Un itinéraire polytechnique : pour quoi ?

Dossier : Formations scientifiques : le paysage françaisMagazine N°667 Septembre 2011

Sig­nataires de cet arti­cle, nous avons for­mé, depuis trois ans, un petit groupe de réflex­ion sur l’avenir de l’É­cole poly­tech­nique. Cette action informelle résulte de l’at­ten­tion pas­sion­née et dés­in­téressée que nous por­tons à l’É­cole et repose sur les expéri­ences divers­es que nous pen­sons pos­séder dans le domaine de l’en­seigne­ment supérieur et de la recherche.

Sig­nataires de cet arti­cle, nous avons for­mé, depuis trois ans, un petit groupe de réflex­ion sur l’avenir de l’É­cole poly­tech­nique. Cette action informelle résulte de l’at­ten­tion pas­sion­née et dés­in­téressée que nous por­tons à l’É­cole et repose sur les expéri­ences divers­es que nous pen­sons pos­séder dans le domaine de l’en­seigne­ment supérieur et de la recherche.
Nous avons eu l’oc­ca­sion de faire part de nos pre­mières réflex­ions à Mar­i­on Guil­lou alors qu’elle venait de pren­dre les fonc­tions de Prési­dente du Con­seil d’ad­min­is­tra­tion de l’X, puis, plus récem­ment, à cer­tains respon­s­ables des Pou­voirs publics.
Comme des déci­sions impor­tantes pour l’avenir de l’É­cole seront prob­a­ble­ment pris­es dans un proche avenir, il nous est apparu oppor­tun de pré­cis­er aujour­d’hui les prin­ci­paux élé­ments de notre analyse. Tel est le but du doc­u­ment dont voici le texte intégral.

Les auteurs

Mau­rice Bernard, ancien directeur du CNET, ancien directeur du Lab­o­ra­toire de recherche des musées de France, a dirigé l’en­seigne­ment et la recherche à l’Ecole poly­tech­nique, de 1983 à 1990.
Antoine Com­pagnon est pro­fesseur au Col­lège de France et pro­fesseur à Columbia.
Clau­dine Her­mann, pre­mière femme à être nom­mée pro­fesseur à l’Ecole poly­tech­nique, en 1992.
Jean-Claude Lehmann, ancien directeur sci­en­tifique de Saint-Gob­ain, pré­side l’As­so­ci­a­tion des anciens élèves de l’Ecole nor­male supérieure (Ulm et Sèvres),
Jean-Claude Toledano, ancien pro­fesseur à l’Ecole poly­tech­nique, a été directeur général adjoint pour l’enseignement.

Lorsque l’É­cole poly­tech­nique est créée en 1794, les hommes poli­tiques qui envoy­aient Lavoisi­er à l’échafaud pré­tendaient ”la République n’a pas besoin de savants” Le COMITE de SALUT PUBLIC pense autrement et, pour sat­is­faire les besoins civils et mil­i­taires de la nou­velle république, il crée l’É­cole Cen­trale des Travaux Publics. Par la suite l’É­cole sera, de façon récur­rente, admirée par beau­coup mais simul­tané­ment l’ob­jet de cri­tiques, de jalousies et donc d’in­ter­ro­ga­tions : l’É­cole poly­tech­nique, pour quoi faire ?

Nous nous pro­posons de ne pas répon­dre directe­ment à cette ques­tion, d’au­tant que les déf­i­ni­tions actuelles, répétées de textes en textes, après tout, ne sont pas si sottes.

Nom­bre de respon­s­ables et d’an­ciens élèves souhait­ent que l’É­cole évolue de manière à ‘être un acteur mon­di­al de pre­mier plan dans le domaine de l’en­seigne­ment supérieur et de la recherche.” Soit. On notera qu’à l’é­tranger on ne se pose pas ce type de ques­tions : Har­vard, Stan­ford, à quoi cela sert-il ? Ou si l’on se pose cette ques­tion, c’est, en fait, parce que l’on cri­tique une insti­tu­tion, son fonc­tion­nement, non sa rai­son d’être. Alors oui, posons-nous con­stam­ment la ques­tion : l’É­cole poly­tech­nique tutoie-t-elle con­stam­ment l’excellence ?

Le projet de Saclay

L’avenir de l’É­cole doit, désor­mais, être pen­sé dans le cadre du grand pro­jet du plateau de Saclay, d”inspiration jacobine. Pro­jet qui soulève cer­taines inter­ro­ga­tions :is big real­ly beautifull ? 

Depuis dix ans l’émer­gence des classe­ments type Shang­hai, béné­fique à cer­tains égards, car elle a réveil­lé nom­bre de respon­s­ables assoupis, a aus­si con­tribué à brouiller les pistes et, par exem­ple, à fauss­er com­plète­ment la vision que l’on a en France des uni­ver­sités améri­caines et de leur fonc­tion­nement. Antoine Com­pagnon, l’un d’en­tre nous, s’est récem­ment exprimé sur ce point, dans l’ar­ti­cle Lectures améri­caines, paru en 2010, dans la revue Le Débat et dont La Jaune et La Rouge a pub­lié de larges extraits dans son numéro de juin-juil­let 2011.

Pratique de l’excellence

La force des meilleures uni­ver­sités, améri­caines, suiss­es, alle­man­des, bien­tôt chi­nois­es, repose non sur la taille, mais sur la pra­tique assidue de l’excellence.

Nous pen­sons que c’est à l’aune de ces con­sid­éra­tions qu’il faut regarder les pro­jets comme Paris­Tech, les PRES, et le Cam­pus d’Or­say. Le dis­cours offi­ciel con­siste à penser que le trans­fert de divers acteurs extérieurs, alléchés par les bud­gets annon­cés, con­duiront à une ”sci­en­tif­ic Val­ley” qui, le génie français aidant, con­cur­rencera rapi­de­ment les pres­tigieuses insti­tu­tions classées en tête du classe­ment de Shang­hai ! En France Les Poli­tiques et les Amé­nageurs qui fai­saient autre­fois référence à la route 128, près de Boston et qui par­lent aujour­d’hui de la Sil­i­con Val­ley , en général ne la con­nais­sent pas et n’en com­pren­nent pas réelle­ment la genèse.

Stanford

Il faut bien savoir que per­son­ne, ni à Wash­ing­ton, ni à Sacra­men­to, n’a jamais décidé la créa­tion de la Sil­i­con Val­ley . A l’o­rig­ine Mr Leland Stan­ford, mil­lion­naire enrichi dans les chemins de fer, et sa femme Jane, pour hon­or­er la mémoire de leur fils unique, décédé très jeune de la typhoïde, fondèrent dans les dernières années du 19e siè­cle, l’u­ni­ver­sité de Stan­ford, sur une pro­priété de 8.000 acres au sud de San Fran­cis­co, sur le lieu dit Palo Alto. Ce ter­rain, par dona­tion, est inal­ién­able depuis plus de 100 ans. L’U­ni­ver­sité ne pou­vant le ven­dre, l’a très tôt loué à des entre­pris­es débutantes.

Et com­ment la physique à Stan­ford s’est-elle hissée au plus haut niveau ? Grâce à l’af­freux Mac Carthy qui, à la fin des années 40, avait telle­ment exas­péré Felix Bloch, un grand physi­cien de l’u­ni­ver­sité d’E­tat à Berke­ley, que celui-ci, avec quelques uns de ses meilleurs étu­di­ants, s’in­stal­la de l’autre côté de la Bay Area, à Stan­ford, uni­ver­sité privée.

ParisTech

Dans le même ordre d’idées il ne nous sem­ble pas que Paris­Tech puisse aller au-delà d’une mutu­al­i­sa­tion très lim­itée de cer­taines ressources, sans pou­voir touch­er aux prob­lèmes de fond mais en générant une con­fu­sion dommageable.

Les con­struc­tions humaines, comme la Sil­i­con Val­ley, ou le Géno­pole d’Evry, peu­vent se dévelop­per grâce à des con­di­tions et des cir­con­stances favor­ables, elles ne peu­vent pas être décidées par une autorité supérieure, n’en déplaise aux jacobins invétérés que sont tous les hommes poli­tiques français, de droite comme de gauche. Un de nos inter­locu­teurs, émi­nent enseignant-chercheur à Palaiseau nous con­fi­ait dés­abusé ” oui, on con­stru­it des bâti­ments sur le cam­pus, on y met­tra des chercheurs qui y res­teront trente ans ! “.

Grandeur

A la base de toute réus­site humaine, l’idée d’ex­cel­lence, de grandeur est tou­jours présente, sous une forme ou sous une autre : les pyra­mides des Pharaons, les cathé­drales de l’Oc­ci­dent chré­tien, le château de Ver­sailles, la théorie des groupes, la Mécanique quan­tique, , cer­taines insti­tu­tions, comme le Col­lège de France, etc. On observe aus­si que, dans le cas de réus­site, l’idée a été portée par un ou plusieurs per­son­nages excep­tion­nels, s’ap­puyant sur un groupe légitime dans la cité.

Pistes d’évolution

Dans la présente note on ne revien­dra pas sur les dys­fonc­tion­nements de l’É­cole. Ils ont été iden­ti­fiés et explic­ités dans de nom­breux doc­u­ments [1]. Nous voulons plutôt main­tenant, tout en gar­dant bien présentes à l’e­sprit toutes les cri­tiques avérées de l’ex­is­tant, ouvrir un débat dans la com­mu­nauté poly­tech­ni­ci­enne et pro­pos­er quelques pistes d’évo­lu­tions qui pour­raient esquiss­er les fonde­ments d’une École poly­tech­nique renou­velée, définir un nou­v­el itinéraire poly­tech­nique. Pour cela on par­ti­ra des points forts de l’ex­is­tant qui sont, nous sem­ble-t-il, au nom­bre de trois : les élèves, le corps enseignant, les laboratoires.

LES ÉLÈVES

Longtemps l’im­age de l’Ecole poly­tech­nique dans l’imag­i­naire de la Nation, c’est à dire l’im­age latente présente dans l’e­sprit de tous, enfants, par­ents, enseignants, est restée extrême­ment pos­i­tive. Vers 1850, Flaubert, dans le Dic­tio­n­naire des idées reçues, la définit ainsi :

Ecole Poly­tech­nique : rêve de toutes les mères

Près de deux siè­cles plus tard cette déf­i­ni­tion reste-t-elle aus­si juste ? Aujour­d’hui les mères ont-elles le loisir de rêver et de faire partager leurs rêves à leur entourage ? L’im­age de l’X et, plus générale­ment, l’im­age de l’it­inéraire méri­to­cra­tique nation­al évolu­ent rapi­de­ment ; pour plusieurs raisons.

La pre­mière est que l’en­seigne­ment supérieur coûte de plus en plus cher, partout dans le monde, alors qu’en France en général son coût, aujour­d’hui masqué, appa­raît dérisoire, le coût réel va rapi­de­ment appa­raître au grand jour. Le mod­èle d’é­coles for­mant des élèves rémunérés (comme l’ X, Nor­male — sup, ou l’E­NA ) ne tien­dra pas très longtemps. La con­cur­rence entre grandes écoles et main­tenant avec les uni­ver­sités va devenir de plus en plus dure. Un de nos inter­locu­teurs prédi­s­ait même que bien­tôt les enfants des dirigeants du CAC 40, après leur bac, iraient se for­mer aux EU !.

Mode de sélection

En sec­ond lieu, l’en­seigne­ment supérieur français devra rapi­de­ment attir­er des jeunes tal­entueux provenant des class­es défa­vorisées, ce à quoi l’É­cole poly­tech­nique, mal­gré quelques ini­tia­tives oppor­tunes, échoue de plus en plus, comme d’ailleurs la plu­part des autres fil­ières d’ex­cel­lence du monde occi­den­tal. Pour mon­tr­er la route l’É­cole devra résoudre un prob­lème dif­fi­cile : tout en con­ser­vant, au moins en par­tie, son con­cours d’ad­mis­sion tra­di­tion­nel dont tout le monde recon­naît que la grande sélec­tiv­ité a des mérites indé­ni­ables. Il fau­dra imag­in­er une méth­ode d’ad­mis­sion rigoureuse, mais plus ouverte et moins dépen­dante d’un pro­gramme pré­cis. Cette évo­lu­tion, l’É­cole l’a déjà amor­cée avec le recrute­ment des élèves étrangers et avec le con­cours entr’ou­vert aux étu­di­ants issus de l’u­ni­ver­sité Cette évo­lu­tion, l’É­cole doit la pour­suiv­re en étroite col­lab­o­ra­tion avec divers parte­naires et non se la faire impos­er par un envi­ron­nement hos­tile. D’au­tant que cet enjeu rejoint aus­si celui de tout l’en­seigne­ment français.

Ouverture

Enfin, si, comme nous le pro­posons plus bas, l’en­seigne­ment à l’É­cole doit devenir beau­coup plus ouvert sur des savoirs moins étroite­ment liés aux maths et aux sci­ences physiques, il fau­dra trou­ver d’autres pier­res de touche pour détecter les tal­ents de l’avenir, dans les sci­ences de la vie, les sci­ences cog­ni­tives, les sci­ences humaines et sociales, etc. les pier­res de touche de la sélec­tion ne doivent plus être exclu­sive­ment fondées sur des savoirs étroite­ment asso­ciés aux math­é­ma­tiques. En par­ti­c­uli­er le recrute­ment à par­tir d’une fil­ière ”chimie, biolo­gie, sci­ences de la vie” qui s’im­pose depuis 20 ans n’a jamais encore pu être mis en oeu­vre, tant sont pesants les con­ser­vatismes dis­ci­plinaires. Il devient urgent d’y remédier.

Il est donc très prob­a­ble que le recrute­ment à l’É­cole chang­era pro­fondé­ment dans un bref avenir. Le recrute­ment sur dossier, si étranger à la cul­ture égal­i­taire nationale, se dévelop­pera inévitable­ment. Par ailleurs on peut penser que l’É­cole poly­tech­nique pour­rait, devrait, pren­dre la tête d’un impor­tant mou­ve­ment visant à attir­er davan­tage de jeunes filles vers l’en­seigne­ment supérieur sci­en­tifique tout en lut­tant con­tre la désaf­fec­tion en Occi­dent des jeunes pour les études scientifiques.

LE CORPS ENSEIGNANT

L’É­cole, à ses débuts, a eu comme pro­fesseurs les meilleurs savants de l’époque, Mon­ge, Ara­go, Cauchy, Ampère, Pois­son, Gay-Lus­sac, etc. L’ex­cel­lence qui était restée à peu près la règle tout au long du XIXe siè­cle a subi une éclipse dans la pre­mière moitié du siè­cle passé, excep­té en math­é­ma­tiques où on relève encore un excel­lent Paul Levy.

Depuis la fin de la deux­ième guerre mon­di­ale le niveau s’est con­sid­érable­ment relevé et de grands sci­en­tifiques ont enseigné rue Descartes et à Palaiseau : Louis Lep­rince-Ringuet, Lau­rent Schwartz, Bernard Gre­go­ry, Louis Michel, Jacques-Louis Lions, etc.

Excellentes candidatures

Aujour­d’hui encore, il faut se réjouir que toute ouver­ture de poste d’en­seignant à l’X sus­cite d’ex­cel­lentes can­di­da­tures, français­es, voire étrangères. Pourquoi ? Trois raisons principales :

  • Le salaire asso­cié, même s’il n’est guère com­péti­tif avec les sommes offertes par cer­taines grandes uni­ver­sités étrangères, reste encore sig­ni­fi­catif dans le con­texte national
  • Les étu­di­ants sont en moyenne excellents,
  • Le titre de ”pro­fesseur à l’É­cole poly­tech­nique” est recher­ché et con­stitue, pour une car­rière hexag­o­nale, un atout de poids.

Ces trois raisons fondent-elles la prin­ci­pale moti­va­tion des enseignants actuels de Poly­tech­nique ? Can­di­date-t-on à l’É­cole, avant tout pour faire car­rière ? Assuré­ment non, tout au moins pas tous. Cepen­dant, ces voca­tions oppor­tunistes mal­heureuse­ment ne sont pas rares : elles doivent être dénon­cées et ban­nies. Une cul­ture essen­tielle doit con­duire les pro­fesseurs à penser l’É­cole avant leur car­rière, le suc­cès de celle-ci découlant de la réus­site de celle-là.

Temps partiel

Très peu nom­breux sont les enseignants plein temps, c’est-à-dire qui n’ont pas une autre activ­ité d’en­seigne­ment ou de recherche en dehors de l’É­cole. De sorte que, pour la très grande majorité des enseignants, leur charge à Palaiseau est sec­onde dans l’ensem­ble de leur activ­ité pro­fes­sion­nelle et, en par­ti­c­uli­er, leur activ­ité de recherche est sou­vent extérieure à l’É­cole. Pis encore, cer­tains, quoiqu’oc­cu­pant un emploi temps plein de l’É­cole, n’y passent pas la moitié de leur temps. De là résulte que l’en­seigne­ment et la recherche, sur le cam­pus de l’X, restent des activ­ités dis­jointes, ce qui n’est pas de mise dans l’en­seigne­ment supérieur de notre temps.

Certes dans cer­tains cas, rares et bien iden­ti­fiés, il peut être béné­fique pour l’É­cole qu’une per­son­nal­ité extérieure apporte un cer­tain con­cours à l’en­seigne­ment et à la recherche, mais le cumul, pra­tiqué à grande échelle, depuis longtemps, en France en général, et en par­ti­c­uli­er à l’X, doit être éradiqué, sans faiblesse.

Projet pédagogique

Il en résul­tera immé­di­ate­ment que tout recrute­ment à l’É­cole devra se faire dans le cadre d’un pro­jet conçu à l’É­cole, secrété par ses forces vives, et donc validé et porté par la direction.

Dans les années 30, Louis Lep­rince-Ringuet s’établit à l’É­cole avec une ambi­tion claire. Dans les années 60 Lau­rent Schwartz choisit d’en­seign­er les math­é­ma­tiques à Poly­tech­nique avec un objec­tif pré­cis. Cette logique doit découler des statuts d’une école rénovée. Il est indis­pens­able que la gou­ver­nance future de l’É­cole arrive à implanter cette cul­ture, en dehors de laque­lle il n’y a pas de per­spec­tive d’excellence.

Pluridisciplinarité

Par ailleurs l’É­cole doit pren­dre pied dans des dis­ci­plines nou­velles à intro­duire dans un champ d’ad­mis­sion des élèves élar­gi, comme nous l’avons dit, mais aus­si présentes, comme nous allons le voir plus bas, dans les équipes de recherche implan­tées à Palaiseau. Le spec­tre des com­pé­tences req­ui­s­es du corps enseignant qui s’est déjà beau­coup élar­gi depuis sa créa­tion, devra s’élargir encore. D’au­tant plus que le cur­sus lié à un itinéraire poly­tech­nique mod­ernisé doit s’é­ten­dre sur 4 ans, et même plus pour ceux qui fer­ont un doc­tor­at. Il s’ag­it là d’achev­er une révo­lu­tion que la réforme X‑2000, insti­tuée par Pierre FAURRE, avait amor­cée, sans pou­voir la men­er à son terme.

Il faut ajouter qu’un tutorat très effi­cace devra devenir la règle, de sorte que l’in­térêt des élèves pour leurs études soit très accru par rap­port à la sit­u­a­tion actuelle, et que soit plus effi­cace leur ori­en­ta­tion professionnelle.

Nous pen­sons que l’É­cole devra redéfinir son pro­jet péd­a­gogique et s’ap­puy­er sur la cul­ture qui est la sienne depuis tou­jours, pour for­mer des diplômés réelle­ment aptes à relever les défis pluridis­ci­plinaires que pose le monde, tou­jours plus com­plexe, où nous vivons, Le défi sera de ren­dre com­pat­i­ble un appro­fondisse­ment pro­fes­sion­nel incon­testable avec la capac­ité à franchir les fron­tières entre spé­cial­ités. L’X est prob­a­ble­ment l’une des insti­tu­tions au monde qui sont les mieux pré­parées à don­ner cette formation.

LA RECHERCHE

Aujour­d’hui les lab­o­ra­toires présents sur le site de Palaiseau relèvent, pour la plu­part, par­tielle­ment de l’É­cole elle-même, mais aus­si simul­tané­ment d’in­sti­tu­tions divers­es, du CNRS presque tou­jours, dont relèvent tous les per­son­nels des lab­o­ra­toires, mais aus­si d’in­sti­tu­tions asso­ciées. C’est ain­si que le LMD (Lab­o­ra­toire de métrolo­gie dynamique) est un lab­o­ra­toire com­mun à l’X et à l’ENS-ULM, que le LMS (Lab­o­ra­toire de mécanique des solides) est com­mun aux Mines, aux Ponts et à l’X, etc. Ces cou­plages sont pour elle un atout, à con­di­tion d’être par­tie prenante de la stratégie de l’École.

Le rôle du CNRS est cru­cial pour les chercheurs qu’il éval­ue et dont il con­trôle les car­rières, pour les équipes aux­quelles il attribue des moyens. C’est là une organ­i­sa­tion illogique et per­verse qui dére­spon­s­abilise la gou­ver­nance de l’É­cole dans sa poli­tique de recherche. Comme la sit­u­a­tion est iden­tique dans toutes les uni­ver­sités français­es on peut penser que des textes règle­men­taires vien­dront prochaine­ment pro­longer la loi LRU de l’été 2007 et mod­i­fi­er cet état de chose.

Questions clés

Le prob­lème prin­ci­pal reste de pou­voir répon­dre à deux ques­tions précises :

  1. Com­ment situer les divers­es équipes actuelles de Palaiseau dans la recherche mon­di­ale ? Lesquelles sont réelle­ment au pre­mier niveau, lesquelles sont seule­ment hon­or­ables ? L’ab­sence de l’X par­mi les prix Nobel depuis plus de cent ans (à l’ex­cep­tion de Mau­rice Allais, 1988) et par­mi les médailles Fields est inquié­tante. On notera que l’É­cole n’est l’ob­jet d’au­cune éval­u­a­tion glob­ale (enseigne­ment et recherche), comme le sont Nor­male Sup, le Col­lège de France et bien d’autres. Une éval­u­a­tion des départe­ments enseigne­ments recherche, éval­u­a­tion appro­fondie, donc indépen­dante et inter­na­tionale, doit être mise en route dans les meilleurs délais, de même qu’un comité inter­na­tion­al d’ori­en­ta­tion stratégique devrait rapi­de­ment voir le jour.
  2. Quel type de recherche doit-on priv­ilégi­er à Palaiseau ? Fon­da­men­tale, ori­en­tée, appliquée ou applica­tive ? Aux EU des insti­tu­tions comme Cal­tech ou le MIT ont mon­tré que le vrai choix est celui de l’ex­cel­lence. La recherche fon­da­men­tale est indis­pens­able au pres­tige sci­en­tifique qui est néces­saire pour asseoir le pres­tige inter­na­tion­al de l’in­sti­tu­tion et attir­er les meilleurs pro­fesseurs pour qu’ils pour­suiv­ent sur le cam­pus leur activ­ité de recherche. La recherche applica­tive est essen­tielle si l’on con­tin­ue, à juste titre, de voir l’X comme une école d’ingénieurs

Un doc­u­ment, inti­t­ulé Recom­man­da­tions pour la recherche à l’X dans le cadre du futur cam­pus Poly­tech­nique, doc­u­ment pro­duit par Jean-Claude LEHMANN et Arnold MIGUS, dans le cadre de la mis­sion con­fiée récem­ment à Mar­i­on GUILLOU par le Pre­mier Min­istre, sur l’avenir de l’É­cole, répond à ces deux ques­tions essen­tielles. Il fig­ure en annexe.

CONCLUSION

L’É­cole devra veiller à assur­er la cohérence de la for­ma­tion poly­tech­ni­ci­enne. Suiv­re un itinéraire poly­tech­nique, c’est d’abord acquérir durant les pre­mières années à Palaiseau, les out­ils néces­saires à la réelle pluridis­ci­pli­nar­ité que requiert la com­plex­ité du monde d’au­jour­d’hui et que les élèves, dans leurs dernières années à Palaiseau, appren­drons à pra­ti­quer. Aus­si l’X doit-elle redéfinir ce socle com­mun de savoirs et de com­pé­tences qui, à sa nais­sance, en était la car­ac­téris­tique originale.

Une autre révo­lu­tion doit inter­venir pour faire de l’Ecole, dans le champ de l’en­seigne­ment supérieur et de la recherche, l’ac­teur mon­di­al que l’on souhaite : être présent dans la plu­part des champs du savoir ; non seule­ment les domaines que sous-ten­dent les math­é­ma­tiques, la physique, la chimie, l’in­for­ma­tique, mais aus­si dans cer­tains rel­e­vant des sci­ences du vivant, des sci­ences humaines et sociales. Tous les prob­lèmes que ren­con­tr­era notre espèce seront de plus en plus des prob­lèmes qui devront être abor­dés à par­tir de dis­ci­plines divers­es. Telle était l’am­bi­tion de ceux qui l’ont conçue et fondée en 1794 dans l’e­sprit des Lumières, ambi­tion plus néces­saire que jamais, dans un monde tou­jours plus complexe.

Statut militaire

Inévitable­ment, la ques­tion de la tutelle de l’É­cole se posera. Il faut pren­dre en compte une tra­di­tion deux fois cen­te­naire qui ne fut inter­rompue que quelques années, durant l’Oc­cu­pa­tion alle­mande, lors de la Deux­ième Guerre mon­di­ale. Ce rat­tache­ment au Min­istère de la Défense présente plus d’a­van­tages que d’in­con­vénients. Notam­ment il apporte aux élèves un envi­ron­nement de qual­ité, dont un encadrement humain qui n’a pas d’équiv­a­lent dans les autres insti­tu­tions d’en­seigne­ment supérieur français­es ou étrangères : il faut donc le con­serv­er. Par ailleurs il serait de l’in­térêt général que la Défense de la Nation retire beau­coup plus de l’É­cole : recrute­ment de cadres du plus haut niveau et de com­pé­tences mul­ti­ples et, surtout qu’elle développe des parte­nar­i­ats priv­ilégiés avec cer­tains lab­o­ra­toires de l’École.

D’ailleurs nous recom­man­dons que le Min­istère de la Défense décide que la présence de chaque per­son­nel tra­vail­lant sur le site de l’É­cole résulte d’un con­trat per­son­nel. Un tel con­trat défini­rait de manière pré­cise les droits et oblig­a­tions des per­son­nels tra­vail­lant sur le site : avan­tages pro­pres à un cam­pus mod­erne, devoir de réserve, par­tic­i­pa­tion à la vie de l’É­cole et à l’en­cadrement des élèves, con­tribuant ain­si à ce que, dans la for­ma­tion des élèves en 4 ans, les lab­o­ra­toires et les autres struc­tures asso­ciées, jouent un rôle accru. De sorte qu’en­fin à l’X l’en­seigne­ment et la recherche ne soient plus des domaines disjoints.

Nouvelle gouvernance

Ce qui précède mon­tre que l’É­cole devra à court terme ouvrir une série de chantiers et y men­er des réformes appro­fondies qui ne peu­vent s’en­vis­ager que si elle est dotée d’une gou­ver­nance pro­fes­sion­nelle, du meilleur niveau. Ce qui exige de pou­voir attir­er à sa tête une per­son­nal­ité excep­tion­nelle qui saura s’en­tour­er d’une équipe pro­fes­sion­nelle, pleine­ment légitime à l’in­térieur comme à l’ex­térieur, et qu’il dis­pose des moyens matériels et humains nécessaires.

[1][ Par­mi les très nom­breux textes qui abor­dent la ques­tion des dys­fonc­tion­nements de l’É­cole, on se bornera à citer :
  • Où va l’É­cole poly­tech­nique ? , rap­port de Mau­rice Bernard au Con­seil d’Ad­min­is­tra­tion de l’X, octo­bre 1990
  • Présen­ta­tion du Con­seil sci­en­tifique de la Défense 1990–1992. Ce rap­port, il y a près de 20 ans, dénonçait déjà la coupure entre enseigne­ment et recherche et le dés­in­térêt de la Défense pour la recherche dans les lab­o­ra­toires de Palaiseau.
  • Rap­port du con­seil d’en­seigne­ment et de recherche, par J.C Lehmann, décem­bre 2005
  • Sur l’évo­lu­tion de l’É­cole poly­tech­nique par Antoine Com­pagnon, Philippe Kouril­sky, Jean Claude Lehmann, Jean Claude Tolé­dano, Mau­rice Bernard, avril 2009
  • Rap­port de Chris­t­ian Geron­deau , mars 2010
  • Rap­port du groupe Lureau, mis­sion­né par l’AX et la Fon­da­tion de l’X, juin 2010,
  • Com­plé­ment au rap­port de la mis­sion con­fiée à Mar­i­on Guil­lou( annexe ci-dessous)

NOTE ANNEXE

Quelques recommandations pour la recherche à l’X dans le cadre du futur Campus Polytechnique et du Plateau de Saclay

Jean-Claude Lehmann et Arnold Migus, 17 févri­er 2011

Modèles existants et changements en cours en France

Les grandes uni­ver­sités à tra­vers le monde se voient attribuer un dou­ble rôle de pro­duc­tion et de trans­mis­sion des con­nais­sances. Pour favoris­er ce développe­ment des con­nais­sances, l’at­tri­bu­tion des finance­ments se fait à tra­vers la com­péti­tion, le choix des pro­jets financés reposant sur le mérite sci­en­tifique et non sur des argu­ments poli­tiques ou économiques. Ceci n’ex­clut cepen­dant pas de rechercher une per­ti­nence d’ensem­ble de l’ac­tiv­ité d’un étab­lisse­ment (ou d’un pays) au regard de ce que l’on attend de sa recherche.

La recherche par­ticipe à tra­vers la renom­mée des travaux pour­suiv­is au ray­on­nement inter­na­tion­al de l’étab­lisse­ment.

Cette recherche de haut niveau repose en pre­mier lieu sur la capac­ité à attir­er des enseignants de pre­mier plan qui effectuent leurs travaux de recherche sur place et trou­vent dans ces uni­ver­sités d’ex­cel­lence les moyens dont ils ont besoin (locaux, instal­la­tions et équipements de pointe, envi­ron­nement stim­u­lant…), y com­pris des finance­ments suff­isants, au départ assurés par l’Université.

Ce mod­èle, qui s’est révélé con­struc­tif, est à la base des grandes réformes que l’on voit en Europe, par exem­ple en Alle­magne, en Angleterre ou désor­mais en France. Le Col­lège de France, les écoles d’ingénieurs comme l’X ou les organ­ismes de recherche comme le CNRS ont ini­tiale­ment été créés pour con­tourn­er le con­ser­vatisme et les carences des uni­ver­sités. L’au­tonomie récente des uni­ver­sités est un proces­sus qui vise à met­tre les uni­ver­sités au cen­tre du dis­posi­tif de la recherche et de l’en­seigne­ment supérieur. Il ne peut s’en­vis­ager que dans la durée. Les réor­gan­i­sa­tions qui en découlent créent de nou­velles oppor­tu­nités. C’est le cas du Plateau de Saclay et de sa com­posante située au niveau du Cam­pus Poly­tech­nique (dénom­mé suiv­ant les cas, Cam­pus Palaiseau, ou Paris-Tech Sud).L’X ne peut se situer que dans ce con­texte et par rap­port à ce con­texte. Il faut en out­re soulign­er que met­tre en place un ensem­ble d’ac­tiv­ités de recherche pro­pre à répon­dre à une poli­tique d’étab­lisse­ment explicite est un proces­sus qui ne peut s’en­vis­ager que dans la durée.

Spécificités de la recherche actuelle à l’X

En principe, les étab­lisse­ments cal­i­brent leur recherche en fonc­tion de la for­ma­tion qu’elles veu­lent dis­penser. L’Ecole n’a pas en fait su ou pu choisir de mod­èle entre celui de l’ENS, qui forme des jeunes des­tinés à effectuer de la recherche et donne une pri­or­ité absolue à la recherche fon­da­men­tale, et l’Ecole des Mines qui tra­vaille prin­ci­pale­ment avec le monde de l’en­tre­prise. La recherche de l’X, au demeu­rant recon­nue comme bonne sinon très bonne au niveau inter­na­tion­al, a depuis l’in­stal­la­tion sur le site de Palaiseau été de fait large­ment struc­turée par le CNRS qui y a repro­duit ses sché­mas habituels : qual­ité en recherche fon­da­men­tale et val­ori­sa­tion des résul­tats quand cela est pos­si­ble. L’éven­tail des dis­ci­plines est large y com­pris en sci­ences sociales et humaines, mais la struc­tura­tion en est clas­sique autour des dis­ci­plines traditionnelles.

Un autre con­stat s’im­pose : la recherche à l’X est coupée de l’en­seigne­ment et tout sem­ble fait pour qu’é­tu­di­ants et chercheurs ne se ren­con­trent pas. Con­traire­ment aux USA par exem­ple, la présence des étu­di­ants dans les lab­o­ra­toires est extrême­ment faible.

La recherche : un élément déterminant de la stratégie de l’École ?

Cette ques­tion n’est ni anodine ni déplacée. Elle con­di­tionne en effet le rôle que l’on veut voir jouer à l’Ecole dans le futur. 

Si l’X doit évoluer vers une école qui se con­tente de sélec­tion­ner les meilleurs élèves de leur généra­tion pour faire de ses mieux classés des fonc­tion­naires con­cur­rents aux diplômés de l’E­NA, la dimen­sion recherche est peut-être sans grande importance.

Si au con­traire, l’Ecole doit for­mer les élites de la nation de demain, c’est-à-dire :

  • des jeunes qui, out­re le défi, pour cer­tains, de faire pro­gress­er les con­nais­sances, ont le gout de l’en­tre­pre­nar­i­at et du développe­ment technologique,
  • des jeunes qui, que cela soit dans l’en­tre­prise, l’ad­min­is­tra­tion, la défense ou la poli­tique, sont capa­bles d’ap­préhen­der eux-mêmes, en plus du con­texte soci­ologique, juridique ou de marché, les argu­ments sci­en­tifiques et tech­nologiques qui motivent et motiveront de plus en plus cer­taines des déci­sions les plus importantes,

alors la recherche de l’Ecole est pri­mor­diale et le tra­vail en lab­o­ra­toire doit apporter sa con­tri­bu­tion à cette formation.

La recherche est indis­pens­able pour l’Ecole et son mod­èle péd­a­gogique par­ti­c­uli­er ; elle n’a pas unique­ment voca­tion à attir­er un corps enseignant de qual­ité mais doit par­ticiper directe­ment à l’ac­qui­si­tion de com­pé­tences et à la for­ma­tion des élèves pour aller vers un enseigne­ment basé sur l’ex­péri­men­ta­tion, la réal­i­sa­tion et la recherche. 

Le corps enseignant de l’École doit désormais assurer le lien entre recherche et enseignement sur le site

Ce qui assure en général le mieux le lien entre recherche et enseigne­ment est la pos­si­bil­ité, pour un étu­di­ant, de pou­voir ren­con­tr­er ses pro­fesseurs au sein même des lab­o­ra­toires, et d’avoir ain­si un con­tact avec la recherche. Les pro­fesseurs, chercheurs dans l’étab­lisse­ment, se sen­tent alors totale­ment inté­grés à sa stratégie (dont peut d’ailleurs dépen­dre leur pro­pre salaire !). Or le corps pro­fes­so­ral actuel de l’Ecole est pour une large part con­sti­tué d’en­seignants bril­lants et com­pé­tents, mais extérieurs à l’étab­lisse­ment et pour qui la charge de maître de con­férence ou de pro­fesseur à l’X con­stitue à la fois un com­plé­ment de rémunéra­tion et un titre envié à faire appa­raître sur un cur­ricu­lum vitae : aujour­d’hui, l’Ecole compte seule­ment 80 enseignants chercheurs sur 1600 présents sur le site de l’École.

On ne pour­ra faire l’é­conomie d’une évo­lu­tion, sinon d’une rup­ture sur ce point. Les enseignants doivent en effet être les por­teurs de la stratégie de l’étab­lisse­ment, se sen­tir totale­ment impliqués par elle et chargés de l’en­richir et de la pro­mou­voir. Con­cer­nant le lien entre for­ma­tion et recherche, l’Ecole doit donc s’en­gager dans une stratégie à long terme de recrute­ment d’en­seignants dont l’ac­tiv­ité de recherche soit réal­isée dans un lab­o­ra­toire du site (X, Cam­pus Poly­tech­nique ou Plateau de Saclay), sans que ceci n’ex­clue évidem­ment d’at­tir­er pour un enseigne­ment spé­ci­fique une per­son­nal­ité extérieure exceptionnelle.

La pop­u­la­tion d’en­seignants per­ma­nents au sein de l’Ecole doit être dévelop­pée, par exem­ple en exter­nal­isant plus les fonc­tions de sou­tien. Il est pour cela néces­saire de créer d’ores et déjà un flux d’en­trées-sor­ties d’en­seignants, par exem­ple par des postes con­tractuels trans­for­més après quelques années en postes per­ma­nents pour les meilleurs.

Quels schémas pour une recherche spécifique à l’École ?

La recherche à l’X doit évoluer pour cou­vrir un spec­tre large, allant d’une excel­lente recherche fon­da­men­tale dans quelques dis­ci­plines jusqu’à une recherche à voca­tion claire­ment tech­nologique (ce qui est tout à fait dif­férent d’une sim­ple val­ori­sa­tion des résul­tats de la recherche fondamentale).

Si la for­ma­tion s’ap­puie naturelle­ment sur les dis­ci­plines de base que sont les math­é­ma­tiques, la physique, la chimie, la biolo­gie…, la réal­ité des tech­nolo­gies est totale­ment trans­ver­sale à cette notion de dis­ci­plines : c’est l’én­ergie, l’en­vi­ron­nement, la com­mu­ni­ca­tion, la san­té… La recherche doit refléter cette réal­ité, qui com­prend d’ailleurs tou­jours une forte com­posante de sci­ences humaines.

La recherche doit attir­er les indus­triels, futurs employeurs des élèves. La recherche peut aus­si con­stituer un lieu de ren­con­tre impor­tant entre indus­triels, chercheurs et élèves. Pour cela, il ne suf­fit pas d’at­tir­er quelques indus­triels, mais il est néces­saire que des indus­triels du monde entier aient envie de venir voir ce qui s’y passe.

Les lab­o­ra­toires de l’Ecole doivent devenir comme dans toutes les grandes uni­ver­sités inter­na­tionales des lieux d’at­trac­tion pour les élèves, soit parce qu’ils sont intéressés par la recherche elle-même, soit parce qu’ils trou­vent un plaisir par­ti­c­uli­er à les fréquenter et que cela stim­ule leur imag­i­na­tion et com­plète utile­ment les con­nais­sances. L’X devrait se fix­er comme objec­tif d’in­ven­ter ce que sera la recherche de demain, dans un monde où la place de la sci­ence et de la tech­nolo­gie est dev­enue un enjeu plus com­plexe et plus évo­lu­tif qu’au siè­cle dernier.

Ain­si, par exem­ple, cer­tains lab­o­ra­toires devraient se voir con­fi­er des objec­tifs explicite­ment tech­nologiques sur des thèmes trans­ver­saux trou­vant leur orig­ine dans les grands enjeux actuels de société : énergie et envi­ron­nement, sci­ences de la vie et bien être, nou­velles tech­nolo­gies souten­ables (durables), infor­ma­tion et com­mu­ni­ca­tion, etc.

  • Devraient égale­ment être dévelop­pées des activ­ités de démon­stra­teur, ana­logues à ce qui se fait au Media Lab du MIT, ou à ce que réalisent les con­struc­teurs auto­mo­biles avec les con­cepts cars.
  • Quand à la recherche fon­da­men­tale, elle ne devrait se main­tenir que sur la base de critères abso­lus d’o­rig­i­nal­ité et d’ex­cel­lence, lais­sant à d’autres étab­lisse­ments le soin de la dévelop­per dans toutes les disciplines.

Une autre façon d’ex­primer cet équili­bre serait de con­sid­ér­er que la recherche à l’X devrait être à env­i­ron 80% de type inté­gra­tive et à 20% de type ana­ly­tique.

Enfin, afin de main­tenir sou­p­lesse, goût du risque et de l’in­no­va­tion, on pour­rait, au lieu de nou­veaux lab­o­ra­toires, con­stru­ire un hôtel à pro­jet qui devrait pou­voir accueil­lir des étu­di­ants ou de jeunes chercheurs souhai­tant tester une idée tech­nologique orig­i­nale et éventuelle­ment la con­duire jusqu’à la créa­tion d’une start-up.

Afin d’aug­menter la flu­id­ité des lab­o­ra­toires et en faire venir de nou­veaux en fer­mant des anciens, l’Ecole

  • devrait revoir la struc­ture en départe­ments qui appa­raît peut-être trop rigide par rap­port à ce qui fait la dynamique de la recherche
  • ne devrait retenir la struc­ture en UMR que pour les rares lab­o­ra­toires qui le jus­ti­fient, autour de grands équipements par exem­ple, afin de pass­er à un mod­èle sou­ple d’équipes con­cur­rentes se partageant des équipements, col­lab­o­rant entre eux ou non.
  • devrait dépass­er le critère d’ex­cel­lence académique comme unique paramètre de recrute­ment des enseignants chercheurs et recruter à très bon niveau tout en struc­turant une stratégie de recherche ori­en­tée sur la technologie.

Cette stratégie pour­rait soit rester pro­pre à l’É­cole Poly­tech­nique soit plus naturelle­ment être partagée avec les autres acteurs du Plateau et d’abord avec ceux du site du Cam­pus Poly­tech­nique. L’É­cole n’ayant en effet qu’une taille rel­a­tive­ment mod­este et étant entourée de nom­breux autres étab­lisse­ments sur le plateau et dans la val­lée, doit, sans renon­cer à sa stratégie pro­pre, pren­dre en compte une vision plus glob­ale de la recherche sur l’ensem­ble de ces sites.

En con­clu­sion, la dénom­i­na­tion de l’École doit être val­orisée à l’é­gard des autres acteurs de recherche du cam­pus. Con­cer­nant l’in­té­gra­tion de la dimen­sion recherche dans la for­ma­tion, il est demandé à l’École de met­tre en place un jeu d’indi­ca­teurs à même de mesur­er les con­tacts à aug­menter entre l’é­tu­di­ant et le milieu de la recherche. Con­cer­nant la stratégie de recherche, il sera néces­saire de définir un cer­tain nom­bre de pro­jets por­teurs à même de fédér­er les équipes de recherche autour de quelques thé­ma­tiques fortes. Tout en restant attaché à l’im­pli­ca­tion forte des organ­ismes de recherche, un élar­gisse­ment aux acteurs com­pé­tents du cam­pus sera recher­ché. L’École doit être force de propo­si­tion et inté­gra­teur de pro­jets de recherche grâce aux alliances nouées par le cen­tre de recherche.

La recherche de l’École polytechnique, élément fédérateur du site

Si l’Ecole doit avoir sa pro­pre stratégie de recherche, la recherche doit égale­ment être perçue comme un extra­or­di­naire élé­ment fédéra­teur entre les écoles, un ciment entre des étab­lisse­ments habitués à vivre de manière autonome. Par exem­ple, si on veut aller loin en matière de démon­stra­teur tech­nologique, on est obligé de penser asso­ci­a­tion entre parte­naires com­plé­men­taires du site. En atti­rant beau­coup plus d’élèves et d’in­dus­triels dans les lab­o­ra­toires, ce type de recherche per­me­t­tra d’al­i­menter le bud­get de l’étab­lisse­ment et de ses parte­naires tout en main­tenant une très forte vis­i­bil­ité académique indis­pens­able au niveau international.

Parce qu’il a actuelle­ment le cen­tre de recherche le plus struc­turé et le plus recon­nu sur le plan académique, l’X a un devoir vis-à-vis de ses parte­naires du site : il doit, sans être hégé­monique, con­stituer le noy­au de la recherche du Cam­pus Poly­tech­nique et un facil­i­ta­teur de l’in­té­gra­tion des pro­jets de recherche avec les acteurs qui l’entourent.

La recherche à l’in­star de la for­ma­tion doc­tor­ale doit être mutu­al­isée entre tous les parte­naires du site et acquérir un label Cam­pus Polytechnique. 

2 Commentaires

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Michel Ros­tag­natrépondre
1 septembre 2011 à 15 h 05 min

Bra­vo !
Bra­vo aux auteurs de cet arti­cle, juste de bout en bout. Le rap­pel lim­i­naire du mépris des sans-culottes pour les savants mon­tre que la ques­tion de l’u­til­ité poli­tique du sci­en­tifique tran­scende l’his­toire. Com­ment, aujour­d’hui, ren­dre les savants “désir­ables” par le pou­voir ? Sans doute en le con­va­in­quant — si c’est pos­si­ble — qu’il a mieux à faire qu’à vivre sur la bête en gérant le déclin de son pays, mais qu’il peut, comme la France révo­lu­tion­naire, con­quérir de nou­velles posi­tions à la mesure de l’éter­nelle jeunesse du génie français.
Mer­ci aus­si d’avoir, à la lumière de l’ex­péri­ence US, rap­pelé que “big isn’t beau­ti­ful”. C’est un con­stat utile à l’heure où l’on s’ap­prête à com­pil­er les boîtes à chaus­sures sur le plateau de Saclay, dont HEC, Renault et Danone don­nent une triste préfiguration.
La ques­tion de l’a­ban­don relatif de la dom­i­nante sci­en­tifique dans l’en­seigne­ment à l’X ayant été posée en ter­mes crus (rap­port Géron­deau), en écho à cer­taines réformes récentes du lycée qui ont fort juste­ment ému la Con­férence des grandes écoles, il me sem­ble qu’une ques­tion cru­ciale est de savoir quoi enseign­er, et com­ment, aux X. Qu’on inocule un peu ou beau­coup de bio, de H2S et de san­té dans un enseigne­ment dom­iné par les sci­ences ex du 19ème siè­cle est excel­lent. Mais le dénom­i­na­teur com­mun de tout cela ne devrait-(il pas être l’ini­ti­a­tion à la com­plex­ité (terme souligné à juste titre dans la note)? Dans cet ordre d’idée, un pan­el de probas, de théorie de l’in­form­la­tion, de théorie des jeux, d’é­colo­gie et de lin­guis­tique (con­fir­mée expéri­men­tale­ment par une dernière année à l’é­tranger, si pos­si­ble en Chine ou dans un univers lin­guis­tique com­plète­ment dif­férent du nôtre) trans­formerait des taupins passés maîtres dans l’art du raison­nem­rent déduc­tif en experts de la com­plex­ité, sans pour autant les avoir seule­ment bal­adés au gré d’aimables vul­gar­i­sa­tions. Cette ques­tion de la com­plex­ité, soulignée déjà par Mar­i­on Guil­lou, est au coeur du pro­jet des corps de l’E­tat. Nous seri­ons intéressés à con­naître la vision des auteurs sur ce point.
Michel Ros­tag­nat, X 75, délégué général, Union des ingénieurs des ponbts, des eaux et des forêts

Mau­rice BERNARD (48)répondre
27 septembre 2011 à 6 h 53 min

Réponse à Michel ROSTAGNAT qui souligne que nous n’avons guère p
Le mot COMPLEXITE, mot-valise s’il en fut, ne nous a guère inspirés. Mais, bien sûr, nous sommes tout à fait con­va­in­cus de la com­plex­ité du monde actuel et de celle des prob­lèmes qu’il pose, ce qui devra être pris en compte dans le pro­jet éducatif. 

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