inter­ven­tions ne peu­vent être con­fiées que sous cer­taines réserves :

1. Le pro­fil du coach doit garan­tir le décideur du car­ac­tère neu­tre et bien­veil­lant de son inter­ven­tion. Au-delà des con­nais­sances théoriques en psy­cholo­gie, com­mu­ni­ca­tion, voire économie, le coach doit savoir écouter, y com­pris les émis­sions non ver­bales, et enten­dre la rela­tion instau­rée par son client. Il intè­gre ces infor­ma­tions pour établir un diag­nos­tic qu’il sait faire évoluer au cours de son inter­ven­tion. Il sait l’u­nic­ité mer­veilleuse de la per­son­ne et de l’équipe, et sait les accom­pa­g­n­er dans leur prise de con­science d’elles-mêmes. Enfin, il doit être à l’aise avec le fonc­tion­nement des organisations.

2. La déon­tolo­gie du coach doit être irréprochable et publique, et révéler ses pra­tiques pro­fes­sion­nelles (super­vi­sion, col­lab­o­ra­tion avec d’autres coach­es). La for­ma­tion d’un coach ne s’ar­rête jamais ; d’une part, chaque inter­ven­tion lui four­nit matière à se pro­fes­sion­nalis­er, qu’il va dévers­er dans un espace de super­vi­sion qui lui est propre.

La for­ma­tion d’un coach ne s’arrête jamais

Et d’autre part, il par­ticipe à des travaux de recherche, le plus pos­si­ble avec des pairs. Ce réseau de pairs lui assure en out­re de trou­ver la col­lab­o­ra­tion adap­tée pour les inter­ven­tions d’ac­com­pa­g­ne­ment d’équipe et d’or­gan­i­sa­tion, où il vaut mieux être deux a min­i­ma. Enfin, le coach sait aus­si recom­man­der un con­frère qui pour­ra mieux que lui accom­pa­g­n­er un client auquel son style ne con­viendrait pas, ou avec lequel la rela­tion de con­fi­ance se trou­verait altérée par un inci­dent de parcours.

3. Le tra­vail de développe­ment per­son­nel du coach et son équili­bre garan­tis­sent la qual­ité de l’in­ter­ven­tion. Cette con­nais­sance de soi est essen­tielle pour prévenir les inter­férences per­son­nelles, qui pour­raient à tout moment affecter l’ob­jec­tiv­ité de l’é­coute du coach. Elle est impéra­tive pour dis­cern­er les par­tic­u­lar­ités du fonc­tion­nement de l’autre et ses tal­ents. Enfin, le tra­vail sur soi doit notam­ment avoir con­duit le coach à con­naître et élim­in­er son besoin de pou­voir sur l’autre, qui pour­rait con­stituer un frein à l’au­tonomie de ses clients (cela est par­ti­c­ulière­ment sen­si­ble dans l’ac­com­pa­g­ne­ment des dirigeants). 

Des effets durables

L’ac­com­pa­g­ne­ment est un espace de prise de con­science priv­ilégié et pro­tégé par le pro­fes­sion­nal­isme du coach. L’ob­jec­tif que se donne la per­son­ne accom­pa­g­née ne pour­ra être atteint que si elle sait d’en­trée de jeu ” prof­iter ” de ce con­fort. Les résul­tats sont alors observ­ables à court terme et ancrés pour longtemps.

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