Un geste vers les créateurs innovants et leurs investisseurs

Dossier : Fiscalité : les nouvelles formulesMagazine N°687 Septembre 2013
Par Jacques-Charles FLANDIN (59)

Les investis­seurs de pre­mier rang se soucient rarement des impli­ca­tions fis­cales de leur apport

Autant il est rel­a­tive­ment facile de trou­ver quelques finance­ments pour démar­rer une activ­ité tra­di­tion­nelle, autant cela devient extrême­ment com­pliqué pour celui qui sort des sen­tiers bat­tus. L’innovation implique la plu­part du temps que le marché n’a pas été défriché, que le pro­duit est encore en phase expéri­men­tale et que le créa­teur n’a pas l’expérience d’un gestionnaire.

Le créa­teur va donc se tourn­er vers son envi­ron­nement immé­di­at et il va sol­liciter sa famille, ses proches et quelques amis, ce que l’on appelle le love mon­ey. Ces investis­seurs de pre­mier rang se soucient rarement des impli­ca­tions fis­cales de leur apport, pas plus que le créateur.

REPÈRES
En octo­bre 2012, le gou­verne­ment a décidé bru­tale­ment d’imposer à l’impôt sur le revenu les plus-val­ues de ces­sion des start-ups. De nom­breuses voix se sont élevées pour soulign­er l’impact négatif qu’une telle mesure allait entraîn­er dans les créa­tions et les finance­ments de jeunes entre­pris­es innovantes.
Après un pre­mier et timide pas en arrière en décem­bre, c’est en jan­vi­er 2013 que les « assis­es de l’entreprenariat » ont été lancées par le min­istre délégué chargé des Petites et Moyennes Entre­pris­es, de l’Innovation et de l’Économie numérique. Elles ont débouché sur divers­es mesures inci­ta­tives, per­me­t­tant en par­ti­c­uli­er d’investir dans des PME non cotées. Annon­cées en avril dernier, elles devraient s’appliquer à la loi de finances 2014.

Faire décoller l’entreprise

Ou bien le pro­jet ne débouche sur rien de solide, ou bien il sem­ble pou­voir réus­sir. Dans le pre­mier cas, le créa­teur et ses amis auront per­du du temps, de l’énergie et leur argent, mais les sommes en jeu sont faibles et cela n’aura générale­ment pas de con­séquences catastrophiques.

L’expansion de l’entreprise néces­site l’apport de nou­veaux capitaux

Dans le sec­ond cas, le créa­teur va avoir besoin d’un accom­pa­g­ne­ment et c’est là que les busi­ness angels vont pou­voir inter­venir pour l’aider à con­cré­tis­er un busi­ness plan solide, pour lui apporter les com­plé­ments d’information indis­pens­able, l’assistance tech­nique, juridique ou com­mer­ciale, les con­tacts utiles et les finance­ments nécessaires.

Dans le meilleur des cas, le créa­teur d’entreprise a su se faire con­seiller pour con­stituer une société, il a sol­lic­ité un incu­ba­teur, il a con­sti­tué une équipe, il s’est entouré des com­pé­tences indis­pens­ables et il recherche des finance­ments. Les busi­ness angels vont l’aider à faire décoller l’entreprise en appor­tant les cap­i­taux nécessaires.

Passer au stade supérieur

Jusque-là, les ques­tions fis­cales ne posent pas de prob­lèmes par­ti­c­uliers. Il n’y aura pas de dif­férences nota­bles avec ceux que ren­con­tre une entre­prise nor­male en activ­ité. La société va pou­voir béné­fici­er des aides clas­siques telles que le Crédit d’impôt inno­va­tion ou le statut de Jeune entre­prise inno­vante. Elle sera soumise à des con­trôles fis­caux ou soci­aux comme toutes les entre­pris­es. C’est lorsque l’entreprise voudra ou devra pass­er à un stade supérieur que les dif­fi­cultés vont surgir.

La société va devoir pren­dre en compte les ques­tions fis­cales et les abor­der sous deux angles par­fois diver­gents : celui du fon­da­teur et celui de ses action­naires (les busi­ness angels en par­ti­c­uli­er). En effet, l’expansion de l’entreprise va, selon toutes prob­a­bil­ités, néces­siter l’apport de nou­veaux cap­i­taux. Le vol­ume de ces cap­i­taux va prob­a­ble­ment impli­quer l’entrée de nou­veaux action­naires. Ceux-ci vont sou­vent exiger la sor­tie des busi­ness angels, et même éventuelle­ment du fon­da­teur. Qui dit sor­tie, dit ces­sion de parts sociales et les points de vue des uns et des autres ne sont pas for­cé­ment les mêmes.

Les mesures
La pre­mière mesure est la créa­tion d’un PEA-PME qui con­sis­tera à aug­menter de 132 000 à 150 000 euros le pla­fond du PEA et à per­me­t­tre d’ajouter un sup­plé­ment de 75 000 euros con­sacré à des investisse­ments dans des PME non cotées. Ensuite a été con­fir­mé le main­tien du principe de la soumis­sion des plus-val­ues de ces­sion au barème de l’impôt sur le revenu.
Cepen­dant, deux régimes sim­pli­fiés de référence ont été précisés.
Un régime de droit com­mun selon lequel les plus-val­ues pour­ront béné­fici­er d’un abat­te­ment en fonc­tion de la durée de déten­tion (0% pour une déten­tion de moins de deux ans, 50% pour une déten­tion supérieure à deux ans mais inférieure à huit ans et 65 % pour une déten­tion supérieure à huit ans).
Un régime inci­tatif avec des abat­te­ments majorés : une exonéra­tion totale lors du départ à la retraite du dirigeant ou en cas de ces­sion intrafa­mil­iale ; aucun abat­te­ment en cas de déten­tion de moins d’un an ; un abat­te­ment de 50% pour une déten­tion de un à qua­tre ans, de 65% pour une déten­tion de qua­tre à huit ans et de 85 % pour une déten­tion supérieure à huit ans.

Pas d’aménagement pour les minoritaires

Jusqu’à l’été 2012, les règles fis­cales étaient rel­a­tive­ment sim­ples. Les busi­ness angels cédaient leurs actions avec une plus-val­ue (ou une moins-val­ue). Les plus-val­ues étaient impos­ables selon le régime clas­sique d’imposition avec éventuelle­ment util­i­sa­tion du prélève­ment libéra­toire, les moins-val­ues pou­vaient venir en com­pen­sa­tion des plus-val­ues selon des modal­ités bien con­nues. Leur seule con­trainte, pour con­serv­er les avan­tages des défis­cal­i­sa­tions dont ils avaient prof­ité, était de réin­ve­stir les sommes reçues dans les douze mois. Pour les fon­da­teurs, c’était la même chose, à ceci près qu’ils n’avaient pas d’obligation de réemploi.

D’autres sug­ges­tions
Les « assis­es de l’entreprenariat » ont débouché sur de nom­breuses autres propo­si­tions qui auraient été rel­a­tive­ment faciles à met­tre en oeu­vre. Elles n’ont pas été repris­es dans les déci­sions. Et pour­tant, ce sont ces petites déci­sions qui facilit­eraient con­sid­érable­ment la vie des por­teurs de pro­jets et des busi­ness angels.
Pourquoi impos­er aux Sociétés d’investissement de busi­ness angels (SIBA) d’avoir deux salariés au bout de deux ans d’existence alors qu’elles n’ont aucun besoin d’avoir du per­son­nel, étant gérées par des bénévoles ?
Pourquoi lim­iter à 50 le nom­bre d’actionnaires de ces sociétés alors que l’appel pub­lic à l’épargne ne se déclenche qu’à par­tir de 150 ?
Pourquoi les sociétés civiles, qui béné­fi­cient presque toutes de la trans­parence fis­cale, ne peu­vent-elles pas en béné­fici­er dès qu’il s’agit d’investissement collectif ?
Bien d’autres sug­ges­tions ont émané de la cen­taine d’experts, y com­pris une propo­si­tion de met­tre sur pied une struc­ture de col­lab­o­ra­tion per­ma­nente entre les admin­is­tra­tions et la société civile.

En octo­bre 2012, le gou­verne­ment a décidé que les plus-val­ues entr­eraient dans la base impos­able à l’impôt sur le revenu, qu’il s’agisse du fon­da­teur ou des investis­seurs. Quelques abat­te­ments étaient prévus en fonc­tion de la durée de con­ser­va­tion des titres.

Devant les protes­ta­tions des « pigeons », un pre­mier retour en arrière a don­né quelques avan­tages aux fon­da­teurs, mais les investis­seurs minori­taires que sont les busi­ness angels n’ont eu droit à aucun aménagement.

Un intense lob­by­ing, tant des por­teurs de pro­jets que des investis­seurs, a amené le min­istre délégué chargé des Petites et Moyennes Entre­pris­es, de l’Innovation et de l’Économie numérique à lancer, en jan­vi­er 2013, les « assis­es de l’entreprenariat ». Organ­isées autour de neuf groupes de tra­vail aux­quels ont par­ticipé plus d’une cen­taine de per­son­nes, ces assis­es ont abouti à une présen­ta­tion des résul­tats et des déci­sions par le prési­dent de la République lui-même à l’Élysée le lun­di 29 avril.

Ces nou­velles mesures devraient s’appliquer au plus tard dans la loi de finances de 2014. Mais il faut encore que tout cela soit mis en forme puis voté par le Par­lement et fasse ensuite l’objet des décrets d’applications que le min­istère des Finances ren­dra for­cé­ment restrictifs.

Bref, une poli­tique qui se cherche encore mais surtout une prise de con­science que ce sont les entre­pris­es qui créent de la richesse et qu’il faut renou­vel­er en per­ma­nence le tis­su entrepreneurial.

Poster un commentaire